CA Douai, ch. soc., 29 mai 2019, n° 16/04793
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Peugeot Citroën Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Soulier
Conseillers :
Mme Goutas, Mme Pachter-Wald
Exposé du litige :
La société Française de Mécanique a pour activité la production en grande série de moteurs pour l'automobile. Cette activité est réalisée sur le site de Douvrin qui emploie plus de 2500 salariés.
Depuis le 1er janvier 2016, le site de DOUVRIN est devenu un établissement de la société Peugeot Citroën Automobiles (Société PCA).
Au sein de cet établissement, les salariés travaillent en horaire de jour en semaine ainsi qu'en horaire de nuit de semaine ou de fins de semaine par le recours à des équipes de suppléance qui ont vocation à intervenir à compter du vendredi soir jusqu'au lundi matin.
L'un des salarié de l'entreprise, Monsieur J., a saisi la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de BETHUNE en mai 2014, qui a fait droit à ses demandes, en sollicitant un rappel de salaire au titre de la prime d'incommodité de nuit de semaine qui aurait dû lui être versée au taux de 22% et qui ne l'avait été qu'au taux de 21% depuis la signature d'un accord d'entreprise du 10 février 2006.
L'employeur ne s'est pas pourvu en cassation à l'encontre de ce jugement rendu en dernier ressort mais a saisi le Conseil de Prud'hommes de BETHUNE statuant au fond en remboursement des sommes versées à Monsieur J. en application de l'ordonnance de référé du 24 juin 2014.
Par ordonnance du 26 octobre 2015, le Conseil de Prud'hommes de BETHUNE l'a débouté de sa demande se trouvant dans l'incapacité de définir le taux applicable depuis mars 2006 à la prime d'incommodité de nuit de semaine.
Le 16 septembre 2014, une cinquantaine de salariés de l'entreprise, dont Monsieur Bruno S. ont saisi le Conseil de Prud'hommes de BETHUNE en demandant la condamnation de la société PCA à leur régler différentes sommes :
- à titre de rappel de salaire sur prime d'incommodité de nuit et les congés payés y afférents ;
- à titre de dommages-intérêts pour non-respect du principe 'travail égal, salaire égal',
- à titre de rappel de salaire sur prime d'incommodité de nuit du lundi matin et les congés payés y afférents ;
- à titre de rappel de salaires pour les heures à 50% et les congés payés sur rappels de salaire ;
- à titre de rappel d'indemnité de repas (panier) ;
- à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et à remettre à chacun d'eux des bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par jugement du 28 novembre 2016, le Conseil de Prud'hommes de BETHUNE a fait droit à toutes les demandes de Monsieur Bruno S. à l'exception de celles relatives :
- aux dommages-intérêts pour non-respect du principe 'à travail égal-salaire égal',
- à la ' levée' de la prescription de 3 ans en matière salariale ou à titre subsidiaire la demande d'un dol pour tricherie et tromperie.
Les motifs de la décision sont les suivants :
- l'imprécision de la rédaction de l'article 3 de l'accord de salaire de 2006 ne permettait pas d'identifier la nature des primes, ni de connaître les modalités des dits ajustements et la société PSA ne justifiant pas la baisse de 22% à 21% de la prime d'incommodité de nuit, les termes de l'accord du 26 mai 1999 restaient applicables, le taux d'incommodité de nuit devant être 22% ;
- la prime d'incommodité de nuit de 22% résultant de l'accord 'ARTT du 26 mai 1999" s'appliquait à l'ensemble des salariés de l'entreprise et en conséquence au travailleur de nuit posté le lundi de 00h00 à 06h00 ;
- les heures effectuées la nuit en semaine ouvraient droit à majoration, les heures effectuées la nuit par l'équipe de suppléance devaient être majorées dans les mêmes proportions la majoration légale de 50% s'appliquant sur le total du salaire horaire + majoration de nuit ;
- l'employeur ayant privé le salarié d'une partie des salaires qu'il aurait dû percevoir, son préjudice financier devait être indemnisé,
La société PCA a régulièrement interjeté appel de toutes les dispositions du jugement par déclaration formée au greffe par voie électronique le 23 décembre 2016.
Le calendrier de procédure établi en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile a fixé au 27 août 2018 la clôture différée et au 27 septembre 2018 l'audience des plaidoiries.
