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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 30 novembre 2021, n° 21/03632

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chat Blanc (SARL)

Défendeur :

Cap Change (SAS), Chanoar (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Briere

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

T. com. Pontoise, du 5 mai 2021, n° 2021…

5 mai 2021

La SAS Chanoar, créée en 2008, présidée dès l'origine par la SARL Chat blanc, cogérée par MM. Emmanuel C. et Arnaud P., également directeurs généraux de la société Chanoar, a pour activité l'exploitation directe ou par l'intermédiaire de filiales de salles d'escalade-restaurant et la commercialisation de services et produits associés sous l'enseigne et la marque Block'Out.

Le développement du réseau a conduit la société Chat blanc à rechercher des investisseurs. Les 18 et 19 octobre 2013, un protocole d'investissement commun a été conclu avec la SA Le Garrec et Cie. Elles ont ainsi créé la SAS BO'3 en mars 2014, la SAS Cap aloha en juin 2015 et la SAS Cap bionyx en août 2015.

La SAS Cap change, filiale de la société Le Garrec et Cie, créée courant juin 2015, a pris plusieurs participations dans le capital social de la société Chanoar en juin 2015, janvier 2016 et le 10 janvier 2017 et lui a cédé en contrepartie les participations qu'elle détenait dans les sociétés franchisées BO'3, Cap aloha et Cap bionyx, les associés prévoyant également des apports en compte courant.

Pour permettre l'ouverture de six nouvelles salles, la société Chanoar a souscrit le 6 février 2018 un prêt de 6 482 000 euros (le crédit senior) consenti par les banques BNP Paribas, Crédit Lyonnais et Crédit agricole et le 27 février 2018 un prêt de 2 000 000 euros auprès de la banque HSBC.

Après un accord régularisé le 12 avril 2019 et la réalisation d'une nouvelle augmentation de capital le 4 juin 2019, celui-ci étant alors détenu à hauteur de 872 actions, soit 54,77%, par la société Chat blanc et à hauteur de 720 actions, soit 45,23%, par la société Cap change, la société Chanoar a procédé le même jour à l'émission de 2 700 obligations convertibles en actions au profit de la société Cap change pour un montant de 2 700 000 euros.

Les difficultés financières rencontrées par la société Chanoar, qui ont augmenté ensuite avec les fermetures liées à la crise sanitaire, l'ont amenée à tenter de renégocier le remboursement du crédit senior avec les établissements bancaires et l'ont empêchée d'honorer ses échéances d'intérêts vis à vis de la société Cap change.

Après une mise en demeure de lui payer la somme de 113 854,27 euros au titre des intérêts dus, la société Cap change a prononcé, le 26 novembre 2020, l'exigibilité anticipée de l'emprunt obligataire; le 1er décembre suivant, elle a converti les 2 700 obligations en actions et le 4 décembre 2020 elle a convoqué une assemblée générale pour le 21 décembre suivant portant notamment en objet la révocation de la société Chat blanc de son mandat de président, sa propre désignation en qualité de présidente et la révocation de MM. Emmanuel C. et Arnaud P. de leur mandat de directeurs généraux.

Sur déclaration de cessation des paiements de la société Chanoar en date du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Pontoise, par jugement en date du 14 décembre 2020, a ouvert une procédure de redressement judiciaire et désigné les Selarl MMJ et V&V en qualité respective de mandataire et d'administrateur judiciaires.

Saisi par requête de la société Chanoar, par ordonnance en date du 7 janvier 2021, le président du tribunal de commerce de Pontoise l'a déboutée de sa demande tendant à voir constater que la tenue de l'assemblée générale fixée le 21 décembre 2020 constituait un trouble manifestement illicite et l'exposait à un péril imminent.

Saisi à nouveau par la société Chanoar, le président du tribunal de commerce de Pontoise statuant en référé, par ordonnance du 14 janvier 2021, a notamment ordonné à la société Cap Change, jusqu'à 1'issue de l'affaire au fond, de ne pas se prévaloir des procès-verbaux et des résolutions votées lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2020.

Par acte d'huissier du 6 janvier 2021, la société Chanoar, considérant que la société Cap change n'était devenue majoritaire qu'en raison d'irrégularités et d'actes entachés de nullité, l'a faite assigner ainsi que la société Chat blanc, la Selarl V&V et la Selarl MMJ ès qualités devant le tribunal de commerce de Pontoise, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 5 mai 2021 a :

- déclaré que l'avant-contrat du 12 avril 2019 conclu entre la société Chanoar et ses associés la société Cap change et la société Chat blanc est valable ;

- déclaré que les résolutions 15 et 18 votées lors de l'assemblée générale du 4 juin 2019 sont valables ;

- déclaré que le contrat d'emprunt obligataire signé entre la société Chanoar et la société Cap change le 4 juin 2019 est valable ;

- déclaré que c'est à bon droit que la société Cap change a prononcé l'exigibilité de ses obligations convertibles au 1er décembre 2020 ;

- déclaré que la répartition du capital de la société Chanoar s'établissait à la date du 1er décembre 2020, comme suit :

* la société Cap change : 1 800 actions,

* la société Chat blanc : 872 actions,

- déclaré que la société Cap change était, au 21 décembre 2020, associé majoritaire de la société Chanoar ;

- déclaré que la société Cap change était, en tant qu'associée majoritaire de la société Chanoar, légitime à voter les décisions de l'assemblée générale du 21 décembre 2020 ;

- déclaré que l'assemblée générale du 21 décembre 2020, en ce compris le procès-verbal s'y attachant, n'est en aucun cas entachée d'irrégularités ; qu'elle est en tout point régulière ;

- déclaré que les actes et les décisions transcrits dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 21 décembre 2020, incluant notamment le remplacement des dirigeants de la société Chanoar, sont en tous points valables et qu'ils doivent pleinement produire leurs effets ;

- débouté les sociétés Chanoar et Chat blanc de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné in solidum, la société Chanoar et la société Chat blanc à payer à la société Cap change la somme de 15 000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré les sociétés Chanoar et Chat blanc mal fondées en leur demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les en a déboutées ;

- condamné in solidum, la société Chanoar et la société Chat blanc aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe.

Par déclaration du 7 juin 2021, la société Chat blanc a interjeté appel de ce jugement. Le 22 juin suivant, elle a été autorisée à faire assigner à jour fixe à l'audience de la cour du 11 octobre 2021, les sociétés Chanoar, Cap change, V&V et MMJ, ces dernières ès qualités.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 octobre 2021, la société Chat blanc demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence, statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- juger que la déclaration de créance de la société Cap change du 25 janvier 2021 constitue un aveu judiciaire irrévocable ;

- prononcer la nullité de l'acte par lequel la société Cap change entend se prévaloir de l'exercice de son droit à conversion ;

A titre principal, en raison des faits de violence économique ayant vicié son consentement lors de la signature de l'avant-contrat et du vote en assemblée générale du 4 juin 2019,

- prononcer la nullité de l'avant-contrat intitulé « Principaux termes et conditions de l'investissement complémentaire de la société Cap Change dans la société Chanoar » conclu entre la société Chanoar et ses associés, elle-même et la société Cap change en date du 12 avril '2020" ;

- prononcer la nullité de l'assemblée générale du 4 juin 2019, notamment des résolutions numéros 15 et 18, qui n'ont pas pu être votées compte tenu du vice affectant son consentement lors de ce vote, et par conséquent, constater que le contrat d'émission de l'emprunt obligataire est, quant à lui, de facto, réputé n'avoir jamais existé ;

A titre subsidiaire,

- constater que l'application de la formule de valorisation de la société, telle que prévue au contrat d'emprunt obligataire, aboutit à un nombre indéterminé d'actions à émettre ;

- constater que l'assemblée générale du 4 juin 2019, par le vote des résolutions numéros 15 et 18, n'a pas pu fixer le plafond maximal de l'augmentation de capital résultant de l'exercice des obligations convertibles ;

Par conséquent,

- prononcer la nullité des résolutions numéros 15 et 18 votées lors de l'assemblée générale du 4 juin 2019 et ce, dans la mesure où l'application de la méthode de valorisation de la société aboutit à une parité de conversion indéterminée, le contrat d'émission de l'emprunt obligataire étant, quant à lui, de facto, réputé n'avoir jamais existé ;

