Livv
Décisions

CA Reims, 1re ch. sect. civ., 9 juillet 2019, n° 18/01546

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Banque CIC Est (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maussire

Conseillers :

Mme Mathieu, M. Lecler

Avocat :

Me Harir

T. com. Sedan, du 19 juin 2018

19 juin 2018

Le 21 décembre 2012, la banque Cic Est (la banque) a consenti à la société par actions simplifiée Flo Optic, représentée par X…, un prêt d'un montant de 800.000 euros remboursable en 84 mensualités au taux de 4.05% sur la période 15 janvier 2013 au 15 janvier 2019. Ce prêt était destiné au financement de l'acquisition par la société Flo Optic des parts de la société Optique A… et la société Maflog.

En garantie du prêt consenti à la société Flo Optic, cette dernière a prévu au bénéfice de la banque :

- une garantie Oséo à hauteur de 50% ;

- un nantissement de 1.000 parts sociales de la société Maflog;

- un nantissement de 3278 actions de la société Optique A….

Au surplus, X… et Y… (les époux Z…) se sont tous deux portés cautions solidaires et indivisibles de la société Flo Optic dans la limite de 288.000 euros sans pouvoir dépasser 30% de l'encours couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 108 mois.

Par acte de cession du 21 décembre 2012, la société Flo Optic, a acquis :

- 3.278 titres de la société Optique A… émanant de F… (1661 titres), D… Wachez épouse A… (1002 titres), E… (287 titres) et G… (328 titres), actionnaires.

- 1.000 parts représentant la totalité du capital social de la société Maflog émanant de J… (600 parts), et son épouse (400 parts).

Le prix global de vente des titres est fixé à 4.700.000 euros, soit un prix de 1.433,49 euros par titre de la société Optique A…, et 1 euro par titre (part) de la société Maflog, payable comme suit :

1/ Prix déterminé avec paiement comptant partiel à concurrence de 2.600.000 euros :

- prix partiel comptant de 800.000 euros suivant réalisation du concours consenti à Flo Optic par la Banque,

- solde comptant de 1.800.000 euros par remontée de trésorerie de la société Optique A… au profit de la société Flo Optic et libération du capital de cette dernière à concurrence de 350.000 euros,

2/ Solde du prix déterminé, avec paiement à terme de :

- 1.400.000 euros sous la forme d'un crédit amortissable immédiatement sur une durée de 10 années au taux de 4.05% par fraction mensuelle soit la somme de 14.207,61 euros hors frais et assurance, la première échéance intervenant le 28 février 2013 et ensuite tous les 28 du mois,

- 700.000 euros sous la forme d'un crédit in fine au taux de 4.05% avec différé d'amortissement du capital sur une durée de 7 années commençant à courir au terme du financement consenti par la banque. La part d'intérêts soit la somme de 198.372,33 euros sera réglée immédiatement et sur une durée de 7 années par fraction mensuelle de 2.361,57 euros, la première échéance intervenant le 28 février 2013 et ensuite tous les 28 du mois.

En garantie de paiement du solde du prix :

- les époux Z… se sont portés cautions solidaires et indivisibles à concurrence de la somme de 150.000 euros garantie ;

- a été inscrite une hypothèque conventionnelle sur le bien immobilier des époux Z… et sis 7 Allée des peupliers à Francheville, à concurrence de 150.000 euros au profit des époux A…, en troisième rang derrière la Société Générale ;

- une garantie a été donnée sous forme d'un nantissement afin de garantir du solde du prix des titres.

Les époux Z… ont remis une convention de nantissement de premier rang portant sur 100% des titres de la société Holding Flo Optic et un nantissement de second rang sur 3.278 actions de la société Optique A… et en premier rang sur les 1.000 parts de la société Maflog.

Le 21 décembre 2012, s'est tenue l'assemblée générale de la société Optique A….

