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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 16 juin 2022, n° 21/145227

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société BNY Form 2 (SARL)

Défendeur :

Bellifontaine Automobile (SARL), MJC2A (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pruvost

Conseillers :

Mme Lefort, M. Trarieux

Avoué :

SCP Bouaziz - Serra - Ayala - Bonlieu -le Men - Ayoun

Avocats :

Me Maris-Bonlieu, Me Hubeny-Belsky

Fontainebleau, JEX, du 29 juin 2021, n° …

29 juin 2021

Selon acte sous seing privé du 28 janvier 2010, la société Bellifontaine automobile a consenti à la société BNY Form 2 un bail portant sur un local commercial sis [Adresse 3].

Par ordonnance du 3 décembre 2019, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Fontainebleau a notamment :

- condamné la société BNY Form 2 à payer à la société Bellifontaine la somme provisionnelle de 15 237,97 euros au titre de l'arriéré locatif au 5 novembre 2019, sous réserve des paiements intervenus après l'audience,

- ordonné à la société BNY Form 2 de procéder au retrait de tous matériaux et encombrants déposés dans les parties communes et visés par la sommation de faire du 23 avril 2019,

- constaté la résiliation du bail à la date du 23 mai 2019,

- ordonné l'expulsion de la société BNY Form 2,

- condamné la société BNY Form 2 à payer à la société Bellifontaine automobile une indemnité provisionnelle d'occupation depuis le 23 mai 2019 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférents, qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,

- condamné la société BNY Form 2 à payer à la société Bellifontaine automobile la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNY Form 2 aux entiers dépens.

La société BNY Form 2 a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt daté du 9 octobre 2020, la Cour d'appel de Paris a :

- confirmé l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le montant de la provision à valoir sur l'arriéré locatif,

statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant vu l'évolution du litige,

- condamné la société BNY Form 2 à payer à la société Bellifontaine automobile la somme provisionnelle de 6 957,13 euros au titre des indemnités d'occupation dues au 30 juin 2020,

- condamné la société BNY Form 2 à payer à la société Bellifontaine automobile la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNY Form 2 aux dépens d'appel.

La société BNY Form 2 a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Le 22 décembre 2020, la société Bellifontaine automobile a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente à la société BNY Form 2 portant sur une somme de 39 712,24 euros.

Le même jour, la société Bellifontaine automobile a fait délivrer à la société BNY Form 2 un commandement de quitter les lieux.

Par acte d'huissier en date du 20 janvier 2021, la société BNY Form 2 a fait assigner la société Bellifontaine automobile devant le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Fontainebleau, notamment aux fins de voir ordonner la mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente et la suspension des effets de la clause résolutoire, à titre subsidiaire, ordonner la mainlevée du commandement de quitter les lieux, et à titre infiniment subsidiaire lui accorder un délai de trois ans pour quitter les lieux.

Par jugement du 29 juin 2021, le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Fontainebleau a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- rejeté la demande aux fins de mainlevée du commandement de « payer les lieux »,

- cantonné les effets du commandement aux fins de saisie-vente du 22 décembre 2020 à la somme de 19 187,71 euros,

- dit que cette somme est réduite de 8 686,04 euros si le virement en date du 27 mai 2021 est effectif,

- rejeté la demande de suspension de la clause résolutoire,

- rejeté la demande de mainlevée du commandement de quitter les lieux,

- rejeté la demande de délais,

- dit qu'en l'absence de l'exécution des termes de l'ordonnance du 3 décembre 2019 de procéder au retrait de tous matériaux et encombrants déposés dans les parties communes et visés par la sommation de faire du 23 avril 2019, une astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard passé un mois suivant la signification du jugement et pour une durée de deux mois sera due par la société BNY Form 2,

- condamné la société BNY Form 2 à verser à la société Bellifontaine automobile la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNY Form 2 aux entiers dépens,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 26 juillet 2021, la société BNY Form 2 a interjeté appel de ce jugement.

