CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 28 février 2019, n° 18/12043
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Qualisteo (SA), Emeraude Energy Finance (SARL), Demeter Partners (SA), Demeters Ventures (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsot
Conseillers :
Mme Gaillot-Mercier, Mme Farssac
Avocats :
Me Magnan, Me Six, Me Rometti, Me Brunswick
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nice du 18 juin 2018 ayant, notamment :
- condamné solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à payer à M. Christophe R. 50.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au préjudice subi du fait des actes irréguliers initiés lors du conseil d'administration du 20 décembre menant à sa révocation en tant que président et directeur général ainsi que de son poste d'administrateur lors du conseil du 25 avril 2017,
- débouté M. Christophe R. de l'ensemble de ses autres demandes,
- nommé Me Xavier H., administrateur judiciaire, mandataire ad hoc avec pour mission de voter en lieu et place de M. R., en conformité avec l'intérêt social de la société lors de la prochaine assemblée générale,
- débouté la société Qualisteo de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les sociétés Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners de leurs autres demandes
- ordonné l'exécution du jugement,
- condamné solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners au paiement d'une somme de 10.000 euros à M. Christophe R. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu la déclaration du 17 juillet 2018, par laquelle M. Christophe R. a relevé appel de cette décision ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2018, aux termes desquelles M. Christophe R. demande à la cour de :
Sur l'aspect procédural :
- A titre principal, rejeter les conclusions et pièces produites le 3 décembre 2018 par les Sociétés Qualisteo, Demeter Partners, Demeter Ventures et Emeraude Energy Finance,
- A titre subsidiaire, révoquer l'ordonnance de clôture en date du 4 décembre 2018,
- en conséquence, dire recevables les conclusions au fond et pièces qu'il a produites après réouverture des débats,
Sur le fond :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé :
- irréguliers les actes ayant prononcé sa révocation de ses mandats,
- qu'il avait subi un préjudice,
- qu'il n'avait commis aucun abus de minorité lors des deux dernières assemblées générales des 22.12.2017 et 8.02.2018,
- infirmer le jugement sur tous les autres points :
En conséquence,
Sur la révocation irrégulière de M. R. de ses différents mandats et ses conséquences :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé irréguliers les actes initiés lors des conseils d'administration des 20 décembre 2016 et 8 février 2017 menant à sa révocation en tant que président et directeur général ainsi que lors du conseil du 25 avril 2017,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il ne tire pas les conséquences qui s'imposent de ses constatations,
- dire et juger que l'esprit et la lettre du pacte d'actionnaires n'ont pas été respectés,
Et, en conséquence :
- prononcer l'irrégularité du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 25 avril 2017 et prononcer la nullité de toutes les délibérations y figurant,
- prononcer la nullité de l'assemblée générale du 25 avril 2017 qui s'est tenue irrégulièrement et la nullité de chacune des délibérations de celle-ci,
- prononcer la nullité des révocations de M. R. de ses différents mandats,
En conséquence,
- prononcer la nullité de tous les actes et délibérations subséquents,
Sur la nullité des nominations de M. L. en qualité de président de la société Qualisteo et d'administrateur,
- dire et juger que le jugement déféré a omis de statuer sur cette demande,
- dire et juger que la nomination de M. Pierre-Yves L. en qualité de Président Directeur Général est nulle dès lors qu'il n'avait pas la qualité d'administrateur au jour de sa nomination,
- dire et juger que la nomination de M. Pierre-Yves L. en qualité d'administrateur à titre personnel intervenue est nulle dès lors qu'elle est incompatible avec sa qualité de représentant de la société Emeraude Energy Finance,
- dire et juger, en conséquence, y avoir lieu de prononcer la nullité de tous les actes et délibérations subséquents, et notamment toutes les réunions des conseils d'administration et les délibérations prises ainsi que la nullité de l'assemblée générale du 25 avril 2017,
Sur la désignation d'un administrateur provisoire et d'un expert indépendant
- désigner un administrateur provisoire avec pour mission de remettre la société dans la situation dans laquelle elle se trouvait le 20 décembre 2016 avant la révocation irrégulière de M. R. et la nomination irrégulière de M. Pierre-Yves L.,
- dire et juger que l'administrateur provisoire disposera, au jour de sa désignation, des pouvoirs que la loi et les décrets en vigueur confèrent au président directeur général d'une société anonyme et qu'il assumera la gestion et l'administration de la société sous sa responsabilité pendant une durée de 3 mois éventuellement prorogeable par ordonnance,
- l'administrateur provisoire exercera sa mission dans le respect des dispositions des
statuts et du pacte d'actionnaires et de remise des choses en l'état,
- faire en sorte que soient désignés deux nouveaux administrateurs indépendants puis un nouveau président du conseil d'administration de la société, protéger les intérêts de la société Qualisteo tout en préservant l'intérêt du minoritaire conformément au pacte,
- l'administrateur provisoire désigné pourra se faire accompagner de toute personne compétente de son choix,
- établir le compte entre l'ensemble des parties prenantes aux fins de permettre à la société de récupérer l'intégralité des fonds qui lui sont dus à quelque titre que ce soit, et
notamment les fonds provenant des rémunérations versées indûment en raison de délibérations de conseil d'administration entachées de nullité,
- l'administrateur provisoire devra référer à la cour de toute difficulté qui entraverait le bon fonctionnement de sa mission,
- tous les frais, débours et honoraires seront supportés par la société Qualisteo,
- ordonner la désignation d'un expert indépendant, en la personne de M. Thierry B., expert agréé auprès de la Cour de cassation, aux fins de déterminer les besoins en trésorerie de la société, la valorisation de la société et des actions à émettre en cas d'augmentation de capital à intervenir tenant compte de la dernière valeur de marché et de la situation réelle de la société Qualisteo sur la base d'une analyse multicritère en préservant l'intérêt social et celui du minoritaire,
- condamner la société Qualisteo à supporter tous les frais au titre de la désignation de l'expert indépendant,
Sur la réparation du préjudice subi par M. R. au titre de la révocation de ses mandats
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. R. était fondé à se prévaloir de l'indemnisation d'un préjudice,
- infirmer le jugement en ce qu'il a limité ce préjudice à la somme de 50.000 euros,
En conséquence :
- dire et juger que la révocation précipitée de M. R. de ses fonctions de président et de directeur général est abusive, vexatoire et effectuée en violation du pacte d'actionnaires,
- dire et juger que la révocation de M. R. de son mandat d'administrateur est abusive et vexatoire,
- condamner solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à lui payer, au titre de son préjudice financier, la somme de 137.000 euros,
- condamner solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à lui payer, au titre de la violation du pacte d'actionnaires, la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner indéfiniment et solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à lui payer une somme de 400.000 euros au titre de son préjudice moral,
Sur l'absence d'abus de minorité et l'irrégularité de la désignation du mandataire ad hoc
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que M. R. n'avait commis aucun abus de minorité,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit y avoir lieu de désigner un mandataire ad hoc aux fins de voter en ses lieu et place lors de la prochaine assemblée générale,
- prononcer la nullité de la désignation de Me H. en qualité de mandataire ad hoc et en tirer les conséquences qui s'imposent,
Sur la nullité des délibérations de l'assemblée générale du 28 septembre 2018
- prononcer la nullité de la tenue de l'assemblée générale du 28 septembre 2018 et de chacune des délibérations prises en l'absence du droit de vote de M. R.,
- en tout état de cause, prononcer la nullité de l'augmentation de capital décidée par assemblée générale du 28 septembre 2018 pour fraude et abus de droit et la nullité de chacune des délibérations,
- ordonner la désignation d'un expert indépendant, en la personne de M. Thierry B., expert agréé auprès de la Cour de cassation, aux fins de déterminer les besoins en trésorerie de la société, la valorisation de la société et des actions à émettre en cas d'augmentation de capital à intervenir tenant compte de la dernière valeur de marché et de la situation réelle de la société Qualisteo sur la base d'une analyse multicritères, en préservant l'intérêt de la société et celui du minoritaire,
- enjoindre la société à respecter les termes de ce rapport dans le cadre des nouvelles opérations à intervenir,
- condamner la société Qualisteo à supporter tous les frais au titre de la désignation de l'expert indépendant,
A défaut d'annulation de l'opération de l'augmentation de capital du 28 septembre 2018,
- indemniser M. R. au titre du préjudice subi du fait de sa dilution,
A titre subsidiaire pour le cas où les délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2018 ne seraient pas annulées
- condamner solidairement les Sociétés Demeter Ventures, Demeter Partners et Emeraude Energy Finance à payer à M. R. la somme de 2.359.500 euros au titre du préjudice qu'il a subi au titre de la dilution qui lui a été indûment imposée,
- condamner les sociétés Demeter Ventures, Demeter Partners et Emeraude Energy Finance à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de préjudice moral au titre de cette opération litigieuse,
A titre infiniment subsidiaire :
Si la Cour considérait avoir un doute sur la valeur servant de base à la détermination du préjudice subi par M. R. du fait de la dilution qu'il a subie,
- condamner les sociétés Demeter Ventures, Demeter Partners et Emeraude Energy Finance à lui payer, à titre provisionnel, dans l'attente de l'évaluation du préjudice faite par l'expert indépendant, la somme de 800.000 euros,
- désigner M. Thierry B., expert indépendant, aux fins de déterminer le montant du préjudice financier définitif subi par M. R. au titre de la dilution de sa participation, tenant compte de la valorisation de la société au regard de la valeur de marché et de la situation réelle de la société Qualisteo sur la base d'une analyse multicritères,
- condamner la société Qualisteo à supporter tous les frais au titre de la désignation de l'expert indépendant,
- condamner les sociétés Demeter Ventures, Demeter Partners et Emeraude Energy Finance à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de préjudice moral,
Au surplus et en tout état de cause,
- ordonner la publicité de la décision à intervenir dans le journal Les Echos et Capital dans les huit jours de son prononcé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- condamner les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à lui payer chacune la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2018, aux termes desquelles la SA Qualisteo demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. R. de ses demandes de :
* nullité de l'ensemble des conseils d'administration à compter de sa révocation de président - directeur général intervenue le 20 décembre 2016 et de l'assemblée générale du 25 avril 2017,
* condamnation solidaire de Qualisteo, Demeter et Emeraude à lui payer 'la somme correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir au titre de ses mandats de président directeur général depuis la prise d'effet de sa révocation et le jour où il sera effectivement rétabli dans ses fonctions ainsi que celle correspondant aux cotisations sociales afférentes à cette rémunération au titre de cette même période',
* condamnation solidaire de Qualisteo, Demeter et Emeraude à lui payer des dommages et intérêts compte tenu de sa révocation prétendument abusive,
* désignation d'un administrateur provisoire,
* désignation d'un expert judiciaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a nommé Me Xavier H., administrateur judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de voter en lieu et place de M. R., en conformité avec l'intérêt social de la société lors de la prochaine assemblée générale,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* condamné solidairement les sociétés Qualisteo, Émeraude Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à payer à M. Christophe R. 50.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au préjudice subi du fait des actes irréguliers initiés lors du conseil d'administration du 20 décembre menant à sa révocation en tant que président et directeur général ainsi que de son poste d'administrateur lors du conseil du 25 avril 2017,
* débouté la société Qualisteo de l'ensemble de ses autres demandes, comprenant la condamnation de M. Christophe R. au paiement :
- des frais et honoraires du mandataire ad hoc,
- de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts subis par Qualisteo du fait de l'abus de minorité,
- de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- condamner M. Christophe R. au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 3 décembre 2018, aux termes desquelles les sociétés Demeter Partners, Demeter Ventures et Emeraude Energy Finance demandent à la cour de :
A titre liminaire