Le président a :

- expliqué que l'assemblée est appelée à délibérer sur l'ordre du jour suite à la démission de F…, à effet du jour ;

En deuxième décision :

- pris acte de la démission de ses fonctions de directeur général de H…, et décidé de nommer en qualité de directeur général de la société X… à compter du jour,

- autorisé le nouveau gérant à nantir l'ensemble des parts sociales au profit de la banque par suite de l'emprunt accordé par cette dernière à la Société Flo Optic, qui est le nouvel associé de la société Optique A…, et agréé tous cessionnaires éventuels en cas de mise en jeu de la garantie,

- conféré tous pouvoirs au porteur de copies ou d'extraits certifiés conformes des présentes à l'effet d'effectuer tous les dépôts et publications nécessaires et remplir toutes les formalités légales et administratives dont il pourrait être requis.

Le 21 décembre 2012, s'est tenue l'assemblée générale de la société Flo Optic, représentée par X… et I…, seuls et uniques associés, associée unique de la société Maflog, société à responsabilité limitée au capital de 10.000 euros divisé en 1.000 parts de 10 euros chacune.

L'assemblée a été présidée par F…, gérant de la société.

L'assemblée générale a :

- pris acte de la démission de F… de ses fonctions de gérant à compter du jour, et décidé de nommer en qualité de nouveau gérant I… pour une durée illimitée,

- investi I… des pouvoirs des plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans les limites de l'objet social,

- autorisé le nouveau gérant à nantir l'ensemble des parts sociales au profit de la Banque par suite de l'emprunt accordé par cette dernière à la société Flo Optic qui est le nouvel associé de la société Maflog et agrée tous cessionnaires éventuels en cas de mise en jeu de la garantie.

Le 20 juin 2013 est intervenu un nantissement des parts sociales entre Flo Optic et la banque sur 1.000 parts de 1 euro chacune de la société Maflog.

Le 7 août 2013, est intervenue une déclaration de nantissement de compte, de titres financiers entre la société Flo Optic et la banque, désignation et coordonnées du teneur du compte nanti s'il n'est pas tenu auprès de la Banque elle-même : Optique A… 3.278 actions d'Optique A… en valeur unitaire de 1.433,49 euros, estimation totale selon derniers cours ou valeurs connus: 4.699.000 euros.

Le 7 août 2013 est intervenue une attestation de nantissement Optique A…, teneur du compte nanti et Flo Optic le constituant, au bénéfice de la banque.

Le 29 janvier 2015, par acte de transfert avec substitution en pleine propriété des actions de la société Flo Optic par attribution et en exécution d'un nantissement, Monsieur A… a fait réaliser le nantissement des parts sociales de la société Flo Optic, lequel avait été consenti lors de la cession du 21 décembre 2012 par les époux Z….

Ainsi, Monsieur A… a pris le contrôle de la société Flo Optic qui se retrouve débitrice de 1.913.591,13 euros,

Monsieur A… a accepté de procéder à la mainlevée du cautionnement hypothécaire consenti par les époux Z… sur leur maison d'habitation.

L'acte de réalisation du nantissement des 35.000 actions de la société Flo Optic au profit de M. A… a emporté corrélativement son extinction, et la mainlevée de l'inscription prise à la requête de Monsieur A… auprès du greffe du tribunal de commerce de Sedan en date du 7 mars 2013, auprès duquel la demande de mainlevée et de radiation sera effectuée.

Monsieur Z… a démissionné à l"instant de ses fonctions de président de la société Flo Optic.

Par jugement en date du 14 Y… 2016, le tribunal de commerce de Sedan a placé la société Flo Optic en liquidation judiciaire,

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 Y… 2016, la banque a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Flo Optic pour un montant à titre privilégié de 460. 124,29 euros outre intérêts.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 Y… 2016, la banque a mis en demeure les époux Z… en leur qualité de caution de payer la somme de 138.037,29 euros.

