Cass. 1re civ., 20 novembre 2019, n° 18-24.930
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocat :
SCP Boulloche
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 06 mars 2018), et les pièces de la procédure, que M. Q..., de nationalité vietnamienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été remis par les autorités italiennes aux fonctionnaires de police de Menton le 3 mars 2018 à 7 heures 50, et présenté à l'officier de police judiciaire qui a décidé, à 8 heures 15, d'une part, de le placer en retenue pour vérification de son droit au séjour, d'autre part de requérir un interprète en langue vietnamienne ; que le préfet a, le même jour, pris à l'encontre de M. Q... un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et une décision de placement en rétention administrative et, le lendemain, saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la mesure ;
Attendu que M. Q... fait grief à l'ordonnance d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que sauf obstacle insurmontable, toute personne placée en retenue administrative doit se voir immédiatement notifier ses droits ; qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que M. Q... a été placé en retenue administrative le 3 mars 2018 à 7 heures 50 et que ses droits lui ont été notifiés de 11 heures 45, soit quatre heures après ; que pour rejeter le moyen de M. Q..., tiré du retard dans la notification de ses droits, la cour d'appel a retenu qu'il résultait de cette chronologie que les services de police avaient mis en oeuvre les diligences nécessaires pour parvenir à une notification des droits dans les meilleurs délais compatibles avec l'intervention d'un interprète en langue vietnamienne ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser de circonstance insurmontable justifiant qu'il était impossible de faire immédiatement appel à un interprète en langue vietnamienne, le délégué du président de la cour d'appel a violé l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°/ qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles, la juridiction qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité doit prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention lorsque celle-ci a pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger ; que la cour d'appel a constaté que la traduction du document Eurodac avait été faite par téléphone par une interprète qui ne figurait pas sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a cependant exclu toute atteinte aux droits de M. Q... causée par cette irrégularité aux motifs qu'il était le signataire de ce document et que cette fiche lui avait été traduite, ce qui laissait présumer de sa lecture à l'intéressé ; qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur la nécessité de recourir à un interprète par téléphone, ni sur les garanties offertes par un interprète qui ne figurait pas sur l'une des listes mentionnée à l'article L. 111-9 du code pour permettre à M. Q... de bénéficier d'une information suffisante, le délégué du président de la cour d'appel a violé les articles L. 111-8, L. 111-9 et L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs adoptés, relevé la nécessité, peu commune, de recourir à un interprète en langue vietnamienne et constaté que celui-ci, recherché dès 8 heures 15 et requis à 9 heures 30, s'était présenté à 11 heures 30, permettant une notification des droits à 11 heures 45, le premier président a fait ressortir les circonstances insurmontables résultant de la rareté des experts pratiquant la langue requise et en a exactement déduit que les services de police avaient mis en oeuvre les diligences nécessaires pour parvenir à une notification des droits dans les meilleurs délais, de sorte que la procédure était régulière ;
Et attendu que l'ordonnance retient, par motifs adoptés, qu'il est établi que le document d'information sur le fichier Eurodac a été effectivement traduit à l'étranger placé en rétention et que celui-ci en a correctement compris la traduction ; qu'ayant souverainement apprécié l'absence d'atteinte aux droits résultant de ce que l'interprète, qui a effectué sa mission par voie téléphonique, n'était pas inscrit sur l'une des listes mentionnée à l'article L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le premier président a pu en déduire que les conditions de l'article L. 552-13 du même code n'étaient pas réunies ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.