Selon jugement en date du 4 octobre 2021, le Tribunal de commerce de Melun a placé la société BNY Form 2 en redressement judiciaire.

Par conclusions du 10 mai 2022, la société BNY Form 2 ainsi que la Selarl MJC2A, ès qualités de mandataire judiciaire de l'intéressée, intervenante volontaire, ont fait valoir que :

- un sursis à statuer est nécessaire, une procédure au fond étant en cours, la procédure de référé faisant l'objet d'un pourvoi en cassation et les décisions en référé n'ayant pas autorité de la chose jugée ; d'autre part, le sursis est commandé par l'exigence de proportionnalité du fait du préjudice causé par une décision provisoire aux lourdes conséquences pour le preneur confronté à la mauvaise foi du bailleur ;

- d'après le commandement de payer aux fins de saisie-vente, il reste un solde de 39 712,24 euros alors que le jugement a retenu une dette de 19 187,71 euros au 30 décembre 2020 ; depuis le paiement de la somme de 13 427,42 euros le 12 juin 2020, elle justifie de plusieurs virements bancaires entre les mains de M. [U] [M], gérant de la société Bellifontaine automobile, pour un montant total de 40 665,66 euros, soit davantage que le montant réclamé dans le commandement de payer aux fins de saisie-vente ;

- elle a exécuté l'ordonnance du 3 décembre 2019 par un chèque libellé à l'ordre de la CARPA le 23 janvier 2020 et c'est à tort que le premier juge a estimé que ce paiement ne saurait être imputé sur la condamnation en l'absence de décompte CARPA, un simple calcul permettant de faire apparaître un trop perçu de 800 euros ;

- le loyer de novembre 2019 a été réglé deux fois ;

- à la date du commandement à fin de saisie-vente, elle était créditrice de la somme de 7 914,30 euros alors que son bailleur lui réclamait en décembre 2020 un solde locatif de 39 712,24 euros ;

- en matière de bail commercial, le juge peut, en accordant des délais de paiement, suspendre les effets de la clause résolutoire pour autant que la résiliation n'ait pas déjà été prononcée par une décision ayant autorité de la chose jugée ;

- la loi du 14 novembre 2020 s'applique, la salle de sport qu'elle exploitait ayant fait l'objet d'une fermeture administrative lors de la crise sanitaire, si bien qu'aucune voie d'exécution ne pouvait s'exercer à son encontre ;

- le bailleur lui-même a nommé les causes du commandement de payer de loyers et non d'indemnités d'occupation ;

- la société BNY Form 2 ne formule aucune demande nouvelle, mais invoque seulement des moyens nouveaux ;

- la somme de 5 400 euros correspondant à un versement CARPA n'a pas été prise en compte dans les calculs de l'expert-comptable, la dette totale s'élève donc à 8 686,04 euros, qu'elle affirme avoir réglée par un versement du 27 mai 2021 ;

- le bailleur est de mauvaise foi, celui-ci refusant notamment de restituer le matériel appartenant à un tiers et le dépôt de garantie d'un montant de 22 573,22 euros ;

- le commandement de quitter les lieux est privé de cause ;

- le commandement de payer étant erroné et sans effet ;

- elle a exécuté toutes les causes de l'arrêt et de l'ordonnance au 1er juin 2021 ;

- elle justifie de son impossible relogement, de ses difficultés économiques et d'avoir exécuté les causes du commandement ;

- elle justifie de son exécution concernant l'enlèvement des encombrants et des climatisations, et la société Bellifontaine n'a réclamé aucune astreinte ;

- l'argument adverse selon lequel toutes ses demandes sont irrecevables, car elle a été expulsée en septembre 2022, ne saurait prospérer, toutes les décisions judiciaires servant de fondement à l'exécution étant révocables et non définitives.