Par assignation en date du 14 juin 2016, la banque a attrait les époux Z… devant le tribunal de commerce de Sedan pour demander en dernier lieu de :

- condamner solidairement des époux Z… à régler la somme de 138.037,29 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,05% à compter du 28/04/16 jusqu'à parfait règlement, outre de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 19 juin 2018, le tribunal de commerce de Sedan a :

- dit que les cautions données à la banque le 21 décembre 2012 par les époux Z… sont "conformes et exécutables",

- dit que les époux Z… sont bien des cautions averties et a rejeté leur demande,

- dit recevable et bien fondé la banque en toutes ses fins et demandes,

- dit les époux Z… mal fondés en leurs demandes et les en a déboutés,

- condamné solidairement les époux Z… à payer la somme de 138.037,29 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,05% à compter du 28 Y… 2016 jusqu'au parfait règlement,

- condamné in solidum les époux Z… à payer à la banque la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le tribunal a estimé que :

Sur le manquement de la banque au devoir de mise en garde :

- les époux Z… n'en sont pas à leur première souscription de prêt bancaire, et sont des cautions averties de par leurs expériences en la matière,

- les époux Z… ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude en ayant fait une déclaration sincère, et n'apportent pas la preuve que l'éventuel manquement reproché aurait été réalisé de manière intentionnelle,

Sur la garantie Oséo ;

- le contrat de prêt a été souscrit par Monsieur Z… en sa qualité de représentant de la société Flo Optic et les époux Z… en ont paraphé chaque page en leur qualité de caution, démontrant leur consentement,

- les époux Z… n'ont pas apporté la preuve du manquement d'information de la banque,

- les époux Z… "n'en sont pas leur premier prêt contracté" (sic) ;

Sur la disproportion :

- l'établissement bancaire était en droit de se fier aux indications données par les cautions sur leur situation financière, en l'absence d'anomalies apparentes ;

- les époux Z… n'apportent aucun élément démontrant une disproportion entre leurs engagements et leurs biens et revenus au jour de la souscription ;

Sur les nantissements :

- le 7 août 2013, la banque a régularisé une déclaration de nantissement des comptes de titre financiers sur lesquels étaient inscrites les 3278 actions nanties de la société Optique A…;

- le 21 décembre 2012, jour du contrat de prêt, la société Flo Optic a en conclusion du contrat de cession offert en garantie aux cédants le nantissement des 3278 actions de la société Optique A… ;

- le 29 mars 2016 la société Flo Optic, (propriétaire de 100 % des actions de la société Optique A…, nanties au profit de la banque) a démissionné de la présidence de la société Optique A…, en raison de sa perte de qualité d’associé ;

- les époux Z… n'apportent aucun élément démontrant une disproportion entre les engagements qu'ils ont souscrit et leurs biens et revenus au jour de la souscription,

- en qualité de créancier privilégié, la banque n'a pas été tenu informée de la cession des actions de la société Optique A…, et n'a rien reçu sur le prix de la vente.

Le 16 juillet 2018, les époux Z… ont interjeté appel de ce jugement.

Le 14 mai 2019, a été rendu l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées :

- le 7 mai 2019 par les époux Z…, appelants ;

- le 19 Y… 2019, par la banque, intimée.

Par voie d'infirmation intégrale du jugement, les époux Z… réitèrent l'ensemble de leurs prétentions initiales, tant principales que subsidiaires, et demandent la condamnation de la banque à leur payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Les époux Z… exposent que :

- le défaut d'information de la caution sur la portée et l'objet réel de la garantie Oséo, notamment par rapport aux cautionnements, entraîne nécessairement la réticence dolosive de la banque, qui a vicié leur consentement au cautionnement ;

- les charges déclarées par les époux Z… dans les questionnaires de solvabilité laissent manifestement apparaître la démesure de leur engagement au regard de leur capacité contributive, sachant que le patrimoine estimé est sans aucun doute surévalué ;

- au titre de son obligation de mise en garde, la banque étant redevable d'un devoir de conseil qu'elle n'a manifestement pas rempli, elle a commis une faute qui ouvre droit à indemnisation, à l'égard de cautions devant être considérées comme non averties ;

