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Décisions

CA Lyon, 4 juin 2020, n° 18/01962

LYON

Arrêt

Confirmation

CA Lyon n° 18/01962

3 juin 2020

CA Lyon, 4 juin 2020, no 18/01962

Par acte sous-seing privé conclu à la fin de l'année 1997, M. C. a déposé un véhicule Aston-Martin modèle Lagonda année 1983 immatriculé 120 HDT 75 dans les locaux de la société Chaufailles Europe expo aux droits de laquelle se trouve désormais la société GT spirit, avec mandat de le vendre au prix minimum de 230'000 Fr (35'063,27 €).

Par courrier du 2 mars 2015, la société GT spirit, auprès de laquelle s'était manifesté un acquéreur en février 2015, a mis M. C. en demeure de lui remettre la carte grise du véhicule automobile au plus tard le 31 mars 2015, à peine de résiliation du contrat ; elle lui a également indiqué qu'elle lui facturerait à compter du 1er avril 2015 des frais de garage de 30 € par jour dans l'attente de l'enlèvement du véhicule par ses soins.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2015, M. C. a contesté le prix de vente de 17'000 € accepté par la société GT Spirit, considérant que la valeur du véhicule était de 45'000 € et que le prix de vente convenu entre les parties était de 230'000 Fr., soit « plus ou moins 40'000 € » ; il a également rappelé à sa cocontractante que selon les termes du contrat, aucun frais de garage ne pouvait lui être réclamé sans demande expresse de sa part.

Par courrier en réponse, la société GT Spirit a indiqué à M. C. qu'elle considérerait le contrat comme caduc et qu'il serait résilié le 31 mars 2015 sans nouvelle de sa part, lui rappelant les termes de son précédent courrier relatif aux frais de garage facturés à compter du 1er avril 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2015, M. C. a indiqué que la non délivrance de la carte grise était liée à l'offre anormalement basse de 17'000 € et par courrier du 12 novembre suivant, il a sollicité la restitution de son véhicule auprès de la société GT Spirit.

Par courrier de son conseil du 18 novembre suivant, cette dernière a donné son accord à la restitution du véhicule sous réserve du règlement de ses frais.

Par courrier de son conseil du 29 décembre 2015, M. C. a contesté l'existence d'un contrat de dépôt-vente conclu avec la société GT Spirit et l'exercice par celle-ci d'un droit de rétention et il a sollicité la restitution de son véhicule au plus tard le 30 janvier 2016.

Par courrier en réponse du 18 février 2016, la société GT Spirit a considéré qu'elle était fondée à demander paiement des frais de garage et à exercer un droit de rétention sur le véhicule ; elle a alors notifié à son cocontractant qu'à défaut de paiement elle engagerait une procédure judiciaire.

Par acte d'huissier du 17 mai 2016, la société GT Spirit a fait citer M. C. devant le juge des référés en paiement des frais de gardiennage et par ordonnance du 6 septembre 2016, sa demande a été rejetée comme les demandes reconventionnelles du défendeur.

C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 13 décembre 2016, la société GT Spirit a fait citer M. C. devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en paiement de la somme de 18'270 € au titre des frais de gardiennage pour la période du 1er avril 2015 au 1er décembre 2016, montant à parfaire au jour du jugement et en paiement de la somme de 30 € par jour jusqu'à reprise par l'intéressé de son véhicule.

Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal a :

- dit que la résiliation du contrat de dépôt-vente conclu le 30 novembre 1997 est intervenue le 31 mars 2015 aux torts partagés des parties,

- débouté M. C. de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour rupture fautive ou abusive du contrat,

- débouté la société GT Spirit de sa demande en paiement de frais de gardiennage,

- ordonné à la société GT Spirit de restituer le véhicule Aston-Martin modèle Lagonga année 1983 immatriculé 120 HDT 75 à M. C. ou à tout huissier de justice mandaté par lui, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, au lieu où le véhicule est actuellement entreposé,

- dit que si le véhicule n'est pas en état de circuler, il devra être remorqué ou transporté aux frais de son propriétaire,

- débouté M. C. de sa demande reconventionnelle tendant à mettre à la charge de la société GT spirit les frais de remise en état du véhicule et les frais de contrôle technique,