- juger M. Christophe R. irrecevable pour l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Emeraude Energy Finance, Demeter Partners et Demeter Ventures en application du principe de l'estoppel,
- juger M. Christophe R. irrecevable pour l'ensemble de ses demandes formées, aux termes de son dispositif, à l'encontre des sociétés Demeter Partners et Demeter Ventures qui n'ont pas été attraites à l'instance à titre personnel,
- juger M. Christophe R. irrecevable en ce que son action en nullité des actes et délibérations des organes sociaux depuis la réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2016 est éteinte,
Sur la défense au fond
- débouter M. Christophe R. de l'ensemble de ses demandes formées indistinctement contre les sociétés Demeter Partners, Demeter Ventures et Emeraude Energy Finance,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Christophe R. de ses demandes de :
- nullité de l'ensemble des conseils d'administration à compter de sa révocation de président directeur général intervenue le 20 décembre 2016 et de l'assemblée générale du 25 avril 2017,
- condamnation solidaire des sociétés Qualisteo, Demeter Partners, Demeter Ventures et Emeraude Energy Finance à lui payer « la somme correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir au titre de ses mandats de président directeur général depuis la prise d'effet de sa révocation et le jour où il sera effectivement rétabli dans ses fonctions ainsi que celle correspondant aux cotisations sociales afférentes à cette rémunération au titre de cette même période »,
- condamnation solidaire des sociétés Qualisteo, Demeter Partners, Demeter Ventures et Emeraude Energy Finance à lui payer des dommages et intérêts compte tenu de sa révocation prétendument abusive,
- désignation d'un administrateur provisoire,
- désignation d'un expert judiciaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a nommé Me Xavier H., administrateur judiciaire, mandataire ad hoc avec pour mission de voter en lieu et place de M. R., en conformité avec l'intérêt social de la société lors de la prochaine assemblée générale,
- rejeter, en conséquence, la demande de nullité de la désignation de Me Xavier H.,
- débouter M. Christophe R. de toutes ses demandes nouvelles en appel,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné « solidairement les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à payer à M. Christophe R. 50.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au préjudice subi du fait des actes irréguliers initiés lors du conseil d'administration du 20 décembre menant à sa révocation en tant que président et directeur général ainsi que de son poste d'administrateur lors du conseil du 25 avril 2017 »,
- « débouté les sociétés Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners de leurs autres demandes », comprenant la condamnation de M. Christophe R. au paiement de la somme de 5.000 euros à la société Demeter Partner ès qualités, 5.000 euros à la société Demeter Ventures ès qualités et 5.000 euros à la société Emeraude Energy Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner M. Christophe R. au paiement de la somme de 10.000 euros à la société Demeter Partners ès qualités, 10.000 euros à la société Demeter Ventures ès qualités et 10.000 euros à la société Emeraude Energy Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 18 décembre 2018, ordonnant par mention au dossier la révocation de la clôture prononcée le 4 décembre 2018 et prononçant à nouveau la clôture pour admettre des dernières écritures de M. R., avec l'accord des parties ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu que le 14 décembre 2010, M. Christophe R. a créé, avec un premier associé, la SAS Qualisteo, au capital de 75.000 euros et ayant pour activité le développement et la commercialisation d'un système de mesure non intrusif permettant de visualiser et d'agir sur la consommation électrique des bâtiments et de la maîtriser ;
Que M. R. détenait 487.500 actions, soit 48,75 %, et son associé, M. P., 262.500 actions, soit 26,25 % ; qu'il est constant que le 9 mai 2011, M. R. a racheté les actions de son ou ses associés, et est devenu actionnaire unique ;
Que le 30 septembre 2011, la société Emeraude Energy Finance est entrée au capital de la société Qualisteo par suite d'une augmentation de capital réservée à hauteur de 605.426 euros, représentant 403.497 actions nouvelles ;
Que le 24 janvier 2014, une nouvelle augmentation de capital a été décidée, permettant l'entrée au capital des fonds Demeter 3 Amorçage (géré par Demeter Partners) et Emertec (devenu ensuite Demeter Ventures) ; que ces entités ont souscrit chacune 250.000 actions de catégorie B pour un montant 700.000 euros ; que ces actions de catégorie B confèrent à leur titulaire un droit d'information renforcé, un droit d'audit, un droit à répartition préférentiel en cas de cession et de fusion, et un droit de conversion dit ratchet, destiné à les protéger au cas où, ultérieurement, de nouvelles actions seraient émises à un prix inférieur à celui auquel elles ont souscrit ;
Qu'à cette occasion, les actions de la société Emeraude Energy Finance ont été converties en actions de préférence de catégorie A ;
Qu'à l'issue de ces opérations, le capital de la société, transformée en SA à conseil d'administration, était réparti comme suit :
- M. Christophe R., 43,7 %
- Emeraude Energy Finance, 23,55 %
- Demeter Amorçage, 16,34 %
- Emertec, 16,34 % ;
Que le même jour, un pacte d'actionnaires a été conclu, organisant notamment un certain équilibre entre les différents actionnaires, avec une gouvernance comprenant deux administrateurs indépendants ; qu'ainsi, à chaque réunion du conseil d'administration, au moins un membre indépendant doit être présent si deux représentants des investisseurs sont présents, et au moins deux membres indépendants, s'il y a trois représentants des investisseurs présents ;
Que ce pacte prévoit également un engagement de liquidité sur 5 ans, soit par une cession de titres, soit par une introduction en bourse ;
Qu'il comporte, enfin, une clause dite de bad leaver, destinée à prémunir les nouveaux associés contre un départ prématuré du fondateur en instituant une promesse de cession des titres détenus par M. R. à ses co-actionnaires, en cas de départ volontaire ou forcé de la société, selon des modalités de fixation du prix évolutives en fonction de la date de départ ;
Qu'à l'issue de ces opérations, M. R. a été désigné en qualité de président et directeur général ;
Qu'au cours du 1er semestre 2016, il a été envisagé de procéder à une nouvelle levée de fonds pour un montant de 800.000 euros, afin de soutenir une réorientation stratégique jusqu'alors financée par l'endettement, en l'occurrence assurer le financement des activités déficitaires de recherche et développement ;
Qu'à cet effet, a été envisagée l'entrée au capital de la société Starquest et de PACA Investissement pour un montant de 800.000 euros ; qu'au terme de cette opération, M. R. aurait conservé sa minorité de blocage, sa participation passant de 43,77 % à 33,48 % ; que ce projet n'a pas été mené à bien pour des raisons sur lesquelles les parties divergent ; que M. R. considère que l'échec de ce projet est dû aux fonds Demeter et Emertec qui auraient refusé de façon discrétionnaire de donner leur accord ; que les intimées considèrent que le projet avait été conçu par M. R. seul, pour éviter de perdre sa minorité de blocage, et notent qu'il supposait que Demeter et Emertec souscrivent également à une opération globale, ce à quoi Starquest avait conditionné son entrée au capital ; qu'elles soutiennent également que ce projet était subordonné à la mise en place d'un directeur général délégué, mais que M. R. n'y aurait pas consenti ;
Que, par ailleurs ce projet conduisait à une valorisation passant de 2,5 euros à 3,8 euros par action, représentant 10 fois le chiffre d'affaires annuel, valorisation qualifiée de déconnectée de la réalité par les intimées ;
Que dans le courant du second trimestre 2016, de fortes divergences sont apparues entre M. R., d'un côté, et ses co-actionnaires, de l'autre, ayant pour origine des résultats très en retrait par rapport au prévisionnel, la persistance de problèmes technologiques non résolus et la nécessité de procéder à une nouvelle augmentation de capital, compte tenu de la trésorerie de l'entreprise et de l'importance de son endettement ;
Qu'il est constant qu'une réunion du conseil d'administration s'est tenue le 8 décembre 2016, consacrée à la stratégie à engager en vue d'une prochaine levée de fonds, et au budget 2017 ; que cette réunion a mis en évidence un désaccord entre M. R. et les autres administrateurs sur le projet de budget, jugé non réaliste par ces derniers car reposant sur une hypothèse de croissance du chiffre d'affaires de 50 %, insuffisamment étayée ; que M. R. a été invité, en vue d'un prochain conseil d'administration, à présenter un projet de budget plus réaliste et à envisager un rapprochement avec une entreprise complémentaire de Qualisteo ;
Qu'il est constant que le 15 décembre 2016, les deux administrateurs indépendants ont démissionné de leur mandat ;
Qu'à la suite de cette démission, M. R. aurait fait connaître son opposition à la tenue d'une réunion du conseil d'administration, prévue le 20 décembre 2016 ; que, selon les intimées, cette réunion se serait pourtant tenue, ce que M. R. conteste, au cours de laquelle celui-ci aurait été révoqué de ses fonctions de président et directeur général, M. Pierre-Yves L., représentant de la société Emeraude Energy Finance étant nommé en remplacement ;
Que le 8 février 2017, s'est tenue une réunion du conseil d'administration, ayant pour ordre du jour l'approbation de la réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2016 ; qu'il est constant que M. R., dûment convoqué, n'y a pas assisté ; que le procès-verbal de cette réunion mentionne pourtant sa présence ; que cette erreur a été rectifiée lors d'une réunion du conseil d'administration du 6 décembre 2017 ;
Que le 25 avril 2017, l'assemblée générale des actionnaires, à laquelle M. R. ne participait pas, a révoqué celui-ci de son mandat d'administrateur ;
Que, postérieurement, deux projets d'augmentation de capital ont été présentés aux actionnaires ; qu'un premier projet, avec suppression du droit préférentiel de souscription, soumis au vote le 22 décembre 2017, était constitué par trois tranches de 350.000 euros au prix de 1 euro par action (0,10 euro de nominal et 0,90 euro de prime d'émission), l'une devant être souscrite par le fonds Phitrust et les deux autres par Demeter et Emertec ; que M. R. s'y est opposé en raison de la suppression du droit préférentiel de souscription et de la dilution de sa participation qui en résultait ; qu'une seconde opération, aux caractéristiques identiques mais sans suppression du droit préférentiel de souscription, a été soumise le 8 février 2018, mais M. R., après en avoir demandé l'ajournement au motif que son droit d'information n'avait pas été respecté, ne l'a pas votée ;
Que par acte du 6 février 2018, M. Christophe R. a fait assigner les sociétés Qualisteo, Émeraude Energy Finance, Demeter Partners et Demeter Ventures devant le tribunal de grande instance de Nice, demandant notamment :
- la nullité des délibérations du conseil d'administration du 20 décembre 2016,
- son rétablissement dans ses fonctions de président et de directeur général,
- la nullité de la désignation de M. Pierre-Yves L. à ces fonctions,
- la nullité des actes subséquents (conseil d'administration du 8 février 2017 et assemblée générale du 25 avril 2017),
- la condamnation des défenderesses à lui payer une somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts, et de 68.500 euros correspondant à la rémunération dont il a été privé au titre de ses mandats de président et directeur général, outre 400.000 euros au titre de son préjudice moral et 137.000 euros au titre de son préjudice financier ;
Que le jugement entrepris a considéré que le conseil d'administration du 20 décembre 2016 et l'assemblée générale du 25 avril 2017, ayant révoqué M. R., respectivement, de ses mandats de président et directeur général et d'administrateur étaient irréguliers, mais a considéré que les révocations, en elles-mêmes, jugées inéluctables, n'étaient ni brusques ni vexatoires, et a limité les réparations à 50.000 euros ;
Que, par ailleurs, faisant droit à une demande reconventionnelle en abus de minorité, le tribunal a ordonné la nomination d'un mandataire ad hoc en la personne de Me H. pour voter aux lieu et place de M. R. lors d'une prochaine assemblée générale ayant pour objet une augmentation de capital ;
Que le tribunal ayant assorti sa décision de l'exécution provisoire et M. R. n'en ayant pas sollicité l'arrêt, Me H. a pris ses fonctions, et, le 28 septembre 2018, a voté une augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription ;
Qu'il est constant qu'une période de souscription a été ouverte du 28 septembre au 22 octobre 2018, mais que M. R. n'y a pas souscrit, de même que la société Émeraude, qui l'avait cependant votée ;
Que cette augmentation de capital, d'un montant de 800.000 euros et portant sur 8 millions d'actions ordinaires, s'est réalisée sans prime d'émission au prix 0,10 euro l'action et a été intégralement souscrite à parts égales par Demeter 3 Amorçage et Emertec 5 ;
Sur les fins de non-recevoir
Sur l'estoppel
Attendu que les intimées soutiennent en premier lieu que M. R. serait irrecevable à agir en raison de l'estoppel, en faisant valoir qu'il se serait contredit à leur détriment en formulant des demandes contradictoires ;