- le nantissement de parts sociales de la société Optique A… au profit de la banque, stipulé au contrat de crédit, n'a jamais fait l'objet d'une quelconque publication : soit il n'a jamais existé, soit il a été levé, ce qui constitue dans les deux hypothèses une faute de la banque de nature à décharger les cautions de leurs obligations, les parts sociales de la société Optique A… étant actuellement nanties auprès du Trésor Public;

- alors que la banque avait objecté que le nantissement des parts sociales de la société Optique A… ne serait pas envisageable à raison de sa forme de société par action simplifiée, pour aboutir à un nantissement de comptes de titres financiers, les cautions répliquent que le nantissement des comptes titres financiers n'est pas spécifique aux sociétés par actions simplifiées, dont les actions peuvent également être nanties ;

- les époux Z… ont légitimement cru que la banque prenait un nantissement des parts sociales ou d'actions de la société Optique A… ;

- la circonstance que les époux Z… aient également consenti un nantissement des parts sociales de la société Optique A… au profit des époux A…, au titre de la garantie du crédit vendeur est inopérante : en effet, ce dernier nantissement était un nantissement de second rang, tandis que le nantissement de la banque était un nantissement de premier rang ;

- les époux Z… n'ont pas été rendus destinataires des courriers d'information annuels engendrant ainsi la déchéance du droit aux accessoires de la dette conformément à l'article "2293-2" (sic) du code civil.

La banque demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, le débouté des prétentions contraires des appelants, et leur condamnation aux dépens d'appel avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer une somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La banque expose que :

- au jour de la souscription de leurs engagements de caution, les époux Z… étaient déjà tous deux dirigeants de la société Flo Optic, mais aussi acteurs essentiels de la vie de la société, et avaient déjà souscrit plusieurs crédits, de telle sorte qu'ils doivent nécessairement être considérés comme des cautions averties, à l'égard desquels elle n'était tenue à aucun obligation de mise en garde ;

- Il n'est nullement démontré que la banque avait des éléments d'information sur les revenus et le patrimoine de la société Flo Optic, ou sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles qu'elle-même ignorait ;

- la Banque n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de la société Flo Optic,

- aucune stipulation contractuelle ne peut laisser comprendre que l'intervention d'Oséo vient en diminution du risque des cautions,

- la banque n'a commis aucun manquement à son devoir d'information sur la garantie Oséo ;

- les époux Z… n'apportent aucune preuve que l'éventuel manquement reproché à la banque aurait été réalisé de manière intentionnelle par cette dernière préalablement à la régularisation du contrat ;

- au regard des éléments de leur patrimoine, les époux Z…, ne démontrent pas une disproportion manifeste des engagements de caution ;

- les époux Z… n'apportent aucun élément démontrant une disproportion entre les engagements qu'ils ont souscrit et leurs biens et revenus au jour de cette souscription ;

- les éléments fournis par les époux Z… sur leurs biens et revenus au moment de leur engagement ne comportaient pas d'anomalies apparentes ;

- le contrat de prêt n'a pas prévu au profit de la banque le nantissement du capital social de la société Optique A…, exclu par le particularisme des sociétés par actions simplifiées, et dont les parts sociales sont juridiquement inexistantes ;

- le jour même du contrat de crédit, la société Flo Optic a délibérément souscrit une garantie au profit de la banque, sans l'avertir que les 3278 actions étaient déjà nanties à l'occasion du contrat de cession au profit des époux A… ;

- de telle sorte que la banque n'aurait jamais pu faire valoir ses droits sur les actions de la société Optique A…, puisque les cédants ont réalisé leur nantissement avant la banque en raison d'un impayé affectant le crédit vendeur ;

- nul ne peut déduire l'absence d'information annuelle des cautions d'une simple question relative à la facturation des services bancaires afférents aux garanties ;

- les lettres d'information annuelles ont été produites aux débats et l'obligation de la banque est régulièrement exécutée, aucune déchéance ne pourra être prononcée.

