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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 18 mars 2021, n° 18/08200

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Three (SARL)

Défendeur :

Société Générale (SA), Fonds Commun de Titrisation Cedrus

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Nerot

Conseillers :

Mme Pages, Mme Deryckere

Pontoise, JEX, du 16 nov. 2018, n°18/048…

16 novembre 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le dernier état de la procédure, le Fonds commun de Titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion (ci-après : le Fonds Cedrus), qui se présente comme venant aux droits de la Société Générale en vertu d'un bordereau de cession de créance du 29 novembre 2019 soumis aux dispositions du code monétaire et financier, expose que cette banque a financé l'acquisition par la SCI Meta , au prix de 720.000 euros, d'un bien immobilier situé à Drancy ' l'acte notarié reçu le 24 octobre 2008 établissant ce financement à concurrence des sommes de 250.000 et de 562.497,04 euros ' et qu'à la suite d'échéances impayées, la Société Générale a prononcé la déchéance du terme, notifiée le 25 mars 2016, en se prévalant de l'exigibilité anticipée du prêt.

C'est en vertu de ce titre que la Société Générale a fait pratiquer, le 20 juillet 2016, une saisie-attribution sur une créance à exécution successive entre les mains de la Sarl Three (à qui la SCI Meta avait confié la gérance de divers lots à usage d'habitation) pour le recouvrement d'une somme de 445.346,81 euros.

Une contestation a été élevée par la SCI Meta à l'encontre de cette mesure mais elle a été rejetée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise, suivant jugement rendu le 26 mai 2017 qui a été signifié au tiers saisi, la Sarl Three, avec demande de paiement.

Par jugement contradictoire rendu le 16 novembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise, saisi de l'action de la créancière à l'encontre du tiers saisi en raison de sa défaillance, a :

  • rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Sarl Three, exerçant sous l'enseigne Pierrimo, et, en conséquence, s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de la SA Société Générale,
  • condamné la Sarl Three exerçant sous l'enseigne Pierrimo à payer à la SA Société Générale la somme de 445.346,81 euros en principal, intérêts et frais de procédure, arrêtée au 22 juillet 2016, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
  • dit que les intérêts dus pour une période d'au moins un an seront capitalisés,
  • dit que cette condamnation s'exécutera dans les limites des obligations de gestionnaire de biens immobiliers de la Sarl Three, exerçant sous l'enseigne Pierrimo, à l'égard de la SCI Meta,
  • dit que pour l'exécution de cette condamnation la Sarl Three, exerçant sous l'enseigne Pierrimo, sera tenue de verser entre les mains de la SA Société Générale tous les loyers dont elle est redevable à l'égard de la SCI Meta en application des baux conclus, et ce depuis le 22 juillet 2016 et à due concurrence de la créance totale due par la SCI Meta Société Générale fixée ci-dessus,
  • condamné la Sarl Three exerçant sous l'enseigne Pierrimo à payer à la SA Société Générale la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance,
  • rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

Par dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2020 la société à responsabilité limitée Three, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 05 décembre 2018, demande à la cour, au visa, notamment, de l'article R 211-9 du code des procédures civiles d'exécution :

