Cass. crim., 26 mars 1998, n° 97-80.043
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schumacher
Rapporteur :
M. Roger
Avocat général :
M. Amiel
Avocat :
Me Parmentier
Statuant sur les pourvois formés par :
- JANKOVIC Lubisa,
- Z... Hélène, épouse JANKOVIC, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 5 décembre 1996, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre Daniel Y..., a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction constatant l'extinction de l'action publique du chef d'infraction à la législation sur les sociétés et disant n'y avoir lieu à suivre du chef d'abus de confiance ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3, du Code de procédure pénale, en vertu duquel le pourvoi est recevable ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les époux X... ont porté plainte avec constitution de partie civile le 26 octobre 1993 contre Daniel Y..., président du conseil d'administration d'une société anonyme, qui aurait fait transférer abusivement au nom de son fils des actions appartenant pour un quart indivis à Hélène Z..., épouse X... ;
Qu'après avoir mis en examen Daniel Y... pour défaut de communication de documents aux actionnaires et abus de confiance, le juge d'instruction a constaté l'extinction de l'action publique, par application de l'article 2 de la loi d'amnistie du 3 août 1995, du chef de la première infraction et dit n'y avoir lieu à suivre du chef de la seconde ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 440, 1°, 442 à 445 de la loi du 24 juillet 1966, 199, 201, 202, 427, 575, 6°, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Daniel Y... du chef d'entrave à la participation aux assemblées d'actionnaires des sociétés anonymes ;
"aux motifs que l'infraction de non-communication de documents sociaux aux actionnaires, prévue par l'article 444 de la loi du 24 juillet 1966, ne saurait faire obstacle à la participation de ceux-ci à une assemblée générale et constituer le délit de l'article 440, 1°, de ladite loi; que, par conséquent, la non-convocation d'actionnaires à une assemblée générale et la non-communication de documents, pour des faits antérieurs au 18 mai 1995 dont le juge d'instruction est saisi, constituent deux infractions distinctes amnistiées par l'article 2 de la loi du 3 août 1995 à raison du quantum de la peine d'amende les réprimant (arrêt, pages 4 et 5) ;
"alors que l'entrave à la participation aux assemblées d'actionnaires se réalise non seulement par la violence ou par un obstacle matériel à l'assistance aux assemblées, mais encore par toute manoeuvre frauduleuse ayant pour objet et pour effet d'empêcher un actionnaire de participer auxdites assemblées; qu'en l'espèce, pour dire n'y avoir lieu à suivre de ce chef à l'encontre de Daniel Y..., la chambre d'accusation s'est déterminée par la seule circonstance que la non-communication de documents sociaux aux actionnaires ne faisait pas obstacle à la participation de ceux-ci à une assemblée générale, et que cette infraction constituait, avec la non-convocation des actionnaires, deux infractions distinctes amnistiées; qu'en statuant ainsi, sans répondre au chef péremptoire du mémoire des parties civiles, qui faisait valoir que ces deux infractions - certes distinctes - témoignaient, par leur cumul, de la volonté délibérée du prévenu d'empêcher purement et simplement les époux X... de participer aux assemblées d'actionnaires, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise en ce qui concerne l'extinction de l'action publique du chef de défaut de communication de certains documents sociaux aux actionnaires, l'arrêt attaqué, après avoir observé qu'une telle infraction n'empêche pas leur participation à une assemblée générale et ne saurait, dès lors, constituer le délit de l'article 440, 1 , de la loi du 24 juillet 1966, énonce que "la non-convocation d'actionnaires à une assemblée générale et la non-communication de documents", alléguées par le mémoire des parties civiles appelantes, "constituent deux infractions distinctes amnistiées" ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, le délit consistant à empêcher sciemment un actionnaire de participer à une assemblée d'actionnaires, sanctionné par l'article 440, 1 , de la loi du 24 juillet 1966 de peines d'emprisonnement et d'amende, se distingue par ses éléments constitutifs, tant matériel qu'intentionnel, du défaut de convocation à une assemblée et du défaut de communication de documents, infractions prévues par les articles 442 à 445 de ladite loi et passibles uniquement de peines d'amende ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 406 et 408 de l'ancien Code pénal, 85, 86, 199, 201, 202, 427, 575, 6°, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Daniel Y... du chef d'abus de confiance ;