Par conséquent, elles demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

juger à nouveau en cause d'appel,

- débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes la société Bellifontaine,

in limine litis,

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal judiciaire de Fontainebleau sur l'assignation au fond délivrée à l'encontre de la société Bellifontaine automobile, de la décision de la Cour de cassation et des décisions rendues dans le cadre de sa procédure collective,

au fond,

sur le commandement aux fins de saisie vente :

- ordonner la mainlevée du commandement aux fins de saisie-vente délivré le 22 décembre 2020,

- condamner la société Bellifontaine automobile à lui régler la somme de 7 914,30 euros TTC,

sur le commandement de quitter les lieux :

à titre principal,

- ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail,

à titre subsidiaire,

- ordonner la mainlevée du commandement de quitter les lieux,

à titre infiniment subsidiaire,

- lui accorder un délai de trois ans pour quitter les lieux sis [Adresse 3],

en tout état de cause,

- condamner la société Bellifontaine automobile à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance ;

- condamner la société Bellifontaine automobile au paiement de deux indemnités de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Bellifontaine automobile aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Annabelle Hubeny- Belsky.

Par conclusions du 22 avril 2022, la société Bellifontaine automobile soutient que :

- l'appelante l'a assignée au fond seulement le 29 juin 2021, alors que l'ordonnance et l'arrêt ordonnant l'expulsion ont été rendus le 3 décembre 2019 et le 9 octobre 2020, et que le commandement de quitter les lieux a été délivré le 22 décembre 2020 ;

- le pourvoi en cassation n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée ;

- l'ouverture d'une procédure collective est également sans incidence ;

- un commandement de payer délivré pour une somme supérieure au montant réel de la dette demeure valable ;

- il n'y a pas lieu à restitution du dépôt de garantie, puisque l'appelante était dans les lieux au jour du commandement de payer aux fins de saisie-vente ;

- le juge de l'exécution n'a pas compétence pour remettre en cause les termes de l'arrêt du 9 octobre 2020 en ce qu'il a arrêté l'arriéré locatif à la somme de 6 957,13 euros, au mois de juin 2020 inclus ;

- les indemnités de procédure ne lui ont pas été réglées, aucun décompte n'étant fourni pour le chèque CARPA, et le paiement du 30 avril 2021 ne réglant pas l'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le 23 janvier 2020, elle a reçu une lettre chèque d'un montant de 16 037,97 euros émise à l'ordre de la CARPA, et non la somme de 16 637,97 euros ;

- la demande de l'appelante concernant les charges qui lui sont réclamées est irrecevable, étant une demande nouvelle ;

- à titre subsidiaire, cette demande n'est pas justifiée, car l'appelante a retranché la somme de 5 699,56 euros au titre de la facture d'octobre 2020 au motif que cette dernière se serait élevée à la somme de 12,413,27 euros, alors que le commandement de payer ne vise que la somme de 7 141,67 euros ;

- c'est à tort que l'appelante prétend que les charges ne seraient ni prouvées, ni dues, l'ordonnance, confirmée par l'arrêt du 9 octobre 2020, prévoyant explicitement l'obligation de payer ces charges ;

- l'arriéré locatif s'élève à ce jour à la somme de 18 513,67 euros ;

- l'appelante est irrecevable à demander des délais pour quitter les lieux ; puisqu'elle a été expulsée le 8 septembre 2021 ; en outre, la société BNY Form 2 ne justifie pas que son impossibilité de relogement ;

- à titre subsidiaire, l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 ne protège des voies d'exécution forcées que les non-paiements de loyers dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police, soit à compter du 17 octobre 2020, or en l'espèce il s'agit d'indemnités d'occupation et non de loyers, ce que mentionne bien le commandement de payer ;

- le juge de l'exécution n'est pas compétent pour suspendre les effets d'une clause résolutoire, l'introduction d'un pourvoi en cassation est indifférente,

- la société BNY Form 2 ne justifie pas avoir procédé à l'enlèvement de tous matériaux et encombrants disposés dans les parties communes ;

- le prétendu refus de restitution du matériel loué par l'appelante n'a aucune incidence sur la solution du litige ;

- l'expulsion est légale, notamment car l'ordonnance du 3 décembre 2019, confirmée par l'arrêt du 9 octobre 2020 l'a ordonnée, et la procédure devant le juge de l'exécution n'a aucun effet suspensif.

