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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 21 février 2003, n° 2002/01009

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Venditi

Défendeur :

Aria Dental International (SA), Le Dosseur (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Canivet

Conseillers :

Mme Jaubert, Mme Bernard

Avoués :

SCP Narrat-Peytavi, SCP Bommart-Forster

Avocats :

Me Gardette, Me Guenancia

T. com. Paris, 2e ch., du 16 oct. 2001, …

16 octobre 2001

Suivant promesse synallagmatique du 29 août 1997, Alain Venditi s’est engagé à céder à la SA Aria Dental, la totalité des titres de la société AV Dentaire et six de ceux de la société Prodentax.

Le 20 novembre 1997, jour de la réalisation de cette promesse, la somme de 6 006 000 F représentant le prix des deux tiers des titres de la société AV Dentaire, et des six titres de la société Prodentax a été pays comptant, et, conformément aux modalités contractuelles de règlement prévoyant que le dernier tiers des titres AV Dentaire ferait l’objet d’un apport en nature à la société Aria Dental, Alain Venditi a souscrit 154 700 nouvelles actions Aria Dental, correspondant à une augmentation du capital de celle-ci pour un montant de 3 094 000 F, et a libéré sa souscription par compensation avec sa créance sur Aria Dental résultant de l’apport du dernier tiers des titres AV Dentaire.

Le même 20 novembre 1997, a été signée, en exécution de la promesse susvisée, qui prévoyait en outre - la société Aria Dental ayant pour objectif d’être introduite en bourse-, que si cette introduction n’avait pas lieu dans un délai de 36 mois, la société Aria Dental s’engageait à acquérir ou à faire acquérir à première demande d’Alain Venditi, les actions Aria Dental ayant fait l’objet de l’apport en nature susvisée, une promesse d’achat de ces actions par la société Aria Dental.

A l’expiration de ce délai de 36 mois, l’introduction de la société Aria Dental en bourse ne s’étant pas effectuée, Alain Venditi à par deux fois, mais en vain, mis en demeure la société Aria Dental d’exécuter sa promesse.

Par jugement du 16 octobre 1996, sur assignation de Alain Venditi, le tribunal de commerce de Paris a dit que l’apport en nature des actions de la société AV Dentaire et la souscription du capital de la société Aria Dental avaient été effectués dans des conditions légales, que les actionnaires de celle-ci n’avaient pas été informés de l’engagement pris par son président directeur général de racheter les nouvelles actions émises, qu’il n’y avait donc pas lieu à annulation de ces opérations ; qu’Alain Venditi était donc propriétaire des 154 700 actions litigieuses ; qu’en s’engageant à acquérir ou à faire acquérir à un prix fixe ces actions, la société Aria Dental avait exonéré Alain Venditi de toute participation aux pertes; que cet engagement était donc un pacte léonin frappe de nullité ; que de plus, il était interdit à une société de procéder au rachat de ses propres actions, sauf cas particuliers n’incluant pas celui de l’espèce ; qu’enfin en s’engageant à acquérir ou à faire acquérir à prix fixe les actions litigieuses, la société Aria Dental avait consenti à Alain Venditi une garantie interdite par la loi.

Il a en conséquence débouté Alain Venditi de toutes ses demandes, et débouté également la société Aria Dental, devenue Aria Dental international, de ses demandes reconventionnelles.

*

Appelant, Alain Venditi soutient que les actionnaires de la société Aria Dental étaient parfaitement informés de l’engagement pris en leur nom de racheter les titres litigieux ; que l’assemblée générale extraordinaire du 29 septembre 1997, qui a voté l’augmentation de capital a été précédée du rapport du commissaire aux apports, lequel a disposé de tous les documents lui permettant d’apprécier l’économie générale de l’opération envisagée, et a indiqué avoir pris connaissance de l’ensemble des documents juridiques dont la promesse de cession du 29 août 1997, contenant l’engagement litigieux, et le projet de contrat d’apport de droits sociaux qui contient des dispositions identiques à celles de la promesse synallagmatique.

Il conteste la qualification de pacte léonin retenue par le tribunal, affirmant que les dispositions de l’article 1844-1 du Code civil ne s’appliquent pas à une convention distincte des statuts ; que la promesse de rachat ne visait pas à l’affranchir de toute contribution aux pertes ; que l’objet de cette convention était de pallier l’impécuniosité de la société Aria Dental, an moyen d'une dation en paiement, et qu’elle lui offrait en même temps la possibilité de réaliser un investissement conditionné par une introduction en bourse.

Il ajoute que les promesses de rachat d’actions à un prix déterminé par avance sont validés dès lors qu’elles n’ont pour objet que d’assurer moyennant un prix librement convenu, la transmission des droits sociaux ; que réparation litigieuse s’inscrit dans les dispositions des articles L. 225-204 et suivants du Code de commerce, qu’elle s’assimile à une clause d’agrément permettant de régler les différents relatifs au retrait d’un associé, que le rachat par la société de ses propres actions se fait dans le cadre d’une opération de réduction du capital non motivé par des pertes.

Il conteste également s’être fait consentir une quelconque garantie pour la souscription de ses propres actions, le but des parties n’étant que de faire acquérir par la société Aria Dental 100 % de la société Prodentax “via” AV Dentaire.

A titre infiniment subsidiaire, il soutient que l’annulation de la promesse de rachat entrainerait cédé de la dation en paiement avec laquelle elle forme un tout indivisible, et qu’il y aurait lieu, dès lors, de constater qu’il n’a pas été payé du prix de cession de 3 094 000 F.