Qu'elles relèvent, en particulier, une contradiction entre la poursuite de l'annulation des actes et décisions ayant entraîné sa révocation et l'abandon de sa demande de réintégration, entre la demande de confirmation du jugement de première instance sur le principe de leur condamnation à des dommages-intérêts au titre d'acte irrégulier et sa demande de réparation au titre du seul pacte d'actionnaires, et entre la demande d'annulation des actes pris depuis le 20 décembre 2016 par la société et la demande de désignation d'un administrateur provisoire ayant pour mission de remettre la société en l'état au jour de la réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2016 ;
Qu'elles notent également que M. R. invoquait l'article L. 235-14 du code de commerce comme fondement d'une partie de ses demandes et critique ce même fondement en cause d'appel ; qu'elles estiment encore contradictoire de demander 737.000 euros en réparation de prétendus préjudices et de solliciter la désignation d'un administrateur provisoire en vue de favoriser l'intérêt social, ou d'invoquer une perte de chance de ne pas retrouver ses fonctions tout en abandonnant sa demande de réintégration dans ses mêmes fonctions ;
Mais attendu que le principe suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui n'interdit pas à une partie de renoncer à des demandes ou de les modifier entre la première instance et l'instance d'appel, en fonction de l'évolution du contexte ; qu'ainsi, l'abandon, en cause d'appel, de sa demande de réintégration dans les fonctions dont il a été révoqué ne fait qu'exprimer le constat qu'un point de non-retour dans la dégradation des relations entre M. R. et ses co-actionnaires y fait désormais obstacle, ce qui pouvait ne pas être le cas un an auparavant ; que dans les deux cas, M. R., ainsi qu'il le rappelle à juste titre, conteste la régularité et le bien-fondé de décisions incriminées ;
Que par ailleurs, les intimées ne démontrent pas en quoi les contradictions et les changements qu'elles invoquent dans les demandes présentées ou les thèses soutenues par M. R. seraient intervenus à leur détriment et auraient été de nature à les induire en erreur sur ses
intentions ; que force est de constater que M. R. a été constant dans les critiques adressées au processus ayant conduit à sa révocation, et que la position qu'il défend sur la valorisation de la société et sur son droit à ne pas être dilué, n'a pas significativement varié ;
Que la fin de non-recevoir sera rejetée de ce chef ;
Sur l'intérêt à agir
Attendu que les sociétés Demeter Partners et Demeter Ventures font valoir qu'elles ont été assignées en qualité de sociétés gestionnaires des fonds Demeter 3 Amorçage et Emertec 5, c'est à dire en qualité d'actionnaires de la société Qualisteo ; que, cependant, la société Demeter Partners n'est plus la société gestionnaire du fonds Demeter 3 Amorçage, lequel est désormais
sous la gestion de la société Demeter Ventures ; que cependant, cette dernière n'a pas été assignée en qualité de société gestionnaire de Demeter 3 Amorçage, mais seulement en qualité de société gestionnaire du fonds Emertec 5 ;
Qu'elles notent par ailleurs que le dispositif des conclusions de M. R. ne vise pas les fonds actionnaires de la société, mais les sociétés Demeter Ventures et Demeter Partners à titre personnel et non en qualité de gestionnaire des fonds ;
Que M. R. ne s'exprime pas sur cette fin de non-recevoir ;
Attendu qu'il est constant que les actionnaires de la SA Qualisteo sont les fonds Demeter 3 Amorçage et Emertec 5, dépourvus de personnalité morale et représentés par leur société de gestion, respectivement les sociétés Demeter Partners et Demeter Ventures ;
Qu'ainsi que celles-ci le relèvent à juste titre, les demandes formées par M. R. et récapitulées au dispositif de ses conclusions ne visent que les sociétés Demeter Partners et Demeter Ventures, sans préciser qu'elles sont prises en leur qualité de société de gestion des fonds Demeter 3 Amorçage et Emertec 5 ;
Que la cour ne peut que déclarer irrecevables les demandes ainsi formées ;
Sur la régularité des délibérations du conseil d'administration et de l'assemblée générale des actionnaires
Attendu que M. R. conteste la régularité de la réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2016, de même que celle du 8 février 2017 et de l'assemblée générale du 25 avril 2017 ;
Qu'en ce qui concerne le conseil d'administration du 20 décembre 2016, dont il conteste la tenue, il soutient tout d'abord que les règles relatives aux registres de réunion, aux registres de feuilles de présence, à la signature des procès-verbaux n'auraient pas été respectées, en contravention avec les statuts et avec les articles R. 225-20 et R. 225-22 du code de commerce, ce dernier étant sanctionné par la nullité des délibérations du conseil, selon l'article L. 235-14, alinéa 1er du même code ; qu'il s'agit, selon lui, de la violation d'une disposition impérative au sens de l'article L. 235-1, alinéa 2, dudit code ; que les documents communiqués à la suite de la sommation qu'il a fait délivrer ne satisferaient pas à l'exigence de classement chronologique et de cotation ; que le procès-verbal n'est pas signé du président de séance ;
Que M. R. soutient que s'il était effectivement présent dans les locaux de la société Qualisteo à Nice le 20 décembre 2016, il n'a pas présidé le conseil d'administration litigieux, puisqu'il estimait que cette réunion ne pouvait se tenir, faute de quorum ;
Qu'il rappelle qu'aux termes de l'article L. 225-37 du code de commerce, le conseil ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents ; qu'en application des statuts de la société et du pacte d'actionnaires, le conseil d'administration comprend six membres, à savoir, le fondateur, trois membres investisseurs et deux membres indépendants ; que si deux membres investisseurs sont présents, le conseil ne peut valablement se tenir que s'il est composé de quatre membres, parmi lesquels le fondateur et un administrateur indépendant ; que si les trois membres investisseurs sont présents, le conseil ne peut valablement se tenir que s'il est composé de six membres, donc en présence du fondateur et des deux administrateurs indépendants ; que, certes, le conseil peut valablement se tenir en la seule présence du fondateur et des membres investisseurs, mais à la condition que le fondateur renonce à la présence des membres indépendants ;
Qu'il observe qu'en l'espèce, il n'était pas présent, ni les membres indépendants, démissionnaires, et qu'il aurait fallu préalablement tenir une assemblée générale pour désigner de nouveaux administrateurs indépendants ;
Qu'il en déduit que cette première irrégularité, portant sur une règle d'ordre public, ne peut être sanctionnée que par la nullité ;
Qu'il note également que les résultats du vote ne sont pas précisés dans le procès-verbal, ce qui, selon lui, constituerait une nouvelle irrégularité sanctionnée par la nullité ; qu'il relève également qu'il n'est pas fait de distinction entre les révocations de ses différents mandats (président et directeur général) ; que sur ces deux derniers points, il note que le jugement ne s'est pas prononcé ;
Qu'il conteste par ailleurs les motifs retenus par les premiers juges, à savoir que sa révocation était inéluctable, compte tenu du vote unanime des personnes présentes, que son assignation est intervenue postérieurement aux deux réunions des 8 février et 25 avril 2017 entérinant les décisions votées lors du conseil d'administration du 20 décembre 2016, et qu'en ne se rendant pas à ces réunions, il se serait exclu lui-même des débats ; qu'il souligne, d'une part, que si les administrateurs indépendants avaient été présents, nul ne peut préjuger ce qu'aurait été leur vote ; que, d'autre part, la prescription prévue à l'article L. 235-14 du code de commerce ne vaut que pour le défaut d'établissement d'un procès-verbal par le président de séance ; que les autres cas de nullité qu'il invoque se prescrivent par le délai triennal de droit commun ; qu'enfin, il ne peut lui être reproché de s'être exclu, alors qu'ayant été écarté de ses mandats de représentant de la société Qualisteo, il n'aurait pas pu, selon lui, participer au conseil d'administration du 8 février 2017 ;
Qu'en ce qui concerne le conseil d'administration du 8 février 2017, M. R. soutient tout d'abord qu'il aurait été irrégulièrement convoqué pour l'avoir été par M. Jean-Yves L., irrégulièrement désigné par la délibération du 20 décembre 2016 ;
Que le procès-verbal de ce conseil d'administration mentionne de façon mensongère sa présence, alors qu'il était absent ce jour-là de Nice et n'a donné aucun pouvoir, et, indiquant que les résolutions inscrites à l'ordre du jour ont été adoptées à l'unanimité, implique qu'il aurait voté pour ;
Qu'il relève que ses contradicteurs soutiennent que la mention erronée de sa présence résulterait d'une erreur matérielle, et constate qu'ils entretiennent la confusion en produisant aux débats deux procès-verbaux du conseil d'administration du 8 février 2017, dont l'un mentionne sa présence et l'autre son absence ; qu'il note également que ses contradicteurs produisent un procès-verbal du conseil d'administration du 6 décembre 2017 rectifiant prétendument cette erreur matérielle, mais constate qu'il n'a pas été publié au greffe, seul le procès-verbal irrégulier du 8 février 2017 l'ayant été ; que, selon lui, l'ensemble de ces éléments est révélateur de la conscience des investisseurs des multiples irrégularités ayant entaché la réunion du 20 décembre 2016, et de leur volonté de les régulariser a posteriori ;
Qu'en ce qui concerne le conseil d'administration du 25 avril 2017, sur la validité duquel le tribunal ne s'est pas expressément prononcé, M. R. fait valoir qu'il n'a découvert la tenue de ce conseil d'administration censé s'être tenu après l'assemblée générale du même jour l'ayant révoqué de ses fonctions l'administrateur, que dans le cadre de la présente procédure ; qu'il constate que le procès-verbal établi n'a pas date certaine, faute d'avoir été publié au greffe ; que ce procès-verbal serait irrégulier comme précisant que M. W. apparaît comme représentant de la société Demeter, alors qu'il ne s'agit pas du représentant désigné par cette société, M. G., qui était pourtant présent à l'assemblée générale, tenue une heure avant ; que M. R. constate qu'il est noté comme présent à cette assemblée et comme représentant de la société Emeraude Energy Finance ; que la tenue de ce conseil d'administration présente les mêmes irrégularités, au regard du pacte d'actionnaires, concernant le quorum ; que les personnes mentionnées comme présentes sur le procès-verbal ne sont pas les mêmes que celles qui ont signé la feuille de présence ; qu'ainsi, M. O. est mentionné comme commissaire aux comptes sur le procès-verbal, alors que le commissaire aux comptes mentionné sur la feuille de présence est M. D. ;
Qu'il note que ce procès-verbal n'est pas mentionné lors de l'assemblée d'approbation des comptes qui s'est tenue le 31 mai suivant et en déduit que le procès-verbal a été rédigé pour les besoins de la cause, à savoir de tenter de couvrir le défaut de signature du procès-verbal du 20 décembre 2016 ;
Que M. R. demande, en conséquence, la nullité de l'ensemble des actes et délibérations subséquentes à l'irrégularité du procès-verbal du 20 décembre 2016, et notamment les délibérations de l'assemblée générale du 25 avril 2017 le révoquant de son mandat d'administrateur, convoquée par une personne qui ne disposait pas du pouvoir de le faire, en l'occurrence, M. Pierre-Yves L., dont la nomination en tant que président du conseil d'administration est nulle ;
Qu'il précise qu'il n'a pas participé à cette assemblée générale, de sorte que la nullité qui l'affecte ne peut pas avoir été couverte, comme l'article 159 de la loi du 24 juillet 1966 (devenu l'article L. 225-104 du code de commerce) le prévoit lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés ;
Que concernant l'irrégularité de la désignation de M. Pierre-Yves L., il fait valoir que, outre les irrégularités précédemment invoquées concernant la tenue des conseils d'administration litigieux, cette désignation est en outre contraire à l'article L. 225-47 du code de commerce et à l'article 14.4 des statuts de la société Qualisteo, selon lesquels le conseil d'administration élit son président parmi ses membres personnes physiques ; qu'il observe que M. L. n'était pas membre du conseil d'administration, mais représentant légal d'une personne morale, de sorte qu'il ne pouvait pas être élu en tant que président ; qu'il s'étonne du reste de constater que, dans le rapport de gestion du conseil d'administration en vue de l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016, M. L. est mentionné à la fois comme administrateur, président du conseil d'administration et directeur général, et comme représentant de la société Emeraude Energy Finance, alors que le cumul d'un mandat d'administrateur à titre personnel et d'un mandat de représentation d'une personne morale est impossible et aurait pour effet de lui conférer un droit de vote double ;
*
Qu'en réponse, la société Qualisteo, rappelle d'une manière générale les règles posées par le droit des sociétés pour limiter les conséquences de l'annulation des actes et délibérations sociales au regard de la sécurité juridique, en signalant notamment les possibilités offertes par les textes pour régulariser ou couvrir les nullités ; qu'elle relève également que la jurisprudence tend à limiter les conséquences de nullités en cascade en considérant que la validité des actes et contrats conclus par un dirigeant irrégulièrement désigné doit être appréciée à propos de chacun d'eux ; qu'elle se réfère également à l'article L. 225-9 du code de commerce qui dispose que la nullité de la désignation d'un administrateur n'entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l'administrateur irrégulièrement nommé ;
