CA Douai, 2e ch. sect. 1, 6 juin 2013, n° 12/00562
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Albafi (SA), Les Gens du Tilleul (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
M. Brunel, Mme Delattre
Avocats :
Me Deleforge, Me Chambon, Me Levasseur, Me Brochen, Me Dhonte
Vu le jugement contradictoire du 16 novembre 2011 du Tribunal de Commerce de Douai ayant constaté que la société Albafi et Monsieur X... ne rapportent pas la preuve de la souscription à l'émission d'obligations convertibles de la sas Les Gens du Tilleul, annulé les 3000 actions de la société Les Gens du Tilleul attribuées à la sa Albafi, dit que la composition du capital de la sas Les Gens du Tilleul est celle qui existait avant l'assemblée générale extraordinaire du 1 novembre 2007, annulé les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire notamment en ce qu'elle a désigné Monsieur X... Roland en qualité de président de la sas, désigné en qualité d'administrateur provisoire maître Eric Rouvroy jusqu'à désignation en assemblée générale d'un nouveau président ou jusqu'à nouvelle décision de justice, rappelé que l'administrateur provisoire pourra faire appel à un expert-comptable de son choix pour reconstituer la comptabilité de la sas Les Gens du Tilleul pour les exercices 2004 à 2010 dans le but de les soumettre au commissaire aux comptes puis à l'assemblée générale, dit que l'administrateur provisoire devra prendre toute mesure pour provoquer les assemblées générales des SCI filiales visant à l'approbation des comptes des dites SCI, condamné la société Albafi et monsieur Roland X... solidairement à payer à monsieur Jean François X... 1000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties du surplus ;
Vu l'appel interjeté le 27 janvier 2012 par la société Albafi et monsieur Roland X... ;
Vu les conclusions déposées le 21 janvier 2013 pour la société Albafi et monsieur Roland X... ;
Vu les conclusions déposées le 28 mars 2013 pour madame Janine Y... ;
Vu les conclusions déposées le 12 juillet 2012 pour l’AGSS de l' Udaf du Nord es qualité de curateur de monsieur Jean François X... ;
Vu la signification faite à l'étude de l'huissier du 13 avril 2012 de la déclaration d'appel à la sas Les Gens Du Tilleul ;
Vu l'ordonnance de clôture du 28 mars 2013 ;
La société Albafi et monsieur Roland X... ont interjeté appel aux fins d'infirmation partielle du jugement; ils demandent la confirmation en ce qu'il a écarté toute demande de nullité de l' assemblée générale de la sas Les Gens du Tilleul du 17 février 2003 ayant décidé de l'emprunt obligataire et la réformation pour le surplus; ils demandent à la Cour de dire que la société Albafi a souscrit à l' émission obligataire convertible de la sas les Gens du Tilleul, de dire qu'elle était et demeure en droit de revendiquer une conversion lui faisant bénéficier de 3000 actions, subsidiairement pour 2891 actions, encore plus subsidiairement pour 1961, de surseoir à statuer sur le solde de l'opération en désignant un expert avec mission de reconstituer la comptabilité de la sas les Gens du Tilleul, de relever toute irrégularité, de se faire remettre les relevés de comptes des six sociétés et de lister le versements en provenance d'Albafi depuis 2002, dans tous les cas de condamner la sas à verser à la société Albafi un intérêt de 3% par an sur les sommes versées; à titre infiniment subsidiaire, si la souscription n'était pas validée, ils demandent à la Cour de condamner la sas les Gens du Tilleul à rembourser à la société Albafi les sommes avancées au titre de la souscription, soit 300 000€, subsidiairement conformément au montant des virements dont il est justifié 289 108,50€ et encore plus subsidiairement le montant des versements exclusivement faits sur le compte de la sas Les Gens du Tilleul soit 196 175€ avec 3% d'intérêts à compter de la date de chaque versement validé, pour le surplus de surseoir à statuer et désigner expert, en cas d'annulation de l'assemblée générale extraordinaire de 2007 de désigner un mandataire ad hoc ou un administrateur judiciaire afin d'organiser une nouvelle assemblée générale de la sas avec désignation d'un nouveau président par suite de la demande de conversion autonome formée par Albafi, en cas d'annulation de l'assemblée générale extraordinaire et de la souscription, de le désigner avec mission d'administrer la société, d'exercer la présidence, de faire établir les comptes annuels ainsi que la liste des sommes versées aux différentes SCI par la sas ou par la société Albafi, de mettre la rémunération du mandataire à charge de la sas.