  • d'infirmer le jugement dont appel,
  • d'ordonner la jonction de la présente affaire avec celle, pendante devant la cour d'appel, entre le Fonds commun de titrisation Cedrus et les consorts E.,
  • de constater que la Société Générale n'ayant pas conclu dans les délais, les conclusions de la Sarl Three lui sont opposables et ne peuvent être contestées,
  • de dire et juger que la cession de créance revendiquée par le Fonds commun de titrisation Cedrus ne porte pas sur l'éventuelle créance indemnitaire de la Société Générale à l'égard de la Sarl Three et lui est inopposable, qu'en toute hypothèse, une créance de nature délictuelle non chiffrée ne pouvait faire l'objet d'une cession de créance et, par conséquent, de déclarer l'intervention volontaire irrecevable et de tirer toutes conséquences de l'absence de conclusions de la Société Générale dans les délais impartis,
  • de la déclarer, en toute hypothèse, mal fondée,
  • de dire et juger que le Fonds de titrisation n'a pas qualité ni intérêt à soutenir une demande de dommages-intérêts pour non-respect de la saisie-attribution en vertu d'un mandat expiré 6 mois avant la cession sur la base d'un jugement du JEX dont il n'est pas bénéficiaire et qui ne peut lui être transmis, ne s'agissant pas d'une créance contractuelle mais délictuelle, la Sarl Three n'ayant violé aucune obligation à son détriment,
  • de dire et juger que la demande du Fonds de titrisation Cedrus de condamnation de la Sarl Three à payer 463.755,86 euros à titre de dommages-intérêts est une demande nouvelle irrecevable et, au surplus, mal fondée,
  • de débouter le Fonds de titrisation Cedrus de toutes ses demandes,
  • de dire et juger qu'à la date de la saisie-attribution, la Société Générale, par un mécanisme de compensation avec les fonds sur le compte appartenant aux cautions ouvert en ses livres et nantis à son profit, n'était pas créancière de la SCI Meta, en conséquence, de dire et juger le tiers-saisi bien fondé à exciper de cette exception inhérente à la dette principale et de dire infondée la condamnation de la Sarl Three au paiement de 445.346,81 euros sur le fondement subsidiaire de dommages-intérêts,
  • de dire et juger que la Sarl Three n'est pas personnellement débitrice de la Société Générale ni du Fonds commun de titrisation Cedrus et n'a pas reconnu détenir des fonds pour un montant de 445.346,81 euros,
  • de dire et juger qu'aucun refus caractériser de paiement n'a été établi par la Société Générale ni par le Fonds commun de titrisation Cedrus à l'encontre de la Sarl Three et que la Sarl Three a été dupée par les manoeuvres entreprises à son encontre par son mandant, la SCI Meta, et que « le du Fonds Commun de titrisation Cedrus n'a démontré aucun préjudice en lien de causalité eût égard à l'essence de l'activité de recouvrement qui est la sienne » (sic),
  • de dire et juger n'y avoir lieu à condamner la Sarl Three au paiement d'une quelconque somme à l'égard de la Société Générale ni du Fonds commun de titrisation Cedrus compte tenu de la vente du bien ayant soldé 401.000 euros de dette et de la négligence de la Société Générale dans le recouvrement des fonds dans ses comptes appartenant aux cautions,

¤ subsidiairement, si la cour estimait que la Sarl Three est tenue à l'égard du Fonds commun de titrisation Cedrus

  • de dire et juger que le projet de distribution du produit de la vente immobilière établi le 31 décembre 2019 par le conseil de la Société Générale, la requête en homologation présentée par le Fonds de titrisation Cedrus en février 2020 et l'ordonnance d'homologation du projet de distribution du juge de l'exécution de Bobigny du 20 février 2020 démontrent que le Fonds commun de titrisation Cedrus percevra ou a perçu l'intégralité du prix de la vente et a donc été indemnisé de l'intégralité de la créance contractuelle visée dans le jugement de première instance en comptabilisant le montant de la cession,
  • de donner acte «que le du Fonds commun de titrisation Cedrus a reconnu ce paiement dans ses dernières écritures mais en a limité l'incidence de façon indue» (sic),

¤ plus subsidiairement, de diminuer la créance ayant fait l'objet de la saisie-attribution du prix de la vente de 401.000 euros, outre 10.678,70 euros au titre de la saisie pratiquée par la Société Générale sur le compte personnel de la Sarl Three ayant donné lieu à l'attribution de ces sommes et dans la limite de ce que la Sarl Three pouvait devoir au titre des sommes disponibles, soit : 22.856,46 euros,

  • de dire et juger que cette condamnation s'exécutera dans les limites des obligations du gestionnaire de la Sarl Three à l'égard de la SCI Meta en application des baux conclus, et ce depuis le 26 juillet 2016 et à due concurrence de la créance résiduelle due par la Sci Meta à la Société Générale ou au Fonds de titrisation Cedrus,

