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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 21 janvier 2010, n° 09/04098

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BLEU AZUR (SA)

Défendeur :

PMC VOYAGES (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme ROSENTHAL

Conseillers :

M. TESTUT, Mme POINSEAUX

Avoués :

Me BINOCHE, SCP BOMMART MINAULT

Avocats :

Me AUDINEAU, Me RABARY-NJAKA

Nanterre, du 24 nov. 2004

24 novembre 2004

Monsieur BOUSSETON, aux droits duquel est venue la société BLEU AZUR, a donné à bail renouvelé à la société Maison Delassus, des locaux sis à Bois Colombes, pour une activité de marchand de chaussures et cordonnerie, à compter du 15 janvier 1967.

Le loyer de ce bail plusieurs fois renouvelé a été porté à 37.098 francs, soit 5.655,55 euros, par avenant du 18 août 1997.

La Maison Delassus a cédé son droit au bail à l'agence de voyage PMC VOYAGES, le14 avril 1998.

Par exploit du 11 juin 2002, la société BLEU AZUR a fait délivrer un congé à la société PMC VOYAGES pour le 15 janvier 2003 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 16.325 euros.

La société PMC VOYAGES, acceptant le principe du renouvellement mais non le montant du loyer proposé, la société BLEU AZUR a saisi le juge des loyers commerciaux.

Par arrêt infirmatif en date du 16 mars 2006, auquel il convient de se reporter pour un exposé des faits, de la procédure, des moyens des parties et de sa motivation, la cour de céans a :

- dit que le loyer des locaux serait fixé en fonction de leur valeur locative,

- ordonné une expertise en vue de déterminer cette dernière, compte tenu de la nature de l'activité exercée,

- fixé le loyer provisionnel à la somme 6.390,25 euros par an.

Le rapport d'expertise a été déposé le 10 avril 2008 et conclu à une valeur locative, au 15 janvier 2003, de 15.183 euros par an, somme se décomposant en :

* 10.066 euros pour la partie commerciale,

* 5.117 euros pour la partie habitation.

Aux termes de son mémoire du 17 juillet 2009 reprenant les conclusions de l'expert, la société BLEU AZUR demande à la cour de :

* fixer le montant du loyer déplafonné à la somme annuelle de 15.183 euros hors charges et hors taxes à compte du 15 janvier 2003, avec intérêts à compter du 29 juillet 2003 avec capitalisation des intérêts,

* ré-actualiser le dépôt de garantie au prorata du loyer avec les intérêts de droit sur l'augmentation du loyer depuis le 15 janvier 2003,

* condamner la société PMC VOYAGES au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, y compris les frais d'expertise.

Aux termes de ses conclusions du 22 septembre 2009, la société PMC VOYAGES demande à la cour de :

* fixer le loyer en renouvellement à la somme annuelle de 11.434,40 euros à compter du 15 janvier 2003,

* condamner la société BLEU AZUR à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

Considérant que la société PMC VOYAGEs critique le rapport d'expertise en ce que les bases de prix applicables devraient être :

- pour la partie commerciale, une valeur locative maximum de 200 euros le mètre carré pondéré, soit 7.190 euros, faisant valoir que l'évaluation effectuée par l'expert s'avère excessive au regard des prix appliqués aux commerces situés dans le voisinage, à la suite de décisions judiciaires, comprises entre 135 et 255 euros, tels qu'ils ressortent de l'étude des prix du marché figurant audit rapport,

- pour la partie habitation, une valeur locative annuelle de 4.244,40 euros à partir d'une valeur locative de 16 euros le mètre carré, ceci compte tenu des difficultés de stationnement et de l'entretien moyen de l'immeuble souligné par l'expert ;

Considérant que la destination des lieux est présentement d'accueillir une agence de voyage ;

Considérant que, pour fixer le loyer commercial sur une base de 280 euros le mètre carré pondéré, l'expert a tenu compte de :

- la bonne commercialité de l'emplacement, en adéquation avec les autres commerces de la rue concernée,

- du caractère central des lieux présentant une offre commerciale diversifiée,

- la bonne desserte par les transports en commun,

- la modification notable des facteurs locaux de commercialité, ayant eu une influence sur l'activité exercée,

