Cass. crim., 8 décembre 2020, n° 20-83.885
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Leblanc
Avocat général :
Mme Bellone
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une enquête préliminaire a été ouverte suite au renseignement selon lequel une habitation située à Wattrelos était susceptible d'abriter une plantation d'herbe de cannabis d'environ mille plants devant être récoltée à court terme.
3. Les investigations ont permis de confirmer qu'une culture de produits stupéfiants avait bien eu lieu dans cette maison et environ cinq kilogrammes d'herbe de cannabis, séchée et visiblement abandonnée, y ont été découverts.
4. Les enquêteurs ont, dans le cadre de l'enquête préliminaire, mis en place des surveillances physiques, appuyées par des moyens vidéos sur la voie publique, puis procédé à l'interpellation de différentes personnes.
5. Parmi celles-ci, M. X... C..., lequel a été filmé par le moyen de vidéosurveillance utilisé, a été mis en examen le 29 mars 2019 des chefs susvisés.
6. Le 11 juillet 2019, son conseil a déposé une requête devant la chambre de l'instruction aux fins de voir constater que les vidéosurveillances réalisées sur la voie publique, datées des 21 janvier 2019, 14 février 2019 et 27 février 2019, ont été mises en oeuvre sans l'accord d'un magistrat du siège indépendant et en conséquence de voir ordonner la nullité des procès verbaux relatifs aux surveillances précitées ainsi que la cancellation de différents actes subséquents.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation de l'article 14 du code de procédure pénale par fausse application, et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a validé l'installation d'une vidéosurveillance sur un lieu public par des officiers de police judiciaire agissant en enquête préliminaire, sans autorisation préalable du juge, alors que tout dispositif de captage et d'enregistrement d'une image, d'une personne, fût-ce dans un lieu public, suppose nécessairement une ingérence dans sa vie privée et ne peut être mis en place que sous le contrôle effectif d'un juge, et selon les modalités qu'il a au préalable autorisées ; que l'article 14 du code de procédure pénale ne donne aucune autorisation générale aux officiers de police judiciaire agissant en enquête préliminaire d'utiliser un tel dispositif de leur propre chef ; qu'en validant le procédé, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
9. Le procureur de la République tient des articles 39-3 et 41 du code de procédure pénale le pouvoir de faire procéder, sous son contrôle effectif et selon les modalités qu'il autorise s'agissant de sa durée et de son périmètre, à une vidéosurveillance sur la voie publique, aux fins de rechercher la preuve des infractions à la loi pénale.
10. L'ingérence dans la vie privée qui résulte d'une telle mesure présentant par sa nature même un caractère limité et étant proportionnée au regard de l'objectif poursuivi, elle n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
11. Pour écarter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité, au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de la pose d'un moyen de vidéosurveillance sur la voie publique n'ayant pas été autorisée par un magistrat du siège indépendant, l'arrêt attaqué retient que l'installation de vidéosurveillance enregistrant l'image d'une ou plusieurs personnes présentes dans un lieu public est étrangère aux dispositions de l'article 706-96 du code de procédure pénale, le législateur ayant estimé que la présence d'un individu, dans un tel lieu, étant par nature susceptible d'être vue par quiconque, il n'y avait pas lieu de prévoir un dispositif légal spécifique pour en capter et fixer l'image.
12. L'arrêt indique en outre que la mise en oeuvre d'un tel dispositif n'implique pas d'acte de contrainte, ni d'atteinte à l'intégrité des personnes dont l'image est ainsi recueillie, ni de saisie, d'interception ou d'enregistrement des paroles de ces personnes et que les officiers de police judiciaire, agissant en préliminaire, tiennent de l'article 14 du code de procédure pénale le droit de mettre en place et d'exploiter, au surplus avec l'autorisation préalable du procureur de la République et sous le contrôle de celui-ci, un dispositif de vidéosurveillance ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, de capter, fixer et enregistrer les images de personnes se trouvant dans un lieu public, afin d'identifier les auteurs ou complices d'infractions.
13. C'est à tort que l'arrêt écarte toute atteinte à la vie privée pouvant résulter de la mise en oeuvre d'une vidéosurveillance sur la voie publique, et considère que les enquêteurs pouvaient y procéder sans autorisation du procureur de la République.
14. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors qu'il résulte de ses propres constatations que le procureur de la République a spécialement autorisé les enquêteurs à installer le dispositif contesté selon des modalités précises et qu'il en a effectivement assuré le contrôle.
15. Dès lors, le moyen sera écarté.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.