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Décisions

Cass. crim., 7 mars 2023, n° 22-82.921

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

M. Coirre

Avocat général :

M. Lagauche

Avocats :

Me Haas, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Besançon, du 24 mars 2022

24 mars 2022

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [H], co-gérant du groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 1] (le GAEC), a dénoncé un acte de malveillance après le déversement du contenu de sa cuve à lisier dans un cours d'eau jouxtant son exploitation.

3. M. [H] a été convoqué devant le tribunal correctionnel en son nom personnel ainsi qu'en qualité de représentant légal du GAEC pour y répondre de l'infraction de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer.

4. Après les avoir déclarés coupables de ces infractions, le tribunal a condamné M. [H] à six mois d'emprisonnement avec sursis, le GAEC à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

5. M. [H], le GAEC et diverses parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le GAEC [Adresse 1] coupable de déversement par personne morale de substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles de la mer du 3 au 6 mars 2018, à Longchaumois et, en répression, l'a condamné au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors « que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en l'espèce, pour relaxer [Y] [H] des fins de la poursuite, la cour d'appel a constaté que « les éléments de l'enquête ne permettent pas de déterminer avec certitude la ou les personnes qui ont procédé au déversement dans le ruisseau du Potet du contenu de la cuve à lisier de M. [H] » (arrêt, p. 10) ; qu'en fondant ensuite la déclaration de culpabilité du Gaec [Adresse 1] du chef du délit de pollution aquatique sur une imputation de culpabilité à cette personne morale, prise abstraitement, sans identifier le ou les organes ou représentants de ce Gaec, personnes physiques, qui en seraient les auteurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 121-2, 131-38, 131-39 du code pénal, L. 216-6, L. 173-5, L. 173-8 du code de l'environnement et 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

7. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

8. Pour déclarer le GAEC coupable des faits lui étant reprochés, après avoir relaxé son représentant légal au motif que l'enquête n'avait pas permis d'identifier avec certitude l'auteur du déversement du contenu de la cuve à lisier, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la méthode de fermeture de la trappe de la cuve appliquée par M. [H], en connaissance de l'existence d'un cours d'eau à proximité immédiate du réservoir, avait nui gravement à la sécurité.

9. Les juges en déduisent que la personne morale a commis une faute en ne prenant pas toutes les précautions requises et recommandées tant par le constructeur que dans les guides de bonnes pratiques pour éviter une pollution.

10. Ils ajoutent que ces manquements ou négligences ont été commis dans l'intérêt de la personne morale et par son représentant agissant pour son compte.

11. En se déterminant ainsi par des motifs contradictoires, dès lors que, saisie à l'encontre de ce représentant du même délit prévu à l'article L. 216-6 du code de l'environnement, réprimant les rejets intentionnels ou non intentionnels dans les eaux superficielles ou souterraines qui entraînent des dommages à la faune ou à la flore, cause directe du dommage, elle avait au préalable écarté sa responsabilité pénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 24 mars 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.