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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 31 octobre 2014, n° 13/13545

PARIS

Arrêt

Confirmation

TGI Meaux, du 23 mai 2013

23 mai 2013

Monsieur Alain DESEAUX est propriétaire de cinq poneys : Queen de Stankou, Royale de Stankou, Sirene de Stankou, Soleil de Stankou et Tatiana de Stankou qui ont été confiés à Monsieur Stéphane PONCET qui gère un Centre équestre « le Haras des bois de Brie » à Pommeuse.

M DESEAUX a repris possession de deux des poneys en juillet 2012 mais M PONCET s'est opposé à la restitution des trois autres poneys en indiquant qu'il s'agissait d'un dépôt-vente- exploitation et que si les frais d'entretien étaient à sa charge, en échange de leur exploitation il devait bénéficier d'une rétribution sur la vente de ces poneys et qu'à défaut ces frais lui étaient dûs.

Par jugement en date du 23 mai 2013 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de grande instance de MEAUX a condamné Monsieur DESEAUX à payer à Monsieur PONCET au titre des frais d'entretien et de soins de ses cinq poneys la somme de 23.820,37 euros arrêtée au 31 mars 2013 ; dit que Monsieur PONCET est fondé à retenir les poneys Queen de Stankou, Royale de Stankou et Soleil de Stankou jusqu'à l'entier paiement des frais sus-visés ; condamné Monsieur DESEAUX à payer à Monsieur PONCET à compter du 1er avril 2013 la somme de 150 euros par mois et par poney pour Queen de Stankou, Royale de Stankou et Soleil de Stankou, tant que ceux-ci resteront à sa charge et qu'il sera autorisé à faire valoir son droit de rétention dans les termes de la décision ; débouté Monsieur DESEAUX de ses demandes et Monsieur PONCET de sa demande de dommages et intérêts ; condamné Monsieur DESEAUX à payer à Monsieur PONCET la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

Le tribunal a retenu que les poneys avaient été confiés à M PONCET en vue de les préparer à la compétition dans l'objectif de les vendre et non pour être utilisés au sein du poney club et que la remise en vue de la vente n'était pas exclusive de l'existence d'un contrat de dépôt onéreux par rétribution sur le prix de vente.

Il a débouté M PONCET de sa demande en dommages-intérêts fondée sur des actes de dénigrement en retenant qu'aucun préjudice n'était démontré.

M DESEAUX a interjeté appel de cette décision et dans ses conclusions notifiées le 30 juillet 2014 il demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à Monsieur Stéphane PONCET au titre des frais d'entretien et de soins des cinq poneys la somme de 23.820,37 euros, arrêtée au 31/03/2013, de dire et juger que sur ce montant il ne pourra être tenu qu'au paiement de la seule somme de 420,37 euros correspondant aux frais de ferrure et de vétérinaire des poneys, de l'infirmer également en ce qu'il a condamné Monsieur Alain DESEAUX à payer à Monsieur Stéphane PONCET, à compter du 1er avril 2013, la somme de 150 euros par mois et par poney pour « Queen de Stankou », « Royale de Stankou » et « Soleil de Stankou », tant que ceux-ci resteront à sa charge, de constater qu'en suite du jugement rendu le 23 mai 2013, Monsieur Alain DESEAUX s'est acquitté des condamnations mises à sa charge à hauteur de la somme totale de 25.055,37 euros, d'ordonner le remboursement par Monsieur Stéphane PONCET à Monsieur Alain DESEAUX de la somme de 24.635, 00 euros (25.055,37 euros - 420,37 euros), de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Stéphane PONCET de sa demande de dommages et intérêts et de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu à défaut de contrat écrit la volonté commune des parties était de s'engager dans un prêt à usage et non dans un dépôt-vente, contrairement à l'analyse faite par les premiers juges et comme le démontre l'utilisation des poneys par Monsieur Stéphane PONCET au sein de son club hippique ainsi que l'absence de toute contrepartie financière et de demande en paiement de pension durant plusieurs années, M PONCET n'ayant jamais cherché à faciliter la soit-disant vente des poneys bien au contraire, qu'enfin M PONCET a remis les deux premiers poneys à la demande de M DESEAUX sans discuter la qualification des relations contractuelles;

qu'il n'est donc redevable que des frais de ferrage et de vétérinaire et l'essentiel des condamnations assorties de l'exécution provisoire doit lui être restitué.

