Livv
Décisions

CA Reims, 1re ch. civ., 10 décembre 2019, n° 19/01590

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hôtel Europe SPA (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Maussire, Mme Lefort

Reims, JEX, du 1 juill. 2019

1 juillet 2019

Procédure et prétentions des parties

Par arrêt en date du 20 mars 2018, la cour d'appel de Reims a notamment :

- infirmé le jugement rendu le 12 octobre 2016 par le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne,

Statuant à nouveau,

- déclaré irrecevable la demande de la Sarl Hôtel Europe Spa, anciennement dénommée CB Invest, tendant à la libération du séquestre de 80.000 euros à son profit,

- dit en conséquence que les fonds séquestrés devaient être libérés au profit de la Selarl Charles B. en sa qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF,

- constaté que Me C., séquestre, s'était libéré de la totalité des fonds séquestrés au profit de la Sarl Hôtel Europe Spa en exécution du jugement du 12 octobre 2016,

- condamné en conséquence la Sarl Hôtel Europe Spa anciennement dénommée CB Invest à payer à la Selarl Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF, la somme de 80.000 euros en restitution des fonds perçus,

- condamné la Sarl Hôtel Europe Spa aux dépens de première instance et d'appel.

Suivant procès-verbaux en date des 1er, 14 et 23 août 2018, la Selarl Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF, a fait pratiquer trois saisies-attributions sur les comptes de la Sarl Hôtel Europe Spa ouverts auprès de la Société Générale pour avoir paiement de la somme de 80.000 euros en principal, en vertu de cet arrêt. Ces saisies, qui se sont avérées fructueuses pour les sommes respectives de 4.950,62 euros, 4.317,50 euros et 5.649,52 euros, ont été dénoncée à la Sarl Hôtel Europe Spa par actes d'huissier des 7, 22 et 29 août 2018.

Par acte d'huissier en date du 7 septembre 2018, la Sarl Hôtel Europe Spa a fait assigner la Selarl Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF, et la SCP T.-R. en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl FHF devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Reims auquel elle a demandé de prononcer la nullité des saisies-attributions, et subsidiairement d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties, de dire qu'elle est créancière de la somme de 10.942,81 euros, et d'ordonner la mainlevée des saisies-attribution.

La Selarl Charles B. et la SCP T.-R., ès qualités, ont conclu à la mise hors de cause de la SCP T.-R. et au rejet des demandes.

Par jugement en date du 1er juillet 2019, le juge de l'exécution a :

- déclaré la SCP T.-R. hors de cause,

- débouté la société Hôtel Europe Spa de sa demande d'annulation des saisies-attributions,

- débouté la société Hôtel Europe Spa de sa demande de compensation,

- condamné la société Hôtel Europe Spa à payer à la Selarl Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusive,

- condamné la société Hôtel Europe Spa au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour rejeter la demande de nullité des saisies-attributions, le juge de l'exécution a considéré que l'erreur mentionnée sur les procès-verbaux de saisie-attribution au sujet du caractère définitif de l'arrêt du 20 mars 2018 ne faisait pas grief à la société Hôtel Europe Spa et était sans conséquence puisque le pourvoi en cassation n'est pas suspensif, et que l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution ne visait, parmi les mentions obligatoires, que le titre exécutoire, à l'exclusion de sa nature. Sur la compensation, il a estimé qu'aucune compensation ne pouvait intervenir entre la dette de l'Hôtel Europe Spa à l'égard de la société FHF et la créance déclarée au liquidateur judiciaire de la société FHF par l'Eurl Groupe B., société distincte de la société Hôtel Europe Spa, et qu'aucune compensation ne pouvait intervenir non plus entre cette dette et la créance déclarée au liquidateur judiciaire par la société CB Invest dont l'identité avec la société Hôtel Europe Spa n'était pas certaine compte tenu de la confusion existant au sein des sociétés du groupe B..

Par déclaration du 15 juillet 2018, la SAS Hôtel Europe Spa a fait appel de ce jugement, intimant la Selarl B. Charles, prise en la personne de Me Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF.