Par un arrêt du 17 mai 2018, la Cour de Cassation, statuant sur les pourvois de la société PCA à l'encontre de vingt-sept jugements du Conseil des Prud'hommes de BETHUNE rendus en dernier ressort les a rejetés considérant, sur la question du taux applicable aux incommodités de nuit de semaine, que la juridiction prud'homale avait fait une exacte appréciation des termes de l'article 3.1 de l'accord d'entreprise du 10 février 2006 en décidant que cet accord n'avait pas modifié le taux antérieur de la prime d'incommodité de nuit fixé à 22%.
Par un second arrêt du 17 mai 2018, la Cour de cassation, statuant sur les recours de la société PCA à l'encontre de trois jugements du conseil de Prud'hommes de BETHUNE rendus en dernier ressort, sur les questions de l'application de la majoration de 22% aux salariés de l'équipe de suppléance pour les nuits du lundi et de la détermination de l'assiette de calcul de la majoration de 50% due aux salariés de l'équipe de suppléance, a :
- cassé et annulé partiellement trois des jugements en ce qu'ils condamnent la société Peugeot Citroën Automobiles à payer, à titre de rappel de majoration de 22% du taux horaire pour les heures de travail effectuées par l'équipe de suppléance les lundis de 0heure à 6 heures avec renvoi devant le Conseil de Prud'hommes de LENS, les bénéficiaires de cette prime n'étant pas déterminés par l'accord de mai 1999 ;
- rejeté le second moyen de la société PCA qui faisait grief à la juridiction du fond de la condamner au paiement d'un rappel de salaire au titre de la majoration de 50% outre les congés payés afférents.
Le 13 septembre 2018, l'ordonnance de clôture avec effet différé au 27 août 2018 a été révoquée afin de permettre à l'appelante de répondre aux conclusions de l'intimé, la nouvelle clôture a été fixée au 13 mars 2019 avec renvoi de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 28 mars 2019.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 11 mars 2019 , la Société PCA demande de lui donner acte de son désistement partiel d'appel relatif aux dispositions du jugement la condamnant à verser un rappel de salaire sur prime d'incommodité de nuit outre les congés payés y afférents, sollicite l'infirmation des autres dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de BETHUNE, très subsidiairement, demande de constater les erreurs commises par le salarié dans le chiffrage de ses demandes et l'impossibilité pour la Cour de retenir celui-ci et demande la condamnation du salarié à lui régler une somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient les moyens suivants :
1)Sur les rappels de salaire sur les incommodités de nuit de semaine elle indique que ce point de litige n'est plus en débat depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 2018 ayant rejeté son pourvoi et confirmé que le taux de la prime d'incommodité de nuit versées aux équipe de semaine était de 22% et non de 21%.
2) Sur la demande d'application de la majoration de nuit aux heures réalisées le lundi matin par l'équipe de suppléance, elle fait valoir que :
- que les règles d'indemnisation du travail de nuit ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit d'un travail de nuit réalisé dans le cadre des équipes de semaine ou d'un travail de nuit réalisé dans le cadre des équipes de suppléance, c'est à dire en horaires réduits spéciaux de fins de semaine, les heures accomplies à compter du lundi à 0h00 n'ouvrant pas droit à majoration ;
- que le salarié ne rapporte pas la preuve du versement de ces incommodités de nuit aux salariés de nuit exerçant en équipe de suppléance ;
- qu'il ne peut se référer à l'accord d'entreprise du 26 mai 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail qui a réévalué le taux des incommodités de nuit propres aux salariés de semaine à 22% sans modifier le champ des bénéficiaires de ces incommodités de nuit qui ont toujours été les salariés de semaine ;
- qu'il ne peut se prévaloir du principe 'à travail égal, salaire égal' dans la mesure où les salariés travaillant en équipe de suppléance ne sont pas placés dans une situation juridique identiques à celle des travailleurs de nuit de semaine ;
- qu'il ne peut fonder sa demande sur les dispositions de l'article 4-2 de l'accord national de la métallurgie du 3 janvier 2002 qui suppose qu'il prouve sa qualité de travailleur de nuit ce qu'il ne fait pas ajouté au fait que les différents éléments de rémunération perçus par l'équipe de suppléance ( 12 et 22%) couvrent l'ensemble des obligations conventionnelles de branche et que très subsidiairement l'accord de branche prévoit non 22% du salaire de base effectif du salarié mais 15% du salaire minimum prévu pour l'intéressé par la convention collective de la métallurgie
3) Sur la demande d'inclusion de la majoration de nuit de 22% dans l'assiette de calcul de la majoration légale de 50% pour les salariés travaillant en équipe de suppléance, elle affirme que l'horaire normal figurant dans l'article L.3123-19 du code du travail est l'horaire de jour et non l'horaire de nuit en sorte que la majoration de 22% , qui peut se cumuler avec une majoration de salaire conventionnelle prévue en cas de travail de nuit qui n'a pas le même objet, ne peut être incluse dans l'assiette de la majoration légale de 50%.
4) Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice financier, elle indique que cette demande vise seulement à contourner les règles de la prescription triennale applicable en matière de salaire.
Par ailleurs, sur le moyen du dol, de la tricherie et tromperie volontaire, sa demande n'est pas recevable se heurtant aux règles de prescription biennale résultant des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, l'accord d'entreprise à l'origine du litige datant de 2006 et étant connu de tous. Sur le fond, l'existence d'un préjudice financier n'est d'ailleurs pas établie.
Par conclusions en réponse adressées par Monsieur Jean-Paul F., défenseur syndical par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 12 mars 2019, Monsieur Bruno S. demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de BETHUNE de condamner la société PCA à la régularisation des sommes allouées au titre des :
- rappels de prime d'incommodité à 22 % en semaine y compris les congés payés afférents ;
- rappels de primes d'incommodité de nuit de 0h00 à 6h le lundi y compris les congés payés,
- rappels de primes d'incommodité de nuit à 22% pour les salariés en équipe de suppléance en sus de la majoration de salaire à 50% y compris les congés payés afférents ;
- dommages-intérêts pour préjudice financier subi dans le calcul des droits à la retraite
- au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
et de dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par le défendeur en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
1) Sur les rappels de salaire sur les incommodités de nuit de semaine :
Le salarié se réfère à l'arrêt de la Cour de Cassation du 17 juin 2018 ayant rejeté le pourvoi de la société PCA et confirmé que le taux de la prime d'incommodité de nuit versées aux équipe de semaine était de 22% et non de 21%.
2) Sur l'application des incommodités de nuit aux salariés travaillant en équipe de suppléance le lundi de 00h00 à 06h :
Les salariés en équipe de suppléance y ont droit car il n'est pas établi que ces primes sont réservées aux équipes de semaine, l'application du principe 'à travail égal, salaire égal' devant conduire à étendre aux salariés travaillant en équipe de suppléance les incommodités de nuit des équipes de semaine.
Il soutient qu'il est un travailleur de nuit ayant effectué sur la période considérée plus de 320 heures de travail effectif.
3) Sur la demande d'inclusion de la majoration de nuit de 22% dans l'assiette de calcul de la majoration légale de 50% pour les salariés travaillant en équipe de suppléance :
Il fait valoir que l'horaire normal de l'entreprise est l'horaire de jour comme de nuit, que la majoration de 50% prévue par l'article L.3132-19 du code du travail est la contrepartie du travail effectué par les équipes de suppléance lorsque les autres salariés sont en repos, que l'assiette de cette majoration doit inclure la majoration conventionnelle de 22%.
4) Sur les dommages-intérêts au titre du préjudice financier :
Il soutient que l'employeur a commis un dol ou une tromperie en ramenant unilatéralement le taux de la prime d'incommodités de semaine de 22 % à 21% depuis 2006, le privant ainsi d'une partie de ses droits à la retraite.
SUR CE :
Aux termes des articles L.3122-1 et L.3122-2 du code du travail le recours au travail de nuit est exceptionnel, il prend en compte les impératifs de protection de la santé et la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique, le travail de nuit est celui qui s'effectue au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5h.
L'article L.3122-5 du code du travail précise qu'est considéré comme un travailleur de nuit, tout travailleur qui accomplit au cours d'une période de référence un nombre minimal d'heures de travail de nuit fixée, en l'absence de dispositions conventionnelles à 270 heures de travail pendant une période de douze mois consécutifs.
L'accord national de branche du 3 janvier 2002 applicable au cas d'espèce précise en son article 2 qu'est un travailleur de nuit le salarié qui effectue au moins 320 heures de travail effectif au cours de la plage horaire comprise entre 21 heures et 6 heures sur une période quelconque de 12 mois consécutifs.