Que s'agissant des irrégularités invoquées au regard de l'obligation de tenue du registre spécial des décisions sociales, elle relève qu'aucune nullité n'est encourue, s'agissant d'une disposition figurant dans la partie réglementaire du code de commerce, et précise que l'unique sanction est énoncée à l'article L. 238-4 du code de commerce, qui prévoit une procédure d'injonction judiciaire pour remédier au défaut de transcription ; qu'elle ajoute que l'irrégularité invoquée, qui caractérise l'ensemble des actes de la société Qualisteo depuis sa création, devrait conduire à remettre l'ensemble des actes pris, y compris la propre nomination de M. R. en tant que président et directeur général ;
Qu'elle affirme que contrairement aux allégations de M. R., celui-ci a bien pris part au conseil d'administration du 20 décembre 2016 ; que celui-ci, contrairement à ce qu'il prétend, n'a jamais ajourné cette réunion ; qu'au contraire certains éléments montrent qu'il entendait maintenir ce conseil d'administration, en particulier la demande faite à la directrice administrative et financière de la société, adressée le dimanche 18 décembre 2016, d'une remise à jour de la trésorerie de décembre 2016 en urgence pour le CA de mardi ;
Qu'elle note que celui-ci a acheté un billet d'avion et réservé une chambre d'hôtel, ainsi qu'une salle de réunion dans les anciens locaux de la société, afin, selon elle, que les salariés rencontrent les administrateurs ; que plusieurs personnes ont attesté de la participation de M. R. à ce conseil d'administration ; que la directrice administrative et financière de la société a même adressé un courriel à un correspondant extérieur le 20 décembre 2016 à 16h15, mentionnant que M. R. finissait sa réunion sans pouvoir donner d'heure précise, étant donné que c'est un conseil d'administration ;
Qu'elle note également que le procès-verbal de réunion indique que la révocation a été décidée par le conseil d'administration à la majorité, ce qui implique bien que M. R. a voté contre ; que ce procès-verbal fait état de l'opinion émise par M. R., suivant laquelle le conseil d'administration ne pouvait pas se tenir à défaut de quorum, compte tenu de l'absence des administrateurs indépendants, ce qui démontre qu'il était présent ;
Qu'elle relève par ailleurs que M. R. a, dans un premier temps, accepté sa révocation en faisant part, dans des courriers électroniques du 6 janvier 2017, de sa volonté d'apporter son soutien au nouveau président, auquel il souhaitait plein succès ;
Que la société Qualisteo considère que les conditions de quorum prévues par la loi et les statuts étaient respectées, et que l'absence des administrateurs indépendants, prévus par le pacte d'actionnaires, ne pouvait faire obstacle à la tenue du conseil d'administration, le pacte lui-même prévoyant que lorsqu'un représentant ou un membre indépendant cesse d'être administrateur pour quelque raison que ce soit, les parties feront en sorte qu'une assemblée générale soit convoquée dans les meilleurs délais pour pourvoir au poste vacant ; qu'elle estime qu'à la suite de la démission des administrateurs indépendants, le conseil d'administration était composé de quatre personnes, qui se sont effectivement réunies ; qu'elle ajoute que les dispositions du pacte ne sauraient en toute hypothèse prévaloir sur les statuts, et observe que le pacte ne prévoit aucune sanction aux règles de quorum qu'il institue ;
Qu'elle souligne que le conseil d'administration a été convoqué par M. R. par voie électronique, ainsi que le permettent les statuts, et soutient que celui-ci n'a pas été ajourné ;
Qu'elle considère qu'aucun des griefs énoncés par M. R. portant sur le défaut d'indication des administrateurs présents, l'absence de signature par le président de séance, l'absence de révocation distincte des mandats de président et de directeur général, dont elle conteste en partie la matérialité, n'est susceptible d'entraîner la nullité de la délibération ;
Que s'agissant des conseils d'administration des 8 février et 25 avril 2017, la société Qualisteo fait notamment valoir que le conseil d'administration du 20 décembre 2016 étant valide ainsi qu'elle l'affirme, M. L. pouvait convoquer celui du 8 février ; que, de même, la régularité du conseil du 8 février 2017 empêche de se prévaloir d'une prétendue irrégularité de l'assemblée générale du 25 avril 2017 ; que l'erreur matérielle affectant le procès-verbal de la réunion du 8 février concernant la présence de M. R. a été rectifiée spontanément lors des conseils d'administration des 6 décembre 2017 et 5 mars 2018 ; que les irrégularités invoquées concernant le procès-verbal du conseil d'administration du 25 avril 2017 sont de pure forme et ne peuvent entraîner sa nullité ; qu'enfin, aucune disposition ne prévoit la nullité d'une assemblée générale d'actionnaires au motif que la convocation a été faite par un conseil d'administration ne siégeant pas régulièrement ;
Que s'agissant de l'irrégularité de désignation de M. Pierre-Yves L. en qualité de président et directeur général de la société, la société Qualisteo fait valoir que celui-ci étant incontestablement une personne physique, l'exigence posée par l'article L. 225-47 du code de commerce n'a pas été méconnue ; que par ailleurs, aucun texte ne sanctionne expressément le fait qu'un représentant de personne morale soit désigné en tant que président et directeur général, ni ne sanctionne le cumul de la qualité de représentant permanent d'une personne morale et de président directeur général ; qu'en tout état de cause, la situation de M. L. a été régularisée, puisqu'il a été nommé administrateur en tant que personne physique lors de l'assemblée générale du 25 avril 2017, et un nouveau représentant permanent de la société Émeraude a été nommé en la personne de M. Yann B. le 5 mars 2018 ;
Qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse, un conseil d'administration s'est tenu le 5 mars 2018, qui a décidé de régulariser toute cause éventuelle de nullité ;
Que les sociétés Demeter Partners et Demeter Ventures soutiennent quant à elles que les exigences relatives à la tenue des registres des décisions sociales ne seraient pas sanctionnées par la nullité de l'acte contesté et que la simple inexactitude des mentions portées sur la feuille de présence n'entraîne pas la nullité ; qu'elles considèrent, en tout état de cause, que les irrégularités alléguées ont été couvertes ;
Que s'agissant du défaut de quorum de la délibération du 20 décembre 2016, elles soutiennent que les dispositions invoquées du pacte d'actionnaires ne sont pas sanctionnées à peine de nullité et que, d'une manière générale, la nullité d'une délibération d'un organe social de société anonyme ne peut être tirée de la méconnaissance d'une disposition contractuelle ;
Qu'elles soutiennent que quatre personnes étaient bien présentes, dont M. R., ce qui satisfait aux exigences de quorum prévues par la loi et par les statuts ; que l'absence des administrateurs indépendants ne peut avoir pour effet de paralyser le fonctionnement de la société, celle-ci étant seulement tenue de pourvoir à leur remplacement, ce qui a été fait avec la convocation, le 2 mars 2017, d'une assemblée générale devant se tenir le 25 avril suivant ; qu'elles constatent du reste que M. R. a admis lui-même dans ses conclusions de première instance que le pacte ne prévoyait pas que le conseil d'administration ne peut valablement délibérer lorsque la parité entre les investisseurs et les autres membres n'est pas assurée ;
Qu'elles considèrent par ailleurs que M. R. n'est pas fondé à invoquer des irrégularités de convocation de la réunion du conseil d'administration, qu'il a lui-même convoqué par l'envoi d'un courriel, conformément à l'article 14.5.1 des statuts ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le conseil d'administration du 20 décembre 2016 a été régulièrement convoqué et n'a pas été ajourné de façon certaine ;
Que s'agissant des irrégularités relatives au procès-verbal de la réunion du 20 décembre 2016, elles soutiennent qu'en application de l'article L. 235-1 du code de commerce, la nullité ne peut résulter que d'une disposition impérative du Livre II de la partie législative du code de commerce, ce qui ne concerne pas la violation d'une règle instituée par décret ; qu'elles ajoutent que M. R. a bien assisté à cette réunion contrairement à ses dénégations ;
Qu'elles constatent que M. R., qui soulève l'irrégularité du procès-verbal au motif que le détail des voix n'y figure pas, ne justifie pas du fondement de cette règle, sinon en citant un arrêt ancien de cour d'appel, alors, au contraire, que le principe est celui d'un vote secret pour préserver la liberté d'expression et éviter que des contraintes soient exercées sur les membres du conseil ;
Qu'en ce qui concerne l'absence de signature du procès-verbal de séance, elles rappellent que le procès-verbal peut, selon l'article R. 225-23 du code de commerce, être signé par deux administrateurs au moins, en cas d'empêchement du président de séance ; qu'en l'espèce, compte tenu du refus de M. R. de signer le procès-verbal du conseil auquel il avait pourtant assisté, celui-ci a été signé par deux administrateurs de la société, Demeter et Emertec ; qu'à supposer que l'irrégularité soit constituée, ils font valoir que l'action en nullité ne peut plus être exercée en application de l'article L. 235-14 du code de commerce, dès lors que deux conseils d'administration se sont tenus postérieurement, dont les procès-verbaux ont été approuvés ;
Qu'elles réfutent l'argument selon lequel la révocation d'un mandat de président du conseil d'administration et la révocation d'un mandat de directeur général exercé par une même personne devraient être examinées séparément ;
Que contrairement à ce que soutient M. R., la mise à l'ordre du jour du conseil d'administration du 8 février 2017 de l'approbation de la réunion de celui du 20 décembre 2016 n'implique aucune reconnaissance de l'irrégularité de celui-ci ; qu'elles rappellent qu'en pratique, la rédaction d'un procès-verbal d'un conseil d'administration intervient après la tenue dudit conseil ;
Que s'agissant du conseil d'administration du 8 février 2017, elles rejettent tout d'abord l'argumentaire fondé sur l'irrégularité de la nomination de M. Pierre-Yves L. en qualité de président, qui repose sur le postulat de la nullité de celui du 20 décembre 2016 ; qu'elles relèvent par ailleurs que l'erreur que comporte le procès-verbal concernant la présence de M. R. a été rectifiée lors du conseil d'administration du 6 décembre 2017, lequel s'est tenu avant toute contestation de sa part ;
Qu'elles contestent en toute hypothèse la nullité en chaîne des délibérations postérieures au 20 décembre 2016, en relevant, que la validité d'actes conclus et signés par un dirigeant irrégulièrement désigné ne peut être appréciée qu'à propos de chacun d'eux ;
*
Attendu, en premier lieu, qu'il ressort des pièces produites aux débats et notamment de la mise en place d'une procédure de planification électronique de réunion (Doodle) mise en place à l'initiative de M. R., que celui-ci a bien convoqué une réunion du conseil d'administration le 20 décembre 2016, et selon une modalité autorisée par les statuts ; que parmi les points d'ordre du jour, M. Jean-Philippe G. (représentant permanent de la société Emertec) y avait inclus l'éventuelle révocation du dirigeant actuel et son remplacement (courriels du 14 décembre 2016 à 17h22 et 22h09) ; qu'aucun élément ne démontre que ce conseil d'administration aurait été ajourné, M. R. ayant tout au plus fait état dans un courriel du 14 décembre 2016 de la possible absence de M. Christian G., administrateur indépendant, le 20 décembre ;
Qu'en deuxième lieu, au vu des éléments versés aux débats, en particulier l'attestation M. Christian G., et, surtout, le courriel adressé par Mme Élodie B., directrice administrative et financière (CFO) de la société Qualisteo à une correspondante extérieure le 20 décembre 2016 à 16h15, dont il ressort que M. R. était au même moment en réunion du conseil d'administration de la société, il est établi que M. R. a bien participé à cette réunion, en dépit à ses dénégations ;
Qu'en troisième lieu, l'absence des administrateurs indépendants, démissionnaires, ne constitue pas une irrégularité de nature à affecter la validité du conseil d'administration du 20 décembre 2016 et des décisions qui y ont été prises ; que, d'une part, l'existence de ces administrateurs indépendants ne procède pas des statuts, mais d'un pacte d'actionnaires extra-statutaire, dont la méconnaissance ne saurait être, au regard des exigences de l'article L. 235-1 du code de commerce, sanctionnée par la nullité des réunions tenues en leur absence ; que, d'autre part et en toute hypothèse, le quorum prévu à l'article L. 225-37 du code de commerce et par les statuts, à savoir la moitié au moins des membres du conseil d'administration, était atteint, puisque 4 membres étaient présents ; qu'enfin, la nécessité de pourvoir au remplacement de ces administrateurs indépendants ne pouvait constituer un empêchement à la poursuite de l'administration collégiale de la société ;
Qu'en quatrième lieu, les irrégularités relevées par M. R., tenant à l'absence de registre de présence, à l'absence de registre des délibérations et au défaut de signature de la feuille de présence du conseil d'administration du 20 décembre 2016, qui procèdent d'exigences ayant leur source dans la partie réglementaire du code de commerce ne sont pas sanctionnées par la nullité des délibérations au regard de l'article L. 235-1 précité du code de commerce ;
Que s'agissant du défaut de signature du procès-verbal des délibérations, la cour ne peut manquer de constater l'existence d'une pratique courante au sein de la société Qualisteo de ne pas signer immédiatement le procès-verbal au sortir de la réunion du conseil d'administration ; qu'ainsi, dans un courriel adressé le 8 décembre 2016 aux autres administrateurs, M. R. mentionnait que la non-adoption du PV de CA de juillet empêche la migration du siège social.
