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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 7 janvier 2021, n° 17/10685

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Austerlitz (SCI)

Défendeur :

BR Associes (SCP), Crédit Foncier de France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Alquie-Vuilloz

TGI Aix-en-Provence, du 24 avr. 2017, n°…

24 avril 2017

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En 1997 M. Guy M., administrateur judiciaire à Aix en Provence, a souhaité réaliser une opération de défiscalisation d'une partie de ses revenus dans le cadre de la loi Pons.

Il a ainsi constitué quatre EURL respectivement dénommées EURL Méridien Tahiti 118, EURL Méridien Tahiti 119, EURL Méridien Tahiti 120 et EURL Méridien Tahiti 121 dont il était l'associé unique et dont son fils M. François-Xavier M., était le gérant. Ces 4 EURL étaient regroupées au sein d'un GIE destiné à l'acquisition et à l'exploitation d'un hôtel à Tahiti.

Aux termes de quatre actes sous seing privé en date du 30 décembre 1997 la société l'Auxiliaire du Crédit foncier de France a consenti à chacune de ces EURL un prêt destiné au financement partiel d'un lot d'un ensemble immobilier sis en Polynésie française, île de Tahiti dénommé Hotel Rivnac. Chacun de ces prêts d'un montant de 234.683,06 euros (1. 539. 420 francs) a été souscrit au taux de 6,90 % pour une durée de 6 ans.

Le prêt n°45 5760128 98 T consenti à L'EURL MT118 était destiné au financement partiel du lot 127, le prêt n°45 5760129 98 V à L'EURL MT119 à celui du lot 128, le prêt n°455760130 98V à l'EURL MT 120 à celui du lot 129, et enfin le prêt n°45 5760131 98 W à l'EURL MT 121 à celui du lot 130.

Chacun de ces quatre prêts a été garanti par :

- le cautionnement personnel et solidaire de M. Guy M., associé unique des EURL,

- une délégation d'assurance vie sur un contrat d'assurance vie souscrit par M. M.,

- le nantissement conventionnel des 20 parts de la Société civile Arcole dont M. M. était le gérant.

Les 20 parts représentant le capital de la société civile Arcole étaient alors détenues comme suit :

- parts 1 et 2 par M. Guy M. en pleine propriété,

- parts 3 et 4 par M. Guy M. en usufruit, et M. François Xavier M. en nue-propriété

- parts 5 et 6 par M. Guy M. en usufruit, et Mme Laetitia M. en nue-propriété

- parts 7 à 20 par la SCI Austerlitz en pleine propriété.

Les 20 parts de la Société civile immobilière Austerlitz, dont M. M. était également le gérant, étaient quant à elles réparties comme suit :

- part 1 : M. Guy M. en usufruit, et Mme Laetitia M. en nue-propriété

- part 2 : M. Guy M. en usufruit, et M. François Xavier M. en nue-propriété

- parts 3 à 20 : M. Guy M. en pleine propriété.

Après des mises en demeure de régulariser les échéances de remboursement impayées demeurées infructueuses, 1'Auxiliaire du Crédit foncier de France a fait assigner ces quatre EURL et M. Guy M. en sa qualité de caution solidaire, en paiement des sommes restant dues au titre des prêts consentis, par exploits en date des 25 janvier 1999.

A la suite d'une longue procédure, la cour d'appel d'Aix-En-Provence a, par arrêt en date du 30 mars 2007, confirmé le jugement du tribunal de commerce du 17 avril 2000 et y ajoutant a notamment condamné solidairement M. Guy M. et les quatre EURL à payer à l'Auxiliaire du Crédit foncier de France :

- EURL Méridien Tahiti 118 la somme de 439.753.31 euros,

- EURL Méridien Tahiti 119 la somme de 439.753,31 euros,

- EURL Méridien Tahiti 120 la somme de 443.563,90 euros

- EURL Méridien Tahiti 121 la somme de 440. 418,33euros,

sommes arrêtées au 30 juin 2006.

Le pourvoi formé par M. M. et les quatre EURL a été déclaré non admis et abusif par décision de la Cour de cassation en date du 22 mai 2008 de sorte que l'arrêt du 30 mars 2007 est définitif.

Le Crédit Foncier de France est venu aux droits de l'Auxiliaire du Crédit foncier de France à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine le 29 novembre 2007.