A titre plus subsidiaire,

- constater que le nombre d'actions à émettre par la société Chanoar pour remplir le droit à conversion dont se prévaut la société Cap change est indéterminable, au motif qu'il imposerait un nouvel accord entre les associés ;

Par conséquent,

- prononcer la nullité du contrat d'emprunt obligataire conclu entre la société Chanoar et son associée la société Cap change en date du 4 juin 2019, en raison du caractère indéterminé de l'obligation de la société Chanoar ;

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que l'émission des obligations convertibles par l'assemblée générale du 4 juin 2019 est entachée d'irrégularités au motif qu'il n'est pas possible de déterminer la parité de conversion des obligations convertibles sans modifier le contrat d'emprunt obligataire ou les modalités de l'opération définies par les associés ;

- constater que les modalités d'émission des obligations convertibles ne respectent pas les dispositions de l'article L.225-128 du code de commerce, rendant impossible la conversion des obligations en actions ;

- constater que ces irrégularités susvisées rendent impossible le constat par le président du nombre d'actions à émettre en l'application de l'article L.225-149 du code de commerce, ce dernier étant contraint d'outrepasser ses compétences pour aboutir à la détermination d'une parité de conversion ;

Par conséquent,

- interdire au président de la société de procéder à une émission d'actions aux fins de servir le droit de conversion de la société Cap change exercer en date du 1er décembre 2020 ;

- prononcer la nullité du procès-verbal signé par la société Cap change, ès qualités de président de la société, en date du 21 décembre 2020 à 17h30, en raison du fait qu'il n'appartenait pas au président de la société de modifier les modalités de l'opération d'augmentation de capital à terme définies par l'assemblée générale du 4 juin 2019 ;

A titre plus infiniment subsidiaire,

- constater l'absence de cas de défaut de nature à permettre à la société Cap change d'exiger, de manière anticipée, le remboursement de l'emprunt obligataire ;

- constater que la date d'exigibilité de nature à permettre à la société Cap change d'exiger le remboursement de l'emprunt obligataire n'est pas atteinte ;

- constater, en tout état de cause, que la date à laquelle la convertibilité des actions aurait pu intervenir dans le cadre d'un remboursement anticipé n'est pas atteinte ;

Par conséquent,

- prendre acte de ce que les conditions d'exercice du droit à conversion des obligations convertibles ne sont pas remplies ;

- prononcer la nullité de l'acte par lequel la société Cap change entend se prévaloir de l'exercice de son droit à conversion ;

En tout état de cause,

- constater que la répartition du capital de la société Chanoar à la date du 21 décembre 2020 était la suivante : 720 actions pour la société Cap change et 872 pour elle-même ;

- prononcer la nullité de l'ensemble des actes établis par la société Cap change lors de l'assemblée générale qui s'est tenue le 21 décembre 2020 en ce qu'ils sont manifestement entachés d'irrégularités, en ce compris notamment, la feuille de présence et le procès-verbal d'assemblée tendant à adopter les résolutions relatives au changement de dirigeants des sociétés Chanoar et Chat blanc et aux modifications statutaires afférentes ;

- prononcer la nullité du procès-verbal signé par la société Cap change, ès qualités de président de la société, en date du 21 décembre 2020 à 17h30, en raison du fait que la société Cap change n'était pas à cette date président de la société ;

- condamner la société Cap change à payer à la société Chanoar la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la présente instance.

La société Cap change, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 septembre 2021, demande à la cour de :

- déclarer la société Chat blanc irrecevable en sa demande de nullité pour vice du consentement ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

- condamner la société Chat blanc à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Chat blanc aux entiers dépens.

La Selarl V&V ès qualités, la Selarl MMJ ès qualités et la société Chanoar, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 22 septembre 2021, demandent à la cour de leur donner acte qu'elles s'en rapportent à justice sur le mérite de l'appel de la société Chat blanc et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les formules figurant dans le dispositif des conclusions des parties commençant par la locution "constater que " qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais constituent des moyens.

1- Sur l'aveu judiciaire

Invoquant les articles 1383 et suivants du code civil et 417 du code de procédure civile, la société Chanoar soutient à titre liminaire que dans la déclaration de créance qu'elle a adressée le 25 janvier 2021 au mandataire judiciaire, la société Cap change a expressément reconnu que les obligations convertibles en actions étaient toujours en circulation à cette date et ainsi renoncé de facto à se prévaloir de l'exigibilité anticipée prononcée le 26 novembre 2020 et de la conversion. Elle considère que cet aveu judiciaire démontre que l'acte par lequel la société Cap change sollicite la conversion des obligations en actions en date du 1er décembre 2020 est sans effet et que la société Cap change ne pouvait pas être majoritaire lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2020. Elle affirme que la société Cap change ne peut pas être à la fois titulaire des obligations convertibles et des actions qui en résulteraient. Reprochant à la société Cap change d'avoir fait une déclaration de créance sans faire état des circonstances, elle estime que celle-ci a essayé de se prévaloir tout à la fois de l'existence de ces obligations convertibles toujours en circulation dans la procédure de redressement judiciaire et de la conversion de ces obligations en actions dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Pontoise. Elle ajoute que si la créance était admise, la société Chanoar serait amenée à la payer deux fois. Elle en déduit que la cour doit en tirer les conséquences en déclarant nulle la prétendue conversion des obligations.

La société Cap change conteste avoir reconnu que la conversion en actions des obligations convertibles issues de l'emprunt obligataire n'aurait pas eu lieu, rappelant que lorsqu'elle était tenue de déclarer sa créance, le tribunal n'avait pas encore statué sur le bien-fondé de la demande de nullité du contrat d'emprunt obligataire ainsi que sur la validité de la conversion des obligations en actions. Elle indique que ne pouvant préjuger de la décision à venir elle a entendu déclarer sa créance au titre de l'emprunt bancaire à titre conservatoire, précisant qu'en cas de confirmation de ce qu'elle a valablement procédé à la conversion des obligations, sa créance deviendrait alors sans objet.

Il est constant que les créanciers de la société Chanoar disposaient d'un délai de deux mois à compter de la publication au Bodacc du jugement du 14 décembre 2020, soit le 23 décembre 2020, pour déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire. Or durant cette période, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi le 6 janvier 2021, ne s'était pas encore prononcé sur la demande de nullité du contrat d'emprunt obligataire et la conversion des obligations en actions, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la déclaration de créance au titre de cet emprunt avait été faite par la société Cap change comme un moyen de se prémunir d'une décision potentiellement défavorable et ne pouvait pas s'analyser en une reconnaissance implicite de ce que la conversion des obligations en actions n'avait pas eu lieu.

La demande tendant à 'prononcer la nullité de l'acte par lequel la société Cap change entend se prévaloir de l'exercice de son droit à conversion' formée à ce titre sera par conséquent rejetée.

2- Sur la nullité de l'avant-contrat du 12 avril 2019, de l'assemblée générale du 4 juin 2019 et des résolutions n°15 et 18 pour vice du consentement

Après avoir rappelé les articles 1130, 1131, 1140, 1143 du code civil et L.235-1 du code de commerce, dont elle déduit notamment que les dispositions de caractère impératif régissant l'ensemble des contrats s'appliquent aux délibérations entraînant la modification des statuts, telles que les délibérations portant une augmentation de capital, la société Chat blanc soutient que la société Cap change les a placées, elle et sa filiale, dans un état de dépendance dans la mesure où elle n'a pas respecté ses engagements de financement pris le 10 janvier 2017 tout en lui imposant dans le même temps de respecter ses propres engagements de développement. Elle explique qu'en autorisant la société Chanoar à engager des dépenses d'investissement en lui laissant penser qu'elle allait la soutenir financièrement, notamment en réalisant les apports promis, puis en suspendant ses apports en compte courant d'associé et en refusant de soutenir la trésorerie de la société Chanoar alors que celle-ci ne pouvait plus se désengager des investissements en cours, elle a placé celle-ci dans une situation de dépendance économique et financière manifeste et qu'elle-même, à qui elle a laissé croire qu'elle respecterait ses engagements, s'est trouvée contrainte d'accepter les termes fixés par l'avant-contrat du 12 avril 2019. Elle précise que si la société Chanoar n'avait pas accepté la proposition de la société Cap change, trois de ses filiales se seraient trouvées en état de cessation des paiements, ce qui aurait conduit à leur liquidation judiciaire puisqu'elles n'avaient pas débuté l'exploitation de leur activité, et aurait généré un risque pour la société Chanoar elle-même dont l'état de cessation des paiements était connu en mars 2019 de la société Cap change. Elle considère que la société Cap change a ainsi abusé de la position de dépendance économique et financière dans laquelle se trouvait la société Chanoar pour lui imposer l'émission d'actions nouvelles et d'un emprunt obligataire mais également de celle dans laquelle elle se trouvait pour lui imposer de s'engager à voter favorablement l'émission d'un emprunt obligataire, ce qu'elle n'aurait jamais accepté si une telle dépendance n'avait pas existé. Elle ajoute que si la société Cap change avait respecté son engagement de soutenir financièrement les nouvelles ouvertures de salles par des versements en compte courant d'associé, la société Chanoar et elle-même auraient pu refuser l'émission d'un emprunt obligataire.