Il convient donc de procéder rapidement à sa signature ; que, pareillement, le 15 décembre 2016, M. R. indiquait aux autres administrateurs que le procès-verbal du conseil d'administration du 8 décembre précédant ne lui convenait pas et souhaitait qu'il soit discuté à nouveau en séance ;
Qu'en toute hypothèse, les irrégularités susceptibles d'avoir affecté le procès-verbal des délibérations ont été couvertes, en application de l'article L. 235-14 du code de commerce, par la tenue, les 8 février et 25 avril 2017, de réunions du conseil d'administration, dont la validité est admise par la cour, ainsi qu'il sera examiné plus avant ;
Que c'est vainement que M. R. invoque enfin l'absence de décision de révocation séparée pour les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général qu'il exerçait ; qu'il résulte, en effet, de l'article L. 225-51-1 du code de commerce et de l'article 15 des statuts, que lorsque la direction générale de la société n'a pas été confiée par le conseil d'administration à une tierce personne, qui prend alors le titre de directeur général, elle l'est par le président du conseil d'administration ; qu'il s'en infère que, lorsque la direction générale n'a pas été confiée à un directeur général distinct du président, la révocation de celui-ci emporte de plein droit la cessation des fonctions qu'il exerce au titre de la direction générale de la société ; que l'article L. 225-55 du code de commerce, de même que l'article 15.1.1, alinéa premier, des statuts de la société tirent les conséquences de cette règle en prévoyant que si la révocation du directeur général est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts, sauf si le directeur général assume les fonctions de président du conseil d'administration ;
Qu'en cinquième lieu, si la désignation de M. Pierre-Yves L., représentant permanent de la société Émeraude Energy Finance, mais qui n'était pas lui-même membre à titre personnel du conseil, méconnaît la règle posée par l'article L. 225-47 du code de commerce et par les statuts, suivant laquelle le président est désigné parmi les personnes physiques membres du conseil d'administration, il ne s'en induit pas nécessairement, dans le présent contexte, la nullité de cette désignation ; qu'en effet, en l'état de la démission des administrateurs indépendants, la seule alternative offerte pour procéder à un changement de président était de désigner l'un ou l'autre des représentants permanents des trois personnes morales qui composaient le conseil d'administration, en dehors de M. R. lui-même ;
Que la nécessité de préserver le principe d'ordre public de la révocabilité du président du conseil d'administration d'une société anonyme et la nécessité d'assurer la continuité du fonctionnement de la société doivent, en pareille situation, l'emporter sur les règles d'éligibilité à la présidence du conseil dont l'effet est de disqualifier, en principe, le simple représentant permanent d'une personne morale ; qu'il sera à cet égard observé que, bien que ne représentant que la personne morale administrateur en titre, le représentant permanent participe pleinement à la vie du conseil d'administration et assume l'ensemble des droits et devoirs des administrateurs, ainsi qu'il ressort de l'article L. 225-20 du code de commerce ;
Qu'au surplus, l'anomalie ainsi constituée n'a duré en l'espèce que le temps de convoquer une assemblée générale, laquelle s'est réunie le 25 avril 2017, et a désigné M. L., à titre personnel, en tant qu'administrateur ;
Qu'en ce qui concerne le cumul des fonctions d'administrateur en nom personnel et de représentant permanent reproché à M. L., outre que ce cumul n'est intervenu que dans un deuxième temps, postérieurement à la convocation du conseil d'administration du 8 février 2017 et de l'assemblée générale du 25 avril suivant, cette situation, pour inopportune qu'elle soit, n'apparaît pas contraire à une règle impérative prévue par la loi ; qu'il y a été mis fin le 5 mars 2018 ;
Qu'en sixième lieu, les conseils d'administration des 8 février et 25 avril 2017, de même que l'assemblée générale du 25 avril 2017, ayant été convoqués par un organe régulièrement constitué, les critiques émises par M. R. à cet égard seront rejetées ;
Que par ailleurs, l'erreur affectant le procès-verbal du conseil d'administration du 8 février 2017 en ce qu'il mentionne à tort la présence de M. R., erreur qui n'est pas contestée par les intimées, a été rectifiée lors du conseil d'administration qui s'est tenu le 6 décembre 2017, avant la délivrance de l'assignation par M. R. ;
Qu'enfin, l'absence de publication au registre du commerce et des sociétés du procès-verbal du conseil d'administration du 25 avril 2017, si elle prive la société Qualisteo de la possibilité de se prévaloir de ce seul fait de sa date certaine, ne suffit pas à démontrer que cette réunion ne se serait pas tenue comme le prétend M. R. ; qu'en toute hypothèse, il n'est pas contesté qu'une réunion du conseil d'administration s'est tenue le 6 décembre 2017, de sorte qu'une deuxième délibération du conseil d'administration a bien eu lieu avant que M. R. ne soulève les irrégularités affectant le procès-verbal de la réunion du 20 décembre 2016 comme précédemment examiné ; que, pour le reste, les anomalies relevées dans le procès-verbal de réunion du conseil d'administration du 25 avril 2017 ne sont pas sanctionnables par sa nullité ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. R. n'est pas fondé à contester la régularité des délibérations du conseil d'administration des 20 décembre 2016, 8 février et 25 avril 2017, ainsi que de l'assemblée générale des actionnaires du 25 avril 2017 et de toute autre décision subséquente ;
Que la demande de désignation d'un administrateur provisoire que M. R. sollicite par voie de conséquence se trouve sans objet et sera également rejetée ;
Sur la révocation de M. R. de ses mandats
Attendu que M. R., prenant acte de ce qu'il ne pourra pas réintégrer ses fonctions compte tenu du contexte, demande réparation de l'intégralité des préjudices subis du fait de sa révocation ;
Qu'il rappelle qu'à côté de ses fonctions de président et directeur général, il était membre du conseil d'administration, et disposait, du fait du pacte d'actionnaires, d'une assurance 'accident de la vie' et d'un mécanisme d'intéressement ; que, selon le pacte, il était l'homme-clé de la société, étant par ailleurs apporteur des brevets conférant la valeur des actifs immatériels de la société ;
Qu'au vu de l'importance que lui reconnaît le pacte, il estime insuffisante l'indemnisation que les premiers juges lui ont accordée à hauteur de 50.000 euros ; qu'il rappelle, à cet égard, la manière dont le pacte a pris en considération son implication forte dans la société, soulignée à différents égards ;
Qu'il indique s'être retrouvé du jour au lendemain sans activité et traverser depuis une période pour le moins éprouvante ; qu'il soutient que les investisseurs lui avaient fait miroiter, au moment de son éviction, des contreparties financières consistant dans un poste de directeur général délégué, comportant une rémunération fixe et un intéressement au chiffre d'affaires ; qu'il indique avoir attendu, dans un premier temps, une proposition en contrepartie de son éviction, avant de constater que les investisseurs n'ont jamais formulé d'offre sérieuse d'indemnisation ;
Qu'il rappelle qu'il est privé de rémunération depuis son éviction et s'est inscrit à Pôle emploi ; qu'il percevait une rémunération totale de 68.542 euros et demande que lui soit versée, au titre du préjudice financier, une somme de 137.000 euros, correspondant à deux années de rémunération ;
Qu'il estime, par ailleurs que la révocation dont il a fait l'objet présente un caractère abusif, et demande réparation à ce titre, ainsi que de la violation du pacte d'actionnaires ; qu'il soutient à cet égard que la révocation sans motif n'était pas envisagée dans le pacte tant elle était impensable dans l'esprit des parties ; que, selon lui, le pacte prévoyait un dispositif financier en cas de départ volontaire ou fautif, sous le paragraphe 19 Départ du fondateur ; que, selon lui, en cas de départ fautif, il se voyait garantir un rachat de ses titres basé en grande partie sur la valeur de marché ; qu'à cet égard, la seule valeur de marché à la date de son départ était celle de la société Starquest, qui évaluait la société à la somme de 6.500.000 euros, valorisant ainsi sa participation (43,70 %) à 2.840.500 euros ; que, selon lui, la valeur de rachat de ses titres serait de 15.000 euros (valeur nominale) + 2.280.000 = 2.295.000 euros ;
Qu'ainsi, même en cas de départ fautif, il aurait dû être sérieusement indemnisé ; qu'en toute hypothèse, il ne pourrait pas être moins indemnisé en cas de départ non fautif ;
Que tout en rappelant le fait qu'un président directeur général ou un administrateur de société anonyme sont révocables ad nutum, il estime que la procédure devant être respectée ne l'a pas été au cas particulier et qu'il n'a notamment pas pu bénéficier de la garantie que lui apportait, selon le pacte, la présence des deux administrateurs indépendants ; que, selon lui, cette violation grave du pacte justifie que lui soit allouée une somme de 200.000 euros en réparation du préjudice qu'il a subi ; qu'en outre, cette révocation est intervenue de manière brutale et vexatoire ; qu'il indique n'avoir été informé de la volonté des investisseurs de le révoquer que dans un courriel du 14 décembre 2016 ; qu'à aucun moment le motif de sa révocation n'est évoqué ; qu'il n'a jamais été à même de faire valoir sa défense ; qu'ainsi, son éviction en tant que président et directeur général a été rendue possible par un véritable tour de force ;
Qu'il en est de même de sa révocation en tant qu'administrateur, dont les motifs ne lui ont jamais été exposés ; qu'il convient ne pas s'être présenté à l'assemblée générale qui en a décidé, mais l'explique par le climat insoutenable que faisaient peser les investisseurs, et par l'absence d'administrateurs indépendants ; qu'il estime par ailleurs que les motifs mis en avant pour justifier de sa révocation sont ceux repris dans le procès-verbal de sa révocation en tant que président et directeur général ; qu'il s'étonne que ce procès-verbal ait été publié in extenso, ce qui fait que les motifs de sa révocation sont librement accessibles au greffe et consultables par tout intéressé ; que cette mesure vexatoire est de nature à entraver sa recherche d'emploi dans des fonctions de direction générale ;
Que se considérant désormais exclu d'une société qu'il a fondée et dirigée pendant 6 ans, et dont il a été évincé du jour au lendemain, il s'estime fondé à solliciter l'allocation d'une somme de 400.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
*
Qu'en réponse, la société Qualisteo fait valoir que le pacte n'a à aucun moment considéré que M. R. serait inamovible, les parties ne pouvant déroger à la règle d'ordre public de révocabilité ad nutum du président directeur général et d'un administrateur de société anonyme ; qu'elle ajoute que M. R. a refusé d'occuper de nouvelles fonctions opérationnelles au sein de la société, ainsi que cela lui avait été proposé ;
Qu'elle estime que la révocation de M. R., fondée sur un désaccord stratégique, n'est pas abusive et ne porte nullement atteinte à son honneur et à sa réputation ; que le conseil d'administration a remercié M. R. pour le travail accompli et lui a laissé le soin d'annoncer à l'ensemble du personnel sa cessation de fonctions ;
Que pour les raisons précédemment évoquées, elle estime que M. R. n'est pas fondé à invoquer une prétendue violation du quorum et observe que rien ne permet de préjuger de ce qu'aurait été la décision du conseil d'administration si les administrateurs indépendants, démissionnaires, avaient siégé ;
Qu'elle estime que le contradictoire a été respecté, les désaccords stratégiques ayant été abordés dès le 1er décembre 2016 ; que la possibilité de sa révocation a été évoquée dès le conseil d'administration du 8 décembre 2016 ; que M. R. a donc bénéficié de près de trois semaines pour préparer sa défense et s'expliquer, ce qu'il a fait au cours du conseil d'administration du 20 décembre 2016 ;
Que s'agissant de sa révocation en tant qu'administrateur, elle n'est pas davantage abusive, trouvant sa source dans l'existence d'un désaccord stratégique, et M. R. ayant disposé, entre décembre 2016 et avril 2017, du temps nécessaire pour assurer sa défense ;
Que cette révocation ne présente aucun caractère vexatoire, le procès-verbal de l'assemblée générale publié au RCS n'en mentionnant pas, contrairement à ce qu'indique M. R. sans en rapporter la preuve, le motif ;
Que la société Qualisteo soutient par ailleurs que la révocation de M. R. a respecté le pacte d'actionnaires ; qu'elle note, en particulier, que postérieurement à sa révocation, il lui a été proposé d'occuper de nouvelles fonctions opérationnelles, conformément à l'esprit du pacte, ce qu'il a accepté dans un premier temps avant de faire volte-face ; que la société Qualisteo souligne par ailleurs que M. R. n'a jamais fait apport de brevets et a limité lui-même à une année l'assurance GSC ; qu'elle note également que la clause de bad leaver dont M. R. entend se prévaloir ne constitue qu'une promesse de cession d'actions de M. R. aux investisseurs, dont l'exercice constitue pour eux une simple faculté ; qu'elle estime, en toute hypothèse que la valorisation retenue par M. R., qui ne résulte que d'une lettre d'intention de Starquest du 18 mai 2016, n'a aucune force obligatoire, n'ayant reçu aucune suite et n'ayant pas abouti à une augmentation de capital ; qu'en outre, les modalités de fixation des parts prévues par la clause de bad leaver auraient conduit, en cas de départ entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2016, à retenir un prix égal à 40 % de la valeur nominale et 60 % de la valeur de marché des titres ;
