CA Douai, 8e ch. sect. 3, 10 janvier 2019, n° 18/01181
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Banque Populaire Rives de Paris (SC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pelissero
Conseillers :
Mme Royer, Mme Pecqueur
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 15 novembre 2018
Le 24 décembre 2007, M. Jacques L. a contracté, par acte notarié, un prêt immobilier in fine n°07059149 auprès de la banque populaire rives de Paris pour un montant de 500 621 euros afin de financer l'achat d'un ensemble immobilier situé à Montpellier.
Contestant le taux effectif global dudit prêt, M. L. a assigné la banque populaire rives de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris le 24 février 2016 afin d'obtenir la condamnation de la banque à lui payer la somme de 103 131,54 euros au titre du remboursement des intérêts indûment payés et à ce que soit ordonné le maintien du prêt jusqu'à son terme au taux d'intérêt légal en vigueur au jour du dernier avenant.
M. L. a également saisi cette juridiction sus-mentionnée pour les mêmes motifs concernant cinq autres prêts in fine contractés auprès de ce même établissement bancaire et sollicite dans ce cadre, la condamnation de la banque à lui payer la somme totale de 904'771,53 euros.
Le 11 avril 2017, la banque populaire rives de Paris a prononcé la déchéance du terme du prêt n°07059149 et a fait procéder, le 11 mai 2017, à une saisie-attribution de créances et de valeurs mobilières entre les mains de la compagnie Allianz à hauteur de la somme de 571 868,63 euros. Cette mesure d'exécution a été dénoncée à M. L. le 17 mai 2017.
Par acte d'huissier en date du 16 juin 2017, M. Jacques L. a attrait la banque populaire rives de Paris devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer afin de demander notamment la mainlevée de la mesure d'exécution forcée.
La décision frappée d'appel
Par un jugement rendu le 9 février 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer a :
- dit que la saisie-attribution de créances et de valeurs mobilières pratiquée le 11 mai 2017 entre les mains de la compagnie Allianz à la demande de la banque populaire rives de Paris et dénoncée à M. Jacques L. le 17 mai 2017 ne présente pas de caractère abusif,
en conséquence':
- débouté M. Jacques L. de ses demandes' ;
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné M. Jacques L. aux dépens.
Sur la procédure d'appel
Par déclaration au greffe en date du 23 février 2018, M. L. a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 octobre 2018, M. L., demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
à titre principal,
- constater la contestation légitime formée par ses soins à l'encontre de la saisie-attribution de créances et de valeurs mobilières pratiquée le 11 mai 2017 et dénoncée le 17 mai suivant en raison de la créance détenue par l'appelant lui-même à l'encontre de l'intimée, bien supérieure aux intérêts du prêt notarié litigieux n°07059149';
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution de créances et de valeurs mobilières pratiquée le 11 mai 2017 à la demande de la banque populaire rives de Paris à la SARL Concorde Invest et dénoncée le 17 mai suivant à M. L.';
en conséquence,
- condamner la banque populaire rives de Paris à lui payer la somme de 5'000 euros au titre de la saisie abusive pratiquée ;
à titre subsidiaire,
- réduire l'indemnité forfaitaire de 7 % de 35 043,47 euros à hauteur de la somme de 0'euros compte tenu de sa disproportion et de l'absence totale de préjudice démontré par la banque populaire rives de Paris ';
en tout état de cause,
- condamner la banque populaire rives de Paris à lui payer la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s'ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée et non pas seulement déterminable'; que l'indemnité forfaitaire de 7% incluse dans le décompte de la banque constitue, en réalité, une clause pénale qui est par nature révisable et que les parties, dans le contrat de prêt, ont entendues la soumettre au pouvoir d'appréciation du tribunal. Il soutient que faute pour la banque populaire rives de Paris d'avoir demandé au juge du fond la fixation de l'indemnité forfaitaire, elle ne peut ainsi justifier d'une créance certaine, liquide et exigible. Il ajoute qu'en raison des contestations des stipulations d'intérêts conventionnels des six prêts par lui contractés qu'il a engagées devant la juridiction parisienne, il détient une créance envers l'intimée qui est supérieure au montant des intérêts desdits prêts. A titre subsidiaire, il affirme que l'indemnité forfaitaire de 7 % est disproportionnée au regard notamment des taux d'intérêts actuels.
Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 29 octobre 2018, la banque populaire rives de Paris demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, et de' :
- déclarer M. Jacques L. irrecevable, à défaut mal fondé, en sa demande de réduction de l'indemnité de résiliation anticipée' ;
- condamner M. Jacques L. à lui payer une somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile' ;
- condamner M. Jacques L. aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que contrairement à ce qui est allégué par l'appelant, le juge de l'exécution est parfaitement compétent pour statuer sur une demande de réduction de l'indemnité anticipée de 7% puisqu'elle ne relève pas de la compétence exclusive du juge du fond. Elle précise que cette demande de réduction a été formée par M. L., la première fois en cause d'appel, raison pour laquelle elle est irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile puisqu'elle ne procède nullement de la révélation d'un fait nouveau et qu'elle ne tend pas à faire écarter des prétentions. Elle explique que le titre exécutoire servant de fondement à la poursuite suffit à caractériser une créance certaine, liquide et exigible et que la déchéance du terme étant acquise, le solde du prêt est ainsi rendu exigible pour un montant déterminé étant observé qu'il était prévu dans l'acte notarié la simple possibilité pour les parties de saisir le juge aux fins d'une éventuelle modération de l'indemnité de résiliation qui, en tout état de cause, reste valable et applicable sans validation préalable. Elle affirme que le simple fait que M. L. ait agi en contestation du taux effectif global des prêts par elle consentis ne peut l'exonérer du paiement de ses échéances comme prévu contractuellement, ni lui permettre de se prévaloir d'une quelconque compensation, faute pour lui de détenir une créance à son encontre. Elle précise qu'en tout état de cause, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels du contrat de prêt'formée par M. L. et que l'indemnité forfaitaire de 7 % n'est pas disproportionnée.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2018 et l'affaire plaidée le 22 novembre 2018 a été mise en délibéré au 10 janvier 2019 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande de réduction de l'indemnité forfaitaire
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Il n'est pas contesté que devant le magistrat de première instance, M. L. n'a pas sollicité la réduction de l'indemnité de résiliation anticipée fixée contractuellement à 7 % et ce alors que le juge de l'exécution est bien compétent pour statuer sur une telle demande en vertu de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire.
Or, comme excipé par l'intimée, il appert que cette demande de réduction formée par M. L. la première fois en cause d'appel n'a ni pour objet d'opposer une compensation, ni de faire écarter des prétentions adverses, étant observé que cette demande n'est pas liée à la survenance d'un fait postérieurement au jugement critiquée ; la clause ayant été convenue entre les parties dans l'acte de prêt notarié en date du 24 décembre 2007.
Dès lors, il convient de déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. L. formée devant cette cour et visant à la réduction de l'indemnité de résiliation.
Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution
L'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation
Selon les termes de l'article L.111-7 de ce même code, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation. Il appartient ainsi au débiteur qui en poursuit la mainlevée d'établir que la mesure excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de la créance du saisissant.
Il est acquis aux débats que par acte notarié en date du 24 décembre 2007 qui est revêtu de la formule exécutoire, la banque populaire rives du Paris a consenti à M. L. un prêt immobilier in fine n°07059149 d'un montant de 500 62 1euros pour financer l'achat d'un ensemble immobilier sis à Montpellier.
M. L. a cessé de s'acquitter des échéances relatives aux intérêts dûs au titre dudit prêt à compter du 5 septembre 2015.
Compte tenu des impayés pour la période allant du 5 septembre 2015 au 5 mars 2017, la banque populaire rives de Paris a donc mis en demeure M. L., par courrier recommandé avec accusé réception en date du 31 mars 2017, aux fins qu'il régularise sa situation et ce dans un délai de 8 jours à compter de la réception dudit courrier. M. L. ne s'étant pas exécuté, la banque populaire rives de Paris a, par lettre recommandée avec accusé réception en date du 11 avril 2017, prononcé la déchéance du terme du prêt n°07059149 et a mis en demeure M. L. de lui régler la somme de 570 348,03 euros correspondant au solde des sommes restant dues au titre de ce prêt.
