CA Lyon, 3e ch. a, 2 juin 2016, n° 15/00940
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Locam Location Automobiles et Matériels (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 2 mai 2011, Pascal T. a signé un contrat de licence d'exploitation de site internet avec la société ICARE destiné aux besoins de son activité, contrat financé par la S.A.S. LOCAM moyennant le versement de 48 mensualités de 178,20 € TTC.
Il a cessé son activité de son entreprise à l'enseigne « PASCAL PNEUS SERVICE A DOMICILE » le 8 septembre 2011.
Plusieurs échéances étant impayées, la société LOCAM a résilié le contrat en date du 5 mai 2012.
Par acte en date du 28 février 2012, elle a fait assigner Pascal T. en paiement de la somme en principal de 8.428,86 €.
Par jugement en date du 6 janvier 2015, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE a statué ainsi :
« Dit que le contrat de licence d'exploitation du site Internet entre la société ICARE et la société LOCAM cessionnaire est opposable à M. T. Pascal ;
Dit qu'il n'y pas lieu de prononcer la nullité de ce contrat en application de l'article L 313-7 du Code Monétaire et Financier ;
Déboute M. T. Pascal de sa demande de nullité ;
Condamne M. T. Pascal à payer à la société LOCAM la somme au principal de 7662.60 € en principal outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2012 et 1 € au titre de la clause pénale ;
Autorise M. T. Pascal à se libérer de sa dette par le versement de 24 mensualités égales successives à compter de la signification du présent jugement ;
Dit qu'en cas de non-paiement d'une échéance, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible ;
Condamne M. T. Pascal à verser à la société LOCAM la somme de 100 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que les dépens seront payés par M. T. Pascal à la société LOCAM ;
Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement. »
Par déclaration reçue le 2 février 2015, Pascal T. a relevé appel de ce jugement.
Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 5 janvier 2016, Pascal T. demande à la cour de :
- dire son appel recevable et bien fondé,
- constater I ‘inopposabilité du contrat et de la cession intervenue entre la SARL ICARE et Pascal T.
- débouter en conséquence la SAS LOCAM de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de Pascal T.,
- à titre subsidiaire, au vu de l'article 1690 du Code civil, constater l'absence de preuve d'une cession entre la société ICARE et la SAS LOCAM et en toute hypothèse, l'absence de preuve de l'information donnée à Pascal T. de cette éventuelle cession,
- déclarer la SAS LOCAM irrecevable en son action à l'encontre de Pascal T.,
- à titre subsidiaire, constater la nullité du contrat,
- à titre infiniment subsidiaire, en application de l'article 1152 du Code Civil, ramener à l'euro symbolique le montant de la clause pénale,
- à titre très infiniment subsidiaire, accorder à Pascal T. les plus larges délais de paiement.
- condamner la société LOCAM aux entiers dépens de l'instance.
Pascal T. fait valoir que le contrat a été signé entre la société « PASCAL PNEUS SERVICE A DOMICILE » et la société ICARE, et ne lui est pas opposable.
Il estime que la cession de ce contrat à la société LOCAM lui est également inopposable en l'absence de signification du transport de la créance, au sens de l'article 1690 du Code Civil.
Il prétend, à titre subsidiaire, que les termes de l'article L 313-7 du Code Monétaire et Financier doivent être appliqués à ce contrat qui matérialise une opération de crédit-bail, l'absence d'une promesse unilatérale de vente devant amener la cour à en constater la nullité.
Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 24 novembre 2015, la société LOCAM demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions de Pascal T. et l'a condamné à régler à la société LOCAM la somme principale de 7.662,60 €,
- l'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau :
- débouter Pascal T. de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris de sa demande de délais de paiement,
- condamner Pascal T. à régler à la société LOCAM la somme complémentaire de 766,26 € au titre de la clause pénale de 10%,
- dire que les intérêts seront dus au taux légal sur la somme principale de 8.428,86 € et à compter de la mise en demeure du 2 janvier 2012,
- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 22 juin 2015, date de notification des conclusions contenant ladite demande,
- condamner Pascal T. à régler à la société LOCAM une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du C.P.C., et aux entiers dépens d'instance et d'appel.