Que la société Qualisteo conteste, en toute hypothèse les montants retenus par M. R. au titre des différents chefs de préjudice qu'il invoque et rappelle la proposition qui lui a été faite de demeurer dans la société en tant que directeur général délégué, moyennant un salaire fixe de 80.000 euros brut et une partie variable pouvant atteindre 1,5 % du chiffre d'affaires hors taxe annuel ;
Que les sociétés Demeter Partners, Demeter Ventures et Émeraude Energy Finance estiment tout d'abord que les fautes reprochées par M. R. au soutien de ses demandes de dommages-intérêts ne leur sont pas imputables ; qu'elles considèrent pour le reste que la révocation de M. R. de ses différents mandats n'était ni abusive ni vexatoire ; qu'elles observent que le principe de la contradiction a été respecté et que M. R. a été informé en temps utile de sa possible révocation, ainsi que des motifs de celle-ci ; qu'elles estiment, qu'au regard du principe de révocabilité ad nutum du président directeur général de société anonyme, M. R. n'est pas fondé à se prévaloir d'une quelconque immunité que lui conférerait son statut d'homme-clé, et considèrent, en toute hypothèse, qu'il ne justifie pas du principe et du montant de ses demandes indemnitaires ;
*
Attendu, en premier lieu, qu'ainsi que les intimées le rappellent à juste titre, le pacte d'actionnaires ne peut avoir eu pour objet ou pour effet de limiter le principe d'ordre public de révocabilité ad nutum du président directeur général de la société, énoncé aux articles L. 225-47, dernier alinéa, et L. 225-55 du code de commerce ;
Que c'est dès lors en vain que M. R. entend se prévaloir des dispositions du pacte consacrant sa place éminente de fondateur de la société et d'homme-clé, pour justifier d'une demande de dommages-intérêts ;
Que M. R. n'est pas davantage fondé à invoquer à son profit la clause dite de bad leaver prévue dans le pacte, cette clause n'offrant qu'une simple faculté aux autres actionnaires de racheter ses parts selon des modalités de prix convenues à l'avance, en cas de départ prématuré du fondateur, mais ne conférant en aucune manière à celui-ci le droit d'exiger son retrait à des conditions prédéterminées ;
Qu'il ne saurait également invoquer une méconnaissance du pacte du fait de l'absence des administrateurs indépendants lors du conseil d'administration du 20 décembre 2016, dès lors que cette absence n'est pas due au fait de la société Qualisteo ou des autres membres du conseil d'administration, mais à la démission spontanée desdits administrateurs indépendants, quelques jours avant la tenue du conseil d'administration, à laquelle ils avaient été conviés et avaient répondu positivement en faisant part de leur disponibilité sur le Doodle ;
Que M. R. ne saurait davantage déplorer l'absence des administrateurs indépendants lors de l'assemblée générale du 25 avril 2017 ayant décidé de sa révocation en tant qu'administrateur, les administrateurs indépendants, qui ne sont par définition pas actionnaires, n'ayant pas accès aux assemblées générales et n'y disposant d'aucun droit de vote ;
Qu'en deuxième lieu, M. R. n'est pas fondé à invoquer une révocation brutale ; qu'en effet, le procès-verbal du conseil d'administration du 8 décembre 2016, que M. R. souhaitait voir réexaminer lors du prochain conseil, mentionnait que devant la réticence du président à envisager des options de partenariat ou de rapprochement avec une société complémentaire de Qualisteo, il a été évoqué l'éventuelle révocation du mandat du président directeur général actuel et la nomination d'un nouveau président directeur général ; que dans deux courriels du 14 décembre 2016 adressés à M. R., M. Jean-Philippe G., représentant permanent de la société Emertec, souhaitait que soit inscrite à l'ordre du jour l'éventuelle révocation de l'actuel président directeur général et son remplacement ;
Qu'ainsi, M. R. ayant été prévenu au minimum 6 jours avant la tenue du conseil d'administration de l'éventualité de sa révocation et du désaccord stratégique susceptible de la justifier, ne peut soutenir avoir été privé du temps nécessaire pour préparer sa défense ;
Qu'en troisième lieu, M. R. ne démontre pas que la révocation aurait présenté un caractère vexatoire ; qu'il résulte tout d'abord d'un courriel adressé le dimanche 8 janvier 2017 à 20h05 par M. R. à l'ensemble du personnel de la société Qualisteo que c'est à lui qu'a été laissé le soin d'annoncer à l'ensemble des collaborateurs son départ de la société, dans des termes qu'il a lui-même choisis et qui ne révèlent ni amertume ni sentiment d'échec ; que cette annonce par M. R. avait été expressément prévue dans le procès-verbal de réunion du conseil d'administration du 20 décembre 2016 comme devant intervenir pendant la semaine du lundi 9 janvier 2017 ;
Que s'agissant, ensuite, de la publication à laquelle il a été procédé des procès-verbaux du conseil d'administration du 8 février 2017 et de l'assemblée générale des actionnaires du 25 avril 2017, la cour constate que les parties sont contraires en fait en ce qui concerne ce dernier procès-verbal, M. R. soutenant que celui-ci aurait été publié en intégralité, notamment les passages consacrés aux motifs de sa révocation, tandis que la société Qualisteo soutient que le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 avril 2017 publié au greffe ne mentionne pas les motifs de sa révocation en tant qu'administrateur ; que la cour constate que M. R. ne verse aux débats aucune pièce justifiant de ses affirmations, telle qu'une capture d'écran de la consultation du site Infogreffe, de sorte qu'il ne rapporte pas la preuve du grief qu'il invoque ;
Qu'en ce qui concerne le procès-verbal du 8 février 2017, la société Qualisteo convient qu'il a été publié en intégralité, mais indique avoir déposé le 28 novembre 2017 une requête au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, destinée à substituer au procès-verbal publié en intégralité, un extrait, dont la cour ignore quelles suites y ont été réservées ;
Que, quoi qu'il en soit, le principe posé par l'article R. 123-105 du code de commerce demeure que les « actes, délibérations ou décisions modifiant les pièces déposées lors de la constitution de la société », dont relève un procès-verbal de conseil d'administration de société anonyme constatant la révocation d'un président directeur général et son remplacement, doivent être transmis au Registre du commerce et des sociétés « en double exemplaire » ; que la pratique a, certes, admis la transmission de simples extraits certifiés conformes, pratique validée par le Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés dans sa délibération du 28 mai 1986, et que consacre également l'article R. 123-109 du code de commerce dans une situation voisine ;
Que, par suite, il ne peut être fait grief à la société Qualisteo d'avoir procédé à une transmission intégrale du procès-verbal, même si la transmission d'un simple extrait eût été suffisante ;
Que cette transmission intégrale étant intervenue plus d'un mois après la décision de révocation, à un moment où cette révocation était effective, elle apparaît davantage relever d'une inadvertance que d'une volonté de mettre M. R. en difficulté ; qu'au demeurant, la société Qualisteo a pris la mesure de sa maladresse en sollicitant de sa propre initiative et avant que M. R. ait élevé la moindre contestation, l'autorisation du juge chargé de la surveillance du registre de substituer un extrait du procès-verbal au document intégral ; que la publicité ainsi donnée aux motifs de la révocation de M. R. doit par ailleurs être relativisée dès lors qu'elle nécessite que des tiers songent à rechercher au greffe une information qu'ils ne sont pas censés y trouver, compte tenu de la pratique précédemment évoquée du dépôt de simples extraits ; qu'au demeurant, M. R., qui ne justifie d'aucune recherche d'emploi, ne justifie pas davantage s'être vu opposer des réponses négatives dont il y aurait lieu de penser qu'elles sont la conséquence de la publicité ainsi donnée aux motifs de sa révocation ;
Qu'en dernier lieu, il apparaît qu'une proposition a été faite à M. R. de conserver un siège au conseil d'administration et d'être désigné en qualité de directeur général délégué moyennant un salaire annuel brut de 80.000 euros et un intéressement de 1,5 % au chiffre d'affaires hors taxes ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que cette proposition a suscité une discussion entre l'intéressé et les autres administrateurs, donnant notamment lieu à l'établissement d'un tableau confrontant les propositions faites de part et d'autre et les points sur lesquels un accord pouvait être trouvé ; que cette proposition, pour laquelle M. R. disposait d'un délai de réflexion jusqu'au 9 janvier 2017 et qu'il a déclinée pour des raisons qui lui appartiennent, rendent difficilement compte de la révocation brutale et vexatoire dont il prétend avoir fait l'objet ;
Qu'en conséquence de ce qui précède, la révocation dont M. R. a fait l'objet au titre de ses différents mandats n'apparaît ni irrégulière, ni brutale ou vexatoire ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les intimées à verser une somme de 50.000 euros à M. R., dont les demandes plus amples formées en cause d'appel seront rejetées ;
Sur l'abus de minorité
Attendu que M. R. rappelle que la désignation d'un administrateur ad hoc pour voter aux lieu et place de l'actionnaire minoritaire ne peut être décidée qu'à condition de démontrer que le refus qu'il oppose à un projet de résolution requérant son accord présente un caractère abusif ; qu'il considère qu'en désignant un administrateur ad hoc en la personne de Me H. sans caractériser à son encontre un abus de minorité, le tribunal a commis une erreur de droit ;
Qu'il considère que la minorité de blocage dont il disposait du fait de la détention de 43,70 % des actions de la société constituait un droit fondamental destiné à équilibrer les pouvoirs au sein de la société ; qu'il estime ne pas en avoir fait un usage abusif ; qu'il estime, tout d'abord, que tant que la question de la régularité des délibérations ayant décidé sa révocation n'était pas purgée, il était fondé à vouloir l'ajournement des opérations de levées de fonds projetées ; qu'il estime par ailleurs que ces projets ne respectaient pas le pacte d'actionnaires, en particulier la disposition suivant laquelle tout nouvel actionnaire entrant dans la société devait expressément prendre l'engagement d'adhérer au pacte en vigueur ; que tel était le cas du projet d'augmentation de capital devant être examiné par l'assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 2017, qui prévoyait l'entrée d'un nouvel investisseur (Phitrust) par le biais d'une augmentation de capital réservée sans que soit évoqué le pacte d'actionnaires actuel, la lettre d'intention de Phitrust évoquant la conclusion d'un nouveau pacte sans se préoccuper du fondateur ; que le résultat de cette opération aurait été de diluer sa participation, celle-ci étant ramenée à 27,14 % ;
Qu'il rappelle que la renonciation au droit préférentiel de souscription est une prérogative individuelle de l'actionnaire et qu'il s'agit d'un acte volontaire et délibéré ; qu'il considère par ailleurs que le prix d'émission des actions nouvelles était particulièrement contestable, étant 3,8 fois inférieur au prix de l'action fixé lors de la levée de fonds qui avait été envisagée en 2016, sans qu'aucun document probant ne le justifie ; qu'il conteste, à cet égard, la méthode de valorisation proposée par le cabinet Ernst & Young, dont il met en cause l'indépendance par rapport au conseil des sociétés Demeter et Emertec ;
Qu'ainsi, l'entrée de Phitrust aurait permis aux sociétés Demeter et Emertec d'acquérir à moindre coût la majorité au sein de Qualisteo, en souscrivant des actions au prix d'un euro, alors qu'elles avaient été valorisées moins d'un an avant à 3,8 euros ; qu'elle aurait également rendu caduc le pacte d'actionnaires, avec la signature d'un nouveau pacte dont il n'était pas prévu qu'il en soit l'un des signataires ;
Qu'il estime par ailleurs que si la société s'est trouvée face à des besoins de fonds propres, c'est uniquement en raison de la gestion critiquable des investisseurs ; qu'il note, en particulier que le conseil d'administration a porté la rémunération du nouveau président directeur général en septembre 2017 de 65.000 euros à 80.000 euros avec rétroactivité à la date d'entrée des fonctions, qu'une hausse salariale supérieure à 20 % par rapport au budget voté a été accordée, que les frais de location de bureaux et les frais de déplacement ont augmenté dans des proportions importantes, et considère donc qu'il ne peut être tenu des conséquences de telles décisions ;