¤ en toute hypothèse

  • de chiffrer l'éventuelle créance après avoir obtenu de la Société Générale et du Fonds commun de titrisation Cedrus tous documents établissant la nature et le montant de leur créance à l'égard de la SCI Meta,
  • de subroger la Sarl Three dans les droits de la Société Générale et du Fonds commun de titrisation Cedrus à l'encontre de la SCI Meta et des cautions les consorts E. à due concurrence des condamnations qui seraient éventuelles prononcées à son encontre,
  • de dire et juger que le mandat de gérance ayant été rendu sans objet par la vente du bien immobilier le 16 juin 2019, la Sarl Three n'est, en toute hypothèse, plus tiers saisi,
  • d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 08 janvier 2019 sur les comptes de la Sarl Three ouverts auprès de la Bred,
  • de condamner la Société Générale à payer à la Sarl Three 8.000 euros d'article 700 cpc,
  • de condamner le Fonds commun de titrisation Cedrus à payer à la Sarl Three la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive poursuivie à l'encontre de la Sarl Three ayant occasionné un préjudice à la Sarl Three et 8.000 euros d'article 700 cpc,
  • de condamner la Société Générale et le Fonds commun de titrisation Cedrus en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières « conclusions d'intimé récapitulatives et en réplique comportant intervention volontaire, reprise d'instance et appel incident » notifiées le 19 novembre 2020 par le Fonds commun de Titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion se présentant comme venant aux droits de la Société Générale qui, au visa des articles R 211-5 « et R 211-5 » (sic) du code des procédures civiles d'exécution, 1321, 1231-6, 1346-1, 1231-7 du code civil , 1343-2 du code de procédure civile et du bordereau de cession de créance du 29 novembre 2019, prie la cour :

  • de donner acte au le Fonds commun de Titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion venant aux droits de la Société Générale de son intervention volontaire, en sa qualité de créancier cessionnaire, de (le) juger recevable et fondé en son intervention volontaire et reprise d'instance,
  • de débouter la Sarl Three de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, de (l') accueillir dans l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
  • de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a minoré (sa) créance et, en conséquence,
  • à titre principal de condamner la Sarl Three à (lui) payer la somme de 88.816,88 euros au titre des sommes dues par la SCI Meta, outre intérêts au taux contractuel de 4,50 % à compter du 17 avril 2020 et outre capitalisation des intérêts annuels échus, jusqu'à complète extinction de la dette, conformément aux dispositions des articles 1231-7 du code civil et 1343-2 du code de procédure civile et jusqu'à parfait paiement,
  • subsidiairement, de condamner la Sarl Three à (lui) payer la somme de 88.816,88 euros au titre des sommes dues par la SCI Meta, outre intérêts au taux contractuel de 4,50 % à compter du 17 avril 2020 et jusqu'à parfait paiement à titre de dommages-intérêts,
  • statuant à nouveau, de condamner la Sarl Three à (lui) payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de procédure dont distraction de droit au profit de maître Nadia D., avocate constituée,
  • en toute hypothèse, d'ordonner la compensation de toutes les sommes qui pourraient être mise à (sa) charge « avec celles dont la Sarl Three sera condamnée ».

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu qu'à titre liminaire, il convient d'observer, d'une part, qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, l'appelante reprend dans le dispositif de ses conclusions des « dire et juger » ou moyens qui n'ont pas vocation à s'y trouver et d'autre part, qu'y figurent diverses demandes à l'encontre de la Société Générale, à qui il est reproché de ne pas conclure dans les délais, alors qu'aux termes de l'article 14 du code de procédure civile« nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée » et que, depuis ses conclusions notifiées le 20 janvier 2020, le Fonds Cedrus intervenant se présente à l'instance comme venant aux droits de la Société Générale ;

Sur la procédure

Sur la contestation de l'intervention volontaire en la cause du Fonds Cedrus et de sa recevabilité à agir

Attendu que le tiers-saisi appelant développe comme suit divers moyens d'irrecevabilité en soutenant :