L'article 4.1 de ce même accord prévoit une contrepartie sous la forme d'un repos compensateur et une majoration du salaire réel égale à 15% du salaire minimum prévu pour l'intéressé par la convention collective de la métallurgie applicable, en précisant dans l'article 4.2 que 'pour vérifier si le salarié a bénéficié de cette majoration, il sera tenu compte des éventuels avantages salariaux versés par les entreprise spécifiquement au titre du travail de nuit même lorsqu'ils sont intégrés au salaire de base et quelle qu'en soit la dénomination (majoration d'incommodité....'
L'article L. 3132-16 du code du travail dispose que dans les entreprises industrielles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que le personnel d'exécution fonctionne en deux groupes dont l'un, dénommé équipe de suppléance, a pour fonction de remplacer l'autre pendant le ou les jours de repos accordés au premier groupe.
En matière de rappel de salaire, les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail s'appliquent en sorte qu'il appartient au salarié de fournir à la juridiction des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de répondre.
En l'espèce, il est établi que les règles d'indemnisation du travail de nuit au sein de la société PSA diffèrent selon qu'il s'agit :
- d'un travail de nuit réalisé dans le cadre des équipes de semaine ouvrant droit à une prime dénommée 'incommodités de nuit' dont le taux initialement fixé à 22% a été réduit par l'employeur à 21 % depuis 2006 ;
- d'un travail de nuit réalisé par les salariés travaillant en équipe de suppléance dont le salaire de base reste le même et qui bénéficient :
* de la majoration légale de 50% ;
* d'une majoration complémentaire de 12% pour les heures réalisées en journée le samedi et le dimanche ;
* d'une majoration de 22% pour les heures réalisées de nuit (à compter de 22h) le samedi ou le dimanche à l'exclusion de la nuit du lundi de 00h00 à 6h00.
Le salarié concerné justifie avoir eu la qualité de travailleur de nuit en versant aux débats des décomptes précis du nombre d'heures de travail qu'il a réalisées durant au moins 12 mois, nombre supérieur à 320 heures.
Sur le rappel de salaire pour incommodités de nuit des salariés de semaine :
L'article 4-2 relatif aux accessoires de la rémunération de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail à la Française de mécanique du 26 mai 1999 a porté à 22% le taux des incommodités de nuit.
L'imprécision de la rédaction de l'article 3 de l'accord de salaire du 10 février 2006 qui stipulait que ' toutes les primes, heures supplémentaires et autres indexées sur le salaire de base s'en trouvent réajustées pour l'avenir 'ne permettant pas d'identifier la nature des primes, ni de connaître les modalités des dits ajustements, la cour de cassation aux termes d'un arrêt du 17 juin 2018 a rejeté le pourvoi de la société PSA aux motifs que celle-ci n'avait pas justifié de la baisse de 22% à 21% de la prime d'incommodité de nuit qu'elle avait unilatéralement décidé alors même que les termes de l'accord du 26 mai 1999 restant applicables, le taux d'incommodité de nuit devait rester fixé 22% ainsi que l'avait exactement retenu la juridiction prud'homale.
La Cour constate que la société PSA s'est partiellement désistée de son appel de ce chef.
Sur le rappel de salaire pour incommodités de nuit du lundi matin de l'équipe de suppléance :
L'article 4-2 relatif aux accessoires de la rémunération de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail à la Française de mécanique du 26 mai 1999 stipule que : 'pour atténuer l'écart de ressources consécutifs à la suppression de la nuit de cycle du dimanche à lundi, (les parties signataires) conviennent de porter la majoration pour incommodités de nuit à 22% du taux horaire''.
Ce faisant, contrairement aux affirmations du salarié, cet accord ne détermine pas les bénéficiaires de cette prime, l'employeur soutenant que ces incommodités de nuit ont toujours été uniquement versées aux salariés de nuit de semaine, l'intimé invoquant le principe 'à travail égal - salaire égal' pour obtenir l'application de cette majoration de 22% au travail de nuit du lundi 00h00 à 06h00.
Alors que les juges du fond ont été invités par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 2018 à rechercher les conditions d'attribution de la majoration de nuit dans une source de droit antérieure à l'accord du 26 mai 1999, force est de constater que ni l'employeur, ni le salarié ne versent aux débats aucune pièce nouvelle permettant à la Cour d'exclure les salariés travaillant durant la nuit du lundi des bénéficiaires de cette prime.
