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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 9e ch. réunies, 3 juillet 2019, n° 18/18113

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

Mme Pochic, Mme Lefebvre

Grasse, JEX, du 25 oct. 2018, n° 17/0438…

25 octobre 2018

EXPOSE DU LITIGE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait signifier à monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. un commandement de payer aux fins de saisie-vente, le 22 août 2017, pour avoir paiement de la somme totale de 64 060,81 euros fondée, après compensation, sur la copie exécutoire d'un prêt notarié dressé le 08 avril 2008.

Monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. ont saisi le juge de l'exécution d'une contestation du commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Par jugement en date du 25 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a :

- jugé que la créance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n'est pas prescrite,

-débouté monsieur et madame C. Philippe et Claudine née M. de toutes leurs demandes.

-condamné monsieur et madame C. Philippe et Claudine née M. à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 15 novembre 2018, monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. ont interjeté appel de la décision du juge de l'exécution, notifiée par lettres recommandées du greffe, dont les avis de réception sont revenus signés le 8 novembre 2018.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 18 avril 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, les époux C. demandent à la cour de :

-réformer le jugement déféré,

-constater la prescription de l'action en recouvrement de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

-annuler par conséquent le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 22 août 2017,

-juger que la compensation effectuée par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de la somme de 82 000 € a été réalisée sur une créance dont le recouvrement est prescrit,

-annuler ladite compensation,

-condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur verser la somme de 82000€ avec les intérêts, au taux légal à compter du 3 mars 2015,

-condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

-leur accorder des délais de paiement de 2 ans,

En tout état de cause,

-suspendre les effets du commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 22 août 2017,

-condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les époux C. soutiennent que le délai de prescription biennale de l'action de la banque a recommencé à courir à compter du 3 mars 2015, date du jugement ayant constaté la vente amiable de leur bien immobilier, saisi par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en paiement du prêt et date à laquelle la créance de cette dernière était connue. La prescription de l'action de la banque était ainsi acquise à la date du 3 mars 2017 ; dans la mesure où le commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié le 22 août 2017, l'action est prescrite.

Ils affirment que la banque ne peut faire courir le délai de prescription biennale à compter du 17 septembre 2015, date de distribution du prix de vente de leur immeuble saisi et vendu dans le cadre de la procédure de saisie immobilière dans la mesure où aucune procédure d'ordre ni de distribution du prix n'a eu lieu, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE étant l'unique créancier.

Les époux C. estiment ainsi que la procédure de saisie immobilière a pris fin par le jugement du 3 mars 2015 qui a constaté la vente amiable du bien saisi, les dispositions de l'article R 332-1 du code des procédures civiles d'exécution n'ayant aucune incidence ainsi que le versement du prix par la Caisse des dépôts et consignations le 17 septembre 2015 entre les mains de la banque eu égard à la consignation du prix le 26 février 2015 qui vaut paiement en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ils sollicitent ainsi l'annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Les époux C. exposent par ailleurs que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a été condamnée à leur verser la somme de 82 000 € à titre de dommages et intérêts aux termes d'un arrêt de la Cour d'appel de RIOM en date du 11 mars 2015.

Ils indiquent que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a attendu le 17 août 2017 pour procéder à la compensation entre cette somme et le solde du prêt.

La créance de la banque étant toutefois prescrite depuis le 3 mars 2017, cette dernière ne pouvait procéder à la compensation entre les sommes dues de part et d'autre.

A titre subsidiaire, ils sollicitent des délais de paiement en vertu de l'article 1343-5 du code civil dans la mesure où ils sont dans l'incapacité de régler la somme de 64 060,81 € eu égard aux montant de leurs revenus de 3520,61 € et de leurs charges fixes de 1267,63 € et en l'absence de toute épargne du ménage.

Ils ajoutent que la compensation opérée par la partie adverse est erronée dans la mesure où elle ne tient pas compte des intérêts de retard produits par la somme de 82 000 €.

