Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 18 novembre 2021, n° 21/00018

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Compagnie Générale de Location d’Equipements (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean

Conseillers :

M. Malfre, M. Gouarin

JEX Meaux, du 10 oct. 2019, n° 19/01535

10 octobre 2019

Par jugement réputé contradictoire du 24 octobre 2011, le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne a, notamment, condamné Mme Milda B., solidairement avec M. Steve B., à payer à la Compagnie générale de location d'équipements (la CGLE) la somme de 18 931,05 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,202 % à compter du 25 août 2010 et celle de 1 euro au titre de la clause pénale.

Ce jugement a été signifié à Mme B. le 7 mars 2012 suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

En exécution de cette décision, la CGLE a fait pratiquer, le 1er avril 2019, une saisie-attribution à l'encontre de Mme B., entre les mains de la Banque postale, en recouvrement de la somme de 12 632,70 euros, saisie dénoncée le 5 avril 2019 et fructueuse à hauteur de la somme de 401,01 euros.

Suivant acte du 3 mai 2019, Mme B. a fait assigner la CGLE devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Meaux aux fins, notamment, de voir annuler l'acte de signification du jugement du 24 octobre 2011, déclarer celui-ci non avenu, annuler la saisie et en ordonner la mainlevée, subsidiairement, lui accorder des délais de paiement.

Par jugement du 10 octobre 2019, signifié le 8 décembre 2020, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Meaux a rejeté la demande de nullité de la signification, le 7 mars 2012, du jugement du 24 octobre 2011 et la demande tendant à voir déclarer celui-ci non avenu, rejeté la demande de nullité et de mainlevée de la saisie-attribution du 1er avril 2019, échelonné la dette de Mme B. en 23 mensualités d'un montant de 300 euros et une 24ème du solde de la créance (encore indéterminé), le taux d'intérêt étant réduit au taux légal, rejeté la demande d'imputer les paiements sur le capital, condamné Mme B. aux dépens et rejeté sa demande d'indemnité de procédure.

Selon déclaration du 22 décembre 2020, Mme B. a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 5 mars 2021, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué, statuant à nouveau, de juger que la signification du 18 mars 2012 portant sur le jugement du tribunal d'instance de Lagny sur Marne en date du 24 octobre 2011 est irrégulière et nulle, de juger en conséquence que le jugement du 24 octobre 2011 est caduc, d'ordonner la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 1er avril 2019, à titre subsidiaire, de juger que les actes de saisie attribution ne respectent pas les conditions prévues à l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d' exécution , de dire nul et non avenu le procès-verbal de saisie attribution du 1er avril 2019, à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement sur les délais de paiements et, en tout état de cause, de condamner la CGLE à lui verser la somme de 2500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 30 mars 2021, la CGLE demande à la cour de débouter Mme B. de son appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner l'appelante à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.

SUR CE

Sur la régularité de l'acte de signification et le caractère non avenu du jugement du 24 octobre 2011

Mme B. fait valoir qu'elle n'a changé d'adresse qu'en 2011 pour habiter 4 Grande allée de la faisanderie à Lognes, dans une rue située à 400 mètres seulement de sa précédente adresse, qu'elle avait déclaré cette nouvelle adresse aux services fiscaux et que l'huissier n'a pas recherché son lieu de travail.

Cependant, le premier juge, dont l'intimée s'approprie les motifs, a exactement relevé que l'huissier chargé de la signification du jugement du 24 octobre 2011 s'était rendu au [...], [...] à Lognes, que, sur place, aucune boîte aux lettres, ni tableau des occupants, ne mentionnait le nom de Mme B., que le gardien de la résidence lui avait déclaré que celle-ci avait quitté les lieux depuis environ trois ans sans faire connaître sa nouvelle adresse, qu'il ressortait du procès-verbal de signification dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux que l'huissier instrumentaire s'était rendu à la mairie de Lognes, au commissariat de police compétent où il n'avait pu obtenir d'autres renseignements concernant l'adresse exacte du destinataire de l'acte ou son lieu de travail et que ses recherches sur les pages jaunes de l'annuaire étaient restées vaines.

Il a considéré à juste titre qu'il n'était pas utilement contesté que l'huissier de justice s'était bien rendu en mairie, que la débitrice n'expliquait pas en quoi l'envoi d'un avis de taxe d'habitation, qui relève de l'administration fiscale, rendrait la mairie nécessairement informée de sa nouvelle adresse, qu'il ne pouvait être reproché à l'huissier significateur de ne pas avoir indiqué l'identité des personnes rencontrées à la mairie ni les services administratifs concernés.

Le premier juge a justement estimé que ces diligences étaient suffisantes au regard des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, relevant en outre que la CGLE produisait la lettre recommandée avec avis de réception adressée à Mme B., le cachet de la poste mentionnant le 8 mars 2012, soit le premier jour ouvrable suivant le jour de la signification, le 7 mars, de sorte que la signification du 7 mars 2012 devait être déclarée régulière.