La société LOCAM fait valoir que l'appelant ne peut se prévaloir de son enseigne ou de son nom commercial pour arguer l'existence d'une société qui aurait contracté avec la société ICARE.
Elle soutient que ce contrat prévoyait dans son article 1er sa cession notamment à son profit, alors que Pascal T. en a été avisé par le procès-verbal de livraison et de conformité et par la facture unique de loyers.
Elle estime que le contrat liant les parties constitue une location et non un crédit-bail, aucune option d'achat n'y ayant été stipulée, alors qu'une location d'un site internet est permise par les textes.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la question de la recevabilité de l'appel n'a pas été soumise au Conseiller de la Mise en Etat exclusivement compétent, jusqu'à son dessaisissement en application de l'article 914 du Code de Procédure Civile et ne l'est pas plus à la cour, s'agissant en fait d'une formule de style touchant au bien-fondé du recours ;
Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 954 du Code de Procédure Civile, la cour ne statue que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures récapitulatives des parties ;
Qu'aucune discussion ne subsiste entre les parties concernant la communication des pièces ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1134 du Code Civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Sur l'opposabilité du contrat invoqué par la société LOCAM
Attendu que cette société verse aux débats le CONTRAT DE LICENCE D'EXPLOITATION DE SITE INTERNET signé le 2 mai 2011 entre elle, la S.A.R.L. ICARE et 'PNEUS PASCAL' le paragraphe 'Forme juridique' étant suivi de la mention 'E.I.', Pascal T. étant indiqué comme ayant signé en qualité de 'gérant' ;
Attendu que le procès-verbal de conformité a été signé par T. PASCAL - PNEUS PASCAL suivi d'un numéro SIRET, la désignation du client étant 'Pneus Pascal - T. Pascal' ;
Attendu que le sigle E.I. correspondant bien vraisemblablement à Entreprise Individuelle, il appartenait à l'appelant de rapporter la preuve de ce que son activité connaissait une forme sociale différente, ce qu'il n'a en rien tenté de faire, alors même qu'il a accusé réception personnellement du courrier recommandé de mise en demeure de la société LOCAM se prévalant de la clause résolutoire ;
Que la société LOCAM verse aux débats de son côté une copie d'écran 'Infogreffe' (sa pièce 5) attestant de cet exercice individuel et de ce que 'PNEUS PASCAL' constitue son enseigne et son nom commercial et en pièce 6 la justification de l'identification SIRET mentionnée sur le procès-verbal sus-évoqué comme correspondant à cette Entreprise Individuelle ;
Que le courrier émis par ce dernier le 22 novembre 2011 (pièce 7 de LOCAM) est tout autant révélateur ;
Attendu que le contrat mis en avant par la société intimée est donc pleinement opposable à l'appelant ;
Sur la preuve de la cession à la société LOCAM
Attendu qu'il vient d'être rappelé que le nom de cette société, comme son timbre humide, figurent sur le contrat qu'elle verse aux débats, alors que l'appelant procède par affirmation concernant l'absence de sa désignation dans l'exemplaire laissé en sa possession, qu'il ne produit pas devant la cour ;
Attendu que la seule présence de cette information sur le contrat liant les parties au niveau de la mention 'L'établissement cessionnaire' rend inopérante la discussion sur l'application de l'article 1690 du Code Civil, aucune signification du transport n'étant nécessaire en l'état d'un contrat conclu dès l'origine de manière tripartite, alors que Pascal T. a failli à démontrer qu'il n'en était pas avisé dès cette signature ;
Sur la qualification du contrat
Attendu que l'article L 313-7 du Code Monétaire et Financier dispose que :
'Les opérations de crédit-bail mentionnées par la présente sous-section sont :
1. Les opérations de location de biens d'équipement ou de matériel d'outillage achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, donnent au locataire la possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers ;
2. Les opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, permettent aux locataires de devenir propriétaires de tout ou partie des biens loués, au plus tard à l'expiration du bail, soit par cession en exécution d'une promesse unilatérale de vente, soit par acquisition directe ou indirecte des droits de propriété du terrain sur lequel ont été édifiés le ou les immeubles loués, soit par transfert de plein droit de la propriété des constructions édifiées sur le terrain appartenant audit locataire.