Le 11 mai 2017, la banque populaire rives de Paris a fait procéder à une saisie-attribution de créances et de valeurs mobilières entre les mains de la compagnie Allianz à hauteur de la somme de 571 868,63 euros.
Il convient d'observer que dans les conditions particulières du contrat de prêt sus-mentionné, il est prévu à l'article relatif 'défaillance et exigibilité immédiate' qu'au cas où le remboursement immédiat du capital restant dû et des intérêts échus serait demandé par la banque, celle-ci 'peut demander, si bon lui semble, une indemnité dont le montant est fixé à 7% des sommes dues au titre du capital restant dû, intérêts échus et non versés et le cas échéant, des intérêts de retard, l'indemnité ci-dessus pouvant être soumise, le cas échéant, au pouvoir d'appréciation du tribunal.' M. L. ne peut donc valablement arguer que la banque populaire rives de Paris ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible, faute pour elle d'avoir saisi une juridiction en vue de la fixation de la clause d'indemnité de résiliation anticipée puisque cette saisine avait été envisagée contractuellement comme une simple possibilité.
Par ailleurs, comme l'a retenu à bon droit le magistrat de première instance, le fait qu'il s'agisse d'un prêt in fine consistant, à la différence d'un prêt amortissable, à ne rembourser pendant sa durée que les intérêts, le capital étant remboursé à l'échéance, est sans incidence sur la déchéance du terme qui a ainsi valablement été prononcée par l'intimée; M. L. reconnaissant lui-même avoir été défaillant dans le remboursement des échéances mensuelles du prêt litigieux dès septembre 2015, lequel n'a fait l'objet d'aucune suspension que ce soit conventionnelle ou judiciaire.
Enfin, s'agissant de l'éventuelle compensation invoquée par M. L. entre la créance de la banque populaire rives de Paris et celle dont il se prétend être titulaire, force est de constater que celle-ci n'est pas fondée au sens des articles 1347 et suivants du code civil - anciens articles 1289 et suivant du code civil -; M. L. ne justifiant pas être titulaire d'une créance certaine, liquide, exigible mais également fongible à l'égard de l'intimée puisque le simple fait d'avoir agi en justice en contestation du taux effectif global du prêt querellé ne signifie pas qu'il détient une créance à l'encontre de la banque populaire rives de Paris et ce d'autant plus, que par jugement en date du 8 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris saisi de cette contestation a déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels de M. L.. Au surplus, le montant de cette créance hypothétique est, en tout état de cause, bien inférieure à celle revendiquée par la banque populaire rives de Paris.
Dès lors et au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le magistrat de première instance a jugé qu'il n'y avait pas lieu de dire que la saisie attribution de créances et de valeurs mobilières pratiquée le 11 mai 2017 entre les mains de la compagnie Allianz présentait un caractère abusif ; la banque populaire rives de Paris justifiant d'une créance certaine, liquide et exigible en raison du titre exécutoire qu'elle détient. En conséquence, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. L. de sa demande de mainlevée de ladite saisie attribution.
Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive
Faute pour M. L. de voir sa demande de mainlevée de la saisie attribution de créances et de valeurs mobilières pratiquée le 11 mai 2017 entre les mains de la compagnie Allianz prospérer, sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive sera donc également rejetée, étant observé qu'il ne justifie aucunement détenir une créance certaine, liquide et exigible contre la banque populaire rives de Paris puisque son action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels a été déclarée irrecevable comme étant prescrite par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 8 juin 2018.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé de ce chef de demande.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, M. L. sera condamné aux dépens d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance.
L'équité commande également de le condamner à verser à la banque populaire rives de Paris la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de rejeter la demande de M. L. formée sur ce même fondement et de confirmer le jugement entrepris en qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu à application de ce même article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable pour avoir été formée la première fois en cause d'appel, la demande de M. Jacques L. visant à obtenir la réduction de l'indemnité de résiliation anticipée,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer en date du 9 février 2018,
Y ajoutant
Condamne M. Jacques L. à verser à la banque populaire rives de Paris la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. Jacques L. formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Jacques L. aux dépens d'appel.