- débouté M. C. de sa demande reconventionnelle tendant à voir ordonner la restitution sous astreinte du certificat d'immatriculation du véhicule par la société GT spirit,

- débouté les parties de leurs demandes d'indemnités judiciaires,

- laissé à chacune d'elle la charge de ses propres dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Selon déclaration du 15 mars 2018, la société GT Spirit a formé appel à l'encontre de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 25 septembre 2018 par la société GT Spirit qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. C. de l'intégralité de ses prétentions et à sa réformation pour le surplus, demandant à la cour à titre principal, de condamner ce dernier à lui payer la somme de 37'200 € correspondant aux frais de gardiennage dus pour la période du 1er avril 2015 au 24 septembre 2018, outre frais de gardiennage à raison de 30 € par jour à compter du 30 avril 2018 et jusqu'à la date à laquelle il reprendra possession son véhicule, dont il ne pourra obtenir la restitution qu'après s'être acquitté de la totalité des sommes dues à ce titre et à titre subsidiaire, de condamner M. C. à lui payer une somme de 32'790 € à titre de dommages-intérêts outre une indemnité de 30 € par jour à compter de cette date jusqu'à reprise de possession du véhicule dont il ne pourra obtenir la restitution qu'après s'être acquitté de la totalité des sommes dues à ce titre, sollicitant enfin la condamnation de l'appelant aux dépens et à lui payer une indemnité procédure de 5 000 €,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 27 juillet 2018 par M. C. qui conclut :

À titre principal :

- à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société GT spirit de sa demande en paiement des frais de gardiennage, dit que le contrat de dépôt-vente a été conclu le 30 septembre 1997 et ordonné à la société GT spirit de lui restituer le véhicule et à son infirmation pour le surplus, demandant à la cour de débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture fautive et abusive du contrat, à la restitution du véhicule remis en état de fonctionnement à ses frais, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'échéance du délai de deux mois suivant la signification du jugement, à la conservation du véhicule aux frais de la société GT Spirit et à la restitution de la carte grise sous astreinte de 100 € par jour dans un délai de 60 jours

suivant la signification du jugement,

À titre subsidiaire, au cas où le juge considère que la carte grise n'avait pas été remise par ses soins :

- au débouté la société GT spirit de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement d'une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture fautive et abusive du contrat de vente, à la restitution du véhicule en état de fonctionnement et à sa conservation aux frais la société,

En tout état cause :

- à la condamnation de la société GT Spirit aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 8 janvier 2019.

MOTIFS ET DÉCISION

La société GT Spirit prétend n'avoir commis aucune faute au titre du contrat de dépôt-vente signé entre les parties et dont les différences de date sur chacun des exemplaires détenu par ces dernières n'est d'aucune conséquence ; elle explique avoir négocié une vente à hauteur de 20'000 € à revenir à l'acheteur sur laquelle devait être déduits des frais de remise en route pour un montant de 3 000 € alors même que le véhicule était immobilisé depuis 18 ans, M. C. lui ayant donné son accord téléphonique pour ce faire.

Elle soutient que ce dernier ne lui a jamais remis la carte grise du véhicule et qu'elle était ainsi du fait de son mandant, dans l'incapacité de parvenir à la cession du véhicule ; qu'elle était donc bien fondée à résilier le contrat de mandat.

S'agissant des frais de gardiennage, la société GT spirit soutient que dans la mesure où le contrat de dépôt du véhicule, accessoire au mandat de vente résilié, a perduré, elle se trouve bien fondée à solliciter le paiement des frais de gardiennage dont le caractère gratuit n'était que la contrepartie du mandat de vente.

Elle ajoute enfin qu'aucune obligation d'entretien du véhicule ne s'imposait à elle dans le cadre du mandat de vente dont elle avait été chargée.

M. C. fait valoir quant à lui que les parties sont liées par un contrat de mandat exclusif de vente et un contrat de dépôt, la gratuité des frais de gardiennage ayant expressément été convenue entre elles ; elle ajoute qu'aucun contrat de dépôt accessoire n'a pu naître après la date de résiliation du contrat de dépôt-vente.