Suivant jugement en date du 30 juin 2011 la SCI Austerlitz a été placée en liquidation judiciaire.

Le Crédit foncier de France a, en vertu du nantissement des 20 parts de la SCI ARCOLE, dont 14 sont détenues par la SCI Austerlitz, déclaré le 5 octobre 2011 entre les mains du liquidateur quatre créances à titre privilégié nanti au passif de la société l'Austerlitz :

- 629.825,76 euros outre intérêts au taux fixe contractuel de 9,90% à compter du 30/06/2011 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760128 98 T consenti à l'EURL Méridien Tahiti 118,

- 588.360,36 euros outre intérêts au taux fixe contractuel de 9,90% à compter du 30/06/2011 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760129 98 U consenti à L'EURL Méridien Tahiti 119,

- 593.426,90 euros outre intérêts au taux fixe contractuel de 9,90% à compter du 30/06/2011 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760130 98 V consenti à L'EURL Méridien Tahiti 120

- 589.273,19 euros outre intérêts au taux fixe contractuel de 9,90% à compter du 30/06/2011 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760131 98 W consenti à L'EURL Méridien Tahiti 121.

Ces créances ont été contestées par la SCI Austerlitz.

Par ordonnance en date du 4 décembre 2015 le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Austerlitz a dit que les contestations soulevées par cette dernière relativement aux créances déclarées ne relevaient pas de son pouvoir juridictionnel, sursis à statuer sur

l'admission de ces créances au passif et rappelé que la décision ouvrait au créancier, au débiteur et au mandataire un délai d`un mois à compter de la notification de la décision pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.

Par actes d'huissier des 24 décembre 2015 et 6 janvier 2016 le Crédit foncier de France a fait assigner la SCI Austerlitz et Me R. ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société pour voir constater les créances détenues à l'égard de la société Austerlitz du fait du nantissement et en fixer le montant.

La SCI Austerlitz ne s'est pas constituée et Maître R. s'en est rapporté.

Par jugement en date du 20 mars 2017 tel que rectifié le 24 avril 2017, le tribunal de grande instance d'Aix-En-Provence a :

- constaté les créances détenues par le Crédit Foncier de France à l'égard de la SCI Austerlitz en vertu du nantissement conventionnel souscrit le 30 décembre 1997 au profit de la banque, portant sur les 14 parts de la SCI Austerlitz détenues dans le capital de la société Arcole et de l'arrêt définitif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 mars 2007,

-fixé le montant de ces créances aux sommes de :

- 629.825,76 euros, outre les intérêts au taux fixe contractuel de 9,90 % à calculer à compter du 30 juin 2011 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760128 98 T,

- 588.360,36 euros, outre les intérêts au taux fixe contractuel de 9,90 % à calculer à compter du 30 juin 2011 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760129 98 U,

- 593.426,90 euros, outre les intérêts au taux fixe contractuel de 9,90 % à calculer à compter du 30 juin 2011 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760130 98 V,

- 589 273,19 euros, outre les intérêts au taux fixe contractuel de 9,90 % à calculer à compter du 30 juin 2011 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760131 98 W,

- déclaré les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société Austerlitz

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration reçue le 6 Juin 2017 la SCI Austerlitz a relevé appel des jugements du 20 mars 2017 et 24 avril 2017.

Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe et noti'ées le 3 août 2017 la SCI Austerlitz demande à la Cour, au visa des articles 515, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile, de l'ancien article 1326 du Code civil, de l'ancien article 1690 du Code civil, du décret n°2006-1804 du 23 décembre 2006, pris pour application de l'article 2338 du Code civil, de l'ancien article 2277 du Code civil, de l'article L.110-4 du Code de commerce, de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 20 mars 2017 du tribunal de grande instance d'Aix-En-Provence ainsi que le jugement rectificatif du 24 avril 2017 du tribunal de grande instance d'Aix-En-Provence,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que le nantissement des 14 parts sociales détenues par la société Austerlitz dans le capital de la société Arcole est nul en ce qu'il est entaché d'irrégularités de forme,

- dire et juger que le nantissement des 14 parts sociales détenues par la société Austerlitz dans le capital de la société Arcole n'est pas conforme à l'intérêt social en ce qu'il compromet l'existence même de la société Austerlitz,