Dans ses conclusions signifiées le 1er septembre 2014 M PONCET demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 23 mai 2013 sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire formulée au titre des actes de dénigrement, de condamner Monsieur DESEAUX à verser à Monsieur PONCET la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, de débouter Monsieur Alain DESEAUX de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que Monsieur DESEAUX qui est éleveur de poneys de sport destinés à la compétition équestre et plus particulièrement aux concours de saut d'obstacles, lui a confié cinq poneys de sport afin qu'il les débourre, puis les valorise dans le but de les vendre, qu'il ne s'agit aucunement des mêmes poneys que ceux qui sont montés dans le cadre du club hippique, qu'en l'absence d'écrit la commune intention des parties a toujours été d'être liées par une relation juridique cumulant:

- un contrat de dépôt : Monsieur PONCET était en charge de la garde et de la conservation des poneys (nourriture, soins quotidiens, fourrage, paille, entretien du boxe'),

- un contrat d'entreprise : il avait également pour mission de les valoriser en les entraînant quotidiennement,

- un contrat d'intermédiaire de vente : il était enfin en charge de trouver des acheteurs potentiels et de présenter les poneys à la vente, le prix de vente justifié par la longueur et la qualité du travail de préparation à la compétition devait se répartir comme suit entre les parties : la part du prix comprise entre 0 et 5.000 euros reviendrait intégralement à Monsieur DESEAUX, la part comprise entre 5.000 et 10.000 euros reviendrait intégralement à Monsieur PONCET et la part du prix dépassant 10.000 euros serait partagée par moitié entre les deux ;

qu'à la demande de M DESEAUX il a laissé partir les deux poneys les plus jeunes qui, compte tenu de leur jeune âge et de leur faible niveau de dressage et de performance, n'auraient pas pu être vendus à un prix suffisamment conséquent pour lui permettre de percevoir une commission le rémunérant de son travail et de ses frais, contrairement aux trois autres poneys dont la valeur marchande était bien plus importante, qu'il a donc sollicité en exécution de cet accord la part du prix en cas de vente des trois autres poneys mais M DESEAUX a souhaité reprendre ses trois poneys sans rien régler et en soutenant pour la première fois que M PONCET utilisait les poneys pour les faire monter au sein du club hippique alors que les attestations de clients établissent le contraire et qu'il n'a jamais tiré la moindre rémunération de l'usage de ces poneys dont la sortie en compétition, par des enfants expérimentés, propriétaires de leurs propres poneys et s'illustrant en compétition avec ces derniers, n'avait pour but que d'aider à la valorisation des équidés de Monsieur DESEAUX en vue de leur vente ; que la mise en vente immédiate par M DESEAUX des poneys restitués confirme l'existence du dépôt-vente ; qu'enfin la finalité de l'activité d'un éleveur professionnel n'est ni de monter personnellement ses poneys, ni de les confier, à titre gratuit, à une école d'équitation mais bien de vendre sa production ;

qu'en application des dispositions des articles 1947 et 1948 du code civil il est en droit de réclamer les frais occasionnés par le dépôt et de retenir celui-ci jusqu'à leur paiement ;

qu'en outre depuis le mois de Juillet 2012, Monsieur DESEAUX n'a eu de cesse de dénigrer Monsieur PONCET auprès, non seulement de ses partenaires (vétérinaires, Maréchaux ferrant) mais également de ses clients en adressant à ces derniers des courriers rédigés sur un ton particulièrement agressif voire menaçant et en faisant diligenter des sommations interpellatives par voie d'huissier de justice auprès de clients de Monsieur PONCET mais également auprès de Monsieur CHAIR, Maréchal Ferrant ; qu'au surplus, il a pris attache avec la Direction des Services Vétérinaires (DSV), la Direction Départementale de la Jeunesse et des sports ainsi qu'avec l'inspection des fraudes qui sont venues faire un contrôle, le 13 février 2013, à l'écurie dirigée par Monsieur PONCET en demandant à vérifier l'état de santé des trois poneys appartenant à Monsieur DESEAUX ; que ce type d'agissements mis en œuvre de manière abusive, dans le seul but de nuire à Monsieur PONCET a nécessairement porté atteinte à l'honneur et à la réputation de ce dernier.