Elle fait valoir également que les conditions d'émission des obligations convertibles étaient manifestement déséquilibrées en ce qu'elles étaient plus coûteuses que des avances en compte courant d'associé et ce, dans le seul et unique dessein de permettre à la société Cap change, in fine, d'obtenir une participation au capital de la société Chanoar à moindre coût, laquelle n'a pas eu d'autre choix, en raison de son état de dépendance économique et financière, que de consentir un tel avantage manifestement excessif. Elle estime qu'elle-même a été contrainte d'accepter l'émission d'un emprunt obligataire particulièrement défavorable et donc de consentir à son associée un avantage manifestement excessif, risquant de lui faire perdre la majorité au sein du capital social de sa filiale et la gouvernance du groupe, pour permettre à la société Chanoar, représentant son principal actif et sa seule ressource financière, de faire face à ses dettes.

Elle en déduit que les pressions exercées par la société Cap change ont vicié son consentement lors de la conclusion de l'avant-contrat en date du 12 avril 2019 et lors du vote à l'assemblée générale décidant l'émission d'actions et d'obligations convertibles.

Critiquant à la fois les motifs des premiers juges et les arguments adverses, elle souligne qu'au 12 avril 2019, la société Cap change n'avait versé que les 1 500 000 euros promis pour 2017/2018, au titre du protocole du 10 janvier 2017, mais n'avait ni versé l'avance promise au titre de l'exercice 2019, subordonnant ce versement à l'émission des obligations convertibles, ni complété ses avances en compte courant d'associé. Elle indique en outre que le raisonnement de la société Cap change qui se positionne par rapport au contrat du crédit senior est réducteur en ce que les avantages manifestement excessifs imposés à la société Chanoar résultent surtout de la signature même du contrat d'obligations convertibles et des caractéristiques de ces obligations. Enfin, elle rappelle que les parties n'ont eu que peu de temps pour négocier un accord ferme et définitif portant sur un investissement de 4,2 millions d'euros en actions et obligations convertibles, durant une période de vive incertitude en raison d'un conflit d'associés et de difficultés financières, de sorte qu'il est difficile de croire qu'un consentement libre et éclairé ait pu avoir été obtenu dans de telles circonstances.

La société Cap change prétend tout d'abord que l'appelante est irrecevable à solliciter la nullité du contrat d'obligations pour vice du consentement alors qu'elle n'est pas partie au contrat d'obligations convertibles du 4 juin 2019 régularisé entre elle-même et la société Chanoar.

Elle conclut ensuite à l'absence de vice du consentement et soutient que l'appelante ne démontre pas que les sociétés Chat blanc et Chanoar étaient en état de dépendance économique à son égard et qu'elle aurait abusé de cette situation afin d'en tirer un avantage manifestement excessif. Elle estime au contraire que la longue négociation du contrat par les parties, avec l'assistance de leurs conseils respectifs, montre clairement que le consentement de la société Chanoar était parfaitement libre et éclairé.

Elle conteste, en premier lieu, que la société Chanoar ait été en état de dépendance économique au moment de la conclusion du contrat d'obligations convertibles, considérant qu'alors celle-ci avait déjà fait face aux dépenses engagées et qu'aucune de ses filiales ne risquait de cessation des paiements car les avances correspondant à l'emprunt obligataire étaient déjà versées et mises à disposition depuis longtemps. Après avoir rappelé les dates et les montants des sommes inscrites en compte courant d'associé, elle explique qu'avant même la conclusion de l'avant-contrat du 12 avril 2019, son compte courant était déjà de 2 465 732 euros auquel s'ajoutaient les financements bancaires obtenus par la société Chanoar au début de l'année 2008 pour près de 8,5 millions d'euros. Elle considère qu'ainsi moins de deux ans après le protocole d'accord du 10 janvier 2017 fixant le besoin de financement de la société Chanoar à 6 millions d'euros sur sept ans, celle-ci avait déjà obtenu 11 millions d'euros soit presque le double du montant initialement convenu. Elle précise que le contrat d'obligations convertibles a été conclu, non pas pour assurer des liquidités à la société Chanoar, qui en disposait déjà, mais pour renforcer ses fonds propres en capitalisant les avances passées. Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante qui lui reproche de ne pas avoir effectué les apports promis, elle indique avoir effectué des apports en compte courant en 2017 pour un montant global de 2 593 751,60 euros, dont 1,2 millions d'euros étaient un apport 'relais' dans l'attente du financement bancaire, qui a été obtenu au-delà du besoin fixé dans le protocole du 10 janvier 2017, de sorte qu'elle n'a pas failli aux engagements pris aux termes de celui-ci. Elle ajoute que la preuve d'un refus de versement de sa part n'est pas rapportée et qu'au contraire, mise devant le fait accompli des dépenses exorbitantes et non financées des dirigeants de la société Chanoar, elle a procédé début 2019 à des avances complémentaires de 4,2 millions d'euros. Elle affirme que la société Chanoar n'a pas souscrit le contrat d'obligations convertibles sous la contrainte d'un quelconque péril financier mais que c'est elle-même qui après avoir confié la totalité des fonds sans contrat n'avait que peu de marge de négociation lors de la contractualisation des avances déjà effectuées et dépensées par son cocontractant.

Elle argue, en deuxième lieu, de l'absence d'avantages manifestement excessifs. Elle prétend que la société Chat blanc ne démontre pas en quoi les conditions de l'emprunt obligataire seraient déséquilibrées, soulignant que le fait de bénéficier des mêmes exigibilités anticipées que celles offertes un an plus tôt à un autre prêteur est parfaitement usuel et n'a rien de manifestement excessif, pas plus que ne l'est le taux d'intérêt annuel de 3%.

La société Chanoar et les organes de sa procédure collective s'en rapportent à justice sur le mérite de l'appel et ne développent aucun moyen.

Le fait pour une partie intimée de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande implique de sa part, non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci. Par conséquent, il ne peut être considéré que la société Chanoar et les organes de sa procédure collective ont repris à leur compte les moyens et prétentions développés par la société Chat blanc.

L'article 1143 du même code prévoit qu'il y a violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

En application de l'article 1131 du code civil, l'action en nullité relative pour vice du consentement est réservée à celui des contractants dont le consentement a été vicié.

La société Chat blanc ne sollicite pas à titre principal la nullité du contrat d'obligations convertibles du 4 juin 2019 conclu entre les sociétés Cap change et Chanoar pour vice du consentement mais seulement celle de l'avant-contrat du 12 avril 2019 auquel elle était partie et des résolutions qu'elle a votées, en sorte que son action est recevable.

Selon l'article 1130 du code civil, la violence vicie le consentement lorsqu'elle est de telle nature que, sans elle, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Il incombe à celui qui l'invoque de rapporter la preuve d'un état de dépendance économique et de l'exploitation abusive de cette situation pour en retirer un avantage manifestement excessif.