L'intimé Jean François X... , représenté par son curateur, sollicite la confirmation du jugement , le débouté des appelants et leur condamnation à lui verser 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile;
Madame Y... demande le prononcé de la nullité des décisions adoptées par l'assemblée générale extraordinaire de la sas Les Gens du Tilleul du 17 février 2003 portant sur l'émission d'un emprunt obligataire à raison du défaut de libération préalable du capital social; elle demande à la Cour de constater l'absence de souscription d'emprunt et le défaut de tout versement correspondant, de prononcer la nullité des décisions adoptées par l'assemblée générale extraordinaire du 1 novembre 2007 sur la conversion en actions des obligations convertibles prétendument créées le 17 février 2003, de constater l'absence de Jean François X... et de Madame Y... à l'assemblée générale du 1 novembre 2007, de prononcer la nullité des décisions prises lors de cette assemblée générale, de débouter les appelants, de les condamner à lui verser 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.
La sas les Gens Du Tilleul a été constituée en décembre 2002 par monsieur Jean François X... à l'effet d'exploiter une ferme située à Nomain; il était associé unique et sa mère, Madame Y... présidente et la société a été immatriculée le 10 janvier 2003.
Le 17 février 2003, il a décidé l'émission d'un emprunt obligataire d'un montant de 300 000€ divisé en 3000 obligations de 100€ chacune convertible en actions à tout moment pendant toute la durée de l'emprunt soit 30 ans à compter du 1 mars 2003 ; cette décision reposait sur un rapport de la présidence, un rapport de Régine A... , commissaire aux comptes, un rapport de Monsieur B..., commissaire aux comptes en application de l'article L 228-39 du code de commerce. À cette époque, Jean François X... avait la pleine capacité juridique.
Il existe dans ce dossier un contexte familial très particulier. Monsieur Roland X... , représentant légal de la société Albafi , est le frère de Jean François, handicapé mental , qui aurait selon lui été hyper protégé par sa mère.
La société Albafi affirme que, selon bulletin de souscription du 20 février 2003, elle a déclaré souscrire 3000 obligations faisant partie de l'émission de l'emprunt obligataire, cette souscription s'étant faite à la suite d'une assemblée générale extraordinaire de la société Albafi et qu'elle a versé de l'argent à la sas les Gens Du Tilleul, que le contexte familial s'est trouvé alourdi par la mise en détention provisoire de la mère soupçonnée d'homicide volontaire sur son mari , retrouvé dans sa cave, dans les semaines qui ont suivi et qui n'aurait pas assuré ses obligations de dirigeante.
Le 15 octobre 2007, la société Albafi décidait de convertir en actions les 3000 obligations souscrites à raison d'une action de 100€ nominale pour une obligation de 100€ nominale présentée, l'investissement paraissant en danger; monsieur Roland X... affirme avoir dû remettre en cause la succession de son père , un actif en ayant été omis, avoir découvert que la ferme avait été acquise irrégulièrement, Madame Y... ayant fait passer un tiers pour son fils auprès de la SAFER et ayant menti sur le statut de l'acquéreur qui n'était pas agriculteur.
Le 1 novembre 2007, une assemblée générale extraordinaire de la sas était réunie qui constatait que du fait de la conversion, son capital était porté de 37 000€ à 337 000€ divisé en 3370 actions de 100€ réparties entre Albafi pour 3000 et Jean rançois X... pour 370; monsieur Roland X... était nommé président en remplacement de Madame Y....