  • que n'est que prétendue la cession de créance invoquée, dans le cadre de la cession d'un portefeuille de créances pour un montant total de 68 millions d'euros, selon un bordereau où ne figure pas une quelconque créance à son encontre, qu'il apparaît insuffisamment détaillée pour qu'elle soit identifiable, et que ce bordereau portant sur une cession de créances à l'assiette indéterminée lui est, par conséquent, inopposable,
  • que cette inopposabilité prive le Fonds Cedrus de sa qualité et de sa capacité à agir,
  • qu'il s'agirait d'une cession de créance contractuelle portant sur la dette de la SCI Meta, que n'est pas démontrée la cession d'une créance à son encontre, qu'il n'est pas possible de céder le bénéfice d'un jugement qui, à aucun titre, ne peut être considéré comme un accessoire et que seule la Société Générale pouvait critiquer ce jugement, ce dont elle s'abstient,
  • qu'elle n'est pas, en effet, débitrice contractuelle de la Société Générale mais que sa responsabilité a été recherchée pour défaut de versement des fonds qu'elle détenait et qu'il s'agit donc d'une créance autonome qui, à la différence d'une sûreté ou d'un cautionnement, ne peut être cédée,
  • qu'en outre, la cession de créance est intervenue une fois la procédure de saisie immobilière à l'encontre de la débitrice réalisée, les fonds consignés et le bordereau de distribution en cours de réalisation, tous éléments ne figurant pas dans le bordereau de cession de créance, si bien que la Société Générale pourrait « dupliquer » les poursuites pour recouvrer une même créance en sa totalité,
  • qu'enfin, la Société Générale n'a pas conclu dans les délais et que la cour ne peut statuer que sur ses propres écritures ;

Que l'appelante poursuit, par ailleurs, le « débouté » du Fonds Cedrus (supposant un examen au fond du litige) en présentant d'autres moyens qui s'analysent en fait en des fins de non-recevoir puisqu'elle fait valoir, d'une part, que le Fonds Cedrus à qui a été cédée la créance n'a ni intérêt, ni qualité à soutenir une demande indemnitaire de nature délictuelle à son encontre dès lors que son propre mandat de gestion était expiré au moment de la cession de créance et, d'autre part, que la demande indemnitaire à son encontre formée par ce Fonds Cedrus cessionnaire est nouvelle en cause d'appel ;

Attendu, ceci étant rappelé, qu'en dépit de l'ordre des arguments ainsi présentés, il y a d'abord lieu de considérer que la société Three a conclu par conclusions notifiées le 30 décembre 2019, que le Fonds Cedrus « venant aux droits de la Société Générale » qui demandait à être déclarée recevable en son intervention volontaire et reprise d'instance lui a répliqué par conclusions d'intimé du 20 janvier 2020, soit dans le délai d'un mois prescrit à l'article 905-2 du code de procédure civile ; qu'est dénuée de pertinence la demande de l'appelante tendant à voir juger que les conclusions de la Société Générale lui soient déclarées inopposables, avec la conséquence que la cour ne pourrait statuer que sur les seules conclusions de l'appelante, sans tenir compte, partant, de l'intervention volontaire consécutive à la cession de créance et de conclusions d'intimé notifiées dans les délais requis ;

Que ne peut prospérer le moyen tiré du défaut de qualité à agir du Fonds Cedrus, articulé par la Sarl Three en faisant valoir que la cession de créance est inopposable à sa personne du fait de l'imprécision du portefeuille cédé, dès lors que l'identité de références des engagements permet de tenir pour acquis que le bordereau vise effectivement les créances à l'encontre de la SCI Meta, et que, selon l'article L 313-27 du code monétaire et financier « la remise de bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et autres accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires, et son opposabilité aux tiers sans qu'il soit besoin d'autres formalités » ;