Le protocole d'accord conclu entre les sociétés Chat blanc et Cap change, associées de la société Chanoar, en date du 10 janvier 2017, avait pour but de 'définir les conditions et les modalités' du nouveau concours financier apporté par la société Cap change à la société Chanoar. Il prévoyait notamment :

- la souscription par la société Cap change à une nouvelle augmentation de capital d'un montant de 1 672 935,70 euros, portant sa participation au capital social de la société Chanoar à 40,19 %,

- un plan de financement sur sept ans et l'utilisation pour y parvenir de fonds provenant d'une partie de l'apport en numéraire réalisé par la société Cap change dans le cadre de l'augmentation de capital; de financements bancaires ; d'avances en compte courant d'associés ('Parallèlement à la recherche de concours bancaires et dans l'attente de l'octroi d'un ou plusieurs emprunts bancaires, les besoins de trésorerie de la société Chanoar pour l'ouverture de nouvelles salles Block'out sont couverts par des avances en compte courant effectuées par la société Cap change'),

- la rédaction d'une convention d'avance en compte courant d'associé prévoyant les modalités de rémunération et de remboursement des comptes courants d'associés,

- la cession par la société Cap change à la société Chanoar des titres des sociétés Cap aloha et Cap bionyx et le transfert des comptes courants de la société Cap change dans celles-ci à la société Chanoar, pour un montant global de 1 003 787,60 euros.

Le plan de financement sur sept ans figurant en annexe mentionne des apports en compte courant d'associé de la part de la société Cap change, d'un montant total de 3 000 000 euros, selon les modalités suivantes :

* 2ème semestre 2017 : 425 000 euros

* 1er semestre 2018 : 550 000 euros

* 2ème semestre 2018 : 500 000 euros

* 1er semestre 2019 : 550 000 euros

* 2ème semestre 2019 : 425 000 euros

* 1er semestre 2020 : 550 000 euros

ainsi que des apports bancaires complémentaires à hauteur de la même somme.

La société Chat blanc affirme qu'au 31 décembre 2018, aucune de ces avances n'avait été versée. Cependant l'extrait du compte Chanoar dans le grand livre de la société Cap change montre une avance en compte courant d'associé de 1 200 000 euros le 8 novembre 2017, remboursée le 6 février 2018. En outre, des prêts bancaires de 8 482 000 euros ayant été obtenus par la société Chanoar courant février 2018, la société Chat blanc ne peut pas reprocher à la société Cap change le non-respect de ce calendrier alors que ces apports en compte courant n'avaient été prévus que dans l'attente de l'octroi de ceux-ci, qu'elle ne produit aucun document démontrant qu'elle lui a réclamé ces sommes et que la convention de compte courant d'associé régularisée entre les sociétés Cap change et Chanoar le 4 juin 2019 rappelle que la première a ensuite mis à la disposition de la seconde, 500 000 euros le 18 janvier 2019 et 1 000 000 euros le 5 février 2019.

Il est constant qu'en dépit de ces apports destinés à financer les dépenses engagées, la trésorerie de la société Chanoar a continué à se dégrader, peu important les causes du non-respect du plan de financement adopté en janvier 2017 sur lesquelles les parties ne s'accordent pas, étant toutefois relevé qu'il ne peut être affirmé par l'appelante que la société Cap change lui a imposé de poursuivre son développement à un rythme effréné alors que les mails versés aux débats démontrent une volonté commune de poursuivre le développement du réseau.

Cette dégradation, connue des parties comme le montrent les mails échangés entre elles courant mars 2019, faisant notamment état du retournement de la société et de sa situation de cessation des paiements, a placé la société Chanoar et, par voie de conséquence la société Chat blanc qui a pour unique actif les actions de la société Chanoar et pour seules ressources les rémunérations perçues au titre de son mandat social, dans un état de dépendance économique et financière vis à vis de la société Cap change comme en témoignent certains mails dans lesquels les dirigeants de la société Chanoar ont demandé à leur associée de leur verser des avances, ainsi en particulier un million d'euros le 5 mars 2019 puis à nouveau 500 000 euros en mai 2019 pour faire baisser la pression des fournisseurs.

Cependant, il ne résulte pas des échanges produits qu'au cours des négociations intervenues certes dans un délai assez court mais au vu d'une situation connue de chacun depuis de nombreuses semaines que la société Cap change aurait contraint la société Chat blanc a accepter les termes de l'avant-contrat du 12 avril 2019, puisqu'il ressort du mail de M. C. du 5 mars 2019 que celui-ci avait conscience de la nécessité de renforcer les fonds propres de la société Chanoar et que dans un autre mail du 22 mars 2019, M. P. a indiqué être prêt à accepter de transformer l'avance en compte courant d'associé de 1,5 millions d'euros effectuée en début d'année en 'obligations simples si le taux d'intérêt reste raisonnable'.

Le document du 12 avril 2019, intitulé 'Principaux termes et conditions de l'investissement complémentaire de Cap change dans la société Chanoar', qui précise que ce concours supplémentaire a pour objectif 'd'aider le groupe Chanoar à financer le solde des investissements en cours et de soutenir la trésorerie du groupe', prévoit pour l'essentiel la réalisation d'une augmentation de capital réalisée par la société Cap change à hauteur de 1,5 millions d'euros, l'émission d'un emprunt obligataire convertible souscrit par la société Cap change pour un montant de 2,7 millions d'euros et le maintien de la mise à disposition par la société Cap change d'un montant de 965 732 euros inscrit en compte courant d'associé.

En exécution de ce contrat, la société Cap change a procédé à trois nouveaux versements, pour une somme de 2 700 000 euros entre le 15 avril 2019 et le 24 mai 2019.

La société Chat blanc prétend que les conditions d'émission de ces obligations convertibles seraient manifestement déséquilibrées en ce que, d'une part, elles produisent un intérêt annuel de 3% au lieu du taux fiscalement déductible initialement convenu entre elles, soit 1,32% en 2019 et 1,17% en 2020, et d'autre part, elles sont assorties d'une indemnité de non-conversion augmentant pendant la durée de l'emprunt de 10 à 50 euros par obligation remboursée.

Cependant, outre que le taux de 3% ne peut être comparé au taux que les parties appliquaient précédemment aux avances en compte courant qui sont des opérations distinctes, le rendement habituel des emprunts obligataires convertibles dans des sociétés non cotées est supérieur au taux contractuellement fixé puisqu'il varie entre 7% et 15% l'an, comme justement relevé par l'intimée non contredite sur ce point.

Par ailleurs, il ne peut être sérieusement soutenu que l'allocation d'une prime de non-conversion, habituellement attachée aux obligations convertibles, serait une condition déséquilibrée démontrant l'existence d'un avantage manifestement excessif.

S'il est exact que cet emprunt obligataire permettait à la société Cap change de prendre à terme une participation complémentaire au sein du capital social de la société Chanoar et d'obtenir une majorité de contrôle, il n'est en revanche pas démontré, par la seule pièce n°41.9 de l'appelante relative à des levées de fonds pour des sociétés concurrentes, que celle-ci se serait effectuée pour 'un prix dérisoire par rapport à la valeur de la société'.

Au demeurant, les mails produits montrent non seulement que les dirigeants de la société Chanoar n'étaient pas forcément opposés à une option de cession de la société, qu'ils étaient parfaitement informés du risque de dilution ainsi pris mais également que c'est le conseil de la société Chanoar qui a rédigé les premières versions des contrats des 12 avril et 4 juin 2019, de sorte que le consentement des sociétés Chanoar et Chat blanc était parfaitement éclairé.

Ainsi, la preuve de ce que la société Cap change aurait abusé de l'état de dépendance économique de la société Chanoar pour obtenir un avantage manifestement excessif n'est pas rapportée. Par suite, la preuve de ce que le consentement de la société Chat blanc aurait été vicié lors de la conclusion de l'avant-contrat ou lors de l'assemblée générale de la société Chanoar du 4 juin 2019 et notamment des votes des résolutions n° 15 et 18 ne l'est pas plus. Les demandes de nullité formées à ce titre doivent donc être rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

3- Sur la nullité des résolutions n°15 et 18 votées lors de l'assemblée générale de la société Chanoar du 4 juin 2019

Après avoir rappelé les dispositions des articles L.225-129 à L.225-129-2 du code de commerce, les principes du code civil en matière d'interprétation du contrat et l'article 4.1 du contrat d'émission de l'emprunt obligataire convertible du 4 juin 2019, la société Chat blanc expose que dans le cadre d'une augmentation de capital directement décidée par l'assemblée générale ou sur délégation de compétence au profit du président, l'assemblée générale doit obligatoirement fixer un montant maximum pour l'opération d'augmentation du capital à réaliser. Elle prétend que l'EBE de la société étant négatif au 30 juin 2020, il est impossible de déterminer la formule de calcul de la valorisation de la société, qui aboutit à un résultat de 0, et rend inopérante la méthode de détermination de la parité de conversion des obligations souscrites en actions telle que prévue dans l'acte et que, par voie de conséquence, le montant du capital à émettre en cas de conversion des obligations est également indéterminé. Considérant que les associés n'ont pas pu, lors de l'émission des obligations convertibles du 4 juin 2019, fixer un montant maximal pour l'augmentation de capital à intervenir dans l'hypothèse d'une conversion, de sorte que n'ont pas été respectés les principes des articles susvisés, elle en déduit que les résolutions n°15,17 et 18 adoptées par la collectivité des associés doivent être annulées.