Il considère fautive cette résiliation par la société GT spirit du contrat ne comportant aucune clause résolutoire alors même qu'il n'y avait aucune urgence ni faute grave de sa part, la carte grise du véhicule ayant été remise à sa cocontractante dès la signature du contrat ; il ajoute que celle-ci n'a pas exécuté sa mission en acceptant une offre inférieure au prix convenu sans l'accord de son mandant.

Il soutient enfin qu'il appartient au dépositaire de restituer le véhicule dans l'état de marche dans lequel il l'a reçu et de restituer les accessoires dont la carte grise.

Sur ce :

Il convient d'abord de relever qu'aucune conséquence n'a été tirée par les parties, que ce soit en première instance ou en cause d'appel, de la différence relevée à juste titre par le premier juge entre les deux copies du contrat de dépôt-vente produite par chacune d'elles, l'une de mauvaise qualité comportant plusieurs mentions manuscrites en surcharge et portant une date tronquée pouvant être celle du 28 décembre 1997 et l'autre datée du 30 novembre 1997, parfaitement claire et lisible, produite par M. C. et seule retenue à juste titre par le tribunal.

Ce contrat du 30 novembre 1997 est ainsi libellé :

' Je soussigné Michel C., demeurant [...], téléphone [...] Fax [...], remets ce jour en dépôt avec sa carte grise et son certificat de vente un véhicule de marque ASTON MARTIN, modèle Lagonda, série LOOL13164, année 1983, carrosserie berline, immatriculation 120 HDT 75 pour lequel je vous donne mandat de vente au prix de 230 000 F deux centre trente mille frs (minimum net pour moi).

Je m'engage pour une durée ferme et irrévocable de 6 mois à compter de ce jour, à vous réserver l'exclusivité de la vente et à ne pas traiter moi-même avec un acquéreur (ceci induit que je ne passerai aucune publicité sans préalablement vous en aviser). Sans avis de ma part avant l'échéance de ce contrat, ce dernier sera tacitement reconduit pour la même durée.

Il est précisé que sans demande expresse de ma part, aucun frais de garage et autre service ne seront à ma charge. Mon véhicule sera entreposé dans un local fermé, et assuré d'après la valeur fixée au présent contrat.

Vous voudrez bien me rendre compte de votre mandat, dès que cette opération sera terminée.

Etat descriptif

Mécanique : bon état

Carrosserie/peinture : d'origine

Intérieur : cuir d'origine

Pneumatiques : bons

Fait à Chauffailles, en double exemplaire le 30/11/1997. '

Suivent la signature et le cachet de la société Chauffailles Europe Expo et la signature de M. C. précédée de la mention 'lu et approuvé'.

Le premier juge a alors très justement analysé le contrat ainsi convenu entre les parties en un contrat de dépôt avec mandat exclusif de vente et considéré que la société GT spirit venant aux droits de la société Chauffailles Europe Expo, est ainsi tenue des obligations incombant au dépositaire et au mandataire alors que M. C. est tenu des obligations incombant au déposant et au mandant.

Le contrat d'une durée initiale de 6 mois, renouvelable par tacite reconduction sans limitation de durée, pouvait faire l'objet d'une résiliation unilatérale par l'une ou l'autre des parties, sous réserve d'un préavis raisonnable par application de l'article 1134 ancien du code civil, quand bien même cette faculté n'a pas été exprimée dans l'acte.

La résiliation du dit contrat est intervenue en l'espèce le 31 mars 2015, à l'initiative de la société GT spirit, conformément à la mise en demeure adressée à M. C. le 2 mars précédent.

S'il est mentionné au contrat de dépôt-vente que M. C. a remis au dépositaire le véhicule avec son certificat d'immatriculation, le courrier du 26 mai 2015 qu'il a adressé à la société GT spirit contient l'aveu que la remise du certificat d'immatriculation n'a pas eu lieu puisque M. C. écrit : ' Je vous rappelle à nouveau que la non délivrance de la carte grise du véhicule est tout simplement liée à votre offre anormalement basse de 17 000 € (dix sept mille euros) déduction faite des frais de remise en route que vous avez estimés à 2 500 €.'

La production au dossier de la société GT spririt d'un certificat d'immatriculation établi au nom du vendeur de M. C., barré pour avoir été cédé à ce dernier en 1982, confirme d'ailleurs que le document remis au dépositaire ne consistait pas dans celui correspondant à l'identité du mandant.