Ils sollicitent en tout état de cause la suspension du commandement de payer aux fins de saisie-vente, en vertu de l'article R 221-56 du code des procédures civiles d'exécution.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 19 avril 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la cour de :

-juger que sa créance n'est pas prescrite,

-juger que le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 22 août 2017 est parfaitement régulier et fondé,

-débouter les époux C. de toutes leurs demandes,

En conséquence,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-condamner solidairement les époux C. au paiement de la somme de 2.000 € au profit de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en remboursement des frais irrépétibles occasionnés par la présente instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE conclut à l'absence de prescription de l'action en recouvrement de sa créance : suite à la déchéance du terme du prêt en date du 15 juillet 2011, les époux C. ont procédé à 11 règlements entre le 8 février 2011 et le 23 avril 2012 qui ont interrompu le délai de prescription, ainsi que l'a jugé le juge de l'exécution aux termes du jugement d'orientation.

Le dernier versement étant du 23 avril 2012, elle pouvait agir jusqu'au 23 avril 2014.

Le commandement de payer valant saisie immobilière a un effet interruptif de la prescription qui se poursuit jusqu'à l'abandon de la procédure de saisie immobilière, la clôture de l'ordre ou la distribution du prix.

En l'espèce, la procédure de saisie immobilière engagée a donné lieu à un jugement du 3 mars 2015 constatant la réalisation de la vente amiable du bien, la distribution du prix de la vente étant intervenue le 17 septembre 2015.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient ainsi que la procédure de saisie immobilière s'est achevée le 17 septembre 2015, date à laquelle le délai biennal de prescription a recommencé à courir jusqu'au 17 septembre 2017. Ayant délivré le 22 août 2017 aux époux C. le commandement aux fins de saisie-vente, sa créance n'est pas, par conséquent, prescrite.

Elle souligne que la distribution du prix de vente a été menée selon la procédure simplifiée de l'article R 332-1 du code des procédures civiles d'exécution, étant la seule créancière inscrite sur le bien ; il n'y a donc pas eu de jugement de distribution du prix. Pour autant, la distribution du prix a été réalisée le 17 septembre 2015 par la remise des fonds consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations par le notaire et non au jour du constat de la vente amiable par le juge de l'exécution.

Devant appliquer les dispositions de l'article R.332-1 du code des procédures civiles d'exécution pour obtenir la déconsignation des fonds de la part du séquestre ou de la Caisse des dépôts et consignations, elle estime que la saisie immobilière a été clôturée à la date de versement effectif du prix de vente de l'immeuble entre ses mains le 17 septembre 2015.

Elle rappelle qu'en matière de saisie immobilière, la Cour de cassation a expressément jugé que le commandement de payer valant saisie immobilière a un effet interruptif de la prescription qui se poursuit jusqu'à la clôture de l'ordre ou la distribution du prix et non jusqu'au paiement du prix par voie de consignation comme tente de le faire croire la partie adverse.

Ainsi, la distribution du prix au créancier poursuivant ne s'achève nullement par sa consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations mais bien par la remise effective des fonds au créancier.

Cette remise étant intervenue que le 17 septembre 2015, sa créance n'est pas prescrite.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE affirme par ailleurs que la compensation légale s'est opérée à la date du 11 mars 2015, date de l'arrêt de la Cour d'Appel de RIOM à laquelle les conditions de la compensation légale étaient réunies comme l'a relevé à juste titre le premier juge.

La compensation s'est donc produite automatiquement dès le 11 mars 2015 selon le décompte

de la créance.

La notification de cette compensation qu'elle a pris soin de signifier le 17 août 2017 aux époux C. était facultative, la compensation étant de droit dès lors que les conditions d'exigibilité et de réciprocité des créances sont réunies en application de l'article 1347 -1 du code civil .

Sa créance est parfaitement liquide et exigible et s'élève à la somme de 63594,14 euros outre les frais du commandement querellé.

Elle sollicite ainsi la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la créance des époux C. à son encontre n'avait pas pu faire courir d'intérêts dans la mesure où la compensation est intervenue de droit, au jour du prononcé de l'arrêt du 11 mars 2015.