Pour s'opposer formellement à l'application du principe à travail égal-salaire égal, l'appelante soutient que les salariés de semaine et de l'équipe de suppléance ne seraient pas placés dans une situation identique en termes de temps de travail, les premiers travaillant à temps plein alors que les seconds seraient à temps partiels et de rémunération, les salariés de l'équipe de suppléance bénéficiant d'une majoration légale de 50% par rapport à l'horaire normal de l'entreprise.
Cependant, alors qu'il est constant que le taux conventionnel de 22% est à la fois celui des incommodités de nuit dont bénéficient les salariés de semaine en application de l'accord du 26 mai 1999 et celui de la majoration complémentaire appliquée aux heures travaillées de nuit les samedis et dimanches (entre 22 h et 6h) par les salariés des équipes de suppléance durant les fins de semaine (pièce 12- document du 17 mai 1988), les salariés travaillant durant la nuit du lundi de 00h00 à 06h00 étant donc les seuls salariés de nuit de l'entreprise à ne pas percevoir cette majoration complémentaire de 22% ce qui constitue bien une rupture d'égalité entre salariés l'employeur n'expliquant pas les raisons d'une moindre indemnisation de la contrainte représentée par le travail de nuit durant la nuit du lundi 00h00 à 06h00 de celle du dimanche soir de 22h00 à 00h00 ou des nuits du vendredi au samedi ou de toute autre nuit de la semaine.
En conséquence, c'est à juste titre que la juridiction prud'homale, dont la décision sera confirmée sur ce point, a dit que la prime d'incommodité de nuit devait indemniser le poste du lundi matin de 00h00 à 06h00 et a condamné la société PCA à payer à Monsieur Bruno S. les sommes de 1.750,83 euros à titre de rappel de salaires outre 175,08 euros au titre des congés payés y afférents, dont les montants ont été contestés à titre très subsidiaire par l'appelante qui soutient que le salarié aurait commis des erreurs dans le nombre d'heures réellement effectuées sur la période allant du dimanche minuit au lundi matin en se bornant à renvoyer la Cour à la lecture d'un tableau qui ne permet pas de comprendre la manière dont le décompte des heures a été réalisé et qui ne chiffre pas l'éventuel trop-perçu par le salarié sollicitant exclusivement le rejet de cette demande en sorte que le quantum alloué par la juridiction prud'homale sera confirmé.
Sur la demande d'inclusion de la majoration de nuit de 22% dans l'assiette de calcul de la majoration légale de 50% pour les salariés travaillant en équipe de suppléance :
En application de l'article L. 3132- 19 la rémunération des salariés de l'équipe de suppléance est majorée d'au moins 50% par rapport à celle qui serait dûe pour une durée équivalente effectuée suivant l'horaire normal de l'entreprise.
L'employeur calcule la rémunération des salariés travaillant en équipe de fin de semaine ainsi qu'il suit :
- versement du salaire de base rémunérant le temps de travail effectif ainsi que les temps de pause ;
- application de la majoration légale de 50%
- versement d'une majoration complémentaire de 12% ou de 22%.
Le salarié sollicite que la majoration légale de 50% prévue pour le travail en équipe de fin de semaine soit étendue à la majoration de 22% selon la formule suivante :
nombre d'heures travaillées de nuit x (taux horaire +(taux horaire x22%)) x 50%
L'appelante et l'intimé se prévalent tous deux d'un arrêt du 16 mai 2012 de la Cour de cassation dont ils font une interprétation contraire aux termes duquel 'la majoration de 50% de la rémunération due aux salariés travaillant en équipe de suppléance, telle que prévue par l'article L.3132-19 du code du travail, peut se cumuler avec une majoration de salaire conventionnelle prévue en cas de travail de nuit qui n'a pas le même objet.
Or, cumuler n'étant pas inclure, sur cette même question, la Cour de cassation précisant sa position dans un arrêt du 17 juin 2018, a rejeté le moyen de la société PCA en indiquant que le Conseil de Prud'hommes, qui avait suivi l'argumentation des salariés, avait légalement justifié sa décision en intégrant cette majoration dans l'assiette de calcul de la majoration de 50% due aux salariés des équipes de suppléance.