Que, contrairement à ce que prétend, en outre, la société Three, la créance revendiquée à son encontre ne peut être regardée comme une créance autonome qui, par sa nature, aurait échappé à la cession ; qu'en effet, l'article 1321 alinéa 3 (nouveau) du code civil , applicable en l'espèce, prévoit, à l'instar de l'article 1692 (ancien) du même code , l'extension de la cession à effet translatif immédiat entre cédant et cessionnaire aux accessoires de la créance et qu'en application de cet ancien texte, il est constant que les accessoires s'entendent tant des garanties réelles et personnelles que du titre exécutoire ainsi que des actions contractuelles et délictuelles fondées sur la faute antérieure d'un tiers (Cass civ 1ère, 24 octobre 2006, pourvoi n° 04-10231 // Cass civ 2ème, 17 décembre 2009, pourvoi n° 09-11612, publiés au bulletin) ;

Que cet effet translatif immédiat étendu aux accessoires de la créance ne permet pas à Sarl Three de tirer argument de la date de cessation de son propre mandat pas plus que de se prévaloir de la nouveauté des demandes du cessionnaire du seul fait qu'il intervient en cause d'appel ;

Qu'il en résulte que le Fonds de titrisation Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et venant aux droits de la société Société Générale en vertu d'un bordereau de cession de créance du 29 novembre 2019, doit être déclarée recevable en son intervention volontaire en la cause et reprise d'instance et que la société Three n'est pas fondée en ses divers moyens d'irrecevabilité ;

Sur la demande de jonction de la présente procédure avec la procédure opposant le Fonds de Titrisation Cedrus et les consorts E.

Attendu que cette demande, au rang des prétentions de l'appelante figurant dans le dispositif de ses dernières écritures, est présentée au nom d'une bonne administration de la justice ;

Que la Sarl Three expose que, selon jugement rendu le 06 septembre 2019 par le tribunal judiciaire de Pontoise, les consorts E., cautions des prêts en cause, ont été condamnés au paiement des sommes de 235.490,63 euros et 214.283,22 euros et qu'un appel en a été interjeté, toujours pendant devant la présente cour ; que pour que la cour se prononce en toute clarté sur les sommes restant dues, les saisies sur leurs comptes ayant été validées, cette jonction lui paraît impérative, de même que lui paraît nécessaire, ajoute-t-elle incidemment, la prise en considération de la vente immobilière intervenue sur adjudication, au prix de 410.000 euros ;

Que, pour s'y opposer, le Fonds Cedrus rappelle que le créancier dispose du libre choix des procédures d'exécution qu'il a faculté de mettre en oeuvre et objecte, incidemment, que le jugement visé n'est pas assorti de l'exécution provisoire ;

Mais attendu qu'il convient de considérer qu'il n'existe pas entre ces deux procédures un lien tel, au sens de l'article 387 du code de procédure civile, qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les instruire et juger ensemble ; que cette demande sera par conséquent rejetée ;

Sur les obligations du tiers saisi dans le cadre de cette saisie d'une créance à exécution successive

Attendu qu'il est constant que la Sarl Three était liée au débiteur (la SCI Meta) par un mandat de gestion portant sur quatre biens immobiliers dont elle percevait les loyers pour le compte de sa mandante ; que la créancière (la Société Générale), agissant en vertu des prêts notariés sus-évoqués, a fait pratiquer une saisie-attribution de cette créance à exécution successive le 22 juillet 2016 et que l'employée de la Sarl Three (dont l'habilitation à recevoir copie de l'acte n'est plus contestée en cause d'appel, seule étant invoquée une réponse « à la légère ») a déclaré que cette société détenait des fonds pour le compte de la SCI Meta sans en préciser le montant ni, comme elle s'y était engagée, sans le faire ultérieurement ;

Que cette mesure a été contestée par le débiteur devant le juge de l'exécution qui, par jugement rendu le 26 mai 2017, a rejeté la contestation, que ce jugement a été signifié au tiers saisi (la Sarl Three) le 20 juin 2017 avec demande en paiement, et que cette dernière, qui n'a pas satisfait aux demandes de règlement que lui a adressées l'huissier les 20 juillet et 06 septembre 2017, n'a versé aucune somme, pas plus qu'elle n'a produit le mandat de gestion qui lui était alors demandé ;