Qu'en ce qui concerne le projet d'augmentation de capital de février 2018, il indique avoir reçu le 26 janvier 2018 une convocation à l'assemblée générale devant se tenir le 8 février suivant, à laquelle n'était selon lui joint aucun document ; que ce n'est que 24 heures avant la tenue de l'assemblée, qu'il aurait obtenu, sur sa demande, les documents présentant l'opération ; qu'il considère que ce délai était trop court pour envisager une souscription de sa part ; que, pour cette raison, il a demandé l'ajournement de l'assemblée générale, ce qui lui a été refusé ;
Qu'il estime qu'en l'état d'une information insuffisante, son refus de participer au vote ne peut lui être reproché et ne peut être qualifié d'abusif ; qu'il indique avoir découvert la mise en place d'un mécanisme qu'il qualifie de complexe, dû à l'émission d'actions de priorité de catégorie B, conduisant, selon lui à un mécanisme de double ratchet, qui nécessitait des explications ;
Qu'il estime que même si le droit de préférentiel de souscription était maintenu, le manque d'information et le délai très court imposé par les majoritaires ne lui ont pas permis sérieusement d'être en mesure d'y participer, ne disposant pas du temps suffisant pour étudier un financement ;
Qu'il note que, dans l'éventualité où l'opération aurait été menée à terme sans qu'il souscrive à l'augmentation de capital, sa participation aurait été ramenée à 27,14 % ;
Qu'il considère également que même si le renforcement des fonds propres apparaissait nécessaire, rien ne justifiait l'urgence et les modalités de l'opération projetée ; que selon lui, les besoins de trésorerie, dus pour une part à la gestion coûteuse menée par la nouvelle équipe dirigeante, ne créaient aucune difficulté immédiate ; qu'au surplus, d'autres solutions étaient,de son point de vue envisageables, telles qu'un apport en compte courant ou l'émission d'obligations convertibles, ce que les investisseurs n'ont pas envisagé ;
*
Qu'en réponse, la société Qualisteo soutient tout d'abord que, contrairement à ce qu'affirme M. R., les premiers juges auraient bien constaté l'existence d'un abus de minorité, en dépit d'une formulation imprécise ;
Qu'elle estime que l'opposition réitérée de M. R. à l'augmentation de capital était contraire à l'intérêt social, puisque cette opération était le seul moyen permettant d'éviter l'ouverture d'une procédure collective ; que contrairement aux affirmations de M. R., la situation de la société manifestait le besoin urgent de renforcement des fonds propres ; qu'en effet, au 31 décembre 2016, le résultat se traduisait par une perte de 571.966 euros, perte qui était également de 453.616 euros au 30 septembre 2017, après les 9 premiers mois de l'exercice ; qu'à cette date, les fonds propres de la société étaient négatifs de - 67.280 euros ;
Qu'elle considère par ailleurs que M. R. a reçu l'information voulue pour émettre un vote éclairé lors des deux augmentations de capital ; qu'elle note qu'en tant qu'ancien président directeur général de la société, il connaissait parfaitement la situation financière critique de la société, et que, postérieurement à sa révocation, il a eu accès à l'ensemble de l'information qu'il a réclamée en prévision de l'assemblée générale ;
Que c'est par ailleurs à tort, selon elle, que M. R. soutient que le renforcement des fonds propres aurait pu prendre la forme d'apports en compte courant, d'une émission d'obligations convertibles ou encore une introduction en bourse ou un mandat de vente ; que la société Qualisteo note que, compte tenu des investissements déjà réalisés par les fonds, il était légitime de leur part de privilégier une augmentation de capital ; qu'il n'est, par ailleurs, nullement démontré que M. R. aurait consenti à une opération de moindre ampleur ;
Que la société Qualisteo considère que M. R. n'est pas fondé à contester la valorisation retenue (1 euro l'action, dont 0,10 euro de nominal et 0,90 euro de prime d'émission) au motif que la société Starquest avait retenu le 18 mai 2016 une valorisation de 3,8 euros dans sa lettre d'intention ; que, d'une part, postérieurement à cette lettre d'intention, la situation de la société n'a cessé de se dégrader ; que, d'autre part, la valorisation proposée en décembre 2017 par Phitrust dans sa lettre d'intention était supérieure à celle effectuée par le cabinet Ernst & Young à la même époque, ce qui montre les limites de l'argument tiré d'une sous-valorisation ;
Qu'elle observe que l'opération proposée le 8 février 2018 avec maintien du droit préférentiel de souscription permettait à M. R. de maintenir son niveau de participation, mais que celui-ci a préféré refuser l'opération ; qu'elle qualifie de fallacieux le motif invoqué par M. R. pour refuser de voter cette augmentation de capital ;
Que les sociétés Demeter Partners, Demeter Ventures et Émeraude Energy Finance estiment également que le refus successif de M. R. de voter l'augmentation de capital était contraire à l'intérêt social, dès lors qu'il en allait de la survie de la société Qualisteo ; qu'outre un résultat déficitaire, le rapport réalisé par Ernst & Young faisait état d'une baisse du résultat d'exploitation et de la rentabilité de la société, qui présentait par ailleurs une dette nette reportée de 880.000 euros ; qu'elles contestent formellement l'accusation de manque d'indépendance des évaluateurs, compte tenu de la séparation très stricte des activités qui existent au sein du cabinet Ernst & Young ;
Qu'elles notent que le refus de M. R. était uniquement dicté par son souci de maintenir le niveau de sa participation et sa minorité de blocage ; que le fait d'avoir refusé de participer à l'opération présentée le 8 février 2018 avec maintien du droit préférentiel de souscription montre que M. R. n'avait jamais eu l'intention d'y souscrire, et qu'il a usé de sa minorité de blocage pour faire payer à la société et à ses actionnaires une révocation qu'il n'a jamais réussi à accepter ;
*
Attendu, en premier lieu, que la situation financière de la société Qualisteo et les besoins en fonds propres qui étaient les siens à la fin de l'année 2017 et au début de l'année 2018 ne sont pas réellement contestés ; que M. R. ne peut sérieusement imputer ces difficultés à l'augmentation de rémunération dont a bénéficié M. L., fût-elle inopportune, cette rémunération ne différant que de 11.500 euros par rapport à la rémunération fixe que lui-même percevait ; qu'il ne peut davantage les mettre sur le compte de l'augmentation de salaire consentie au personnel, alors qu'il est constant que, par suite notamment de la démission d'un directeur commercial un an auparavant, les équipes étaient démotivées ;
Que c'est à juste titre que les intimées rappellent que, depuis sa création, la société a enregistré des pertes cumulées de 2.505.876 euros ; que le résultat négatif constaté au 31 décembre 2016 et celui résultant d'une situation comptable intermédiaire au 30 septembre 2017 démontraient une aggravation de la situation, avec des fonds propres devenus négatifs ;
Que la valorisation retenue par la société Starquest dans sa lettre d'intention en juin 2016, ne peut être retenue comme une référence incontestable et immuable, s'agissant d'une opération qui n'a pas été menée à terme et qui était subordonnée à des conditions rendant sa réalisation improbable, en l'occurrence la souscription simultanée des deux fonds à un niveau de prix que ceux-ci considéraient comme déconnecté de la réalité ; que cette valorisation reposait, en toute hypothèse, sur des anticipations de développement de l'entreprise qui ne se sont pas réalisées, la situation s'étant, au contraire, nettement dégradée ensuite, tant d'un point de vue financier qu'au plan industriel et commercial ;
Que l'opération présentée le 22 décembre 2017 puis le 8 février 2018 reposait sur une valorisation certes faible mais supérieure d'environ un tiers par rapport à celle retenue par le cabinet Ernst & Young ;
Qu'en l'état de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par M. R., la cour retiendra que l'augmentation de capital présentée le 22 décembre 2017 puis le 8 février 2018 était dans l'intérêt de la société, et la valorisation retenue compatible avec la situation de la société ;
Que M. R. ne peut reprocher à ses co-actionnaires d'avoir privilégié un renforcement des fonds propres sous forme d'une augmentation de capital ; qu'il sera rappelé que les fonds avaient déjà investi chacun 700.000 euros ne leur conférant que 16,34 % des droits de vote, tandis que M. R. disposait de 43,70 % pour un investissement financier initial de 75.000 euros, de sorte qu'il pouvait difficilement être exigé d'eux un effort supplémentaire sans contrepartie en termes de droits de vote ;
Que, par ailleurs, si M. R. était fondé à ne pas renoncer à la suppression de son droit préférentiel de souscription dès lors qu'il aurait eu l'intention de souscrire à l'opération, fût-ce en partie, le refus qu'il a opposé le 8 février 2018 de voter l'augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription, présentée selon les mêmes modalités financières, tend à démontrer que son intention initiale était de ne pas le faire ; que M. R. ne peut raisonnablement soutenir n'avoir pas disposé du temps nécessaire pour étudier la seconde opération, présentée dans des termes identiques à celle soumise aux actionnaires un mois et demi auparavant, hormis le maintien du droit préférentiel de souscription ; qu'il ne pouvait ignorer la détermination de ses partenaires à présenter un nouveau projet et ne justifie pas avoir engagé quelque démarche que ce soit pour trouver un financement ;
Qu'ainsi, en refusant de consentir, dans le but non dissimulé de maintenir son niveau de participation, à une opération nécessaire à la survie de la société, M. R. a commis un abus de minorité justifiant la désignation d'un administrateur ad'hoc afin de voter à ses lieu et place lors d'une prochaine assemblée générale des actionnaires ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la nullité de l'augmentation de capital et les demandes subséquentes
Attendu que M. R. fait tout d'abord observer qu'alors que le jugement avait été prononcé le 18 juin 2018 et assorti de l'exécution provisoire, l'augmentation de capital n'a cependant été soumise à l'assemblée générale que 3 mois plus tard ; qu'il en déduit que l'urgence alors invoquée était de pure circonstance ;
Qu'il note par ailleurs qu'alors que les investisseurs avaient soutenu que la valeur de l'action s'établissait à 1 euro, ils ont soudainement retenu une valeur de 0,10 euro ; que l'opération, souscrite intégralement par les fonds Demeter Ventures et Demeter Partners à hauteur de 800.000 euros a eu pour effet de faire passer leur participation totale de 32,68 % à 88,60 %, tandis que la sienne passait de 43,70 % à 7,4 % et celle de la société Emeraude Energy Finance, qui n'a pas souscrit, de 23,55 % à 4 % ;
Qu'il estime que la privation de son droit de vote, prérogative essentielle de l'actionnaire, doit entraîner la nullité de l'assemblée générale ;
Qu'il soutient d'autre part que ses contradicteurs avaient la possibilité de faire un apport de trésorerie de façon à préserver les intérêts de la société, mais ont utilisé la suppression de son droit préférentiel de souscription pour organiser une opération à des conditions anormales ; que, certes, l'opération a été consentie à des conditions différentes, avec l'émission d'actions ordinaires au lieu des actions de priorité, mais il soutient qu'elle a été réalisée dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires ;
Que l'opération a été réalisée sans prime d'émission, ce qui a entraîné un fort effet dilutif ; que, selon lui, si l'opération avait été effectuée avec une valeur d'action de 2,5 euros, la société aurait été préservée et la répartition du capital entre les parties n'aurait pas eu d'impact sur les forces en présence ;
Qu'il conteste le second rapport établi par Ernst & Young sur la base duquel l'opération s'est effectuée sans prime d'émission, et qualifie de vertigineuse la décote subie par les titres, par rapport à la valorisation à 3,8 euros sur laquelle il soutient que les parties étaient unanimement d'accord en juin 2016 ;
Qu'il constate qu'entre les deux rapports établis par Ernst & Young à 9 mois d'intervalle, la valeur des actions a été dépréciée de 1.000 % ; qu'il constate que ce second rapport fait état d'une marge d'erreur de 900.000 euros sans justification, alors que celui établi en 2017 faisait déjà état d'une marge d'erreur importante de 300.000 euros ; qu'il note que ce second rapport utilise des données prospectives basées sur le business plan, ces rédacteurs précisant qu'il n'a pas été challengé, donc vérifié ; que le rapport précise en outre que la direction de la société n'a pas remis la situation comptable à fin juin 2018, de sorte que l'analyse est effectuée sur des éléments partiels remis au 30 juin et non vérifiés ; qu'il note enfin que ce rapport ne tient pas compte de nouveaux financements européens dont la société Qualisteo fait état, ni des différents éléments positifs telles que la réalisation d'un chiffre d'affaires et de marges en forte croissance, la conclusion de nouveaux contrats avec des partenaires prestigieux implantés partout dans le monde, et l'imminence de sa position de leader mondial du secteur ;
Qu'il réfute, enfin, l'argument avancé par la société Émeraude, qui se prévaut du fait qu'elle a consenti à sa dilution, en faisant valoir qu'elle dispose d'autres contreparties, puisque son dirigeant est devenu président directeur général de la société Qualisteo, et qu'elle dispose par ailleurs d'actions de préférence ;