Elle fait valoir également que les parties n'ont pas convenu d'une autre formule ou méthode de valorisation de la société, qu'il est impossible d'appliquer une autre méthode de valorisation de la société Chanoar sans le commun accord des parties et qu'il n'appartient pas au juge, dont les pouvoirs sont limités à l'interprétation des clauses contractuelles lorsqu'elles ne sont pas claires, de modifier le contrat aux lieu et place des parties.

Elle critique ensuite la valorisation faite par la société Cap change à hauteur de la valeur nominale des actions, et son interprétation de l'article L.225-128 du code de commerce indiquant que l'application de celui-ci ne conduit ni à fixer une valeur minimale à appliquer en matière de valorisation de titres ni à l'imposer aux parties.

En réplique aux arguments adverses, elle soutient que son action n'est pas prescrite et conteste d'une part que le président ait le devoir de constater le nombre d'actions à émettre en fonction de leur valeur d'émission afin de procéder à la conversion de l'emprunt obligataire en actions et d'autre part le recours fait par l'intimée à l'article L.225-128 du code de commerce qui ne fixe pas la valeur minimale d'une société. Elle affirme en outre que l'irrégularité invoquée cause un préjudice à la société Chanoar, qui sur la décision d'un seul de ses associés verrait la participation des autres diluée et dont le changement de contrôle pourrait être utilisé contre elle pour obtenir l'exigibilité des emprunts en cours ou la résiliation des contrats de franchise, mais surtout à elle-même puisqu'elle perdrait ainsi la majorité de contrôle, la gouvernance et une partie importante de son chiffre d'affaires.

Après avoir soutenu que l'action en nullité des résolutions est prescrite, la société Cap change explique en premier lieu que la référence aux alinéas 1 et 2 de l'article L.225-129 du code de commerce n'est pas pertinente puisque l'émission des obligations convertibles du 4 juin 2019 a été décidée directement par l'assemblée sans passer par une délégation de compétence au dirigeant, la seule délégation de l'assemblée au président portant sur son devoir de constater la réalisation des émissions déjà décidées par application de l'article L.225-149 du code de commerce et de signer le contrat d'obligations convertibles arrêté par l'assemblée, ce qu'il a fait le jour même. Elle fait valoir en deuxième lieu que le plafond de l'augmentation de capital résultant de l'exercice des obligations convertibles a bien été fixé par l'assemblée générale du 4 juin 2019, à savoir le montant nominal de l'emprunt obligataire soit 2 700 000 euros. En troisième lieu, après avoir indiqué que le contrat ne comporte pas de formule de calcul de parité mais seulement une formule déterminant la valorisation de la société au moment de cette conversion et une méthode usuelle de détermination de la parité en tenant compte de la valeur de l'entreprise calculée selon une formule, elle affirme que celle-ci ne souffre d'aucune indétermination. Tenant compte de ce que la valorisation de la société est nulle, et qu'il n'est pas possible, en application de l'article L.225-128 du code de commerce, d'émettre des actions nouvelles pour un prix d'émission inférieure à la valeur nominale, elle en déduit que le nombre d'actions à émettre par la conversion de la créance obligataire est de 1 080 soit 2 700000/2 500 euros. Elle argue, enfin, de ce que les actes et décisions contestées par la société Chat blanc ne causent aucun préjudice à la société Chanoar et à ses actionnaires puisqu'au contraire cette conversion, en assainissant la position de la société Chanoar et en renforçant ses fonds propres, améliore significativement leur position. S'agissant de la société Chat blanc, elle indique que si elle perd la majorité dans une société dont la valorisation est nulle, elle détient après la conversion 32,63% d'une société dont la valeur est augmentée de 2 700 000 euros, en sorte qu'elle ne subit aucun préjudice.

La cour ne statuant en application de l'article 954 du code de procédure civile que sur les prétentions énoncées au dispositif, il n'y a lieu d'examiner ni la demande de nullité de la résolution n°17 ni la fin de non-recevoir tirée de la prescription sollicitée ou soulevée respectivement par les sociétés Chat blanc et Cap change dans le corps de leurs écritures mais non reprises au dispositif de celles-ci.

Lors de l'assemblée générale du 4 juin 2019, les associés de la société Chanoar ont adopté les résolutions suivantes :

- n°15 : 'L'assemblée générale décide d'émettre deux mille sept cents (2 700) obligations convertibles en actions, au prix de mille (1 000) euros chacune et donnant chacune droit à l'attribution d'actions ordinaires à émettre pour le montant nominal de l'obligation, en cas de non-remboursement dudit montant avant l'échéance définie ci-après. [...]Le nombre d'actions à émettre afin de convertir les obligations convertibles non remboursées en actions sera déterminé en fonction de la valeur de la société à la date de convertibilité des obligations. [...]Le montant total de la souscription est de deux millions sept cent mille (2 700 000) euros. La souscription des obligations convertibles est réservée au profit de la société Cap Change. [...] L'exercice du droit de souscription sera constaté par la remise au président de la société d'un bulletin de souscription signé avant l'expiration du délai ci-dessus fixé et la signature du contrat d'émissions d'OC';

- n°18 : 'L'assemblée générale [...] donne tous pouvoirs au président à l'effet de, dans un délai d'un mois à compter de ce jour, recueillir les souscriptions des valeurs mobilières donnant droit à l'attribution de titres [...], le cas échéant procéder à la clôture anticipée de la période de souscription ou proroger sa date, déterminer, arrêter les termes du contrat d'émission d'OC et signer ledit contrat d'émission d'OC. Elle confère également tous pouvoirs au président à l'effet de réaliser l'augmentation de capital résultant de l'exercice de ces valeurs mobilière [...].'

Il résulte de celles-ci d'une part que c'est bien l'assemblée générale qui a pris la décision d'émettre des obligations convertibles et non son président sur délégation de compétence et, d'autre part, qu'elle a également fixé le montant de l'augmentation de capital résultant de la conversion à 2 700 000 euros.

Le contrat d'émission signé le même jour stipule en son article 4.1, intitulé 'Exercice du droit de conversion' que 'La conversion pourra intervenir, à la demande de l'investisseur, pour toutes les OC qui n'auraient pas été remboursées à la date d'exigibilité et, à tout moment, à compter de cette date. La parité de conversion, savoir le nombre d'actions nouvelles attribuées en contrepartie des obligations, sera calculée en tenant compte de la valorisation de la société, arrêtée sur la base de la dernière situation comptable ou de la dernière clôture comptable (soit au 30/06, soit au 31/12), à partir de la formule de valorisation suivante : 5 x EBE du Groupe Chanoar, étant précisé que l'EBE du groupe Chanoar comprendra l'EBE de la société Chanoar, augmenté des EBE de chaque participation détenue par Chanoar [...]'.

Il est constant que par lettres des 26 novembre et 1er décembre 2020, la société Cap change a prononcé l'exigibilité anticipée des obligations convertibles puis, en se basant sur l'EBE établi au 30 juin 2020, entendu souscrire 1 080 actions nouvelles de la société Chanoar par l'envoi d'un bulletin de souscription signé, et demandé au président de prendre les décisions de constatation de la conversion, de l'augmentation de capital et de modification des statuts.

Le mode de calcul du nombre d'actions à émettre (montant de l'emprunt obligataire/ Valeur unitaire de l'action Chanoar) et le fait que l'EBE du groupe Chanoar était négatif au 30 juin 2020, de sorte que la valeur de l'action de la société était nulle au moment de la conversion, ne sont pas sérieusement discutés.