"aux motifs, propres, que le délit d'abus de confiance ne peut être reproché au mis en examen en sa qualité de président d'une société anonyme, auquel le pacte social ne confère aucun mandat de cession des actions de la société, actions dont il ne pouvait, par ailleurs, être dépositaire, s'agissant de titres dématérialisés; que l'alinéa 4 de l'article 408 de l'ancien Code pénal en vigueur au moment des faits, incriminant l'abus de confiance commis par un rédacteur d'acte dans la mesure où il affecte le prix d'une transaction, est inapplicable en l'espèce (arrêt, page 5) ;
"et aux motifs, adoptés du premier juge, qu'il est reproché à Daniel Y..., président-directeur général de la société immobilière Château de Tal Moor SA, d'avoir, à l'occasion de l'exercice de son mandat social, mis frauduleusement au nom de son fils, Hervé Y..., 1 250 actions dépendant de l'ex-indivision Rosier, alors qu'il savait que la partie civile Hélène Z..., épouse X..., était propriétaire d'un quart indivis desdites actions; que Daniel Y... n'a pas contesté les droits revendiqués par Hélène X... sur le quart de l'indivision Rosier; que les faits reprochés ne sauraient s'analyser comme un abus de confiance, dès lors que les actions dont la partie civile aurait été dépossédée n'ont été remises au président de la SA du Château de Tal Moor, ni au titre de son mandat social, ni au titre des autres contrats visés par l'article 408 du Code pénal en vigueur au moment de la commission des faits (ordonnance, page 2) ;
"alors que, dans leurs mémoires, les parties civiles ont expressément fait valoir que seul le président du conseil d'administration d'une société anonyme, représentant légal mandaté à cet effet par les associés en vertu du pacte social, est habilité à effectuer les formalités légales nécessaires au transfert des actions, dont l'inscription doit être effectuée dans les registres des titres prévus à l'article 205 du décret du 23 mars 1967; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance que le pacte social ne confère au président du conseil d'administration aucun mandat de cession des actions de la société, pour en déduire que les actions remises au prévenu en fraude des droits d'Hélène X... n'avaient pas été transférées au titre d'un des contrats visés à l'article 408 de l'ancien Code pénal, sans répondre à ce chef péremptoire des mémoires des parties civiles, la décision attaquée ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors que le devoir d'instruire auquel sont astreintes les juridictions d'instruction ne cesse, suivant les dispositions de l'article 86, alinéa 3, du Code de procédure pénale, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale; qu'en l'espèce, il est constant que, si, aux termes d'un arrêt du 23 novembre 1995, statuant sur une requête du prévenu en nullité d'actes de la procédure, la chambre d'accusation a rejeté ladite requête et ordonné la poursuite de l'instruction, le magistrat instructeur n'a effectué aucun acte d'instruction entre la date de cette décision et son ordonnance de non-lieu du 30 septembre 1996; qu'ainsi, en confirmant cette ordonnance, sans ordonner de nouvelles mesures d'instruction, permettant notamment d'examiner les faits, reconnus par le prévenu, sous d'autres qualifications pénales, la chambre d'accusation, qui a méconnu l'obligation qui était la sienne d'instruire sur les faits dont elle était saisie, a violé les textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre du chef d'abus de confiance, la chambre d'accusation, après avoir analysé les faits, objet de l'information, et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a énoncé les motifs de fait et de droit pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis le délit reproché, ni aucune infraction pénale ;
Attendu que le moyen, qui se borne à contester ces motifs, ne comporte aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de la chambre d'accusation, en l'absence de recours du ministère public ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.