MOTIVATION :

Sur le manquement de la banque à son obligation d'information envers les cautions sur les modalités et conditions d'exécution de la garantie Oséo:

Les époux Z… soutiennent que le manquement susdit de la banque doit s'analyser comme une réticence dolosive ayant vicié leur consentement à l'acte de cautionnement.

Ils sont totalement défaillants dans la démonstration du vice de consentement qu'ils allèguent.

Aucune dissimulation intentionnelle de la banque, de surcroît ayant déterminé leur consentement, n'est sérieusement démontrée.

Au contraire, il conviendra de constater que le contrat de cautionnement énonce exactement et clairement les modalités de fonctionnement de la garantie Oséo, de sorte qu'il n'existe aucun manquement à une quelconque obligation d'information.

De plus, de par l'effet relatif des contrats, c'est de manière inopérante que les époux Z…, pris en leurs qualités de caution, entendent se prévaloir des termes de la garantie Oséo, définis uniquement par le contrat de crédit unissant la banque à la société.

En outre, ce contrat de crédit (page 2 paragraphe 5.2) avait prévu expressément que les cautions ne pourraient pas se prévaloir de l'existence de la garantie Oséo pour s'opposer à la mise en jeu de leurs engagements, différer le paiement des sommes qui leur seraient réclamées, ou en réduire le montant. Il avait enfin rappelé que la garantie Oséo ne bénéficie qu'au prêteur.

Enfin, la garantie Oséo, consistant à supporter, après épuisement des recours contre le débiteur principal et la caution, la perte finale de l'établissement bancaire au prorata de sa part de risque ne bénéficie qu'à ce dernier ; cette garantie est distincte de l'engagement de caution solidaire souscrit par la caution, lequel est défini par le contrat signé avec la banque et non par les termes de la garantie Oséo (voir Cass. com., 10 février 2015, nº13-24.724).

Le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande de nullité du contrat de cautionnement en raison d'un vice du consentement.

En outre, dans le dispositif de leurs dernières écritures qui seul saisit la cour de prétentions auxquelles elle est tenue de répondre par application de l'article 954 du code de procédure civile, les époux Z… n'ont pas demandé de prononcer la nullité de leur engagement de caution pour vice du consentement par suite du défaut prétendu de la banque à son obligation d'information.

Ils se bornent en effet à demander qu'il soit dit que la banque aurait manqué à leur égard à son obligation d'information sur les modalités et conditions d'exécution de la garantie Oséo, pour en voir déduire qu'ils doivent être déchargés de leur engagement de caution.

Cependant, le manquement d'un établissement bancaire à son obligation d'information tant du débiteur principal que des cautions se résout en dommages-intérêts.

Or, les époux Z… n'ont présenté aucune demande de dommages-intérêts sur ce fondement, ni de demande de compensation avec les sommes réclamées par la banque.

Il n'y aura donc pas lieu pour la cour de répondre à ce moyen qui n'a pas été valablement articulé à la moindre prétention.

Sur le manquement de la banque au devoir de mise en garde :

A hauteur de cour, les époux Z… soutiennent que la banque a manqué à son obligation de mise en garde tant à l'égard de la société Flo Optic qu'à leur propre égard en qualité de caution.

Les premiers juges ont dit que les époux Z… étaient des cautions averties, pour retenir que la banque n'avait pas manqué à son obligation de mise en garde à leur égard et pour rejeter leur demande.

Cependant, les époux Z… n'avaient formulé aucune demande, et s'étaient bornés à soulever un moyen qu'ils n'avaient pas valablement articulé à la moindre prétention.

Il y aura lieu d'infirmer le jugement de ce chef, pour dire que la demande des époux Z… tendant à voir dire que la banque a manqué à son obligation de mise en garde est inopérante.

En effet, le manquement d'un établissement bancaire à son obligation de mise en garde tant du débiteur principal que des cautions se résout en dommages-intérêts.

Or, il est constant qu'au cours des deux instances, les époux Z… n'ont présenté aucune demande de dommages-intérêts sur ce fondement, ni de demande de compensation avec les sommes réclamées par la banque.

