Cass. crim., 21 février 2023, n° 22-86.760
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Seys
Avocat général :
M. Quintard
Avocats :
SCP Spinosi, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 5 novembre 2021, M. [U] [Z] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.
3. Le 24 mai 2022, il a été mis en liberté sous contrôle judiciaire.
4. Par ordonnance du 4 octobre 2022, le juge d'instruction a modifié ce contrôle judiciaire, y ajoutant notamment les interdictions de toute apparition et représentation publiques dans le cadre de l'activité artistique de la personne mise en examen ainsi que de toute activité impliquant un contact avec des mineurs.
5. Le 5 octobre suivant, M. [Z] a relevé appel de cette ordonnance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle ajoutait, comme obligation prononcée au titre de son contrôle judiciaire, l'interdiction pour M. [Z] de se livrer à certaines activités professionnelles, alors :
« 1°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression lorsque cela est invoqué ; qu'a méconnu les articles 10 de la Convention européenne, 138 12°, 591 et 593 du code de procédure pénale ; la chambre de l'instruction qui s'est bornée, pour confirmer le prononcé à l'encontre de M. [Z] de l'interdiction d'apparitions et de représentations publiques dans le cadre de son activité d'artiste, à relever que le « moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression n'est pas opérant en l'espèce, [U] [Z] étant mis en examen pour des infractions à caractère sexuel et présentant un risque de renouvellement des faits » (arrêt, p. 14), sans contrôler, comme cela lui était demandé, la proportionnalité de la mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression artistique de M. [Z] ;
2°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté individuelle et au droit au travail lorsque cela est invoqué ; que s'agissant d'un individu exerçant la profession de chanteur, la liberté d'expression artistique constitue une composante de son droit au travail ; qu'a encore méconnu les articles 138 12°, 591 et 593 du code de procédure pénale ; la chambre de l'instruction qui s'est bornée, pour confirmer le prononcé à l'encontre de M. [Z] de l'interdiction d'apparitions et de représentations publiques dans le cadre de son activité d'artiste, à relever que le « moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression n'est pas opérant en l'espèce, [U] [Z] étant mis en examen pour des infractions à caractère sexuel et présentant un risque de renouvellement des faits » (arrêt, p. 14), sans contrôler, comme cela lui était demandé, la proportionnalité de la mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression artistique comprise comme composante du droit au travail de M. [Z]. »
Réponse de la Cour
7. C'est à tort que les juges n'ont pas examiné, comme les y invitait le mémoire, si l'interdiction professionnelle imposée à M. [Z] dans le cadre du contrôle judiciaire ne constitue pas une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, telle qu'elle est garantie par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En effet, l'interdiction faite à une personne mise en examen, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, de se livrer à tout ou partie de son activité professionnelle d'artiste constitue une ingérence dans sa liberté d'expression et entre dès lors dans le champ de cet article.
9. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que l'interdiction prononcée répond aux conditions posées par le second paragraphe de la disposition précitée.
10. En effet, d'une part, l'interdiction est prévue par la loi et répond aux objectifs de sûreté publique et de protection de l'ordre.
11. D'autre part, elle est proportionnée en ce qu'elle est temporaire, l'intéressé pouvant, en outre, à tout moment, en demander la mainlevée dans les conditions de l'article 140 du code de procédure pénale, qu'elle est prononcée à titre de mesure de sûreté et ne porte que sur certaines modalités d'exercice de son activité artistique.
12. Ainsi, le moyen, irrecevable comme nouveau en sa seconde branche, n'est pas fondé.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.