Dans son rapport sur les résolutions extraordinaires présentées au vote de l'assemblée générale du 4 juin 2019, le président illustre la méthode de calcul à partir d'un EBE arrêté au 31 décembre 2018, de sorte que la méthode de détermination de la parité de conversion est parfaitement déterminée et ne peut donner lieu à interprétation.

Il est exact que le caractère négatif de l'EBE au 30 juin 2020 rend la méthode déterminée par les parties inapplicable en ce qu'elle aboutit à l'émission d'actions dont la valeur serait inférieure à la valeur nominale ou égale à zéro et que les associées n'ont fixé dans le contrat ni méthode en cas de valorisation nulle de la société ni valeur d'émission plancher.

Dans cette hypothèse, les premiers juges ont retenu à bon droit qu'il convenait de faire application des dispositions de l'article L.225-128, selon lesquelles les titres de capital nouveaux sont émis soit à leur montant nominal, soit à ce montant majoré d'une prime d'émission En effet, il ne résulte pas des résolutions que les associés, en omettant de stipuler une valeur d'émission plancher, aient expressément entendu déroger à ces dispositions.

De surcroît, la position de la société Chat blanc qui aboutit à faire échec à toute augmentation de capital de la société Chanoar tant que l'EBE du groupe Chanoar est négatif est contraire à l'intérêt social de la société Chanoar.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité des résolutions n°15 et 18.

4- Sur la nullité du contrat d'émission d'obligations convertibles

Invoquant les articles 1103, 1104, 1128 et 1163 du code civil puis reprenant ses moyens et arguments précédemment développés, la société Chat blanc soutient que le contrat d'émission d'obligations convertibles est imprécis et ne permet pas, par sa seule lecture, la fixation du nombre d'actions à émettre en contrepartie de l'emprunt obligataire converti. Elle considère que pour sa démonstration la société Cap change à besoin de modifier la valeur de la société obtenue par la formule de valorisation pour la fixer à hauteur de la valeur nominale des actions de la société Chanoar afin de permettre la détermination du nombre d'actions à émettre et qu'en réalité elle demande au président de la société de modifier la lettre du contrat et de la compléter pour pouvoir déterminer le nombre d'actions à émettre. Elle prétend qu'en réalité un nouvel accord des parties doit intervenir pour compléter la lettre du contrat d'obligations convertibles et ainsi permettre la détermination du nombre d'actions à émettre. Elle en déduit qu'est indéterminable l'obligation de la société Chanoar au titre de ce contrat de sorte qu'il y a lieu de prononcer la nullité du contrat, d'interdire par conséquent au président de la société de constater une éventuelle émission d'actions au titre de l'exercice du droit à conversion de la société Cap change et de constater que les obligations émises par la société Chanoar en date du 4 juin 2019 sont de facto des obligations simples sans droit à conversion.

La société Cap change affirme que la valeur minimale de la société Chanoar résultant de la formule de valorisation du contrat d'émission d'obligations convertibles entraîne la valeur minimale des nouvelles actions à émettre en cas de conversion et que cette valeur minimale est bien fixée par l'article L.225-128 du code de commerce, dont elle rappelle qu'il s'agit d'une loi impérative, qui, en tout état de cause, n'a pas été écartée dans le contrat. Elle ajoute que cette loi, qui ne modifie pas la volonté des parties, ne fait que limiter l'effet dilutif de la conversion et que son inapplicabilité, qui lui serait pourtant particulièrement favorable, n'est pas défendable.

Selon l'article 1163 du code civil, l'obligation doit être possible et déterminée ou déterminable.

Dés lors que le nombre d'actions à émettre est déterminable, conformément à ce qui a été retenu précédemment, l'obligation de la société Chanoar est également déterminable.

La demande de nullité formée par la société Chat blanc, dont il convient de relever de surcroît bien que cela ne soit pas soulevé à ce stade par la société Cap change, qu'elle n'est pas partie au contrat litigieux, doit donc être rejetée.

5- Sur l'exigibilité de l'emprunt obligataire

La société Chat blanc soutient, au visa des articles 1103, 1104 et 1194 du code civil, que les conditions de la conversion des obligations ne sont pas réunies. Elle fait valoir tout d'abord que la conversion ne peut pas intervenir dès lors que la société Chanoar n'a pas procédé au remboursement intégral du crédit senior, que la date d'exigibilité de l'emprunt obligataire fixée au 31 décembre 2024 n'a pas été atteinte, et que la société Cap change ne peut se prévaloir d'aucun cas d'exigibilité anticipée, précisant en particulier que l'exigibilité anticipée n'est pas la date d'échéance des obligations convertibles et que le tribunal aurait omis de répondre sur ce point. Elle considère ensuite qu'il n'y aucun cas de défaut dont la société Cap change pourrait se prévaloir pour exiger de manière anticipée le remboursement de ses obligations convertibles puisque les établissements bancaires eux-mêmes y ont renoncé. Elle expose d'une part qu'informés dès le 7 juillet 2020 du non-respect par la société Chanoar des ratios financiers pour l'exercice 2019, les établissements de crédit n'ont pas entendu se prévaloir de ce cas de défaut pour solliciter l'exigibilité anticipée de l'intégralité du prêt et, d'autre part, que le règlement de l'échéance du 6 février est intervenue le 18 février suivant en raison d'un simple retard dû à des difficultés technique dont là encore les banques n'ont pas entendu se prévaloir. Elle estime en outre que les établissements de crédit ont tacitement renoncé à se prévaloir de ces cas de défaut en se prononçant favorablement pour la souscription par le groupe Chanoar des prêts garantis par l'Etat et en signant à cette fin un avenant au crédit senior. Elle précise qu'ils ont également accepté le report des échéances de mai et août 2020 jusqu'en mai 2021, à condition notamment que les intérêts d'emprunt et de compte courant d'associé à la société Cap change ne soient pas réglés, raison pour laquelle la société Chanoar n'a pas procédé au paiement de ces intérêts en dépit de la mise en demeure que cette dernière lui avait adressée le 27 octobre 2020. Elle estime en conclusion que le fait pour la société Cap change de reprendre à son compte de prétendus cas de défauts afin de solliciter l'exigibilité anticipée de l'emprunt obligataire constitue une application abusive et de mauvaise foi du contrat d'émission de l'emprunt obligataire.

La société Cap change réplique qu'il résulte des dispositions de l'avant-contrat du 12 avril 2019 et du contrat du 4 juin 2019 que l'exigibilité était définie comme étant soit à terme soit anticipée et que dans tous les cas la conversion était prévue à l'issue du défaut de remboursement à bonne date. Elle explique également que la convention de subordination est stipulée au profit exclusif des banques et que si elle prohibe l'encaissement de sommes par elle-même au titre des obligations convertibles, la conversion de ces dernières n'implique aucun encaissement. S'agissant de l'exigibilité anticipée de l'emprunt obligataire, elle expose que le non-respect par la société Chanoar des ratios financiers au titre de l'exercice 2019 et le défaut de règlement à échéance d'une dette supérieure à 50 000 euros, en l'espèce sa créance d'intérêts de 113 854,27 euros, caractérisent des événements permettant aux banques de prononcer l'exigibilité anticipée du crédit senior et par voie de conséquence la possibilité pour elle-même de prononcer l'exigibilité anticipée des obligations convertibles en application de l'article 3.5 du contrat. Elle fait valoir également que le fait que les banques n'aient pas sollicité l'exigibilité des prêts accordés ne lui interdit pas d'invoquer un cas d'exigibilité des obligations convertibles et qu'il n'est versé aucune pièce établissant l'accord des banques pour renoncer à invoquer les cas de défaut, leur accord pour mettre en place des prêts garantis par l'Etat ou pour reporter certaines échéances ne valant pas expression claire et non équivoque de renoncer à leur droit. Elle observe, enfin, que dans sa déclaration de cessation des paiements la société Chanoar a déclaré une dette exigible de 2 868 496 euros reconnaissant ainsi le caractère exigible de l'emprunt obligataire.