- la bonne configuration des locaux, bien adaptée à l'activité exercée ;

Qu'il a aussi apprécié :

- les points négatifs que sont les difficultés de stationnement difficile dans le quartier et l'aspect modeste de l'immeuble sans qualité architecturale et d'entretien moyen,

- le niveau des loyers librement négociés dans le secteur et les références judiciaires récentes dont il avait pu avoir connaissance ;

Considérant que, si les 5 références judiciaires retenues par l'expert se trouvent effectivement dans une fourchette de 135 et 255 euros, l'expert a pu, sans méconnaitre les termes de sa mission, rechercher les conditions de fixation amiable de renouvellement de bail dans les mêmes périodes et zones de chalandise ; qu'il a ainsi relevé 8 références de transactions similaires dont les prix s'étagent de 234 à 348 euros ; que, la moyenne constatée se situant à 288 euros, la cour fait sienne l'appréciation de l'expert sur la fixation du loyer commercial ;

Considérant qu'en ce qui concerne la fixation du loyer d'habitation, l'expert a de même recherché les conditions des loyers d'habitation dans le secteur concerné ; qu'il a notamment estimé que l'absence de salle de bain dans le local d'habitation, seul point litigieux dans son analyse, justifiait d'une décote de 15 % ; que la décote sollicitée à hauteur de 25 % par la société PMC VOYAGES n'est étayée que par l'inconfort en résultant ; que celui-ci reste cependant modéré dès lors que la société PMC VOYAGES réside dans ce local d'habitation depuis plusieurs années ; que la cour homologuera le rapport d'expert, et fixera le montant du loyer déplafonné à la somme annuelle de 15.183 euros hors charges et hors taxes à compter du 15 janvier 2003 ; que la cour dira qu'à compter du 15 janvier 2003 le cours des intérêts au taux légal courra pour chaque terme sur le loyer révisé, sous déduction de loyers provisionnels déjà réglés, jusqu'à parfait paiement ;

Considérant que le dépôt de garantie, s'il peut être réactualisé lors de la révision des bases de loyer, n'est pas susceptible de porter intérêt au profit du bailleur ;

Considérant qu'il ressort d'un avenant du 18 août 1997 que le dépôt de garantie est égal à 6 mois de loyer ; que la société PMC VOYAGES sera condamnée à verser le complément de dépôt de garantie correspondant ;

Considérant que la société BLEU AZUR n'a formé pour la première fois une demande de capitalisation des intérêts sur les arriérés de loyers que le 11 décembre 2007 ;

Considérant que la société BLEU AZUR a dû engager en cause d'appel des frais irrépétibles que la cour fixe à la somme de 5.000 euros ; que les dépens, en ce compris les frais d'expertise, seront mis à la charge de la société PMC VOYAGES dont distraction au profit de maître BINOCHE, avoué ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

- HOMOLOGUE le rapport d'expert,

- FIXE le montant du loyer déplafonné à la somme annuelle de 15.183 euros (quinze mille cent quatre vingt trois euros) hors charges et hors taxes à compter du 15 janvier 2003,

- DIT que le solde des loyers arriérés après déduction de loyers provisionnels préalablement versés portera intérêts au taux légal à compter de chaque échéance concernée jusqu'à parfait paiement,

- DIT que la capitalisation des intérêts échus portera elle-même intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à partir du 11 décembre 2007,

- DIT que le dépôt de garantie sera porté à la somme de 7.591,50 euros (sept mille cinq cent quatre vingt onze euros et cinquante centimes), en versant entre les mains de la société BLEU AZUR le complément nécessaire,

- CONDAMNE la société PMC VOYAGES au paiement des dites sommes qui seront calculées par tel huissier désigné par la partie la plus diligente, sous le contrôle des conseils des parties,

- CONDAMNE la société PMC VOYAGES à payer à la société BLEU AZUR la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- MET les dépens d'appel, qui comprendront les frais d'expertise, à la charge de la société PMC VOYAGES, dont distraction au profit de maître BINOCHE, avoué, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Dominique ROSENTHAL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.