- dire et juger en conséquence que le nantissement des 14 parts sociales détenues par la société Austerlitz dans le capital de la société Arcole n'est pas valide,

- constater l'absence d'engagement personnel de la société Austerlitz à la dette des EURL Méridien Tahiti,

- dire et juger que le nantissement des 14 parts sociales détenues par la société Austerlitz dans le capital de la société Arcole n'a pas été renouvelé et que la sûreté ne produit en conséquence plus aucun effet,

En conséquence

- débouter le Crédit Foncier de France de sa demande de fixation de ses créances au passif de la société Austerlitz;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne jugeait pas nul ou irrégulier le nantissement des parts sociales détenues par la société Austerlitz dans le capital de la société Arcole,

- dire et juger que les intérêts déclarés par le Crédit foncier de France au passif de la société Austerlitz sont erronés en ce qu'il s'agit d'intérêts au taux contractuel,

- débouter la société Crédit foncier de France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le Crédit Foncier de France à payer la somme de 3 000 euros à Maître R., ès qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Crédit Foncier de France au paiement des entiers dépens.

Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe et noti'ées le 29 septembre 2017 la SA Crédit Foncier de France demande à la cour, au visa des articles L.622-7, L.624-2 et R.624-5 du code de commerce, de :

- déclarer la SCI Austerlitz irrecevable et mal fondée en son appel inscrit à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance d`Aix-En-Provence le 20 mars 2017 rectifié par jugement du 24 avril 2017,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-En-Provence le 20 mars 2017 rectifié par jugement du 24 avril 2017, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamner la SCI Austerlitz à payer une indemnité de 5.000 euros au Crédit Foncier de France au titre des frais irrépétibles exposés par ce dernier en première instance et en appel, sur le fondement de l'article L.622-17 du code de commerce,

- dire que les dépens de première instance et d'appel seront déclarés frais privilégiés de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SCI Austerlitz et pourront être recouvrés par la SCP E.-L.-A., avocats au barreau d'Aix-En-Provence, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses uniques conclusions remises au greffe et notifiées le 29 septembre 2017 le cabinet BR et associés représentés par Maître R. ès qualités de liquidateur de la société Austerlitz demande à la cour de :

- donner acte à Me R. qu'elle s'en rapporte sur les demandes formalisées par le Crédit Foncier et sur les contestations initiées par la société Austerlitz,

- déclarer les dépens frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2019.

L'affaire a été appelée à l'audience du 14 janvier 2020 et renvoyée à la demande des parties à l'audience du 28 avril 2020, puis déplacée au 10 novembre 2020 en raison de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité du nantissement des 14 parts détenues par la SCI Austerlitz

Pour tenter de remettre en cause la déclaration de créance du Crédit Foncier de France au titre du nantissement judiciaire des parts sociales détenues par la SCI Austerlitz dans la SCI Arcole, la SCI Austerlitz soutient en premier lieu que ce nantissement serait nul en ce qu'il ne respecterait pas les prescriptions de l'ancien article 1326 du code civil relatif à la mention manuscrite. Elle prétend en effet que cet article est applicable au nantissement litigieux, s'agissant d'un acte unilatéral d'une partie au profit d'une autre sans contrepartie ni obligations réciproques, ce qui est le cas puisque la SCI Austerlitz n'est pas bénéficiaire des prêts accordés par Le Crédit Foncier de France aux EURL. Elle soutient également que les actes d'huissiers destinés à la signification des nantissements ne sont pas réguliers et ne peuvent valoir signification au sens de l'article 1690 du code civil.

En réponse Le Crédit Foncier de France soutient que l'article 1326 du code civil susvisé est inapplicable aux nantissements de parts de sociétés civiles qui sont exclusivement régis par les articles 1866 et suivants du code civil, que cet article 1866 n'impose aucune mention manuscrite, et enfin que les actes d'huissier de signification des nantissements sont réguliers et conformes aux dispositions de l'article 1690 du code civil.

Contrairement aux affirmations de la SCI Austerlitz, il est constant que l'article 1326 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 relative à la réforme du droit des obligations, n'a pas vocation à s'appliquer au nantissement de parts de sociétés civiles, un tel nantissement étant uniquement régit par les articles 1866 et suivants du Code de Procédure Civile.