Par conclusions en date du 25 juillet 2019, la SAS Hôtel Europe Spa demande à la cour d'appel de':

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Par conséquent, statuant à nouveau,

- prononcer la nullité des saisies-attributions des 1er, 14 et 23 août 2018,

A titre subsidiaire,

- prononcer la compensation entre les créances qu'elle détient sur la liquidation judiciaire de la Sarl FHF et celle dont se prévaut la Selarl Charles B. ès qualités,

- dire et juger qu'après compensation, elle est créancière de la liquidation judiciaire de la Sarl FHF d'une somme de 10.942,81 euros,

- ordonner en conséquence la mainlevée des saisies-attributions pratiquées,

- débouter la Selarl Charles B. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la Selarl Charles B. ès qualités au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Sur la nullité, elle fait valoir que les procès-verbaux de saisie-attribution mentionnent que la Selarl Charles B. agit en vertu de l'arrêt de la cour d'appel du 20 mars 2018, définitif, ce qui est faux puisqu'il a été frappé d'un pourvoi en cassation ; et que cette mention est lourde de conséquences pour le tiers saisi puisqu'elle laisse penser que le débiteur est définitivement condamné et n'a pas fait face à ses obligations alors qu'il a exercé une voie de recours, et qu'elle est de nature à créer un doute dans l'esprit du débiteur et du tiers saisi, les incitant à libérer les sommes saisies. Elle ajoute que le titre exécutoire doit être mentionné de manière exacte en application de l'article R.211-1, 2° du code des procédures civiles d'exécution, que le caractère définitif ou non du titre exécutoire relève de sa substance et concerne l'ordre public, qu'il ne s'agit pas de savoir si le titre est exécutoire ou non mais s'il est susceptible de recours, de sorte que la nullité doit être prononcée au regard de l'article 114 du code de procédure civile.

Sur sa demande subsidiaire de compensation, elle invoque deux créances déclarées au passif de la Sarl FHF : 30.153,43 euros et 60.789,38 euros selon déclarations de créance du 11 avril 2017. Elle soutient que les différences de dénomination et de siège social relevées par le juge de l'exécution s'expliquent par l'évolution des deux sociétés Hôtel Europe Spa et les modifications survenues depuis leur création ; que ces deux déclarations de créance ont bien été faites en son nom ; que les deux parties à la présente procédure invoquent bien des créances l'une envers l'autre ; que les créances découlent même toutes du même contrat, à savoir la vente du fonds de commerce de l'Hôtel du Nord par la SAS CB Invest, devenue SAS Hôtel Europe Spa, à la Sarl FHF en date du 30 décembre 2011 ; que la créance de la société FHF consiste d'ailleurs en un séquestre prévu dans l'acte de vente ; que les créances de l'appelante sont d'une part des dépenses liées à l'exploitation de l'hôtel dans les six mois qui ont suivi la cession, et d'autre part les loyers commerciaux et clause pénale qu'elle a acquittés en tant qu'ancien locataire et garant de son successeur, la Sarl FHF auprès de la SCI N3B, propriétaire des murs ; que contrairement à ce que soutient Me B., la créance de ce dernier n'est pas judiciaire mais bien contractuelle, le tribunal et la cour d'appel n'ayant créé aucune créance entre les parties et ayant seulement statué sur la libération des fonds séquestrés en vertu de l'acte de cession. Elle ajoute que la compensation judiciaire est possible entre deux obligations qui ne satisfont pas aux conditions de la compensation légale, et que le juge ne peut refuser la compensation lorsque les dettes sont connexes. Elle conclut qu'il y a en l'espèce entre les parties des obligations réciproques présentant des liens suffisamment étroit pour que la compensation puisse être prononcée, et précise que cette demande de compensation n'emporte ni renonciation à son pourvoi ni reconnaissance de la créance de Me B. ès qualités.

Enfin, sur sa condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive, elle fait valoir que le juge de l'exécution a statué ultra petita.