Qu'il demande à titre principal la nullité de l'augmentation de capital, subsidiairement l'allocation d'une somme de 2.359.500 euros en réparation du préjudice résultant de sa dilution, outre 100.000 euros au titre du préjudice moral ; qu'à défaut, il sollicite la désignation d'un expert afin d'évaluer son préjudice, et l'allocation d'une provision de 800.000 euros ;
*
Qu'en réponse, la société Qualisteo fait valoir que sa situation s'est aggravée postérieurement au mois de février 2018, conduisant les commissaires aux comptes à initier deux procédures d'alerte, la première le 3 avril 2018, la seconde le 11 juillet 2018, en raison de pertes significatives et de difficultés financières à très court terme ; que dans leur rapport, les commissaires aux comptes mentionnent que le prévisionnel de trésorerie pour 2018 et 2019 révèle des difficultés de trésorerie imminentes en l'absence de nouveaux apports en trésorerie ;
Que le rapport Ernst & Young du 16 juillet 2018 indique que la valorisation est négative, en raison du fort endettement de la société et des prévisionnels de trésorerie préoccupants ; que le rapport de l'expert-comptable confirme la valorisation négative de la société ;
Qu'elle note qu'en mars 2018, BPI a accepté de suspendre le remboursement des prêts pour une durée de 6 mois, ce qui n'a pas empêché la société, malgré l'augmentation de capital réalisée le 28 septembre 2018, de solliciter le 6 novembre suivant un nouveau gel des échéances des prêts BPI pour une durée de 15 mois ; qu'elle note que malgré l'augmentation de capital réalisée, la société serait face à une impasse en juin 2019 à défaut d'une renégociation ;
Qu'elle considère que sa situation financière rendait nécessaire l'augmentation de capital du 28 septembre 2018, qui était la seule possibilité permettant la poursuite de l'activité ; qu'elle estime que la souscription par Demeter de l'augmentation de capital à hauteur de 800.000 euros était inespérée, qu'elle a permis de sortir la société, au moins temporairement de l'impasse dans laquelle elle se trouvait, et rendra à l'ensemble des actionnaires l'espoir d'un gain futur ;
Qu'elle estime que M. R. est d'une parfaite mauvaise foi, en reprochant à ses co-actionnaires, qui avaient déjà investi 2.800.000 euros quand lui-même n'en avait investi que 75.000 euros, de ne pas avoir procédé à des avances en compte courant ; qu'une opération limitée à 200.000 euros ou à même à 400.000 euros aurait, selon elle, été insuffisante ;
Qu'elle convient que, depuis le départ de M. R., la stratégie mise en place par la nouvelle équipe de direction a permis une augmentation du chiffre d'affaires de la société, passant de 728.825 euros en 2016 à 1.200.000 en 2017 et 2018 ; que, cependant, ce redressement reste fragile, le point mort nécessitant la réalisation d'un chiffre d'affaires de 2.000.000 euros, et la société sera de nouveau face à une impasse si les objectifs de chiffre d'affaires du premier semestre 2019 ne sont pas atteints ;
Que s'agissant du préjudice que M. R. prétend avoir subi du fait de la réalisation de l'augmentation de capital et de sa dilution, elle constate que celui-ci a refusé de souscrire à l'augmentation de capital, qui s'est effectuée avec maintien du droit préférentiel de souscription, et que la valorisation de la société est négative, ainsi que l'ont retenu tant Ernst & Young que l'expert-comptable ou encore Me H., administrateur ad hoc ;
Que les sociétés Demeter Partners, Demeter Ventures et Émeraude Energy Finance font tout d'abord valoir que le calendrier de l'opération ne révèle aucune anomalie, compte tenu de la nécessité que Me H. puisse procéder à un travail d'instruction de l'opération de capital projetée ;
Que, selon elles, M. R. ne peut soutenir avoir été privé de son droit de vote par l'assemblée générale, la désignation de Me H. pour y voter en ses lieu et place ayant été décidée par le tribunal ; que Me H., après avoir mûri sa décision et entendu les positions de chacune des parties, a approuvé l'augmentation de capital soumise au vote ;
Qu'elles estiment que l'opération n'est entachée ni de fraude ni d'abus de droit, et qu'elle n'a pas été menée dans l'unique dessein de favoriser les actionnaires majoritaires à son détriment ;
Qu'elles notent que la jurisprudence sur laquelle M. R. fonde sa démonstration concernent des opérations dite du coup d'accordéon, consistant dans une réduction de capital à zéro suivie d'une nouvelle augmentation de capital réservée, ce qui n'a rien à voir avec la présente opération, dans laquelle M. R. a conservé ses titres et a eu la possibilité de souscrire à l'augmentation de capital, celle-ci ayant été effectuée avec maintien du droit préférentiel de souscription ;
Que par ailleurs, l'opération s'est déroulée 3 mois après le jugement, permettant à M. R. de l'anticiper ; qu'elle a eu lieu pendant la période de rentrée, et non pendant la période estivale ; qu'enfin, M. R. a bénéficié d'une période de souscription de près d'un mois ;
Que s'agissant de la valorisation, elles font valoir que M. R. continue à se référer à celle retenue par Starquest, à laquelle elle n'ont jamais adhéré, et que M. R. a démentie lui-même en proposant, en décembre 2016 une nouvelle opération valorisant la société à 4,25 millions au lieu de 6,5 millions six mois auparavant, et qui n'a pas davantage abouti, puisque reposant sur un business plan tout aussi irréaliste ;
Qu'elle note également que l'opération envisagée avec Starquest portait sur 1.900.000 euros, de sorte que M. R. est mal venu de mettre en doute la nécessité d'une opération menée plus de deux ans après, alors que la situation s'était fortement dégradée, à hauteur de 800.000 euros ;
Que s'agissant du rapport du cabinet Ernst & Young valorisant les titres de la société Qualisteo entre 107.000 euros et 1.013.000 euros, les intimées considèrent qu'il ne s'agit pas d'une marge d'erreur de 900.000 euros, comme le prétend M. R., mais d'une fourchette de valorisation, et qu'aucun expert sérieux ne se risquerait à procéder autrement, ne serait-ce que parce que la technique de valorisation d'une entreprise fait appel à des méthodes de valorisation distinctes ; qu'en l'occurrence, au terme des différentes méthodes employées, l'auteur du rapport a systématiquement conclu à une valeur négative de la société, ce qui a conduit cette dernière à proposer une augmentation de capital au nominal ;
Qu'elles ajoutent que Me H., qui a agi conformément au mandat qui lui a été confié par le tribunal, aurait parfaitement pu refuser de voter l'augmentation de capital, s'il avait eu le moindre doute sur la valorisation proposée et la conformité de l'opération projetée à l'intérêt social ; que Me H. a reçu et analysé les observations que lui a adressées M. R., mais a néanmoins pris position, fort de son expérience d'administrateur judiciaire, en faveur de l'opération soumise au vote ;
Qu'elles considèrent que M. R. n'est pas fondé à soutenir que l'opération constituerait un abus de majorité, pour avoir été réalisée dans l'unique dessein de nuire à l'actionnaire minoritaire ;
Que s'agissant du préjudice dont il est réclamé en raison d'une prétendue dilution imposée, les intimées considèrent que M. R. peut difficilement solliciter une indemnisation d'une situation qui est résultée de son refus de souscrire à l'augmentation de capital ;
Qu'enfin, elles considèrent que la demande désignation d'un expert indépendant sur le fondement du pacte d'actionnaires n'a pas lieu d'être, les conditions de désignation de cet expert n'étant pas réunies ; qu'elles qualifient, en tout état de cause d'absurde le mode de calcul du prétendu préjudice subi, qui ne repose que sur la valorisation de 6,5 euros par action ;
*
Attendu, en premier lieu, que M. R. ne peut invoquer la privation de son droit de vote au soutien de sa demande de nullité de l'augmentation de capital, l'exercice de son droit de voter à l'assemblée générale ayant été confié à Me H., mandataire de justice, par l'effet du jugement entrepris, revêtu de l'exécution provisoire ;
Qu'en deuxième lieu, s'il peut paraître de prime abord étonnant qu'à 9 mois d'intervalle, le cabinet Ernst & Young ait retenu une valorisation dix fois inférieure, et que la seconde valorisation soit elle-même comprise dans une fourchette allant pratiquement de un à dix, force est de constater que la situation de la société s'était très fortement dégradée entre-temps, motivant la mise en œuvre de deux procédures d'alertes successives à l'initiative du commissaire aux comptes, et l'obtention d'un gel de l'endettement par la banque BPI, totalisant, au vu des pièces produites, un encours d'environ 1,5 millions d'euros ; qu'il apparaît également qu'en juin, juillet et septembre 2018, la société a demandé et obtenu un report ou un étalement de ses cotisations à l'URSSAF, qu'elle n'était pas en mesure de régler ; qu'il en résulte que la société Qualisteo se trouvait dans une situation virtuelle de cessation des paiements ;
Que M. R., qui s'interroge surtout sur les causes de cette situation, ne disconvient pas que les fonds propres de la société étaient négatifs dès la fin de l'année 2017, et ne conteste pas sérieusement qu'à l'été 2018, la situation était critique et que la valeur de la société était devenue négative compte tenu de l'importance de son endettement, et de l'absorption de ses fonds propres par les pertes cumulées ;
Que dans un tel contexte, la réalisation d'une augmentation de capital au nominal, sans prime d'émission, ne révèle aucune anomalie, dès l'instant que, réalisée avec maintien du droit préférentiel de souscription, elle permettait à M. R. d'y souscrire et préserver sinon son niveau de participation actuel, du moins la minorité de blocage dont il disposait ;
Que M. R. n'est pas fondé à contester le calendrier de l'opération, qui a, au contraire, permis à Me H. d'analyser la situation, de recueillir les observations des parties et notamment celles de M. R., et de se forger son opinion en toute objectivité ; que ce délai aurait également pu être mis à profit par M. R. pour mettre en place un financement, ce qu'il ne justifie pas avoir entrepris ; qu'enfin, le délai de souscription, compris entre le 28 septembre 2018 et le 22 octobre 2018 a permis à M. R. de prendre ses dispositions ;
Que M. R. ne peut se prévaloir d'un abus de majorité commis à son détriment, aucun de ses co-actionnaires ne disposant, seul ou de concert, de la majorité des deux-tiers et Me H. exerçant un mandat judiciaire ;
Qu'enfin, M. R. ayant pris le parti de ne pas souscrire l'augmentation de capital, il ne peut se prétendre victime de la dilution de ses droits, qui en est résultée ;
Que la demande de désignation d'un expert indépendant sera rejetée ;
Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts
Attendu que la société Qualisteo, appelante incidente, demande que M. R. soit condamné à lui verser la somme de 20.000 à titre de dommages-intérêts en raison des préjudices subis du fait de son abus de minorité ;
Qu'elle estime que l'attitude qualifiée d'égoïste de M. R. lui a porté un important préjudice puisqu'elle a dû engager des frais de conseil dans le cadre des trois assemblées générales des 22 décembre 2017, 8 février 2018 et 28 septembre 2018, qu'elle a pris un retard considérable dans le financement de ses projets de développement, et qu'elle subit une perte d'image auprès de ses clients ;
Mais attendu que l'abus de minorité retenu par la cour apparaît avoir trouvé une issue satisfactoire pour la société Qualisteo avec la désignation d'un mandataire ad hoc ayant permis de débloquer la situation ; qu'au demeurant, la société fait état d'une progression très significative de son chiffre d'affaires et ne justifie pas des conséquences du retard pris dans le financement de ses projets de développement, ni de la perte d'image auprès de ses clients ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que M. R., qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;
Attendu que l'équité justifie de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimées ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE irrecevables les prétentions de M. Christophe R. à l'encontre des sociétés Demeter Ventures et Demeter Partners ;
CONFIRME le jugement rendu le 18 juin 2018 par le tribunal de commerce de Nice, sauf en ce qu'il a condamné les sociétés Qualisteo, Emeraude Energy Finance, Demeter Ventures et Demeter Partners à payer à M. Christophe R. 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
STATUANT à nouveau de ce chef,
- DÉBOUTE M. Christophe R. de ses prétentions indemnitaires au titre de sa révocation en tant que président et directeur général ainsi que de son poste d'administrateur de la société Qualisteo ;
Y AJOUTANT
- DÉBOUTE M. Christophe R. de sa demande de nullité de l'augmentation de capital décidée le 28 septembre 2018 ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la dilution de sa participation qui en est résultée et de désignation d'un expert ;
CONDAMNE M. Christophe R. à payer à la société Qualisteo la somme de 10.000 euros et aux sociétés Demeter Partners, Demeter Ventures et Emeraude Energy Finance, chacune, la somme de 3.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE M. Christophe R. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.