Après avoir rappelé les articles 2-4, sur la durée de l'emprunt obligataire, et 3-5, sur l'exigibilité anticipée, du contrat d'émission des obligations convertibles, 14-1 du crédit senior relatif aux cas de défaut et la convention de subordination du 12 décembre 2019, les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, retenu que des cas de défaut étaient caractérisés, que selon le contrat l'existence d'un cas de défaut 'permettant' aux banques de prononcer l'exigibilité anticipée du crédit senior était suffisant, peu important qu'elles s'en soient prévalues ou non, que la renonciation des banques à se prévaloir des cas de défaut n'était en tout état de cause pas établie, de sorte que la société Cap change était fondée à prononcer l'exigibilité anticipée des obligations convertibles.

En outre, il sera relevé que l'article 20.7 de la convention de prêt stipule que 'le non-exercice ou l'exercice tardif par l'une des parties à la présente convention d'un droit résultant de la présente convention ou de tout document contractuel ne constitue pas une renonciation à l'exercice de ce droit et n'interdira pas à la partie concernée, sous réserve des dispositions légales en vigueur, d'exercer à l'avenir ledit droit.' Par suite, la société Chat blanc, nonobstant les accords des banques pour reporter des échéances ou lui accorder des prêts, ne peut arguer d'une renonciation à se prévaloir d'un cas de défaut tel que prévue à l'article 3-5 du contrat d'émission.

Enfin, le droit à conversion est prévu par l'article 4.1 du contrat d'émission non pas 'à leur date d'échéance' mais à 'la date d'exigibilité', laquelle peut-être celle de l'un ou l'autre des termes prévus ou un cas d'exigibilité anticipé.

Le jugement doit par conséquent également être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à ce titre.

6- Sur la nullité de l'assemblée générale du 21 décembre 2020 et du procès-verbal du président de la société du 21 décembre 2020 à 17h30

La société Chat blanc soutient que la société Cap change ne pouvait pas, lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2020, se prévaloir des 1 080 actions nouvelles qu'elle aurait obtenues du fait de la conversion de ses 2 700 obligations convertibles pour se positionner en qualité d'associé majoritaire, et que par conséquent si cette assemblée générale était considérée comme valide, elle s'est tenue selon les règles de la majorité alors applicable, de sorte qu'aucune résolution n'a pu être adoptée faute d'avoir obtenu la majorité ou le quorum requis. Elle en déduit que l'assemblée générale est nulle et qu'il convient d'en tirer toutes les conséquences en déclarant le procès-verbal établi par la société Cap change retenant une répartition du capital inexacte, nul et de nul effet.

Elle ajoute que l'assemblée générale du 21 décembre 2020 est entachée d'irrégularités en ce qu'en raison du désaccord des associés sur le choix du président de séance et sur la répartition des actions et règles de majorité s'agissant du vote, la société Cap change ne pouvait pas en application des statuts s'imposer comme président de séance, soulignant que le choix d'une autre personne que le président de la société comme président de séance ne peut intervenir que si le président de la société n'est pas là, ce qui n'était pas le cas, et à l'unanimité des associés et qu'aucune modification statutaire n'est intervenue entre le 4 juin 2019 et la tenue de cette assemblée générale ; en ce que deux feuilles de présence ont été établies et contestées par chacun des associés ; en ce que la présence des avocats de la société Cap change n'avait pas été préalablement autorisée ou acceptée; en ce que la société Cap change se trouvait dans l'impossibilité de démontrer la réalité de l'augmentation de capital dont elle se prévalait pour être reconnue associée majoritaire en l'absence de tout procès-verbal du président constatant l'augmentation de capital ; en ce qu'en sa qualité de président de séance elle n'a pu que constater que la société Cap change n'avait pas pu adopter seule les résolutions mises au vote et que suite à son départ, elle-même n'avait pas pu voter les résolutions faute d'avoir pu constater le quorum des deux tiers requis par l'article 19 des statuts ; et en ce que le procès-verbal établi par la société Cap change est signé uniquement par celle-ci en violation des statuts, ne respecte pas les mentions obligatoires relatives aux éléments d'identification de la société et ne retrace pas l'intégralité des événements intervenus lors de cette assemblée générale. Elle rappelle que le non-respect des dispositions légales en matière de tenue d'assemblée générale est sanctionné par la nullité des résolutions votées en application de l'article L.235-1 du code de commerce

Enfin, invoquant la nullité du procès-verbal du 21 décembre 2020 au visa de l'article L.225-149 du code de commerce, elle prétend que l'anachronie est évidente en ce que la société Cap change a signé le 21 décembre 2020 à 17h30 un procès-verbal dans lequel elle s'est prétendue présidente de la société et a constaté l'existence du nombre d'actions qu'elle s'était auto-attribuée pour tenir une assemblée générale qui avait eu lieu plusieurs heures avant. Elle souligne que dans ce procès-verbal le président a évité de se prononcer sur la manière dont le nombre d'actions émises était déterminé.

La société Cap change réplique qu'elle pouvait parfaitement se prévaloir de la détention des 1080 actions nouvelles de sorte que détenant plus des deux tiers du capital social tant le quorum que la majorité requis étaient réunis pour adopter les résolutions votées. Elle expose que durant l'assemblée générale a été utilisée l'option offerte par l'article 19.i des statuts qui permet à la collectivité des associés de choisir un président de séance différent du président de la société ; que celui-ci a été choisi par les associés à la majorité des deux tiers du capital social, aucune disposition légale ou statutaire n'exigeant l'unanimité ; que dans une société par actions simplifiée, il n'y a aucune obligation d'établir une feuille de présence mais qu'en l'espèce, les deux feuilles présentées avec une répartition du capital différente attestent sans équivoque possible de la présence de tous les associés détenant la totalité du capital social ; que la présence de ses avocats a été autorisée tant par le président de séance que par la majorité des associés comme en atteste le procès-verbal établi par l'huissier de justice présent ; qu'en application des articles L.225-149, alinéa 3, du code de commerce et 4.2 du contrat d'émission des obligations convertibles, le rôle du président n'est pas de créer les actions nouvelles issues de la conversion mais d'en constater la libération par compensation ; que la remise du bulletin de souscription d'actions par conversion des obligations crée les nouvelles actions de la société et qu'il appartenait au président de la société de constater l'augmentation de capital dès réception de la notification de la conversion ; qu'au regard de la conversion, les résolutions sont valables comme ayant été votées par plus de deux tiers du capital de la société ; que le procès-verbal de l'assemblée générale a été valablement signé par elle-même en ses qualités de président de séance et d'associé ; qu'il a pour objectif de constater les décisions collectives des associés et de résumer les débats de sorte que le président peut ne relater que succinctement les observations présentées, étant souligné que la société Chat blanc n'a pas demandé au président de séance de consigner des observations particulières. Elle en conclut que tant l'assemblée générale que le procès-verbal s'y attachant ne sont entachés d'aucune irrégularité.

L'article L.235-1 du code de commerce prévoit, d'une part, que la nullité d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats et, d'autre part, que sous réserve de certaines exceptions, la nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition du présent livre.

La société Chat blanc n'excipe pas de la violation d'une disposition légale.

Aux termes de l'article L.227-9 du code de commerce, les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

Les statuts de la société Chanoar prévoient notamment :

- article 18 : 'Les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité des deux-tiers (2/3) du capital social et des droits de vote des associés présents ou représentés ou votant par correspondance.',

- article 19 :'Les décisions collectives sont prises à l'initiative du président, du directeur général ou d'un associé. [...] La collectivité des associés se réunit en assemblée, sur convocation du président ou d'un associé, qui en conséquence arrêtera l'ordre du jour, par tout moyen écrit, quinze jours au moins avant la date fixée pour la réunion. L'assemblée peut se réunir sans délai, si tous les associés sont présents ou représentés. [...]La réunion aura lieu au choix du président, au siège social ou en tout autre endroit indiqué par celui-ci. L'assemblée sera présidée par le président ou toute autre personne choisie parmi les associés présents ou représentés. [...] Pour toute réunion de la collectivité des associés, le quorum est atteint dès lors que les associés présents ou représentés possèdent au moins sur première convocation les deux tiers des actions ayant droit de vote.',

- article 20 : 'Les décisions collectives des associés, quel qu'en soit le mode, doivent être constatées par écrit dans des procès-verbaux établis sur un registre spécial ou sur des feuilles mobiles numérotées. Les procès-verbaux sont signés par le président de séance et par un associé présent et/ou consulté.'