Cet article 1866 dispose que les parts sociales peuvent faire l'objet d'un nantissement constaté, soit par acte authentique, soit par acte sous signatures privées signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique, et donnant lieu à une publicité dont la date détermine le rang des créanciers nantis. Le privilège du créancier gagiste subsiste sur les droits sociaux nantis, par le seul fait de la publication du nantissement .

Aucune mention manuscrite n'est donc exigée par cet article pour garantir la validité du nantissement à peine de nullité en cas de non-respect. Ce moyen ne peut donc prospérer.

En ce qui concerne la signification des nantissements, exigée par l'article 1866 susvisé, il ressort des pièces versées aux débats par le créancier gagiste que les quatre actes sous seing privés en date du 30 décembre 1997 ont été signifiés à la SCI ARCOLE par quatre actes d'huissier délivrés concomitamment le 5 février 2018 à 17h45, à la requête de chacune des quatre EURL. Il est exact que, comme le soulève l'appelante, deux de ces actes comportent la mention en en-tête 'signification de cession de parts ' , le mot cession étant barré et remplacé par une mention manuscrite ' nantissement '.

Cependant cette erreur matérielle ne constitue pas une irrégularité de forme de nature à entacher la validité de ces deux actes, dès lors que les deux autres actes sont parfaitement réguliers, que les quatre actes ont été signifiés concomitamment, que ces quatre actes délivrés à la requête de chacune des quatre EURL constituent indéniablement un acte de signification nonobstant les allégations de la SCI Austerlitz et que cette signification porte sur ' un acte sous seing privé en date du 30 décembre 1997 enregistré à la Recette de Paris 1er arrondissement le 14/01/1998 Bordereau ( un numéro par acte) aux termes duquel l'Auxiliaire du Crédit Foncier S.A. a consenti un prêt à l'EURL MERIDIENT TAHITI( suivi du numéro de la société concernée MT 118, 119, 120 ou 121) avec nantissement de parts de la SCI ARCOLE sus dénommée', suivi de la description de la répartition des parts sociales de la SCI. Enfin il ne peut être contesté que chaque acte comporte en pièce jointe l'acte sous seing privé en intégralité, comme en témoigne l'indication du nombre de feuilles signifiées ( 22). Il est indiqué in fine que ' la présente signification est faite conformément à l'article 1690 et 2075 du code civil.'

Par ailleurs le fait que ces significations aient été faites à la diligences des EURL Méridien Tahiti elles-mêmes, et non par Le Crédit Foncier de France, est indifférent, l'article 1866 imposant uniquement une signification du nantissement à la société concernée, de même que l'article 1690, ces articles étant uniquement destinés à porter à la connaissance de la société le nantissement dont ses parts sociales font l'objet.

Les nantissements sont donc réguliers en la forme et le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le bien fondé des nantissements conventionnels

La SCI Austerlitz soutient ensuite que les nantissements litigieux ne seraient pas valables au motif qu'ils seraient non conformes à son objet social, qu'il y aurait absence de communauté d'intérêt entre les débitrices les EURL MT 118,119, 120 et 121 et elle-même, que les actes seraient non conforme à son intérêt social et de nature à compromettre son existence même, que

cette obligation excédait les pouvoirs du gérant statutaire et enfin qu'il y aurait absence de procès-verbal d'assemblée générale des associés autorisant l'octroi des sûretés.

Le Crédit Foncier de France soutient que ces motifs sont inopérants, au vu de la communauté d'intérêts évidente existant entre ces sociétés, le montage fiscal étant au final fait dans l'intérêt exclusif de M. M., gérant et/ou associé des diverses sociétés.

Il est admis aujourd'hui qu'un tel nantissement de parts sociales d'une société civile au profit d'un tiers peut être conforme à l'intérêt social de celle-ci dès lors que cet intérêt social se confond avec celui des associés et qu'il a été valablement consenti par le gérant autorisé par une AGE des associés.

Par ailleurs il est exigé qu'un tel nantissement ne soit pas contraire à l'intérêt social, ce qui est le cas lorsque la sûreté accordée est de nature à compromettre l'existence même de la société, notamment si elle porte sur le seul bien de la SCI.