Le 20 octobre 2009, le curateur de monsieur Jean François X... assignait la société Albafi et monsieur Roland X... pour voir annuler cette décision et ceux-ci ont attrait Madame Y... à la procédure.
La version de monsieur Roland X... est de dire que sa mère a fait financer par lui-même les activités agricoles ou patrimoniales qu'elle entendait mettre en œuvre pour son fils Jean François, qu'elle a obtenu plusieurs centaines de milliers d'euros sans jamais verser d'intérêt ni proposer de rembourser, utilisant tous les moyens pour obtenir la nullité de la conversion.
Le premier moyen utilisé a trait au non-respect de l'article L 228-39 alinéa 2 du code de commerce aux termes duquel le capital de la société doit être intégralement libéré avant l'émission d'un emprunt obligataire ; les appelants objectent à cet argument que monsieur Jean rançois X... était associé unique donc seul responsable de la libération ou non du capital social, que c'est lui qui a voté seul cette émission obligataire, qu'il lui appartenait d'en vérifier les conditions. Outre que l'on ne peut se prévaloir de ses propres carences, la société Albafi et Roland X... soulignent que la demande est prescrite puisque atteinte par la prescription de trois ans de l'article L 235-9 du code de commerce au jour de l'assignation de 2009, puis ajoutent que cette émission repose sur trois rapports dont celui de Monsieur B... qui a vérifié les comptes qui indiquent que le capital a été libéré intégralement.
En ce qui concerne l'absence de preuve de la souscription, la société Albafi et monsieur Roland X... soulignent que le tribunal a fait fi de plusieurs pièces, comme le bulletin de souscription du 20 février 2003, la date et le montant des versements n'ayant pas d'influence sur le caractère d'ores et déjà parfait du contrat, l'émission d'obligations étant constitutive d'une offre , au cas d'espèce, acceptée par une souscription de nature irrévocable. Ils communiquent le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire d'Albafi qui autorise cette souscription, corroborée par l'existence de versements importants de la société Albafi au profit de la sas les Gens Du Tilleul, qui n'ont de sens que comme preuve de la souscription, et dont ils ont retrouvé les virements à hauteur de 300 000€, qui sont parfois antérieurs à la souscription et parfois adressés aux filiales des SCI détenues par la sas, avec l'accord de Madame Y..., la dirigeante, ce financement ne pouvant que s 'inscrire dans le cadre de l'emprunt sauf à n'avoir aucune cause ( Albafi n'est pas actionnaire et n'a pas de compte courant). Ils soulignent que Madame Y... s'est toujours soustraite à la fourniture des comptes et relevés des différentes sociétés de sorte que si la Cour est désireuse d'obtenir la preuve de tous les versements, il est nécessaire de recourir à une expertise, étant entendu que pour 289 108,50€, la preuve en est déjà rapportée vers l'ensemble des sociétés, et pour 196 175€ vers la seule sas.
Ils ajoutent qu'il résulte du rapport de Madame Y... que la conversion était une hypothèse envisagée puisque ce rapport contenait la mention des incidences de l'opération sur la répartition du capital, que seule la sas aurait qualité pour demander la résolution de la souscription, ce qu'elle n'a pas intérêt à faire car elle devrait rembourser, et qui ne pourrait porter que sur la partie non exécutée, si celle-ci existait, que la date des versements n'est pas une condition déterminante de la validité de la souscription, d'autant que personne n'en conteste l'échelonnement.
En ce qui concerne l'assemblée générale de 2007, ils font valoir tout d'abord que les griefs formulés contre sa tenue sont autonomes vis à vis de la souscription de sorte qu'en cas d'annulation, les demandes de conversion demeurent à charge pour la dirigeante, si elle était rétablie dans ses fonctions, d'organiser une nouvelle assemblée.