Par conclusions du 2 août 2019, la Selarl B. Charles, prise en la personne de Me Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF dans les instances l'opposant à la société Hôtel Europe Spa et à son gérant M. Christophe B., demande à la cour d'appel de' :

- dire et juger que l'erreur matérielle invoquée ne saurait entraîner la nullité des actes de saisies, faute de disposition textuelle et de grief,

- dire et juger que la société Hôtel Europe Spa ne saurait se prévaloir de créances d'une autre société juridiquement distincte,

- dire et juger que les créances invoquées par la société Hôtel Europe Spa n'entretiennent aucun lien de connexité avec sa dette de 80.000 euros résultant de l'arrêt de la cour d'appel du 20 mars 2018,

- dire et juger n'y avoir lieu à compensation,

- rectifier l'erreur matérielle contenue au jugement entrepris et substituer l'article 700 du code de procédure civile comme fondement de la condamnation de la SAS Hôtel Europe Spa à lui payer la somme de 2.000 euros,

En conséquence et sous réserve de cette dernière réserve,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la SAS Hôtel Europe Spa au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur l'absence de nullité des procès-verbaux de saisies-attributions, elle fait valoir qu'en application de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité est conditionnée à l'existence d'un texte légal et à la démonstration d'un grief ; que la mention erronée n'est prescrite à peine de nullité par aucun texte ; que l'article R.211-1, 2° du code des procédures civiles d'exécution prescrit de mentionner le titre exécutoire, ce qui a été fait en l'espèce, mais n'exige pas de mentionner le caractère définitif ou non du titre, de sorte que l'erreur invoquée ne peut entraîner la nullité de l'acte ; qu'en outre, la société Hôtel Europe Spa ne peut invoquer aucun grief, puisqu'elle a elle-même formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel du 20 mars 2018 de sorte qu'elle ne pouvait se méprendre sur le caractère définitif ou non de cet arrêt ; qu'enfin, le caractère définitif ou non de l'arrêt est sans effet sur la validité de la saisie, puisque le pourvoi n'est pas suspensif et que seul compte le caractère exécutoire de l'arrêt.

Sur la compensation, elle soutient qu'aucune des deux créances invoquées par la société Hôtel Europe Spa ne peut se compenser avec sa dette de 80.000 euros. En premier lieu, s'agissant de la créance de 30.153,43 euros, elle invoque une confusion entre plusieurs sociétés du groupe B., alors que la compensation de l'article 1347 du code civil suppose des obligations réciproques, de sorte qu'il faut que deux personnes soient créancières l'une de l'autre, et fait valoir qu'en l'espèce, la créance déclarée invoquée concerne la Sarl Hôtel Europe Spa qu'il faut distinguer de la SAS Hôtel Europe Spa, et que cette dernière ne justifie pas que la créance lui aurait été transmise, de sorte qu'elle ne peut demander la compensation avec une créance qui est celle d'une autre société. En second lieu, elle invoque l'article L.622-7 du code de commerce qui dispose que le jugement d'ouverture interdit le paiement des créances antérieures, à l'exception du paiement par compensation des créances connexes, et soutient que la société Hôtel Europe Spa ne démontre pas le lien de connexité entre les créances qu'elle invoque et sa dette de 80.000 euros. Elle fait valoir que le lien de connexité suppose un seul et même contrat ou par extension un ensemble contractuel relevant d'une même opération économique, que l'existence d'un simple courant d'affaires entre les parties ne suffit pas, qu'il ne peut y avoir de compensation entre une créance contractuelle et une créance judiciaire, et que c'est à tort que la SAS Hôtel Europe Spa soutient que les créances sont toutes une origine contractuelle et résulteraient de l'acte de cession du fonds de commerce du Grand Hôtel du Nord. Elle explique tout d'abord que la créance de 80.000 euros est née de l'obligation de restitution des sommes séquestrées, perçues à tort par la société Hôtel Europe Spa en exécution de la décision de première instance, et provient de l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 20 mars 2018, de sorte que cette créance a une origine judiciaire et non contractuelle, étant précisé que cet acte de cession ne prévoyait aucune créance de la société FHF sur la société CB Invest, aujourd'hui dénommée SAS Hôtel Europe Spa, que seule la société CB Invest détenait sur la société FHF une créance de prix à hauteur de 80.000 euros, et que cette créance de 80.000 euros de la société FHF sur la société Hôtel Europe Spa ne résulte donc d'aucune clause de l'acte de cession, mais seulement de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de grande instance et de l'infirmation de cette décision. Ensuite, elle explique que les créances déclarées invoquées par la SAS Hôtel Europe Spa ont une origine contractuelle ou quasi-contractuelle puisqu'elles résultent des suites de la cession de fonds de commerce, et que contrairement à ce que soutient la SAS Hôtel Europe Spa la créance de loyers a pour origine le contrat de bail et non le contrat de cession. Elle conclut que les créances réciproques invoquées par l'appelante ont des origines et natures distinctes, qu'elles ne résultent donc pas d'un ensemble contractuel unique, de sorte qu'aucune connexité ne saurait exister, ni donc aucune compensation.