Attendu que, pour voir infirmer la décision du premier juge qui, dans ce contexte et se fondant sur les dispositions des articles L 211-2 alinéa 1 et R 211-15 du code des procédures civiles d'exécution, a rejeté les deux moyens du tiers-saisi alors présentés ' à savoir : l'irrégularité du procès-verbal de saisie-attribution et le défaut de quantum des fonds détenus par la Sarl Three ' et a considéré que l'acte de saisie rendait le tiers saisi personnellement débiteur des causes de la saisie en le condamnant au paiement de la somme de 445.346,81 euros (soit le montant de la créance de la Société Générale dont il a déduit les deux indemnités de résiliation non réclamées à la débitrice) dans les limites de ses obligations, la Sarl Three appelante se prévaut principalement de l'absence de dette du débiteur principal et de circonstances qui l'exonèrent d'une condamnation aux causes de la saisie ;

Qu'elle fait valoir qu'au moment de la saisie, le montant de la créance de la banque figurait sur les comptes dont étaient titulaires en ses livres les cautions et qu'il suffisait à la banque de « faire jouer automatiquement » la compensation, ce qui aurait eu pour effet d'éteindre la dette, sans avoir à recourir à la saisie-attribution litigieuse ;

Que, par ailleurs, elle ne s'est jamais reconnue débitrice de la somme de 445.346,81 euros, que le décompte locatif qu'elle produit démontre qu'il accusait un solde débiteur à la date de la saisie, l'un des locataires faisant en particulier l'objet d'une procédure d'expulsion, qu'elle estime avoir loyalement collaboré avec l'huissier, que la sanction encourue n'est qu'une faculté pour le juge et qu'elle demande à la cour de tenir compte du fait que, par la suite, elle a été dupée par la SCI Meta dont l'avocat lui indiquait que la dette avait été apurée par la vente immobilière et qu'elle n'a sciemment commis aucune faute ni bénéficié d'un quelconque enrichissement personnel ;

Qu'elle soutient, subsidiairement, si sa responsabilité devait être retenue, qu'elle ne peut l'être que « dans la limite de son obligation », selon l'article L 212-2 précité ; que celle-ci a pris naissance le 22 juillet 2016 pour se terminer le 30 juin 2019 (jour de la vente du bien au prix de 401.000 euros) et que, durant cette période, elle a perçu et reversé à la SCI Méta la somme de 41.562,87 euros ; qu'elle ne pourrait, tout au plus, être condamnée qu'au paiement de la somme de 22.856,46 euros, soit le montant de la saisie (445.346,81 euros) dont à déduire le prix de la vente perçu par la banque (401.000 euros) outre un reliquat pour le compte de la SCI Méta dont elle dispose (10.811,69 euros) et les sommes saisies sur son compte personnel (10.678,70 euros) ;

Attendu qu'en réplique le Fonds Cedrus se fonde sur les déclarations de la préposée du tiers saisi reconnaissant détenir des fonds, sur ce même article R 211-9 et sur le fait que le tiers saisi n'a pas répondu aux demandes de l'huissier dans le cadre de cette saisie d'une créance à exécution successive pour dire qu'à l'évidence, le jugement doit être confirmé en sa condamnation aux causes de la saisie ; qu'elle poursuit, subsidiairement et sur le fondement de l'article R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, sa condamnation au paiement de la même somme de 88.816,68 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère incomplet de son obligation légale de renseignement ;

Attendu, ceci étant exposé, que ne peut être accueillie la contestation de l'existence de la créance de la Société Générale à la date de la saisie-attribution fondée sur l'existence de comptes ouverts au nom de cautions dont la banque aurait pu, d'autorité, créditer le compte de la SCI Méta pour éteindre la dette de cette dernière ; qu'en effet, outre le fait que ce moyen n'est étayé par aucun élément de preuve, comme le soutient le Fonds Cedrus qui revendique à nouveau sa liberté de choix des voies d'exécution, la compensation légale dont fait état l'appelante suppose des « obligations réciproques » aux termes de l'article 1347 (nouveau) du code civil , ce qui implique que deux personnes doivent être personnellement et simultanément créancières l'une de l'autre et que tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce ;