Il est reproché à monsieur Roland X... de l'avoir convoquée, ce qu'il pouvait faire puisqu' Albafi disposait de la qualité d'actionnaire par suite du bulletin de souscription, sachant que le pouvoir de convocation n'est réservé à la seule présidente que pour l'assemblée générale relative à l'approbation des comptes annuels et de l'affectation des résultats, que la nomination du nouveau président a fait l'objet de la publicité légale, Madame Y... ne contestant pas qu'elle n'avait pas rempli ses fonctions de présidente, l'assemblée générale s'étant tenue à l'époque d'un commun accord entre les membres de la famille chez Madame Y... en présence de Jean François qui vit chez elle, les assemblées tenues spontanément n'exigeant pas de convocation préalable. Roland X... conteste avoir géré de fait les sociétés avant 2007, les irrégularités constatées étant justement le moteur de la demande de conversion, avec l'absence de tout versement d'intérêts au souscripteur.
Ils demandent la désignation d'un mandataire ad hoc, à défaut d'un administrateur provisoire, si cette assemblée devait être annulée, pour convoquer une assemblée générale pour désigner un président et donner suite à la demande de conversion, la mission devant comporter la nécessité de reconstituer les comptes des 6 sociétés concernées. Si la souscription devait être aussi annulée, ce mandataire devrait avoir pour mission la gestion de la société et le sas devrait être condamnée à rembourser les sommes versées avec 3% d'intérêts à compter de la date de chaque versement.
Madame Y... indique qu'en raison du fort handicap de Jean François et de l'affaire pénale, elle a fait appel à Roland, son fils, pour gérer ses affaires et accepté de signer les actes qu'il soumettait à sa signature et qui ont conduit à la constitution de la sas, à l'émission de l'obligation convertible puis à leur conversion; elle ajoute que ces opérations ont été réalisées à son insu, au profit d'une société Luxembourgeoise, contre sa volonté puisque ces manoeuvres ont conduit à bouleverser le patrimoine de Jean François qu'elle a toujours cherché à protéger, que ce n'est qu'à l'issue de l'assemblée générale du 1 novembre 2007 qu'elle a compris l'objet des actions menées par son fils Roland.
Elle plaide le défaut de capacité à agir de Jean François, placé sous curatelle avant les convocations et tenues des assemblées générales, le curateur désigné n'ayant jamais été informé ou convoqué; elle en déduit que Jean François n'a pu consentir librement aux actes qui ont eu pour effet de disposer de son patrimoine de sorte que tous les actes postérieurs au 26 septembre 2006 doivent être annulés, et en particulier l'assemblée générale du 1 novembre 2007, de même que les actes régularisés les deux années précédant la mesure en vertu de l'article 464 du code civil, le handicap de son fils existant depuis la naissance.
En ce qui concerne les obligations convertibles, elle fait valoir que selon décision adoptée le 17 février 2003, ces obligations devaient être souscrites au plus tard le 1 mars 2003, le prix intégral de l'émission devant être libéré intégralement avant cette date, qu'il n'est produit aucun acte de souscription enregistré par la société avant la date du 1 mars 2003 comme il n'est pas justifié du paiement dans le même délai ; elle affirme découvrir ce bulletin de souscription du 20 février 2003
signé de messieurs C... et D... qui atteste d'un versement de 300 000€ qui n'est pas justifié; elle conteste la liste des versements produite par les appelants, qui attesterait non du versement en une fois mais de 80 versements étalés du 18 novembre 2012 au 10 octobre 2006, cette liste paraissant d'autant plus suspecte que des versements sont antérieurs à la date de souscription ou même de création de la sas , qu'ils ne sont pas faits dans la limite imposée au 1 mars 2003 et ne portent pas la mention d'une souscription mais sont libellés comme étant des avances, ou des apports, et en tous cas ne correspondent pas à l'existence d'une libération des fonds en un seul versement, comme figurant sur le bulletin de souscription. Elle ajoute que ces avis de débit, dont elle conteste la valeur, sont contredits par les relevés des comptes bancaires du sas qu'elle verse, qui sont bien annuels et ne comporte pas de virements au-delà d'une somme de 66 912,50€, et fait remarquer que les appelants qui se prévalent de la souscription d'obligations convertibles ont la charge de la preuve de son existence.