A hauteur de cour, de telles demandes ne figurent pas dans le dispositif de leurs dernières écritures, qui seul saisit la cour de prétentions auxquelles elle se trouve tenue de répondre par application de l'article 954 du code de procédure civile.

De la sorte, le seul constat de l'éventuel manquement de la banque à son devoir de mise en garde n'est pas de nature à écarter la prétention de celui-ci au titre de l'engagement de caution.

Il n'y aura donc pas lieu pour la cour de répondre à ce moyen qui n'a pas été valablement articulé à la moindre prétention.

Sur la disproportion des engagements de caution :

Les époux Z… font valoir la disproportion de leur engagement de caution au moment de sa souscription à leurs biens et revenus.

Ils font notamment valoir la probable surestimation de leur patrimoine, notamment s'agissant de la valeur de leur bien immobilier.

Ils produisent les justificatifs de leurs ressources et de leurs charges contemporaines de leur engagement.

Il résulte toutefois de la fiche patrimoniale qu'ils ont renseignée le 18 décembre 2012 la déclaration :

- de la perception, à eux deux, de revenus de 48 000 euros annuels ;

- de leurs charges à hauteur de 12 555 euros annuelles (charges d'emprunts 9952 euros + eau/électricité 3000 euros) ;

- de leur propriété d'une maison à usage d'habitation, évaluée à 220 000 euros, pour laquelle demeurent à payer au titre du crédit lié à son acquisition 15 339 euros.

La banque fait observer à raison que cette fiche de renseignement ne comporte aucune anomalie apparente sans contestation des époux Z… sur ce point de telle sorte qu'elle se trouvait valablement fondée à se fier aux éléments qui y étaient indiqués, sans autres vérifications.

En outre, il résulte de l'action de cession constatant la levée des conditions suspensives, passé entre la société Flo Optic et les B…, datée du 21 décembre 2012, soit au jour de l'engagement de caution des C…, que la société Flo Optic a déclaré disposer d'un capital de 350 000 euros, étant précisé que les époux Z… en possèdent la totalité du capital social.

Les époux Z… ne produisent aucun élément de nature à démontrer que le capital social de la société Flo Optic aurait dû être évalué à un montant différent de celui sus-indiqué au moment de leur engagement de caution.

Il ne résulte de ces éléments aucune disproportion manifeste de l'engagement de caution des époux Z… à leurs biens et revenus au moment de sa souscription.

Les époux Z… ne pourront pas être déchargés de leur engagement de caution sur le fondement de la disproportion de leur engagement, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la décharge de la caution par suite de la faute du créancier par suite du défaut de publication du nantissement des parts sociales d'une des sociétés devant être acquise avec le crédit consenti par la banque, et du fait de celle-ci :

Il appartient à la caution, qui invoque l'extinction de son engagement, de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier.

A l'inverse, il revient au créancier, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir que la subrogation, qui est devenue impossible par son inaction, n'aurait pas été efficace.

Les époux Z… observent que le contrat de prêt consenti le 21 décembre 2012 à la société Flo Optic par la banque avait prévu, en son article 5.3, la constitution au profit de la banque du nantissement des parts sociales de la société par actions OptiquesTillet, à raison de la totalité moins une action (soit 3278 actions),

Ils font grief à la banque de n'avoir jamais publié au registre du commerce et des sociétés le moindre nantissement des parts sociales de la société Optique A….

Ils en déduisent que le nantissement stipulé soit n'a jamais existé, soit a été levé, mais que les deux branches de cette alternative établissent chacune une faute de la banque, devant décharger les cautions de leur engagement.

La banque vient soutenir que le nantissement des parts sociales de la société Optique A…, n'était pas possible en raison de la forme sociale de la société nantie, société par actions simplifiée et du particularisme s'y attachant.

Avec la banque, il y aura lieu de convenir que les parties ne pouvaient pas procéder directement au nantissement du capital social de la société Optic A…, mais au seul nantissement du compte titre sur lequel les actions de cette société, constituant des titres financiers, étaient déposées.