Que, s'agissant du comportement du tiers saisi, il convient de rappeler que selon l'article L 123-1 du code des procédures civiles d'exécution les tiers doivent apporter leur concours aux mesures d'exécution lorsqu'ils en sont requis ; que celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ses obligations peut y être contraint et ses manquements peuvent être sanctionnés ;

Que, dans le cadre d'une saisie-attribution, pèse sur le tiers saisi une obligation de renseignement qui doit exécutée de façon précise, éventuellement sur l'existence d'impayés dont fait état la Sarl Three, et « sur le champ », comme en dispose l'article L 211-3 du même code ;

Que force est de considérer que la Sarl Three ne s'est pas totalement soustraite à la mesure mais n'a qu'imparfaitement satisfait à ces obligations déclaratives en montre d'une négligence fautive ;

Que les explications qu'elle donne pour expliquer sa carence à fournir des renseignements plus précis puis le défaut de versement des sommes perçues pour le compte du débiteur entre les mains du créancier saisissant, à savoir la fausse croyance d'une extinction de la dette entretenue par ce créancier, ne peut être tenue pour un motif légitime, au sens de l'article R 211-5 du même code , exonératoire de responsabilité ; qu'elle le peut d'autant moins que la vente réalisée immobilière dont il est question a été réalisée trois ans après la saisie ;

Que l'article R 211-5 alinéa 2 du code des procédures d'exécution a vocation à sanctionner le tiers saisi qui a fait une déclaration incomplète, inexacte ou mensongère l'exposant à une condamnation au paiement de dommages-intérêts, ainsi que cela résulte, d'ailleurs, de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 2ème, 26 mai 2011, pourvoi n° 10-16343, publié au bulletin), ceci à hauteur du préjudice subi par le saisissant ;

Que la négligence fautive de la Sarl Three étant retenue, il appartient au Fonds Cedrus de démontrer l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute ;

Que l'intimé, présentant une demande de dommages-intérêts à titre subsidiaire, ne peut valablement prétendre que le montant actuel des sommes qui demeurent impayées au titre des deux prêts consentis et qu'elle chiffre à la somme de 88.816,88 euros (cumulant le principal, les intérêts contractuels et une indemnité forfaitaire), en demandant, de plus, qu'elle soit assortie d'intérêts au taux conventionnel de 4,5 %, constitue un préjudice en lieu de causalité avec la négligence fautive de la Sarl Three dans l'exécution de ses obligations de tiers saisi ;

Qu'il apparaît, en revanche que la Sarl Three justifie du paiement de la somme totale de 41.562,87 euros entre la date de la saisie et sa date de mise en cause personnelle, qu'elle détient encore pour le compte de la Sci Méta la somme de 10.811,69 euros et que ces sommes qui auraient dû revenir au créancier saisissant sont en lien de causalité avec la faute commise ;

Que, déduction faite de la somme de 10.678,70 euros que la société Société Générale a perçue à la suite d'une saisie-attribution pratiquée le 08 janvier 2019 sur son compte personnel, il y a lieu de condamner la Sarl Three à verser au Fonds Cedrus la somme de 41.695,86 euros (41.562,87 + 10.811,69 ' 10.678,70) en réparation de son préjudice ; que cette somme indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Sur les autres demandes

Attendu que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à dispositions au greffe ;

DÉCLARE le Fonds commun de Titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion venant aux droits de la Société Générale en sa qualité de créancier cessionnaire recevable en son intervention volontaire et reprise d'instance ;

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux frais de procédure et aux dépens et, statuant à nouveau ;

Rejette les différents moyens d'irrecevabilité et fins de non-recevoir opposés par la société à responsabilité limitée Three ;

Condamne la société à responsabilité limitée Three à verser au Fonds commun de titrisation Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis la somme de 41.695,86 euros outre intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt, par application de l'article R 211-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Rejette les demandes réciproques des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.