Elle réplique qu'il ne peut être soutenu que le défaut d'accès aux comptes de la sas priverait la société Albafi de la possibilité de justifier de la libération intégrale de l'emprunt puisque monsieur Roland X... qui s'est auto-proclamé président de la sas depuis novembre 2007 avait donc accès à la comptabilité, qu'il est incapable de produire les bilans et comptes annuels portant mention de cette libération, ou le rapport du conseil d'administration, qu'il n'a réclamé aucun intérêt depuis 2003, qu'il prétend avoir effectué des versements aux SCI sans verser l'accord de la gérance des SCI sur ces versements, libellés avances ou apports, que son incarcération de mars 2003 à mai 2004 a laissé son fils seul maître à bord.
Elle en conclut que les conditions d'émission de l'emprunt telle que décidées le 17 février 2003 n'ayant pas été respectées, l'emprunt n'a pas été souscrit ni les obligations émises, que la souscription devant s'accompagner de la libération intégrale de la somme, le bulletin en attestant est un faux, que les opérations de conversion sont donc nulles et inexistantes.
Quant à l'assemblée générale du 1 novembre 2007, elle est nulle dans la mesure où les convocations n'ont pas été faites régulièrement et où tous les associés n'étaient pas présents puisque Jean François n'était ni présent ni représenté. Elle estime que la demande de désignation d'un administrateur ad hoc pour le sas mais aussi pour toutes les SCI est une demande nouvelle, qui ne découle pas du litige et concerne des sociétés non appelées en la cause et qui est une mesure exceptionnelle.
Monsieur Jean François X... a été placé sous curatelle le 26 septembre 2006, puis sous tutelle le 20 octobre 2009; il détenait au 18 décembre 2002 99% de 3 SCI, 90% de la SCI les Gens Du Tilleul, 100% de la sas les Gens Du Tilleul, situation qui va perdurer jusqu'au 1 novembre 2007, date à laquelle les obligations émises au sein de la sas les Gens Du Tilleul vont être converties en actions.
Pour obtenir la conversion, le titulaire des obligations doit en faire la demande à la société dans la mesure où les conditions préalables à la conversion sont remplies; selon les termes de l'assemblée générale extraordinaire du 1 novembre 2007, la société Albafi titulaire des 3000 obligations convertibles a adressé à la sas une demande de conversion qui pouvait être demandée à tout moment; la sas a constaté cette conversion et l'augmentation corrélative de son capital; elle a créé 3000 actions attribuées à la SA Albafi qui est devenue actionnaire majoritaire à 89 %; la conversion a entraîné par ricochet l'éviction de Jean François du capital des SCI et la modification de sa situation patrimoniale.
Pour son curateur, ces opérations sont entachées de nullité.
La décision de l'emprunt prise par Jean François, associé unique, est nulle car le capital n'avait pas été entièrement libéré préalablement; il ajoute qu'il s'agit d'une nullité absolue et qu'en tant que curateur il dispose d'un intérêt légitime à agir, que subsidiairement, l'assemblée générale extraordinaire du 1 novembre 2007 est nulle pour défaut de convocation préalable, qu'à défaut il est nécessaire que tous les associés soient présents, ce qui n'a pas été le cas puisque seule la société Albafi était présente, qu' à titre encore plus subsidiaire, on ne retrouve pas trace du versement du prix d'émission des obligations qui devait être entièrement libéré avant le 1 mars 2003. Il critique à l'instar de Madame Y... et selon les mêmes arguments le bulletin de souscription du 20 février 2003 et le caractère probatoire du tableau réalisé par la société appelante quant aux versements effectués, qui ne sont pas dans le délai prévu et étalés en 80 fois. Il en tire la conséquence que la conversion est nulle, les 3000 actions émises en contrepartie n'ayant aucune existence juridique.
Il fait valoir que de nombreuses irrégularités ont affecté le fonctionnement de cette société, qu'un expert doit être désigné pour examiner la comptabilité, d'autant que le commissaire aux comptes n'a effectué aucun contrôle ni établi de rapport.