L'absence de remise du certificat d'immatriculation du véhicule confié en dépôt-vente par M. C. qui en avait l'obligation aux termes du contrat, constitue une faute de sa part, rendant plus difficile la vente du véhicule auprès d'un acquéreur potentiel, l'absence de toute réclamation antérieure à ce titre de la part du dépositaire ne pouvant exempter pour autant le déposant qui s'était engagé en la matière.

Il s'avère par ailleurs que la société GT spirit qui ne conteste pas avoir accepté une offre d'achat en février 2015 à hauteur de 17 000 €, alors même que le prix minimum convenu entre les parties avait été fixé à 35 063,27 €, ne justifie pas de l'accord qu'elle prétend avoir obtenu à ce titre de son mandant.

Elle a ainsi également commis une faute et la résiliation du contrat dont elle a pris l'initiative doit donc être considérée comme étant intervenue aux torts partagés des parties, confirmant en cela la décision du tribunal.

La rupture du contrat aux torts partagés ne peut être constitutive d'un abus commis au préjudice de M. C. qui ne démontre d'ailleurs pas l'existence des préjudices matériel et moral qu'il invoque ; sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts doit être rejetée, confirmant encore en cela la décision critiquée.

La convention des parties formait un ensemble contractuel indivisible de sorte que la résiliation intervenue le 31 mars 2015 a provoqué l'extinction de toutes les obligations des parties, la société GT spirit se trouvant dès lors mal fondée à soutenir que le contrat de dépôt, accessoire, a perduré jusqu'à la restitution du véhicule.

M. C. aurait dû récupérer son véhicule entreposé dans les locaux de la société GT spririt dès la résiliation du contrat ; en s'abstenant de le faire, il a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil et il doit en conséquence réparer le préjudice éventuellement subi à ce titre par la société GT spirit.

Celle-ci invoque des frais qu'elle aurait engagés de ce chef pour la conservation du véhicule génér des frais de parking, de gardiennage et d'assurance.

Elle ne produit cependant aucun élément justificatif à ce titre, la cour ignorant même dans quelles conditions est toujours entreposé le véhicule Aston martin : local spécifique ou commun, montant des cotisations de l'assurance souscrite et nombre de véhicules concernés, existence ou non d'un dispositif de surveillance technique ou humain...

La fixation à la somme journalière de 30 € des frais engagés n'est donc pas justifiée et il convient de débouter la société GT spirit de sa demande en dommages-intérêts de ce chef.

Dans la mesure où le contrat des parties est résilié depuis le 31 mars 2015, M. C. est en droit d'obtenir la restitution de son véhicule et le jugement qui a ordonné cette restitution à ce dernier ou tout huissier de justice mandaté par lui, sans astreinte, avec remorquage éventuel et transport aux frais de son propriétaire mérite confirmation.

L'article 1933 du code civil prévoit que 'Le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de sa restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenus par son fait sont à la charge du déposant.' ; il s'en suit que si le dépositaire est tenu de rendre la chose déposée dans l'état où elle se trouvait, il n'est pas tenu, sauf négligence, par la détérioration du véhicule du fait de sa vétusté, de son usure normale et de tous les phénomènes matériels liés à son exposition.

M. C. ne démontre pas l'existence de détériorations sur son véhicule et si des frais de remise en route sont susceptibles de devoir être engagés après son immobilisation prolongée, cette situation ne peut être imputée à la société GT spirit, laquelle tenue de conserver le véhicule déposé dans l'état où il se trouvait, n'avait pas l'obligation d'entretenir les organes mécaniques.

Confirmant le jugement critiqué, il convient dès lors de débouter M. C. de sa demande tendant à voir mettre à la charge de la société GT spirit les frais de remise en état et de contrôle technique du véhicule.

M. C. qui a reconnu ne pas avoir transmis la carte grise du véhicule à la société GT spirit ne peut réclamer la restitution de ce document sous astreinte et sa demande à ce titre doit donc être rejetée, confirmant encore le jugement critiqué.

De la même façon que devant le tribunal, chaque partie succombe en la plupart de ses prétentions ; chacune d'elles conservera donc la charge de ses propres dépens et aucune indemnité ne sera allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er mars 2018 par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.