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Décisions

Cass. crim., 19 septembre 1990, n° 90-84.129

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Diémer

Avocat général :

M. Libouban

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Rennes, ch. d'acc., du 31 mai 1990

31 mai 1990

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :

- X... Joseph, alias Y...,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 31 mai 1990, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de recel de vol aggravé, a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance de placement en détention rendue par le juge d'instruction et a confirmé ladite ordonnance.

LA COUR,

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 144 et 145 du Code de procédure pénale, 5. 1 c, 5. 3, 5. 4 et 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense et du principe du contradictoire :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'ordonnance du placement en détention de l'inculpé ;

" aux motifs que l'inculpé se prévaut de cette nullité du fait qu'à l'issue du débat contradictoire et avant de rendre sa décision, le procureur de la République et le greffier sont restés quelques minutes dans le cabinet du juge d'instruction, porte fermée, tandis que l'inculpé et son conseil étaient sortis ; qu'aucune disposition de la loi n'impose au juge d'instruction de délibérer hors la présence du ministère public et du greffier et que rien ne permet de supposer que le débat contradictoire se soit ensuite poursuivi ;

" alors, d'une part, que la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement est un principe général du droit en vertu duquel tout magistrat du Parquet est interdit de siéger comme juge dans une affaire où il a fait des actes de poursuite ou de participer à un délibéré, fût-ce avec une voix uniquement consultative ; que la présence du représentant du ministère public lors du délibéré qui a suivi le débat contradictoire a eu pour effet de vicier fondamentalement la décision du magistrat instructeur rendue en méconnaissance des droits de la défense et des dispositions des articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

" alors, d'autre part, que le principe selon lequel l'inculpé ou son conseil doivent avoir la parole en dernier s'applique à toute décision judiciaire, et notamment lors du débat contradictoire organisé dans le cabinet du juge d'instruction relatif à la détention provisoire de l'inculpé, ainsi qu'il s'en déduit des dispositions impératives de l'article 145 du Code de procédure pénale ; que la seule présence du ministère public durant le délibéré suffit à établir, outre la violation du principe du contradictoire, la méconnaissance de ce principe essentiel aux droits de la défense et, par suite, la nullité de l'ordonnance de placement en détention de l'inculpé " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que selon les dispositions de l'article 145 du Code de procédure pénale, lorsque le juge d'instruction envisage de placer l'inculpé en détention provisoire, il statue en audience de cabinet après un débat contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public, puis les observations de l'inculpé et, le cas échéant, celles de son conseil ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information ayant été ouverte notamment contre Joseph X... du chef de recel de vol avec effraction, ce dernier a été placé en détention par ordonnance du juge d'instruction en date du 17 mai 1990 ;

Attendu que l'inculpé a interjeté appel de cette ordonnance et saisi la chambre d'accusation de conclusions tendant en particulier à l'annulation de cette décision au motif qu'à l'issue du débat contradictoire, alors que X... et son conseil avaient quitté le cabinet du juge d'instruction mais avant que ce dernier ne statue sur la détention, le procureur de la République était resté seul quelques instants avec ce magistrat et son greffier, violant ainsi le secret du délibéré et la règle suivant laquelle le prévenu ou son conseil auront toujours la parole en dernier ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution, en date du 17 mai 1990, de Joseph X..., régulièrement produit devant la Cour de Cassation, que l'avocat ayant, avec l'accord de l'inculpé, demandé que le débat contradictoire sur la détention ait lieu immédiatement, le juge d'instruction a entendu le ministère public en ses réquisitions, le conseil en ses observations, X... ayant ensuite ajouté n'avoir rien à déclarer ; que le magistrat instructeur a avisé l'inculpé que par ordonnance du même jour, il était placé en détention provisoire et que mandat de dépôt était décerné contre lui ;

Que cependant le procès-verbal porte, après les signatures du juge d'instruction, du greffier et de l'inculpé, la mention suivante :

" De même suite et assisté comme dessus. A la demande de Me Appère, conseil de l'inculpé, mentionnons qu'à l'issue du débat, M. le procureur de la République est resté, porte fermée, pendant quelques minutes avec le juge d'instruction, hors la présence du conseil et de l'inculpé mais en la présence du greffier " ;

Attendu qu'il résulte de l'existence de cette dernière mention que le principe du contradictoire a pu ne pas être respecté ;

D'où il suit que le moyen est fondé et que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 31 mai 1990 ;

CONSTATE l'inexistence d'un titre de détention régulier ;

DIT qu'il n'y a lieu à renvoi.