Sur ce
A une époque où il possédait la capacité juridique, monsieur Jean François X... en sa qualité d'associé unique de la sas les Gens Du Tilleul a décidé le 17 février 2003 l'émission d'un emprunt obligataire d'un montant de 300 000€ divisés en 300 obligations de 100€ chacune, convertible en actions à tout moment pendant la durée de l'emprunt, soit 30 ans; la période de souscription était fixée jusqu'au 1 mars 2003, le prix des obligations devant être libéré intégralement à la souscription par versements d'espèces.
Sur la nullité de l'assemblée du 17 février 2003
Jean François X... et son curateur plaident la nullité de la décision du 17 février 2003 dans la mesure où le capital n'avait pas été entièrement libéré avant l'émission de l'emprunt obligataire, comme l'impose l'article L 228-39. Mais l'article L 235-9 du code de commerce s'applique qui prévoit une prescription de trois ans pour les actions en nullité d'actes et de délibérations postérieurs à la constitution de la société. Or, au cas d'espèce l'assignation de Jean François X... qui sollicite cette nullité est du 20 octobre 2009; cette action est donc prescrite et la cour confirme le jugement qui a consacré cette prescription.
Sur la nullité de la conversion
Pour justifier du paiement effectué, la société Albafi et Roland X... produisent une liste de versements qui s'étalent de 2002 à 2008 pour un montant total de 330 183€ et des avis de virement qui sont émis au bénéfice de plusieurs sociétés qui ne sont pas que la sas les Gens Du Tilleul; ils sont libellés 'avances' ou 'apports' et ne peuvent constituer la preuve de la libération du prix des obligations qui devait être effectuée à la souscription, laquelle devait intervenir au plus tard le 1mars 2003. Le bulletin de souscription des obligations par la société Albafi versé aux débats est du 20 février 2003. Les versements dont il est fait état n'en sont pas contemporains, bien que le dit bulletin porte la mention du versement de 300 000€ le jour de la souscription ; ils ne sont pas du bon montant et pas toujours adressés à la bonne société; ils sont libellés sous une autre dénomination que la souscription prétendue. Ils ne peuvent représenter la preuve du paiement des 3000 obligations ; or dès lors qu'ils s'en prévalent, les appelants ont cette preuve à leur charge. Faute de cette preuve, la cour ne peut accréditer la thèse de la souscription par la société Albafi, le bulletin de souscription, dont il n'est pas établi qu'il a été reçu au siège social, comme la première résolution de la décision du 17 février 2003 le préconisait, ne suffisant pas, cette pièce qui ne porte la mention d'aucun avis de réception ayant pu être créée pour les besoins de la cause, alors et surtout qu'il n'est pas accompagné du versement dont il prétend l'existence. Créancière sans doute de la sas les Gens Du Tilleul, la société Albafi doit en outre établir le lien entre ses versements et la souscription, ce qu'elle ne fait pas, alors que, de surcroît, Roland X... a accès aux documents comptables de la SAS depuis qu'il s'en prétend le président . Le tribunal en a à juste titre déduit que l'emprunt n'a pas été valablement souscrit.
Sur la nullité des décisions de l'assemblée générale extraordinaire du 1 novembre 2007 de la sas les Gens Du Tilleul
L'assemblée ne pouvait donc constater la conversion des obligations puisque la souscription de ces obligations n'est pas démontrée mais en outre, les statuts attribuent à la présidence, tenue à l'époque par Madame Y..., dans l'article 7-2 le pouvoir de convoquer l'assemblée générale aux fins d'approbation des comptes, l'article 11-2 ajoutant que les convocations ont lieu pour l'assemblée générale extraordinaire dans les mêmes formes, délais et conditions que l'assemblée générale d'approbation des comptes. Madame Y... affirme ne pas avoir adressé de convocation et son fils Roland n'en disconvient pas qui s' en est octroyé le pouvoir, attribuant d'emblée et préalablement la qualité d'actionnaire à la société Albafi, qui était en débat, avant que l'assemblée générale extraordinaire ne la consacre.