Par conséquent, elle demande à la Cour de :

- la recevoir en ses écritures et l'y déclarer bien fondée ;

- déclarer la société BNY Form 2 irrecevable en ses demandes au titre de la répétition des charges prétendument indues ;

- déclarer la société BNY Form 2 irrecevable en ses demandes tendant à obtenir la mainlevée du commandement de quitter les lieux et des délais pour quitter les lieux ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à l'endroit de la déduction de la somme de 8 686,04 euros, réglée le 27 mai 2021, soit après la délivrance du commandement de payer ;

- en conséquence, débouter la société BNY Form 2 de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société BNY Form 2 au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société BNY Form 2 aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Bouaziz Serra Ayala Bonlieu, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Par acte en date du 29 juin 2021, la société BNY Form 2 a assigné la société Bellifontaine automobile devant le Tribunal judiciaire de Fontainebleau en vue d'obtenir notamment l'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire, l'autorisation de poursuivre l'exécution du bail, et de voir fixer sa propre créance à hauteur de 107 394,53 euros.

Si une ordonnance de référé est dépourvue de l'autorité de chose jugée au principal, comme il est dit à l'article du 488 code de procédure civile, elle peut légitimer des mesures d'exécution forcée, l'article L 111-10 du code des procédures civiles d'exécution prévoyant que sous réserve des dispositions de l'article L 311-4, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. Dans ces conditions, en cet état de la procédure, l'ordonnance de référé en date du 3 décembre 2019 peut servir de fondement tant à un commandement à fin de saisie-vente qu'à une procédure d'expulsion, et il n'y a pas lieu d'attendre l'issue de la procédure au fond pour trancher le litige relatif auxdites mesures d'exécution.

En outre, le pourvoi en cassation qui a été formé par la société BNY Form 2 à l'encontre de l'arrêt rendu le 9 octobre 2020 par la Cour d'appel de Paris ayant confirmé l'ordonnance de référé susvisée est dépourvu d'effet suspensif, et ne constitue pas un obstacle à l'exécution de la décision attaquée comme il est dit à l'article L 111-11 du code des procédures civiles d'exécution. Enfin le placement de la société BNY Form 2 en redressement judiciaire est survenu le 4 octobre 2021, soit postérieurement aux actes d'exécution présentement critiqués. Les décisions qui seront rendues dans le cadre de cette procédure collective n'ont donc pas d'incidence sur ces actes d'exécution.

Accueillir la demande de sursis à statuer reviendrait à suspendre l'effet de la décision de justice fondant les poursuites, alors que l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution fait interdiction au Juge de l'exécution de faire droit à une telle prétention. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer.

La société BNY Form 2 a été expulsée le 28 septembre 2021. La Cour constatera que la demande de délais pour s'exécuter est devenue sans objet.

S'agissant du commandement de quitter les lieux en date du 22 décembre 2020, la société BNY Form 2 indique que le juge peut suspendre le jeu de la clause résolutoire et ainsi éviter l'expulsion, mais la demande y relative devait être formée lors de l'instance en référé ou devant la Cour statuant en appel de l'ordonnance du 3 décembre 2019, et non pas devant le juge de l'exécution ; faire droit à cette demande à ce stade de la procédure reviendrait à modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

Selon l'article 14 de la loi no 2020-1379 du 14 novembre 2020,

I.-Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2o ou 3o du I de l'article 1er de la loi no 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 2o du I de l'article 1er de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ou du 5o du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application des deux premiers alinéas du III de l'article 1er de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 précitée ou du second alinéa du I de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II.- Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires qu'avec l'autorisation du juge, par dérogation à l'article L. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

III.- Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil .

IV.- Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.

Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa.

(...)

VII.- Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020.

(...).

Le décret no 2020-1766 du 30 décembre 2020 pris pour l'application de cette loi dispose en son article 1er que :

I.- Pour l'application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 susvisée, les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I du même article sont celles remplissant les critères d'éligibilité suivants :

1o Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;

2o Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d'euros ou, pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, le montant de leur chiffre d'affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d'euros ;

3o Leur perte de chiffre d'affaires est d'au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.

II.-Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de chiffre d'affaires mentionné au 3o du I du présent article correspond à une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d'autre part :

-le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente ;

- ou, si l'entreprise le souhaite, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019 ;

- ou, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;

- ou, pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires réalisé en février 2020 et ramené sur un mois ;

- ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé entre le 1er juillet 2020, ou à défaut la date de création de l'entreprise, et le 30 septembre 2020.

III.-Pour les entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, le chiffre d'affaires du mois de novembre 2020 mentionné au II n'intègre pas le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison.

IV.-Lorsqu'elles sont constituées sous forme d'association, les personnes mentionnées au I ont au moins un salarié.

V.-Les conditions fixées aux 1o et 2o du I sont considérées au premier jour où la mesure de police administrative mentionnée au I de l'article 14 de la loi susvisée s'applique. Le seuil d'effectif est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et il est tenu compte de l'ensemble des salariés des entités liées lorsque l'entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

Et l'article 2 dudit décret prévoit que :

Les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 susvisée attestent des conditions fixées à l'article 1er du présent décret en produisant une déclaration sur l'honneur qu'elles remplissent lesdites conditions. Cette déclaration est accompagnée de tout document comptable, fiscal ou social permettant de justifier les conditions fixées au 1o et 2o du I de l'article 1er. La perte de chiffre d'affaires est établie sur la base d'une estimation.

Les entreprises de moins de cinquante salariés bénéficiaires de l'aide financière mentionnée à l'article 3-14 du décret du 30 mars 2020 susvisé peuvent justifier de leur situation en présentant l'accusé réception du dépôt de leur demande d'éligibilité au fonds de solidarité au titre du mois de novembre 2020, accompagné de tout document comptable ou fiscal permettant de justifier qu'elles ne dépassent pas le niveau de chiffre d'affaires mentionné au 2o du I de l'article 1er.

Il incombe à la débitrice de démontrer que moins de deux mois avant la délivrance du commandement de quitter les lieux, soit au plus tard le 22 octobre 2020, son activité a été affectée par les mesures restrictives des libertés prises par le gouvernement en raison de l'épidémie de Covid 19, et que les conditions relatives à la baisse de chiffre d'affaires sont remplies.

La société BNY Form 2 exploitait une salle de sport. Ces salles ont été fermées entre le 15 mars et le 2 juin 2020 puis depuis la fin du mois de septembre 2020, pour rouvrir le 19 octobre 2020 ; la reprise de leurs activités a été entravée par la baisse de fréquentation consécutive à l'obligation du port du masque, aux jauges sanitaires qui devaient être observées, et aux réticences de certaines personnes qui craignaient d'être contaminées. En outre les personnes non vaccinées se devaient d'être particulièrement prudentes et éviter de se trouver à proximité d'autres personnes. Enfin un nouveau confinement a été décidé à compter du 29 octobre 2020. Il en résulte qu'au 22 octobre 2020 et sur la période postérieure, l'activité de la société BNY Form 2 a bien été entravée par les mesures gouvernementales. En revanche, l'appelante n'établit pas qu'elle satisfait aux conditions liées à la baisse de chiffre d'affaires. Le commandement de quitter les lieux querellé est donc régulier et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de cet acte.