Par ailleurs, l'article 4.2 du contrat d'émission des actions nouvelles précise que 'Les actions nouvelles qui seront soumises à toutes les dispositions des statuts seront créées jouissance à compter du jour de la conversion des OC correspondantes.'

Il est constant que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 4 décembre 2020, la société Cap change, en sa qualité d'associée, a convoqué une assemblée générale de la société Chanoar, dans les locaux de son conseil, à l'effet notamment de révoquer la société Chat blanc et les directeurs généraux de leur mandat et d'être nommée en qualité de présidente de la société.

Cette assemblée générale s'est tenue en présence des deux associées représentant la totalité du capital social, de leurs conseils et d'un huissier de justice mandaté à cet effet qui a dressé procès-verbal.

La société Cap change, associée majoritaire du fait de la conversion de ses obligations en actions dont elle avait la jouissance depuis la conversion nonobstant l'absence de constat préalable par le président de la société Chanoar, a fait procéder à un vote qui l'a désignée en qualité de président de séance, ce qu'elle pouvait faire dès lors que les statuts le prévoient sans que l'absence du président de la société pour qu'un autre président de séance puisse être désigné ou que l'unanimité des votes pour désigner ce dernier soit exigée.

La présence de ses conseils a également été autorisée par décision de l'associée majoritaire.

L'établissement de deux listes de présence, respectivement contestées par chacune des parties, n'est pas une cause de nullité de l'assemblée générale, étant relevé que la présence des deux associées représentant la totalité du capital social est, en tout état de cause, attestée par le procès-verbal de l'huissier de justice de sorte que le quorum requis pour le vote des résolutions était nécessairement atteint.

En sa qualité de président de séance, la société Cap change a ensuite fait procéder aux votes des résolutions qui ont été adoptées par la majorité des deux tiers des associés conformément aux statuts.

Le procès-verbal établi le 21 décembre à 15h30, qui n'a pas à relater l'ensemble des débats ayant eu lieu au cours de l'assemblée générale, alors au demeurant que ceux-ci ont été repris dans le procès-verbal établi par l'huissier de justice qui y assistait, a été signé par la société Cap change en sa double qualité de présidente de séance et d'associée en contradiction avec l'esprit des statuts qui prévoient que ce procès-verbal doit être signé par le président de séance et un associé, ce qui s'entend comme deux personnes différentes. Il convient néanmoins de relever que cette irrégularité qui affecte le procès-verbal, lequel reprend par ailleurs les mentions obligatoires relatives à l'identification de la société et de ses associés, n'est pas susceptible, en application de l'article L.235-1 du code de commerce, d'entraîner l'annulation de ce procès-verbal en l'absence de violation d'une disposition impérative du livre II du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats et de stipulations convenues dans les statuts en ce sens.

Enfin, en application de l'article L.225-149 du code de commerce, la société Cap change en sa qualité de présidente de la société Chanoar, par procès-verbal dressé le même jour à 17h30, a constaté l'augmentation du capital de la société Chanoar par conversion des 2 700 obligations convertibles en 1080 actions ordinaires et a décidé de modifier les statuts en conséquence.

Contrairement à ce qui est vainement soutenu par l'appelante, ce procès-verbal dans lequel le président n'avait pas à se prononcer sur la manière dont le nombre d'actions émises était déterminé, est régulier.

Ces demandes de nullité seront donc également rejetées.

7- Sur les conditions d'émission des obligations convertibles et l'incompétence du président pour palier d'éventuelles irrégularités

L'appelante prétend que les modalités d'émission des actions votées par l'assemblée générale n'étant pas conformes aux dispositions de l'article L.225-128 du code de commerce sont de facto irrégulières et inapplicables mais qu'à supposer que la valorisation de la société à hauteur de la valeur nominale des actions composant son capital soit retenue, elle imposerait au président d'aller au-delà d'un simple constat en violation de l'article L.225-149, alinéa 3, du code de commerce. Elle considère qu'il appartient au président de la société de procéder à un simple constat du nombre des actions à créer au profit des titulaires des droits au moment où le titulaire exerce ses droits et que pour procéder au constat aboutissant à la solution souhaitée par la société Cap change, il faudrait que le président porte atteinte à la lettre du contrat et qu'il outrepasse ses compétences, ce qu'il ne peut pas faire en l'absence de délégation de compétence. Elle en déduit que l'assemblée générale doit de nouveau se réunir pour compléter les modalités de l'opération.

L'intimée, qui relève une contradiction entre l'argument soulevé et le reste des écritures, considère que la société Chat blanc a ainsi avoué que l'émission d'actions nouvelles devait intervenir à une valeur supérieure ou égale à la valeur nominale en application de l'article L.225-128 et admis qu'il appartenait au président de procéder à un simple constat du nombre d'actions à créer au profit des titulaires des droits au moment où le titulaire exerce ses droits.

Contrairement à ce qui est affirmé par la société Chat blanc, les modalités d'émission des obligations convertibles votées par l'assemblée générale ne sont pas irrégulières en ce qu'elles n'auraient pas fixé de valeur minimale en violation des dispositions de l'article L.225-128 du code de commerce.

Conformément à ce qui a été rappelé ci-dessus, aux termes de la résolution n°18, votée lors de l'assemblée générale du 4 juin 2019, les associés ont donné tous pouvoirs au président pour déterminer, arrêter les termes du contrat d'émission d'obligations convertibles et signer ce contrat.

Dans le procès-verbal des décisions du président du 4 juin 2019, celui-ci a constaté que les 2 700 obligations convertibles ont été souscrites en totalité par la société Cap change, que cette souscription a été réalisée par compensation de créance, que l'émission des 2 700 obligations convertibles a été définitivement et régulièrement réalisée et que le contrat d'émission des obligations convertibles a été signé avec la société Cap change.

Selon l'article 225-149, alinéas 2 et 3, du code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées, l'augmentation de capital est définitivement réalisée du seul fait de l'exercice des droits et, le cas échéant, des versements correspondants. À tout moment de l'exercice en cours et au plus tard lors de la première réunion suivant la clôture de celui-ci, le conseil d'administration ou le directoire constate, s'il y a lieu, le nombre et le montant nominal des actions créées au profit des titulaires des droits au cours de l'exercice écoulé et apporte les modifications nécessaires aux clauses des statuts relatives au montant du capital social et au nombre de titres qui le composent.

La société Cap change a exercé ses droits et remis le bulletin de souscription des actions par conversion par lettres des 26 novembre et 1er décembre 2020 et l'existence de la libération par compensation correspondante n'est pas contestée.

La société Chat blanc n'a pas procédé à un tel constat en dépit de la demande qui lui a été adressée par la société Cap change le 1er décembre 2020.

Puis par procès-verbal du 21 décembre 2020, faisant suite à l'assemblée générale du même jour, la société Cap change, nouveau président de la société Chanoar, a constaté l'augmentation de capital de la société d'un montant de 2 700 000 par conversion des 2 700 obligations convertibles en 1 080 actions ordinaires nouvelles et a modifié les statuts en conséquence. Ce faisant, le président a constaté l'émission des titres nouveaux à leur valeur nominale sans modifier le contrat ni outrepasser ses compétences.

Par conséquent, la demande tendant à interdire au président de la société Chanoar de procéder à une émission d'actions aux fins de servir le droit de conversion de la société Cap change exercer le 1er décembre 2020 et à prononcer la nullité du procès-verbal du 21 décembre 2020 à 17h30, à ce titre, sera écartée.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le procès-verbal de l'assemblée générale du 21 décembre 2020 n'est entaché d'aucune irrégularité.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Déclare la société Chat blanc recevable en sa demande de nullité pour vice du consentement ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que le procès-verbal de l'assemblée générale du 21 décembre 2020 n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Statuant de ce chef,

Déboute la société Chat blanc de sa demande de nullité du procès-verbal de l'assemblée générale du 21 décembre 2020 ;

Y ajoutant,

Déboute la société Chat blanc de sa demande tendant à 'prononcer la nullité de l'acte par lequel la société Cap change entend se prévaloir de l'exercice de son droit à conversion' formée au titre d'un aveu judiciaire ;

Déboute les parties de leur demande d'indemnité procédurale ;

Condamne la société Chat blanc aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.