Il résulte de l'article 2355 du code civil que ce n'est qu'à défaut de dispositions spéciales que le nantissement conventionnel portant sur les créances est régi par le chapitre dans lequel cet article est inséré.

Ce texte a donc vocation à régir le nantissement des parts sociales d'une société civile, d'une société à responsabilité limitée, ou d'une société en nom collectif.

Cependant, le nantissement de comptes titre est régi par les articles L. 211-20 et D 211-10 et suivants du code monétaire et financier.

Selon l'article L. 211-1 du même code, au nombre des instruments financiers, figurent effectivement les titre de capital émis par les sociétés par actions.

Il résulte en outre de l'article L. 211-2 du même code que les titres financiers comprennent les valeurs mobilières au sens de l'article L. 228-1 du code de commerce.

La banque avance que la formulation retenue par la stipulation contractuelle était erronée, et qu'il n'avait jamais été question de nantir les parts sociales de la société Optique A… à son profit.

Elle affirme en substance que cette stipulation avait pour objet de nantir le compte titre financier sur lequel étaient inscrites les 3278 actions de la société Optique A….

Elle rappelle avoir régularisé une déclaration de nantissement de compte titre financier par acte sous seing privé du 7 août 2013, effectivement produit aux débats.

Au visa des observations générales qui précèdent, il convient de retenir que la banque s'est exactement conformée à ses obligations contractuelles, nonobstant leur inexacte formulation dans le contrat de prêt.

Par ailleurs, il convient d'observer que sa déclaration de nantissement du 7 août 2013 observe en tous points les prescriptions de l'article D. 211-10 du code monétaire et financier, de sorte qu'il y a lieu de retenir la parfaite efficacité de l'inscription de ce nantissement, qui ne requiert aucune formalité de publicité.

C'est donc à tort que les époux Z… viennent faire grief à la banque de ne pas avoir publié le nantissement des parts sociales de la société Optique A….

Il conviendra d'observer que les époux Z… ne viennent imputer aucune autre faute à la banque, ayant pu notamment avoir trait à la réalisation, ou à la non-réalisation du compte titre financier nanti sur lequel étaient inscrites les actions de la société Optique A….

Il n'y aura donc pas lieu de décharger les cautions par application de l'article 2314 du code civil, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la déchéance des intérêts et accessoires de la dette :

Les époux Z… entendent se prévaloir de l'article 2293-2 (sic), en réalité de l'article 2293 alinéa 2 du code civil, qui prévoit que lorsque le cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l'évolution de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement, à date convenue entre les parties ou à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

Cependant, l'article 2293 du code civil n'est applicable qu'aux cautionnements indéfinis d'une obligation principale contractée par une personne physique. (Cass. com., 12 janvier 2010, nº08-19.268)

Or, les époux Z… se sont chacun portés caution solidaire dans la limite de 288 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard.

Il en ressort que l'engagement de caution des époux Z… était défini.

Ceux-ci sont donc mal fondés à invoquer l'application du texte susdit, et la sanction qui y est attachée.

Il y aura donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux Z… de leur demande de déchéance des intérêts et accessoires de la dette, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Il y aura donc lieu de condamner solidairement les époux Z… à payer à la banque la somme de 138 037,29 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,05 % à compter du 28 Y… 2016, date de mise en demeure, et jusqu'à parfait paiement, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Le jugement sera confirmé pour avoir débouté les époux Z… de leur demande au titre des frais irrépétibles et les avoir condamnés aux dépens et à payer à la banque la somme de 500 euros.

Les époux Z… seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel, et seront condamnés aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit du conseil de la banque, et à payer à la banque la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que X… et Y… étaient des cautions averties et a rejeté leur demande ;

Infirme le jugement de ce seul chef ;

Y ajoutant :

Déboute X… et Y… de leur demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne X… et Y… à payer à la société anonyme banque Cic Est la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne X… et Y… aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de la Scp Mcm & Associés, conseil de la société anonyme banque Cic Est, de ceux des dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.