S'agissant du commandement à fin de saisie-vente en date du 22 décembre 2020, y était réclamée une somme de 39 712,24 euros, soit :

- l'arriéré locatif arrêté au 30 juin 2020 (6 957,13 euros) ;

- les indemnités d'occupation échues du mois de juillet au mois de novembre 2020 (5 x 7 141,67 euros) ;

- 800 euros et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les droits de plaidoirie (2 x 13 euros) ;

- des frais (225 euros) ;

- l'indemnité d'occupation du mois de décembre 2020 (7 141,67 euros) ;

- les intérêts (38,12 euros) ;

- les frais de procédure (507,10 euros) ;

- le droit de recouvrement et d'encaissement dû à l'huissier de justice (160,69 euros) ;

- le coût du commandement à fin de saisie-vente (75,33 euros) ;

le tout sous déduction de la somme de 13 427,42 euros (soit 2 x 6 713,71 euros).

Cette dernière somme représentait les termes des mois de juillet et août 2020.

Les contestations de la société BNY Form 2 au titre des charges (taxe d'enlèvement des ordures ménagères et autres) qui lui ont été facturées par la société Bellifontaine automobile ne constituent pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau à l'appui de la demande de mainlevée du commandement à fin de saisie-vente. Elles sont dès lors recevables. L'ordonnance de référé fondant les poursuites l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation égale au loyer majoré des charges et taxes ; celles-ci sont donc bien dues.

Il incombe à la débitrice de rapporter la preuve du paiement des sommes dues conformément à l'article 1353 alinéa 2 du code civil . Les versements par elle allégués de 6 713,71 euros survenus aux mois de juillet et août 2020 ont été pris en compte par l'intimée, mais non pas ceux des mois d'octobre, novembre et décembre 2020 (6 713,71 euros + 6 713,71 euros + 7 097,71 euros), soit 20 525,53 euros qu'elle reconnaît avoir perçus dans ses écritures, aux erreurs de calcul près. Cette somme doit dès lors être déduite du compte.

La société BNY Form 2 argue d'un double paiement du loyer du mois de novembre 2019 (de 7 020 euros) qui serait intervenu le 4 décembre 2019, soit le lendemain du prononcé de l'ordonnance de référé. Ce moyen devait être soulevé devant la Cour d'appel de Paris statuant en appel de ladite ordonnance ; dès lors que cet arrêt est postérieur à la date de paiement alléguée, le juge de l'exécution ne peut pas déduire les sommes en cause sous peine de modifier le contenu du titre exécutoire fondant les poursuites.

S'agissant de la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile qui avait été allouée à l'intimée, la société BNY Form 2 prétend l'avoir réglée via un chèque d'un montant de 16 037,97 euros adressé à la société Bellifontaine automobile le 23 janvier 2020 ; ladite somme a été débitée du compte de la société BNY Form 2 ouvert en les livres de la société Crédit Mutuel le 20 janvier 2020. Le 21 janvier 2020, la CARPA de Melun a indiqué que suite à ce versement le solde de l'affaire était de 16 637,97 euros Il n'est nulle part justifié du détail de cette somme. Pas plus que devant le juge de l'exécution, l'appelante n'explicite devant la Cour pour quelles raisons elle a réglé la somme de 16 037,97 euros et à quoi celle-ci correspond.

S'agissant de l'indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile allouée à la société Bellifontaine automobile par la Cour d'appel de Paris, la société BNY Form 2 soutient l'avoir payée le 30 avril 2021par un virement de 2 756,61euros, mais là encore elle n'explicite pas pour quelles raisons il y aurait lieu d'y inclure l'indemnité de procédure susvisée, ni d'ailleurs les droits de plaidoirie, et ce d'autant plus que l'avis de virement comporte la mention " charges mai 2020- janvier 2021".

Il faut donc considérer que ni les deux indemnités procédurales ni les deux droits de plaidoirie de 13 euros n'ont été payés.

Le virement du 27 mai 2021 d'un montant de 8 686,04 euros est postérieur au commandement à fin de saisie-vente, et le juge de l'exécution en a tenu compte en mentionnant dans le dispositif du jugement que ladite somme serait soustraite des effets de cet acte si ce virement était effectif. Il résulte de l'historique du compte produit en annexe de l'attestation de l'expert-comptable de la société BNY Form 2 que la somme susvisée a bien été réglée le 28 mai 2021.