En effet, comme le fait justement valoir l'intimée, l'adresse de signification est celle mentionnée au contrat de crédit du 24 juin 2008 et figurant à l'avenant du 1er mars 2010 ainsi que sur le protocole d'accord du 1er août 2011 conclus entre les parties et, en application de l'article L. 152-1 du code des procédures civiles d' exécution , les huissiers de justice ne peuvent obtenir des renseignements de l'administration fiscale lorsqu'ils ne détiennent pas un titre constatant une créance liquide et exigible.

En outre, l'appelante ne précise pas l'adresse de son lieu de travail sur lequel l'acte aurait pu lui être signifié ni ne prétend qu'elle était connue du créancier.

Sur la régularité de l'acte de saisie-attribution et le montant de la créance

Le premier juge a relevé que le procès-verbal de saisie-attribution mentionnait un principal de 11 671,03 euros et des frais (y-compris « à venir») pour 961,67 euros, soit un total de 12 632,70 euros, qui correspondait bien au montant réclamé, que l'absence de mention d'intérêts avait pour seule signification que le créancier saisissant ne réclamait pas d'intérêts au titre de cette saisie, sans que ce défaut de mention d'intérêts constitue une irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d' exécution , ni une renonciation définitive à ces intérêts.

S'agissant du montant de la créance, il a indiqué que les parties s'opposaient sur le montant des intérêts et sur celui du capital, bien qu'aucune n'explicite cette différence du capital (11 000 ou 18 000 euros), qu'aucune ne produise de décompte valable imputant de manière vérifiable des intérêts non prescrits, retenant que le juge n'avait pas pour office de reconstituer une comptabilité à la place des parties en procédant par suppositions à partir d'informations incomplètes et que le montant de la créance ne pouvait être fixé, observant que le délai de prescription des intérêts échus en vertu d'un titre exécutoire constatant un crédit à la consommation est de deux ans.

L'appelante soutient que si le juge n'est pas en mesure de constater l'existence de la créance du créancier alors même qu'il dispose d'une part d'un titre exécutoire et d'un prétendu décompte, les conditions de l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d' exécution ne sont pas réunies et le débiteur n'est pas plus à même de connaître ce qui est dû à son créancier qui, lui, est dans l'incertitude de sa propre créance, de sorte que le premier juge aurait dû tirer les conséquences de ses propres constatations et annuler l'acte de saisie.

En l'espèce, le procès-verbal de saisie-attribution mentionne les sommes suivantes :

-principal de la créance : 11 671,03 ',

-dépense antérieure : 242,01 ',

-actes de procédure : 241,17 ',

-le présent acte : 133,48 ',

-le montant du complément du droit proportionnel : 18,11 '.

Outre les frais à venir, à savoir :

-dénonciation de saisie-attribution : 106,39 ',

-signification d'acquiescement : 83,53 ',

-certificat non-contestation : 51,48 ',

-mainlevée quittance : 75,50 ',

soit un total de 12 632,70 '.

Le CGLE fait valoir que si l'huissier a omis de porter dans son décompte le montant des intérêts échus, cette circonstance n'affecte pas la réalité de la créance, qu'elle s'est « simplement privée d'intégrer le montant des intérêts échus dans le calcul des sommes au titre desquelles la saisie-attribution a été notifiée », qu'il n'en résulte aucun grief de nature à justifier l'annulation de l'acte de saisie.

Sur le montant de la créance, l'intimée expose si la saisie-attribution a été notifiée à hauteur de la somme de 12 632,70 euros alors que l'huissier a établi un décompte à la somme de 28 448,94 euros au 6 mai 2019, l'erreur n'étant pas créatrice de droit, rien n'interdisait à la CGLE de « rectifier le calcul de sa créance », dès lors que celui-ci est légitimement fondé sur le jugement du 24 octobre 2011.

La CGLE indique que sa créance s'élevait en principal, intérêts et frais à la somme de 28 448,94 euros selon décompte du 6 mai 2019, que Mme B. a procédé à trois règlements de 100, 300 et 300 euros en décembre 2019, février et mars 2021, si bien que la créance s'est trouvée ramenée à 27 748,94 euros, outre les intérêts postérieurs au 6 mai 2019.

Comme l'a justement estimé le premier juge, la circonstance que le décompte mentionné à l'acte de saisie ne comprenne pas de sommes au titre des intérêts n'affecte pas la régularité de cet acte au regard des dispositions de l'article R. 211-1 3° du codes des procédures civiles d' exécution , dès lors que le procès-verbal de saisie-attribution en cause comporte un décompte distinct des sommes réclamées en principal et au titre des frais, la cour relevant que ces sommes ne sont pas contestées par la débitrice qui ne sollicite pas le cantonnement de la saisie litigieuse.

Non autrement critiqué, le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions sauf à préciser que la saisie-attribution pratiquée le 1er avril 2019 ne saurait produire ses effets pour un montant supérieur à celui mentionné à l'acte de saisie, soit la somme de 12 632,70 euros.

Mme B., qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf à préciser que la saisie-attribution pratiquée le 1er avril 2019 ne saurait produire ses effets pour un montant supérieur à celui mentionné à l'acte de saisie, soit la somme de 12 632,70 euros ;

Condamne Mme Milda B. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.