Elle sollicite ainsi le rejet de la demande d'annulation de la compensation légale des créances des parties.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE s'oppose à la demande de délais de paiement au regard des très larges délais de paiement dont les époux C. ont déjà profité, la première échéance impayée du prêt remontant au 8 janvier 2011.

De surcroît, les pièces qu'ils produisent sur leurs charges et revenus démontrent qu'ils ne sont pas en mesure de respecter des délais de paiement. Il en est de même du report de la dette à deux ans en l'absence d'épargne des époux C. ou de revenus au terme de ces deux ans.

Elle conclut au rejet de la demande de suspension des effets du commandement de payer aux fins de saisie-vente dans la mesure où sa créance est liquide et exigible.

Par ordonnance du 23 avril 2019, l'instruction a été déclarée close et l'affaire fixée à l'audience du 15 mai 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 2242 du code civil , l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

L'article L 311-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que la saisie immobilière tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution du prix.

Il résulte de ces textes que l'effet interruptif de prescription attaché au commandement aux fins de saisie immobilière se poursuit jusqu'à la distribution du prix et non à la date de consignation du prix de vente.

Contrairement aux dires des époux C., il y a bien eu une procédure de distribution du prix telle que définie à l'article R 332-1 du code des procédures civiles d'exécution, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, unique créancier, ayant adressé le 28 août 2015 à la Caisse des dépôts et consignations de Lyon une demande de distribution du prix, suite à la consignation des fonds provenant de la vente amiable du bien immobilier saisi.

Par lettre du 17 septembre 2015, la Caisse des dépôts et consignations a confirmé le paiement de la somme de 39 147,15 € à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

L'effet interruptif de prescription s'est ainsi poursuivi jusqu'au 17 septembre 2015, date laquelle un nouveau délai de prescription a commencé à courir.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ayant fait signifier aux époux C. un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 22 août 2017, son action n'est pas prescrite.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la compensation

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait signifier par acte d'huissier du 17 août 2017 aux époux C. la compensation de sa créance de 184 741,29 € avec celle obtenue par les appelants aux termes de l'arrêt de la Cour d'appel de Riom du 11 mars 2015 ayant condamné la banque à leur verser la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'action de la banque n'étant pas prescrite, la banque pouvait procéder à la compensation des créances en vertu des articles 1347 et 1347 -1 du code civil, les créances étant certaines, liquides et exigibles et pouvant être compensées à la date de l'arrêt de la Cour d'appel de Riom du 11 mars 2015 à laquelle les conditions de la compensation étaient réunies.

La compensation des créances ayant eu lieu le 11 mars 2015, jour de prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel de Riom, la somme de 82 000 € n'a produit aucun intérêt de retard.

Il convient dès lors de débouter les époux C. de leur moyen fondé sur le caractère erroné de la compensation, qui ne tiendrait pas compte des intérêts de retard, de leur demande d'annulation de la compensation des créances faite par la banque et de confirmer sur ce point le jugement.

Sur la demande de délai de paiement et la suspension des effets du commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 22 août 2017

Aux termes du commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 22 août 2017, il est réclamé aux époux C. le paiement d'une somme totale de 64 060,81 € comprenant une somme en principal de 63 594,14 € après compensation des créances.

C'est à juste titre que le juge de l'exécution a débouté les époux C. de leur demande de délais de paiement, les revenus du ménage d'un montant total mensuel de 3164,77 € tel qu'ils ressortent des bulletins de salaire de juillet 2017 ne leur permettant pas d'apurer la dette dans le délai de 24 mois en sus de leurs charges fixes mensuelles de 1 252,88 €.

La cour observe au surplus que monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. n'ont procédé à aucun règlement spontané depuis la signification du commandement de payer du 22 août 2017.

C'est également à juste titre que le juge de l'exécution les a déboutés de leur demande de suspension des effets du commandement de payer aux fins de saisie-vente, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE détenant une créance liquide et exigible et le juge de l'exécution ne pouvant suspendre l'exécution d'un titre exécutoire.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de délai de paiement et de leur demande de suspension du commandement de payer.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. qui succombent, seront condamnés solidairement à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ainsi que les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum monsieur Philippe C. et madame Claudine M. épouse C. aux dépens de l'appel.