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Décisions

Cass. com., 19 décembre 2000, n° 96-22.172

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Métivet

Avocat général :

M. Feuillard

Avocat :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Angers, 1re ch. A, du 16 sept. 1996

16 septembre 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 septembre 1996), que par actes des 12 janvier et 17 avril 1989 la Société de développement régional de l'Ouest (Sodero) a consenti à la société Eurodis un prêt destiné à l'acquisition par cette société de 97 % des actions de la société anonyme Sepco France ; que le 12 janvier 1989, M. Y..., s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt ; qu'outre cette garantie, la société Sodero a obtenu la remise par la société Eurodis à titre de nantissement des actions de la société Sepco France, objet de l'acquisition, ainsi qu'un nantissement sur le fonds de commerce de la société Sepco Saumur, filiale de la société Sepco France ; que la société Sodero a assigné en paiement la société Eurodis, mise en redressement judiciaire en cours d'instance et M. Séchet qui a résisté en faisant valoir que les garanties complémentaires consenties à la banque avaient été accordées en violation des dispositions de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Sodero une certaine somme en sa qualité de caution solidaire des engagements de la société Eurodis alors, selon le moyen :

1°) qu'en relevant que l'interdiction légale, pour une société anonyme, de consentir des sûretés en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers ne pouvait s'appliquer qu'à la société Sepco France dont les actions ont été acquises par la société Eurodis, tandis que ce n'est pas la société Sepco France mais bien la société Eurodis, acquéreur, qui a consenti un nantissement sur les actions, sans répondre à ses conclusions d'appel dans lesquelles il soutenait que la société Eurodis n'avait pas racheté toutes les actions de la société Sepco France, mais la quasi-totalité d'entre elles, cependant que le contrat prévoyait "l'affectation en garanti de tous les titres Sepco, non point seulement ceux rachetés", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2°) qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 n'avait pas vocation à régir une situation, telle celle de l'espèce, dans laquelle une société holding, la société Eurodis, acquiert la quasi-totalité du capital d'une société cible, la société Sepco France, en se servant "directement ou indirectement des propres actifs de la société cible pour alléger ses financements", et, en particulier en donnant les actions de cette dernière en nantissement au prêteur des fonds nécessaires à la réalisation de l'opération, ne serait-ce que parce que ce mécanisme révèle, de la part de ses auteurs, une volonté de s'affranchir d'une situation légale impérative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité, ensemble les règles applicables à la fraude à la loi ;

3°) qu'en ne répondant pas à ses conclusions, dans lesquelles il soutenait que la méthode qui avait été suivie procédait incontestablement "d'une tentative de détournement de la loi" puisque, "à suivre le raisonnement de la société Sodero, le transfert de propriété des actions serait intervenu alors que le prix n'était pas payé, celui-ci ne pouvant l'être que par le prêt de la société Sodero soumis au nantissement des mêmes actions", et qu'il y avait donc lieu de retenir "que le transfert de propriété à Eurodis sans que le prix n'en ait été payé - puisqu'il ne pourra l'être que grâce au prêt et au nantissement des actions cédées - entre bien dans les prévisions de l'article 217-9", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que c'est la société Eurodis, acquéreur, qui a consenti un nantissement sur les actions, ce dont il résulte que celui-ci ne pouvait concerner que les actions qu'elle avait acquises, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que le prêt consenti par la société Sodero à la société Eurodis a été garanti par le nantissement par cette dernière des actions de la société Sepco France ce dont il résultait que les biens engagés n'étant pas la propriété de la société Sepco France, la constitution de cette sûreté n'entrait pas dans le champ de l'interdiction posée par l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à l'argumentation inopérante de M. Y... sur les modalités de paiement du prix, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses trois premières branches ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Attendu que M. Y... fait encore le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen, qu'en ne recherchant pas davantage, ainsi qu'elle y était invitée, si l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 n'avait pas vocation à régir une situation, telle celle de l'espèce, dans laquelle, pour permettre l'acquisition de ses propres actions par un tiers, une société mère, la société Sepco France, obtenait de sa filiale, la société Sepco Saumur, au sein de laquelle elle était très largement majoritaire - puisqu'elle détenait plus de 99,60 % de son capital - qu'elle donne son fonds de commerce en nantissement, la garantie étant ainsi finalement consentie par personne interposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité, ensemble les règles applicables à la fraude à la loi ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par un motif non critiqué, que la nullité d'une garantie ne peut avoir pour conséquence la nullité de l'engagement principal à l'égard du débiteur principal ; que par ce seul motif l'arrêt se trouve justifié ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en sa quatrième branche ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985 que les instances en cours au moment de l'ouverture de la procédure collective, suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, sont reprises de plein droit aux fins de constatation des créances et de fixation de leur montant, l'article 67 du décret du 27 décembre 1967 précisant que l'instance suspendue en application de l'article 48 précité est reprise à l'initiative du créancier demandeur après déclaration de la créance et que les décisions passées en force de chose jugée rendues après reprise d'instance sont à la demande de l'intéressé portées sur l'état des créances ; qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 25 janvier 1985, lorsqu'il est procédé à la vérification des créances, le juge-commissaire ne peut, en ce cas, que constater qu'une instance est en cours ; qu'il s'évince de la combinaison de ces textes que le créancier ne peut se désister de l'instance pendante devant la juridiction normalement compétente pour en connaître et se contenter de procéder à la déclaration de sa créance, revendiquant, par là même, la compétence du juge-commissaire ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes précités, ensemble les articles 2013 et 2036 du Code civil ;

Mais attendu que, selon les dispositions de l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction applicable en la cause, la mise en redressement du débiteur principal ne fait pas obstacle à ce que le créancier poursuive la caution en paiement de la dette et que l'ouverture de la procédure collective n'interrompt l'instance qu'au profit du débiteur ;

qu'il en résulte que, la créance ayant été déclarée, et dès lors qu'il n'est pas allégué qu'une contestation avait été portée devant le juge-commissaire, la cour d'appel avait le pouvoir de statuer sur la demande formée contre la caution ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.