Motifs de la décision

Sur la nullité des actes de saisies-attributions

Il résulte des articles 649 et 114 du code de procédure civile qu'aucun acte d'huissier ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, et que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

L'article R.211-1, 2° du code des procédures civiles d'exécution exige que l'acte de saisie-attribution contienne à peine de nullité l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.

Aucun texte ne prévoit que l'acte de saisie doit contenir à peine de nullité le caractère définitif ou non de la décision de justice servant de fondement à la saisie.

En l'espèce, il est constant que les procès-verbaux de saisie-attribution mentionnent que le créancier agit en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 20 mars 2018, de sorte que le titre exécutoire a bien été énoncé conformément aux exigences de l'article R.211-1, 2° du code des procédures civiles d'exécution.

Il est également constant que ces procès-verbaux ajoutent que cet arrêt est définitif, alors qu'un pourvoi en cassation est en cours.

Cette mention erronée n'est pas susceptible d'affecter la validité des actes de saisie puisque la mention à peine de nullité du caractère définitif ou non du titre exécutoire n'est prévue par aucun texte.

Il ne peut non plus s'agir d'une formalité substantielle ou d'ordre public. En effet, la mention du caractère définitif ou non du titre exécutoire fondant la saisie n'est pas nécessaire puisque la seule condition pour le créancier de diligenter une saisie sur les biens de son débiteur est d'être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'égard de ce débiteur, et il n'est pas nécessaire que toutes les voies de recours soient épuisées ou que tous les délais de recours soient expirés. Ainsi seul compte le caractère exécutoire de la décision de justice et non son caractère définitif. S'agissant d'un arrêt de cour d'appel, le créancier doit seulement l'avoir fait signifier à son débiteur pour pouvoir le faire exécuter, sans même attendre l'expiration du délai de pourvoi, puisque le pourvoi en cassation n'est pas suspensif d'exécution. Il est donc indifférent, pour la validité de la saisie, que ce titre exécutoire ne soit pas définitif. Dès lors, la mention de son caractère définitif ou non ne saurait constituer une formalité substantielle ou d'ordre public alors qu'elle est au contraire inutile.

Par conséquent, en l'absence de texte prévoyant la nullité invoquée et en l'absence de formalité substantielle ou d'ordre public, aucune nullité ne peut être prononcée.

Au surplus, la SAS Hôtel Europe Spa ne saurait soutenir que la mention erronée lui fait grief alors qu'elle a elle-même formé le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel du 20 mars 2018 de sorte qu'il ne pouvait y avoir aucune confusion dans son esprit sur le caractère non définitif de l'arrêt. Par ailleurs, pour le tiers saisi et le débiteur, cette mention erronée du caractère définitif de l'arrêt est indifférente, puisque cette décision de justice, exécutoire, devait en tout état de cause être exécutée, de sorte la mention erronée est sans conséquence sur les obligations de paiement du débiteur et du tiers saisi.

C'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande d'annulation des saisies-attributions. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de compensation

L'article L.213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire dispose que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En l'absence de décision ayant déjà statué sur la compensation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer sur l'exception de compensation présentée à l'appui d'une demande de mainlevée de saisie.

Aux termes de l'article L.622-7 I alinéa 1er du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.

Il y a connexité entre des obligations réciproques lorsqu'elles dérivent de l'exécution d'un même contrat ou d'un ensemble contractuel participant d'une même opération juridique.

Il appartient à la SAS Hôtel Europe Spa d'apporter la preuve que toutes les conditions de la compensation sont réunies en l'espèce, notamment l'existence de créances réciproques et connexes.