Dès lors, la Cour entend confirmer sur ce point la décision de première instance qui a accordé à Monsieur Bruno S. une somme de 3.111,52 euros à titre de rappel de salaires et de 311,15 euros à titre de congés payés afférents dont les montants ont été exactement calculés.
Sur la demande d'indemnisation du préjudice financier :
Le salarié fonde cette demande de condamnation sur la perte des rappels de salaire résultant de la prescription acquise entre 2006 et septembre 2011 dont il sollicitait la mainlevée en première instance en raison, selon lui du dol, la Française de Mécanique ayant trompé délibérément des milliers de salariés en minorant unilatéralement la majoration de nuit de 22% à 21%, le non-paiement de ces sommes dont il aurait été privé ayant une incidence sur le calcul de ses droits à la retraite dont le montant s'en trouverait minoré.
Or, d'une part les règles de la prescription, désormais triennale en matière de paiement ou de répétition de salaires selon les dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail, ne peuvent être contournées par le biais de demandes d'indemnisation d'un préjudice visant à obtenir le paiement d'une créance de salaire prescrite.
D'autre part, il est avéré que la rédaction imprécise de l'article 3-1 du nouvel accord d'entreprise signé le 10 février 2006 qui remplaçait celui du 26 mai 1999 a donné lieu à des interprétations divergentes de l'employeur et des salariés quant au maintien à 22% de la prime d'incommodité de nuit ou sa réduction à 21% , divergences qui ont nécessité la saisine de la juridiction prud'homale en référé puis au fond, celle-ci ayant constaté dans le premier jugement rendu le 26 octobre 2015 sur la question l'impossibilité de déterminer ce taux en raison de la 'faiblesse de cet accord n'ayant pas prévu le nouveau taux applicable', invitant les parties à créer une commission paritaire destinée à déterminer ce taux.
Ainsi, les affirmations de dol et de tromperie du salarié sont de simples allégations, ce dernier ne versant au surplus aux débats aucun décompte précis établissant la réalité du préjudice financier invoqué dont il doit être débouté, la décision déférée étant partiellement infirmée sur ce point.
Sur la remise des bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard :
La juridiction prud'homale a ordonné à la Société PCA de remettre à Monsieur Bruno S. un bulletin de paie rectifié, récapitulatif, conforme au jugement déféré afin de respecter les règles sociales et fiscales sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans la limite d'un délai de 60 jours à compter de la notification dudit jugement, le Conseil de Prud'hommes de BETHUNE se réservant le droit de liquider l'astreinte.
Ces dispositions qui ne sont pas critiquées en cause d'appel seront confirmées.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
La société PCA qui supporte la charge des dépens d'appel doit également régler à une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la Cour confirmant les dispositions de la décision entreprise relatives à ces demandes.
Sur l'application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 :
Aux termes de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge du créancier dans des conditions fixées par décret.
En sollicitant l'application de ces dispositions, Monsieur Bruno S. demande à la cour de statuer d'ores et déjà sur les éventuels frais d'exécution forcée et de mettre à la charge de la société PCA, débitrice et partie tenue aux dépens d'instance, les droits de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier, prévus par l'ancien article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996, modifié par le décret 2001-212 du 08 mars 2001, abrogé par le décret 2016-230 du 26 février 2016, et désormais prévus par les articles R. 444-3, R. 444-55 et A. 444-32 du code de commerce.
Il n'y a pas lieu de faire supporter à la société débitrice les droits spécifiquement mis à la charge du créancier en application des articles R. 444-3 et R. 444-55 du code de commerce en sorte que Monsieur Bruno S. sera débouté de sa demande"
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement ;
CONSTATE le désistement partiel d'appel de la société PCA relatif aux dispositions de la décision déférée l'ayant condamnée à verser à Monsieur Bruno S. un rappel de salaire sur prime d'incommodité de nuit outre les congés payés y afférents.
CONFIRME le jugement entrepris sauf en sa disposition relative à la demande de dommages-intérêts pour préjudice financier qui sera infirmée.
Statuant à nouveau de ce chef :
DEBOUTE Monsieur Bruno S. de sa demande d'indemnisation du préjudice financier.
Y ajoutant :
CONDAMNE la société PCA à payer à Monsieur Bruno S. une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE Monsieur Bruno S. de sa demande relative à l'application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996.
CONDAMNE la société PCA aux entiers dépens.