CA Nancy, 2e ch. com., 4 février 2009, n° 08/00404
NANCY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moureu
Conseillers :
Mme Pomonti, Mme Deltort
Avoués :
SCP Merlinge, Bach-Wassermann, Faucheur-Schiochet, SCP Leinster, Wisniewski & Mouton
Avocat :
Me Lyon
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
VU la procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 8 mars 2005 concernant M. Zindine M., exerçant l'activité de sécurité-gardiennage-brasserie, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 10 mai 2005,
VU la déclaration de créance adressée par M. Farid H. le 6 juin 2005 pour le montant de 60.000 euros garantie par un nantissement sur parts sociales,
VU le courrier du 18 avril 2006 de Me D., mandataire liquidateur, avisant M. Farid H. de ce que le caractère privilégié de la créance était contesté ainsi que les intérêts,
VU l'ordonnance rendue par le juge-commissaire du Tribunal de commerce de NANCY le 8 février 2007 qui a admis la créance de M. Farid H. à hauteur de 56.765,64 euros outre intérêts au taux de 3 % à titre chirographaire,
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. Farid H. le 27 février 2007,
VU les moyens et prétentions de l'appelant exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 10 juillet 2008 tendant à l'admission de sa créance à hauteur de 56.765,64 euros à titre privilégié, en considération du nantissement des parts sociales de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE consenti par acte authentique du 2 juin 2004 et à l'allocation de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
VU les moyens et prétentions de la Me D., partie intimée, exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 17 juin 2008 tendant à la confirmation de l'ordonnance déférée et à l'allocation de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
MOYENS DES PARTIES
Au soutien de son appel, M. Farid H. fait valoir que :
- il a vendu à M. Zindine M. 239 parts sociales dans la Société Civile de Participation Immobilière du HAUT DU LIEVRE,
- M. Zindine M. a bénéficié d'un crédit-vendeur sur 5 ans en 60 échéances garanties par un nantissement des parts sociales passé chez Me P., notaire, le 2 juin 2004,
- Me P. a adressé le 23 novembre 2004 à Me B., notaire, administrateur provisoire de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE, un courrier recommandé conformément à l'article 1866 du Code civil,
- cette notification est bien antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire,
- l'article L 621-50 (ancien) du Code de commerce n'est pas applicable,
- Me B. a répondu qu'il n'était plus l'administrateur de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE et qu'il ne connaissait pas le nom de son éventuel successeur,
- de 2004 à 2007 aucun administrateur n'a été désigné pour la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE,
- en septembre 2007 la S.C.P. L. & P. a été nommée comme administrateur provisoire de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE,
- l'acte de nantissement lui a immédiatement été signifié,
- dissoute en 1968 la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE n'était plus immatriculée au registre du commerce,
- la personnalité morale d'une société subsiste pour les besoins de sa liquidation, en vertu de l'article 1844-8 du Code civil,
- à défaut d'inscription au registre du commerce, le décret du 3 juillet 1978 est inapplicable,
- étant liquidée, la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE ne pouvait plus être inscrite au registre du commerce et M. Farid H. ne pouvait procéder à une publication en marge du registre du commerce.
Me D., intimée, réplique que :
- en vertu de l'article L 621-50 du Code de commerce (rédaction antérieure au 25 juillet 2005), la signification du nantissement à la S.C.P. L. & P., administrateur provisoire de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE, est inopérante,
- la lettre de Me P. du 23 novembre 2004 à Me B., qui n'avait plus la qualité d'administrateur de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE est sans effet,
- alors que la dissolution de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE date du 24 mai 1968, il appartenait à M. Farid H. de mettre tout en oeuvre pour remédier à la situation de déshérence,
- en l'absence de clôture de la liquidation, l'immatriculation de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE au registre du commerce devait être effectuée,
- à défaut de publicité, les créanciers de M. Zindine M. ne pouvaient appréhender exactement le patrimoine de leur débiteur.
MOTIFS
Attendu, d'une part, qu'en application de l'article 1866 du Code civil, le nantissement de parts sociales d'une société civile doit être signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique ;
Que cette formalité s'impose pour rendre le nantissement opposable à la société dont les parts sont données en gage sans dépossession ainsi qu'aux autres associés, en prévision des opérations de réalisation forcée qui sont régies par les articles 1867 et 1868 du Code civil ;
Attendu qu'il ressort du courrier adressé par Me P. le 23 novembre 2004, et retourné par Me B., que ce dernier n'avait plus, à cette date, qualité pour représenter la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE ;
Attendu que l'appelant, qui avait, notamment, la faculté de faire désigner un mandataire ad hoc, n'a effectué aucune diligence en ce sens pour signifier le nantissement au représentant de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE ou le lui faire accepter sous la forme authentique ;
Et attendu que l'intimée a valablement déduit des dispositions de l'article 57 de la loi N° 86-98 du 25 janvier 1985 (devenu l'ancien article L 621-50 du Code de commerce) que la signification du nantissement à la S.C.P. L. & P., administrateur provisoire de la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE, effectuée le 17 décembre 2007 est inopérante puisqu'elle a eu lieu après l'ouverture du redressement judiciaire de M. Zindine M. ;
Attendu, d'autre part, que l'article 1966 du Code civil impose la publicité du nantissement des parts sociales dans les formes prévues aux articles 53 à 57 du décret N° 78-704 du 3 juillet 1978, à l'effet de rendre le nantissement opposable aux tiers ;
Que la S.C.I. DU HAUT DU LIEVRE, dont la liquidation n'est pas clôturée était manifestement immatriculée au registre du commerce et des sociétés ;
Qu'à défaut de publication conforme aux textes sus-visés, le nantissement est inopposable aux tiers ;
Qu'en effet, l'article L 123-9, alinéa 2 du Code de commerce dispose que la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre [du commerce et des sociétés] ne peut les opposer aux tiers que si la formalité correspondante a été effectuée ;
Que la confirmation de l'ordonnance s'impose ;
Attendu que l'équité justifie de couvrir la partie intimée de ses frais de procédure non compris dans les dépens, à hauteur de 300 euros ;
PAR CES MOTIFS
Et, adoptant ceux non contraires du Premier Juge,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance déférée,
CONDAMNE M. Farid H. à payer à Me D., mandataire liquidateur de M. Zindine M., la somme de 300 € (trois cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE M. Farid H. aux dépens d'appel,
AUTORISE la S.C.P. LEINSTER-WISNIEWSKI-MOUTON à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.