Au vu des pièces produites tant par l'appelante que par l'intimée, la SAS CB Invest est devenue la SAS Hôtel Europe Spa, et la Sarl Groupe B. est devenue la Sarl Hôtel Europe Spa. Il apparaît que c'est manifestement par erreurs purement matérielles que l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 20 mars 2018 fait mention, dans son dispositif, de la 'Sarl Hôtel Europe Spa, anciennement dénommée CB Invest', alors que sur la première page c'est bien la SAS Hôtel Europe Spa qui est mentionnée, et qu'en première instance, l'affaire concernait bien, d'après le jugement, la SAS CB Invest. Ainsi, la condamnation de 80.000 euros prononcée par arrêt du 20 mars 2018 concerne bien la SAS Hôtel Europe Spa anciennement dénommée CB Invest, ce qui n'est pas contesté.

Il est constant que la SAS CB Invest, devenue SAS Hôtel Europe Spa, a cédé un fonds de commerce d'hôtellerie à la Sarl FHF (exploité sous l'enseigne 'Le Grand Hôtel du Nord') par acte authentique du 30 décembre 2011.

Elle se prévaut de deux déclarations de créances adressées le 11 avril 2017 au liquidateur judiciaire de la Sarl FHF :

- une déclaration pour une créance de 54.775,07 euros (et non 60.789,38 euros) pour des loyers dus en vertu du bail du 8 avril 2005, de la clause pénale, des intérêts et des frais, sommes qu'elle a payées à la société civile N3B, bailleur des locaux où était exploité le fond de commerce cédé,

- une déclaration pour une créance de 30.153,43 euros pour des charges d'exploitation et frais financiers.

Si la première déclaration de créance à hauteur de 54.775,07 euros a bien été faite par la société CB Invest, il n'en est pas de même de la seconde à hauteur de 30.153,43 euros qui a été faite au nom de 'l'Eurl Groupe B. désormais dénommée Hôtel Europe Spa'. Cette dernière créance concerne donc la Sarl Hôtel Europe Spa et non la SAS Hôtel Europe Spa. Cependant l'appelante apporte la preuve de la dissolution et de la radiation de la Sarl Hôtel Europe Spa en 2016. Or il ressort des pièces produites tant par l'appelante que par l'intimée que cette société avait pour associé unique, la SAS CB Invest. Ainsi, la liquidation de la Sarl Hôtel Europe Spa consécutive à sa dissolution a eu pour conséquence de retransférer son patrimoine à son associé unique, la SAS CB Invest devenue SAS Hôtel Europe Spa. Dès lors, la créance déclarée par la Sarl Hôtel Europe Spa à hauteur de 30.153,43 euros est en réalité celle de la SAS Hôtel Europe Spa.

En conséquence, les créances de 54.775,07 euros et 30.153,43 euros d'une part et 80.000 euros d'autre part sont réciproques entre la SAS Hôtel Europe Spa et la Sarl FHF.

En outre, il résulte du contrat de cession de fonds de commerce que l'entrée en jouissance du fonds a été fixée au 1er janvier 2012, et que la Sarl FHF, cessionnaire, s'est engagée, à compter de son entrée en jouissance, notamment à :

- payer tous les impôts, contribution et taxes et autres charges de toute nature auxquelles le fonds vendu est assujetti, ainsi que les charges et loyers du bail commercial,

- rembourser au cédant la taxe locale sur la publicité et la contribution économique territoriale au prorata de son temps de jouissance pendant l'année en cours, ainsi que le loyer en cours au prorata de leur temps de jouissance,

- faire son affaire personnelle de la continuation ou de la résiliation de tous les abonnements souscrits par le cédant notamment pour l'eau, le gaz, l'électricité, le téléphone,

- payer les primes d'assurances,

- faire son affaire personnelle des commandes et marchés, des contrats d'exclusivité, de publicité et de fourniture actuellement en cours conclus par le cédant.

D'après les factures produites par la SAS Hôtel Europe Spa, la créance de 30.153,43 euros correspond à des charges d'exploitation que la Sarl (locataire gérant) a payées en 2012 alors qu'elle n'exploitait plus le fonds. Il s'agit donc d'une créance de nature quasi-contractuelle (restitution d'indu) provenant du contrat de cession puisqu'il résulte de cet acte que le contrat de location gérance a été résilié en vue de cette cession. De même, la créance au titre des loyers payés au bailleur par la société CB Invest devenue SAS Hôtel Europe Spa en sa qualité d'ancien locataire, garant de son successeur, constitue également pour la société FHF, cessionnaire débitrice des loyers, une créance quasi-contractuelle de restitution d'indu résultant de l'acte de cession.

