CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 15 septembre 2010, n° 08-22187
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BENICHOU
Défendeur :
PLANETE VINS INTERNATIONAL (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme BARTHOLIN
Conseillers :
Mme IMBAUD-CONTENT, Mme DEGRELLE-CROISSANT
Avoués :
SCP RIBAUT, SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY
Avocats :
SCP KARILA, Me LEGRIX DE LA SALLE
La société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL est locataire de locaux sis à [...], ce en vertu d'un bail en renouvellement consenti pour l'activité de 'vins, liqueurs, spiritueux et leur dérivés' ;
Ce bail a été renouvelé à effet du 1er/12/2005 suite à un congé avec offre de renouvellement délivré par M BENICHOU, bailleur, par acte extra judiciaire,
Le juge des loyers commerciaux saisi par celui-ci aux fins de fixation a, par jugement du 12/2/2007, constaté que le loyer du bail renouvellement dont la durée avait été de plus de plus de douze ans échappait à la règle du plafonnement et devait être fixé à la valeur locative et a désigné expert en la personne de M. ROBINE pour évaluer cette valeur ;
Ensuite du dépôt du rapport d'expertise, M BENICHOU a sollicité fixation du loyer en renouvellement à la somme de 33 850,21€ par an, la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL concluant, pour sa part, à une fixation de ce loyer à la somme de 14576,80€ par an ;
C'est dans ces conditions que le jugement déféré a été rendu ;
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M BENICHOU, appelant, demande à la Cour :
-d'infirmer le jugement déféré sur le montant du loyer en fixant ce loyer à la somme de 25 952€ par an,
-de condamner la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
La société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL, intimée, demande, pour sa part, à la Cour :
-de confirmer le jugement déféré,
-de condamner M BENICHOU au paiement d'une somme de 10 000€ à titre de dommages-intérêts pour acharnement judiciaire et d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
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MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que M. BENICHOU critique, au soutien de son appel, les références retenues par l'expert en lui reprochant essentiellement d'avoir écarté les références concernant les [...] pourtant plus récentes et plus proches du commerce en cause et estime n'y avoir lieu à abattement pour interdiction de pose d'enseigne sur la boutique dès lors que la locataire a toujours disposé de fait d'un droit d'enseigne ;
Mais considérant sur ces points que les références citées par M. BENICHOU comme étant plus pertinentes, bien que plus récentes, bénéficient au vu du rapport d'expertise et des photos versées d'une meilleure commercialité que ce dernier commerce situé en face d'un square dans une rue où le flux de chalands est bien moindre ;
Que dans ces conditions, l'expert suivi par le tribunal, a, à bon droit, privilégié des références plus comparables quant à la commercialité ;
Considérant que la clause du bail faisant interdiction au preneur d'apposer une enseigne ou une plaque doit, comme exactement retenu par le tribunal, entrer en ligne de compte dans la fixation du prix du loyer dès lors que cette fixation doit l'être, conformément aux dispositions de l'article 23-3 du décret du 30/9/1953 (actuellement article R145-8 du code de commerce) en considération, notamment, de la restriction apportée à la jouissance des lieux et des obligations mises à charge du locataire ou celles découlant de la loi et des usages, dès lors encore que la clause dont s'agit est, même si le preneur est en droit nonobstant cette clause d'exiger une signalétique entrant dans l'obligation de délivrance du bailleur, nécessairement restrictive de ce droit, sa mise œuvre en étant plus contraignante et son étendue réduite a minima et dès lors enfin qu'à la date du renouvellement le bailleur n'avait pas donné son autorisation expresse à l'installation d'enseigne, la simple tolérance à la pose par le preneur de deux enseignes et de panneaux ne pouvant valoir autorisation à cet égard ;
Considérant, au vu des considérations qui précèdent concernant les références et la minoration pour restriction au droit d'enseigne et eu égard à l'activité exercée, aux caractéristiques des locaux et à leur emplacement tel que le tout ressort du rapport d'expertise, que le prix unitaire pour la partie commerciale des locaux apparaît devoir être fixé à la somme de 265€ (au lieu de 382€ selon l'expert et 250€ selon le tribunal) ;
Que sur cette base et la surface pondérée de la partie commerciale et le prix de la partie habitation respectivement fixé par l'expert et le tribunal à 47m2et à 6612€ par an, la valeur locative des locaux à la date du 1er/12/2005 s'établira à la somme de 19067€ détaillée comme suit :
-partie commerciale 12 455€
(265€ x47m2P)
-partie habitation 6 612€
Considérant que le jugement déféré qui a retenu une valeur locative moindre sera donc infirmé de ce chef ;
Qu'il sera confirmé en ses dispositions non spécialement critiquées par les parties relatives aux intérêts ;
Considérant que l'acharnement judiciaire allégué par la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL à l'appui de sa demande de dommages-intérêts n'étant pas établi, celle-ci sera déboutée de ce chef de demande ;
Considérant que la nature de l'affaire justifie que les entiers dépens de première instance soient supportés par moitié entre les parties, en ce inclus les frais d' expertise et que les dépens de l'appel fondé en son principe de M.BENICHOU soient supportés par la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL les frais par elle exposés en première instance; que supportant la charge des dépens d'appel, elle ne saurait solliciter, par ailleurs, indemnité pour les frais d'appel, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant donc rejetée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré sur le montant du loyer,
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe à la somme de 19067€ le loyer annuel du bail renouvelé au 1er/12/2005,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives aux intérêts sur les compléments de loyer résultant de la fixation,
Y ajoutant,
Déboute la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL de sa demande de dommages-intérêts pour acharnement judiciaire,
Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute, en conséquence, la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL de sa demande à cet égard,
Dit que les dépens de première instance seront partagés par moitié entre les parties, en ce inclus les frais d'expertise, et que les dépens d'appel seront supportés par la société PLANÈTE VINS INTERNATIONAL dont distraction au profit de la SCP RIBAUT.