En cas d'opération de crédit-bail sur le droit au renouvellement d'un bail, ce droit ne peut être invoqué que par le crédit-bailleur, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-8 du code de commerce. Les autres droits et obligations que le locataire tient des dispositions du décret précité sont répartis par contrat entre le propriétaire, le crédit-bailleur et le crédit-preneur.
3. Les opérations de location de fonds de commerce, d'établissement artisanal ou de l'un de leurs éléments incorporels, assorties d'une promesse unilatérale de vente moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers, à l'exclusion de toute opération de location à l'ancien propriétaire du fonds de commerce ou de l'établissement artisanal.
4. Les opérations de location de parts sociales ou d'actions prévues aux articles L. 239-1 à L. 239-5 du code de commerce, assorties d'une promesse unilatérale de vente moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers.' ;
Que ce texte suppose sans équivoque que les parties se soient entendues pour qu'un transfert de propriété soit rendu possible à l'échéance contractuelle, alors que l'appelant ne tente même pas de prétendre que la commune intention des parties les avait conduit à prévoir cette éventualité ;
Attendu que la convention litigieuse est un bail, dans lequel aucune clause ne prévoit une quelconque option d'achat, et n'est pas soumise au texte susvisé ;
Attendu qu'aucune nullité n'est encourue de ce fait ;
Sur la clause pénale réclamée par la société LOCAM
Attendu que le bien loué étant un site internet, qui n'a aucune valeur marchande au moment de la résiliation du bail, l'appelant ne caractérise pas en quoi la société LOCAM qui a financé l'intégralité de l'opération émet une réclamation manifestement excessive au sens de l'article 1152 du Code Civil en revendiquant tant l'intégralité des loyers, que la clause pénale elle-même alors même que Pascal T. n'avait pas la possibilité contractuelle de mettre fin au contrat du fait de la cessation volontaire de son activité ;
Que les premiers juges ne pouvaient retenir cette cessation d'activité pour déduire le caractère excessif de cette clause pénale, s'agissant ici uniquement d'apprécier les équilibres contractuels ;
Attendu qu'il convient dès lors de confirmer la condamnation prononcée par les premiers juges au titre du principal, mais par contre, de réformer le jugement entrepris sur cette clause pénale et de condamner Pascal T. à verser à la société LOCAM la somme de 766,26 € à ce titre, comme sur les intérêts moratoires, la mise en demeure délivrée par la société intimée étant datée du 2 janvier 2012, les intérêts au taux légal courent à compter de cette date sur le principal et la clause pénale ;
Attendu que la capitalisation est de droit en application de l'article 1154 du Code Civil et s'effectue à compter du 22 juin 2015, date de ses conclusions qui en formalisent la demande pour la première fois ;
Sur les délais de paiement
Attendu que Pascal T. justifie par les pièces qu'il verse aux débats n'être pas en capacité financière de régler la créance de la société LOCAM ;
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Attendu que Pascal T. succombe totalement en son appel et doit en supporter les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Que l'équité commande de faire application de l'article suivant du même code au profit de la société intimée et de condamner cet appelant à lui verser une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a réduit à 1 € la clause pénale réclamée par la S.A.S. LOCAM sur le point de départ des intérêts moratoires et statuant à nouveau sur ces seuls points, comme y ajoutant :
Condamne Pascal T. à verser à la S.A.S. LOCAM la somme de 766,26 € au titre de la clause pénale,
Dit que les intérêts courent au taux légal sur le principal ici confirmé comme sur la clause pénale à compter du 2 janvier 2012,
Ordonne la capitalisation des intérêts prévus dans le jugement entrepris par années entières conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil à compter du 22 juin 2015,
Condamne Pascal T. à verser à la S.A.S. LOCAM la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Pascal T. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.