Il est constant que ces créances n'ont pas fait l'objet de contestation devant le juge commissaire.

Par ailleurs, il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne du 12 octobre 2016 et surtout de l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 20 mars 2018 qui l'a infirmé que :

- la somme de 80.000 euros correspond à un solde du prix de cession dû par la société cessionnaire FHF à la cédante, CB Invest, qui n'a pas été payé à cette dernière et qui a été séquestré entre les mains du notaire, Me C., en garantie d'une obligation de la cédante,

- estimant cette obligation remplie, le tribunal de grande instance a ordonné la libération du séquestre entre les mains de la société CB Invest,

- Me C. a adressé la somme de 80.000 euros séquestrée à la société CB Invest en exécution du jugement,

- estimant que cette créance de prix de la cédante aurait dû être déclarée au liquidateur judiciaire de la société FHF, la cour d'appel a infirmé le jugement, a déclaré irrecevable la demande de libération des fonds à son profit de la société CB Invest devenue SAS Hôtel Europe Spa, a estimé que le séquestre de 80.000 euros aurait dû être libéré non pas au profit de la cédante mais au profit de la liquidation judiciaire de la société FHF, et a en conséquence condamné la SAS Hôtel Europe Spa à restituer la somme de 80.000 euros à la Selarl B. Charles en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF.

Certes, la dette de 80.000 euros de la SAS Hôtel Europe Spa envers la société FHF ne résulte pas d'une obligation contractuelle de sa part à l'égard de cette dernière, mais d'une obligation judiciaire de restitution née de l'infirmation du jugement. Mais, elle trouve sa cause et son fondement dans le contrat de cession du fonds de commerce du 30 décembre 2011.

Dès lors, l'ensemble des créances invoquées de part et d'autre résultent toutes du contrat de cession et sont donc connexes. Ainsi, les créances déclarées de l'appelante peuvent être compensées avec cette dette réciproque de 80.000 euros.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande de compensation. S'agissant de la créance de loyers, la SAS Hôtel Europe Spa justifie d'une créance de 60.789,38 euros, mais n'a déclaré que 54.775,07 euros de sorte que seule cette dernière somme est compensable. Au vu des montants respectifs, soit 84.928,50 euros d'une part (30.153,43 + 54.775,07) et 80.000 euros d'autre part, la SAS Hôtel Europe Spa est créancière de la somme de 4.928,50 euros. Il y a donc lieu d'ordonner la mainlevée des saisies-attributions des 1er, 14 et 23 août 2018.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive et les demandes accessoires

Il résulte des motifs du jugement que c'est par une erreur purement matérielle que le dispositif comporte une condamnation de la société Hôtel Europe Spa au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, lesquels n'ont pas été demandés par la Selarl B. Charles. Il s'agit en réalité d'une condamnation au titre des frais irrépétibles.

En tout état de cause, au vu de l'issue du litige, il convient d'infirmer les condamnations de la société Hôtel Europe Spa.

Partie perdante, la Selarl B. Charles ès qualités sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie de laisser à chaque partie la charge de leurs frais irrépétibles. La demande de la SAS Hôtel Europe Spa fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

Par ces motifs,

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 1er juillet 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Reims en ce qu'il a :

- déclaré la SCP T.-R. hors de cause,

- débouté la SAS Hôtel Europe Spa de sa demande d'annulation des saisies-attributions pratiquées sur son compte par procès-verbaux des 1er, 14 et 23 août 2018,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Ordonne la compensation entre les créances réciproques et connexes de la SAS Hôtel Europe Spa (84.928,50 euros) et de la Sarl FHF (80.000 euros),

Dit qu'après compensation, il reste dû par la société FHF à la SAS Hôtel Europe Spa la somme de 4.928,50 euros,

Ordonne la mainlevée des trois saisies-attributions pratiquées les 1er, 14 et 23 août 2018 entre les mains de la Société Générale sur les comptes de la SAS Hôtel Europe Spa,

Déboute la SAS Hôtel Europe Spa de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Selarl B. Charles, prise en la personne de Me Charles B., en qualité de mandataire ad'hoc chargé de représenter la liquidation judiciaire de la Sarl FHF, aux entiers dépens de première instance et d'appel.