En l'espèce il convient de rappeler que, ainsi que l'a déjà jugé la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence dans son jugement du 30 mars 2007, l'octroi des prêts a été fait dans un contexte très particulier, à savoir qu'ils étaient destinés uniquement à permettre à M. M. de bénéficier d'économies d'impôts dans le cadre de la loi Pons. Ont ainsi été créées les 4 EULR Méridien Tahiti dont M. M. est associé unique, sociétés fiscalement transparentes permettant à M. M. de déduire l'investissement réalisé de son revenu global.

Il convient également de rappeler que M. Guy M. cumule les qualités d'associé unique des 4 EURL, d'associé gérant de la SCI ARCOLE, d'associé majoritaire et gérant de la SCI Austerlitz, elle-même associée majoritaire de la SCI ARCOLE, les deux autres associés des deux SCI étant ses enfants François-Xavier et Laetitia, titulaires de deux parts en nu-propriété.

Il est dès lors manifeste qu'il existe une communauté d'intérêts entre ces diverses sociétés et les intérêts des associés, et surtout ceux de M. M.. Les quatre prêts litigieux n'ont été accordés qu'au regard de la personne de M. M., de son opération fiscale, et des garanties apportées par ce dernier, à savoir, outre les nantissements litigieux, son cautionnement personnel et une délégation d'assurance-vie.

Par ailleurs il n'est pas possible de prétendre comme le fait l'appelante que ces nantissements ne sont pas valables dès lors que leur mise en oeuvre est susceptible d'entraîner la perte des actifs et la disparition de la société. En effet s'il est certain que le montant initial des engagements nantis était important pour s'élever à plus de 900 000€, il n'en reste pas moins que ces sûretés, dont la validité doit être appréciée au jour de l'engagement, ne sont pas de nature à compromettre l'existence de la société. En effet la SCI Austerlitz est propriétaire non pas d'un seul et unique bien mais de plusieurs biens immobiliers, notamment à Aix-en-Provence et en Corse selon les indications de l'intimée, biens qui sont en train d'être réalisés dans le cadre de la procédure collective.

Il n'est donc pas possible de dire que ces nantissements sont nuls comme étant contraires à l'intérêt social de la SCI Austerlitz.

Enfin, nonobstant les affirmations de la SCI Austerlitz, il ressort des pièces versées aux débats par Le Crédit Foncier de France que les nantissements au profit du Crédit Foncier de France ont été consentis par M. M. en sa qualité de gérant de la SCI Austerlitz tenant ses pouvoirs :

- de l'article 24 des statuts de la dite société

- d'une délibération unanime des associés de la SCI Austerlitz selon assemblée générale extraordinaire en date du 29 décembre 1997 autorisant ledit nantissement de parts

- d'une décision unanime des associés de la SCI ARCOLE réunis en assemblée générale le 29 décembre 1997 autorisant le nantissement et agréant le cessionnaire en cas de réalisation du gage.

Ces moyens sont donc non fondés et le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le moyen tiré de l'absence d'engagement personnel de la SCI Austerlitz à l'égard de la dette des EURL Méridien Tahiti

Pour remettre en cause la validité des nantissements, la SCI Austerlitz soutient ensuite qu'il n'existe aucun engagement juridique entre la SCI Austerlitz et les dettes des EURL, de telle sorte que Le Crédit Foncier de France ne pourrait déclarer ces créances, ce à quoi Le Crédit Foncier de France oppose l'intérêt familial commun poursuivi par les associés.

Au vu de ce qui précède, cet argument ne peut prospérer, puisque si effectivement les créances déclarées ne sont pas celles de la SCI Austerlitz mais celles des EURL, il n'en reste pas moins que comme il été indiqué ci-dessus, les nantissements litigieux ont été dûment autorisés par la SCI Austerlitz dans l'intérêt de son gérant M. M. aux fins d'obtenir des prêts et de garantir l'opération de défiscalisation de ce dernier au travers de ses sociétés. C'est bien la mise en oeuvre du nantissement qui permet à la banque de déclarer ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Austerlitz.

Ce moyen, sur lequel le premier juge ne s'est pas expressément prononcé, est rejeté.

Sur la perte du nantissement

La SCI Austerlitz prétend ensuite que les nantissements litigieux auraient perdus tous leurs effets au motif que leur inscription n'aurait pas été renouvelée, contrairement aux dispositions de l'article 7 du décret n°2006-1804 du 23 décembre 2006 pris pour l'application de l'article 2338 du code civil.