S'agissant du dépôt de garantie qui n'a pas été restitué, la société BNY Form 2 ne peut soutenir que cela démontre la mauvaise foi de la partie adverse puisque la liquidation de la créance de la débitrice de ce chef relève des pouvoirs du juge du fond.

Dans ces conditions, seules les sommes de 20 525,53 euros et 8 686,04 euros doivent être soustraites du compte.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a :

- cantonné les effets du commandement aux fins de saisie-vente du 22 décembre 2020 à la somme de 19 187,71 euros,

- dit que cette somme est réduite de 8 686,04 euros si le virement en date du 27 mai 2021 est effectif ;

Et il sera jugé ci-après que la mainlevée partielle du commandement à fin de saisie-vente du 22 décembre 2020 est ordonnée à hauteur de 29 211,57 euros.

La société BNY Form 2 demande à la Cour de condamner la société Bellifontaine automobile au paiement de la somme de 7 914,30 euros ; le juge de l'exécution ne pouvant pas délivrer de titres exécutoires hors des cas prévus par la loi, cette demande est irrecevable.

S'agissant de l'astreinte, la société BNY Form 2 reproche au premier juge d'en avoir institué une ( du chef de l'obligation à procéder au retrait de tous matériaux et encombrants) alors que la demande se limitait aux encombrants et ne visait pas les climatisations ; elle ajoute que le nécessaire a été fait. Il résulte de la lecture de l'exorde du jugement dont appel qu'à titre reconventionnel, la société Bellifontaine automobile a bien sollicité du juge de l'exécution qu'il assortisse d'une astreinte l'obligation qu'elle avait de procéder au retrait de tous matériaux et encombrants déposés dans les parties communes et visés dans la sommation de faire datée du 23 avril 2019. L'appelante ne démontre pas avoir retiré les éléments présents dans la salle objet du bail, alors qu'il résulte de la lecture du procès-verbal d'expulsion du 8 septembre 2021 que de très nombreux appareils de musculation, vélos, chaises, fauteuils, meubles, cartons, casiers, bancs, tapis, et autres, sont restés dans les lieux. C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a assorti l'obligation de retirer les matériaux et encombrants litigieux qui avait été instituée par l'ordonnance de référé du 3 décembre 2019 d'une astreinte, et ce, conformément à l'article L 131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. Le jugement est confirmé de ce chef.

La société Bellifontaine automobile succombant même pour partie, c'est à tort que le juge de l'exécution a condamné la société BNY Form 2 à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; il sera infirmé sur ces points.

En équité, les demandes formées à hauteur d'appel par la société BNY Form 2 et la Selarl MJC2A ès qualités de mandataire judiciaire de celle-ci seront rejetées.

La société Bellifontaine automobile sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 29 juin 2021 en ce qu'il a :

* cantonné les effets du commandement aux fins de saisie-vente en date du 22 décembre 2020 à la somme de 19 187,71 euros,

* dit que cette somme est réduite de 8 686,04 euros si le virement en date du 27 mai 2021 est effectif,

* condamné la société BNY Form 2 à payer à la société Bellifontaine automobile la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

et statuant à nouveau :

- ORDONNE la mainlevée partielle du commandement à fin de saisie-vente en date du 22 décembre 2020 à hauteur de 29 211,57 euros ;

- REJETTE la demande de la société Bellifontaine automobile en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus, sauf à constater que la demande de délais pour quitter les lieux présentée par la société BNY Form 2 est devenue sans objet ;

- DECLARE irrecevable la demande en paiement présentée par la société BNY Form 2 ;

- DEBOUTE la société BNY Form 2 et la Selarl MJC2A, ès qualités de mandataire judiciaire de celle-ci, de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Bellifontaine automobile aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Annabelle Hubeny- Belsky.