Une assemblée générale n'est pas valable sans convocation préalable, à moins que tous les associés soient d'accord et présents. Au cas d'espèce, la feuille de présence fait état de la seule présence de la société Albafi, dont la qualité d'actionnaire est à juste titre contestée. Il est clair que monsieur Roland X... a organisé seul cette assemblée générale pour s'auto proclamer Président, ce qu'il ne pouvait en aucun cas faire sauf à enfreindre les formalités substantielles ayant trait au droit des sociétés et aux statuts rédigés en conformité. Cette assemblée générale extraordinaire est nulle de même que les décisions qui en découlent. La composition du capital se trouve rétablie dans les proportions d'origine.
Sur les irrégularités de fonctionnement et la nomination d'un administrateur
Les parties s'accordent à reconnaître la présence de lacunes et d'irrégularités dans les documents comptables, et l'absence de respect des obligations légales par Madame Y... du temps de sa présidence; par ailleurs, l'incertitude concernant la personne du dirigeant a conduit à des décisions sans valeur et une absence de pilotage réel de la sas les Gens Du Tilleul et des autres sociétés; le tribunal souligne à juste titre les difficultés liées au contexte et au conflit familial, à la situation juridique de Jean François X... , sous tutelle, détenant toutes les actions de la SAS, à la remise en question de la vente de la ferme de Nomain et la nécessité de désigner un président.
Madame Y... s'y oppose mais principalement parce que la demande touche les SCI non appelées en la cause, considérant qu'en tous cas à leur égard la demande est nouvelle. Cependant, le tribunal s'y était déjà intéressé, mandant l'administrateur provisoire pour provoquer les assemblées générales des SCI filiales. Vu l'imbroglio juridique et les intérêts liés, il parait difficile de limiter l'administration provisoire à la seule SAS et c'est dans ce sens que le tribunal les a concernées. Jean François X... demande la confirmation de la décision en ce sens de même que les appelants; il est d'une bonne administration de la justice et de confirmer la désignation de l'administrateur provisoire et de lui confier l'ensemble, tel que défini dans la décision de première instance. La cour y ajoute que sa rémunération sera à charge de la sas les Gens Du Tilleul.
Sur la demande d'expertise et la demande de remboursement de la société Albafi
Jean François X... et son curateur réclament une expertise dans la mesure où les comptes n'ont pas été contrôlés par un commissaire aux comptes et parce que l'inventaire doit être fait des biens de monsieur Jean François X... .
La société Albafi et Roland X... y voient un moyen d'asseoir la demande de remboursement des avances que cette société a faites à la sas. Le tribunal a eu raison de dire que l'administrateur provisoire ayant pour mission de reconstituer les comptes de 2004 à 2010, il était judicieux dans un premier temps de lui confier cette mission de réparation, afin qu'il soumette les comptes à l'approbation du commissaire aux comptes et qu'il les présente en assemblée générale, avant que de recourir à une expertise, qui ne devrait intervenir, si elle est légitime, qu'à cette issue, sachant qu'en l'état, elle n'a pas pour vocation de pallier les carences en preuve d' Albafi, qui sera dans le même temps et en l'état déboutée de sa demande de remboursement de sommes versées dont on ne connaît pas le support. La décision de débouté doit être confirmée.
Succombant en l'ensemble de leurs demandes, les appelants seront solidairement condamnés à payer 3500€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile à Madame Y... et à monsieur Jean François X... , assisté de l' AGSS de l'Udaf du Nord, son curateur.
Par ces motifs
La cour statuant publiquement, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que Maître Eric Rouvroy exerce désormais sous la dénomination de la selarl R&D ; qu'il convient de désigner cette structure prise en la personne d’Éric Rouvroy.
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Y ajoutant,
Dit que la rémunération de l'administrateur provisoire sera à la charge de la SAS les Gens Du Tilleul ;
Condamne la société Albafi et Roland X... solidairement à payer 3500€ à Madame Y... et 3500€ à monsieur Jean François X... représenté par son curateur l' AGSS de l'Udaf du Nord sur la base de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.