Ce texte qui a été pris en application de l'article 2338 du code civil relatif à la publicité du gage sans dépossession, lui même issu de l'ordonnance du 23 mars 2006 instituant le gage sans dépossession est largement postérieur aux nantissements litigieux pris en 1997 et publiés le 2 avril 1998, et n'était donc pas applicable à cette date. Par ailleurs ce texte se trouve dans une section du code civil relative au droit commun du gage. Il ressort de la combinaison des articles 2355 dernier alinéa prévoyant la subsistance des textes spéciaux et 1866 du code civil que le nantissement de parts de sociétés civiles demeure soumis au régime prévu par la loi du 4 janvier 1978 ayant modifié les articles 1832 à 1873 du code civil. Ces textes prévoient que la publication du nantissement n'est soumise à aucune durée de validité ou d'obligation de renouvellement.

Dès lors ce moyen sera rejeté.

Les créances déclarées par Le Crédit Foncier de France doivent donc être admises dans leur principe.

Sur le montant du taux d'intérêt

Pour finir la SCI Austerlitz conteste le montant du taux d'intérêt déclaré par Le Crédit Foncier de France et retenu par le premier juge, au motif que le juge a retenu les créances déclarées selon décompte arrêté au 30 juin 2011 pour chacun des prêt outre intérêt au taux contractuel de 9,90% l'an à compter du 30 juin 2011 et jusqu'à complet règlement. Elle prétend que la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence en date du 30 mars 2007 n'a prononcé aucune condamnation au titre des intérêts de telle sorte que seuls les intérêts au taux légal pourraient le cas échéant s'appliquer.

Le Crédit Foncier de France soutient que l'arrêt susvisé a lui-même actualisé les créances en tenant compte des intérêts au taux contractuel de 9,90% échus au 30 juin 2006, et qu'il est en droit de réclamer ces intérêts contractuels conformes au contrat au delà de cette date. Il demande donc la confirmation du montant des créances retenues.

Dans son arrêt sur renvoi après cassation en date du 30 mars 2007, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a :

' condamné solidairement M. Guy M. et les quatre EURL à payer à l'Auxiliaire du Crédit foncier de France :

- EURL Méridien Tahiti 118 la somme de 439.753.31 euros,

- EURL Méridien Tahiti 119 la somme de 439.753,31 euros,

- EURL Méridien Tahiti 120 la somme de 443.563,90 euros

- EURL Méridien Tahiti 121 la somme de 440. 418,33euros,

sommes arrêtées au 30 juin 2006.'

Même si ces sommes incluent les intérêts contractuels échus arrêtés au 30 juin 2006, il n'en reste pas moins que la Cour d'Appel n'a prononcé aucune condamnation au titre des intérêts, ni dit que ces sommes porteraient intérêts au taux contractuel.

Dès lors c'est à juste titre que la SCI Austerlitz prétend que seul les intérêts au taux légal peuvent s'appliquer.

Le jugement est donc réformé en ce qui concerne le montant des créances retenues. Ces créances seront fixées pour les sommes suivantes :

- 439.753.31 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760128 98 T,

- 439.753,31 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760129 98 U,

- 443.563,90 euros , outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760130 98 V,

- 440. 418,33 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760131 98 W.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens

Les dépens d'appel seront déclarés frais privilégiés de la liquidation judiciaire, la décision de première instance étant confirmée.

La SCI Austerlitz sera condamnée à verser au Crédit Foncier de France la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, cette somme étant déclarée au passif de la liquidation judiciaire en application de l'article L.622-17 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des créances retenues ;

Statuant à nouveau

Fixe au passif de la SCI Austerlitz les créances déclarées par Le Crédit Foncier de France pour les sommes suivantes :

- 439.753.31 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760128 98 T,

- 439.753,31 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760129 98 U,

- 443.563,90 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement, au titre du prêt n°45 5760130 98 V,

- 440. 418,33 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2007 et jusqu'à complet règlement au titre du prêt n°45 5760131 98 W.

Y ajoutant

Octroie au Crédit Foncier de France la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, cette somme étant fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Austerlitz ;

Rejette toute autre demande des parties ;

Dit que les dépens d'appel seront déclarés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire et pourront être recouvrés par la SCP E.-L.-A., avocats au barreau d'Aix-En-Provence, par application de l'article 699 du code de procédure civile.