Il demande en conséquence à la Cour d’infirmer le jugement entrepris, de fixer, dans la première hypothèse, au passif de la société Aria Dental, désormais en liquidation judiciaire, sa créance de dommages-intérêts pour défaut d’exécution de la promesse, à la somme de 471 677,26 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2001, et capitalisation de ces intérêts, subsidiairement, dans l’hypothèse d’une nullité de la dation en paiement dans son ensemble, de fixer cette créance à la même somme mais avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 1997 et capitalisation, dans tous les cas de fixer sa créance de dommages-intérêts à la somme de 76 224,51 euros, et sa créance au titre de l’article 700 du NCPC à la somme de 7 500 euros.

Intimée, Me Armelle Le Dosseur es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Aria Dental soutient qu’Alain Venditi n’a souscrit à l’augmentation de capital qu’en raison de la garantie accordée par la société Aria Dental de lui racheter les actions correspondant à cette augmentation, que l’octroi de cette garantie contrevient à l’interdiction pour une société d'avancer des fonds ou de consentir des suretés en vue de la souscription de ses propres actions ; que l’opération est en tout état de cause contraire aux dispositions légales d’ordre public qui interdisent à une société de racheter ses propres actions ; que la promesse de rachat est nulle car contenant une disposition léonine ; que cette clause qui permet à un actionnaire de faire racheter sa participation par la société un prix déterminé constitue une rupture de l’égalité entre actionnaires ; que l’annulation de la promesse de rachat du 20 novembre 1997 et de l’article 10 de la convention du 29 août 1997 ne remet pas en cause l’article 4 de cette convention, Alain Venditi ayant bien reçu 154 700 actions en rémunération de son apport et demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l’exception des frais engagés pour la défense de la liquidation”.

Par conclusions du 15 janvier 2003, Alain Venditi demande le rejet des écritures signifiées par Me Le Dosseur es qualités le 7 janvier précédent, faisant valoir que, l’ordonnance de clôture ayant été prononcée le 14 janvier il n’a pu répliquer dans ce délai.

Me Armelle Le Dosseur es qualités s’oppose à cette demande, sauf à ce que soient écartées à leur tour les conclusions du 2 janvier 2003 d’Alain Venditi.

Considérant, sur l’incident de procédure, que les écritures du 7 janvier 2003 de Me Le Dosseur es qualités, ne contiennent ni demandes ni moyens nouveaux; qu’elles ne constituent qu’une réplique aux conclusions précédemment signifiées par Alain Venditi; que celui-ci a disposé d’un délai d’une semaine pour y répondre à son tour; qu’aucune violation du principe du contradictoire n’étant démontrée, il n’y a pas lieu de rejeter les conclusions litigieuses;

Considérant, au fond, qu’il est constant que l’attribution à Alain Venditi des actions émises par la société Aria Dental, ensuite de l’augmentation de capital réalisée par apport en nature de titres d’une valeur de 3 094 000 F, constituait la contrepartie de cet apport en nature; que la régularité de cette opération ne peut être contestée ; qu’aucune avance de fonds, garantie ou sureté n’a été consentie par la société Aria Dental pour cette souscription.

Considérant, sur la nullité de la promesse d’achat de ces mêmes actions, que contrairement à ce que soutient Me Le Dosseur es qualités, cette promesse n’avait pas pour objet d’affranchir Alain Venditi de tout risque d’avoir à contribuer aux pertes de la société Aria Dental; qu’Alain Venditi pouvait notamment avoir à supporter ces pertes dans l’hypothèse où l’introduction en bourse de la société Aria Dental se serait effectuée et où il serait resté actionnaire jusqu’à décision de vendre, ou de ne pas vendre, ses actions; que la dite convention visait, comme le rappelle Alain Venditi, à permettre à la société Aria j Dental de différer le paiement des titres qu’elle achetait, et d’offrir en contrepartie à Alain Venditi la possibilité de réaliser un investissement ; conditionné par une introduction en bourse; que les dispositions de l’article 1844-1 du Code civil prohibant les clauses léonines sont relatives au fonctionnement de la société mais n’apparaissent pas applicables aux transferts de droits sociaux;

Considérant qu’aux termes des articles L. 225-206 II et L. 225-207 du Code de commerce, et par exception aux dispositions de l’alinéa I du même article L. 225-206 interdisant à une société anonyme de souscrire ses propres actions, l’achat de celles-ci par la société est autorisé en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes ;

Mais considérant que la convention litigieuse stipulait que cet achat s’effectuerait an bénéfice du seul Alain Venditi et à un prix déterminé par avance; que ces clauses contreviennent dès lors aux dispositions de l’article L. 225-204 du Code de Commerce qui prévoient que la réduction de capital ne peut porter atteinte à l’égalité des actionnaires, et qui empêchent donc que la société rachète les actions d’un seul ou de plusieurs actionnaires convenus à l’avance à l’exclusion des autres, et qu’elle s’abstienne de proposer l’offee de rachat à tous ses actionnaires;

Que par suite cette promesse est entachée de nullité;

Considérant, sur la demande de nullité consécutive de l’ensemble de l’opération, que l’indivisibilité alléguée entre la souscription des actions litigieuses et la promesse de leur achat ultérieur n’est pas démontrée; que cette souscription n’était pas subordonnée à ce rachat, qui dépendait lui-même d’une condition soumise à un alea;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Alain Venditi de toutes ses demandes;

Considérant que l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du NCPC;

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement entrepris,

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du NCPC,

Condamne Alain Venditi aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SCP Bommart Forster, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.