MOTIFS DE LA DECISION:

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1875 du code civil le prêt à usage qui permet à celui auquel la chose est livrée de s'en servir à charge de la rendre après usage est essentiellement gratuit alors que dans le cadre du dépôt défini à l'article 1915 du même code le dépositaire peut être rémunéré et que le contrat d'entreprise suppose une contrepartie financière ;

Considérant que, comme il est d'usage en la matière, M DESEAUX et M PONCET n'ont pas conclu de contrat écrit de sorte qu'il appartient à la cour de rechercher la commune intention des parties, M DESEAUX soutenant qu'il s'agissait d'un prêt à usage et M PONCET d'un dépôt-vente assorti d'un contrat d'entreprise aux fins de préparer des poneys de compétition pour les vendre en tant que tels ;

que M DESEAUX s'estime avoir été en droit de récupérer sans aucune contrepartie les trois poneys utilisés par M PONCET alors que ce dernier soutient que la contre partie financière des contrats de dépôt et d'entreprise reposait sur un pourcentage de la vente des animaux et qu'à défaut il lui est dû des frais de garde et de conservation des poneys et qu'il était en droit de retenir les animaux en application des dispositions des articles 1947 et 1948 du code civil ;

Considérant que les nombreuses attestations versées aux débats par les parties établissent que les poneys appartenant à M DESEAUX ont été montés dans le cadre d'un contrat d'entreprise aux fins de les entraîner et de les présenter à d'éventuels acheteurs lors de concours où ils étaient montés gratuitement par des cavaliers chevronnés et non dans le cadre d'un prêt à usage permettant leur utilisation à des fins personnelles par M PONCET dans des cours payants dispensés par le club hippique pour des élèves moins aguerris ;

qu'ainsi Mme PICCIN, Mme GUILLOUZOUIC et Mme DOREMUS attestent que leurs enfants ont monté les poneys de M DESEAUX occasionnellement, sans contrepartie financière, dans le cadre de compétitions destinées à entraîner les poneys et à les présenter à la vente ou à des fins d'entraînement (débourrage et dressage);

qu'en revanche les attestations versées par M DESEAUX ne font que rappeler en termes généraux les modalités de fonctionnement du club hippique et notamment la possibilité de prendre un poney en location pour l'entraîner et le sortir en compétition, mais ne permettent pas de retenir que M PONCET utilisait les poneys de M DESEAUX selon ces modalités et à d'autres fins que leur entraînement à la compétition et leur valorisation pour la revente ;

Que la commune intention des parties quant à l'existence d'un dépôt rémunéré sur la vente des équidés résulte également des attestations délivrées par Mme Laura BEUGNET et Mme GUILLOUZOUIC qui indiquent avoir entendu M DESEAUX dire qu'il avait confié ses poneys à M PONCET en vue de leur vente et avoir vu présenter ces animaux aux mêmes fins lors de concours hippiques, Mme BEUGNET précisant les modalités convenues entre les parties pour la rémunération de M PONCET qui devait recevoir le reliquat du prix de vente supérieur à 5 000 euros par poney ;

qu'enfin M DESEAUX fait valoir que si l'entraînement d'un poney peut prendre un certain temps, les poneys avaient été confiés dès 2008 à M PONCET qui n'avait donc pas ou plus l'intention de préparer les chevaux en vue de leur vente compte tenu du temps écoulé ce qui démontrerait en l'absence de demande en paiement de frais de pension que M PONCET utilisait les poneys à des fins personnelles ;

mais que la cour relève que seuls les poneys Queen de Stankou et Royale de Stankou ont été effectivement confiés en 2008 à M PONCET, les autres poneys étant remis plus récemment, que l'entraînement des poneys de compétition peut prendre plusieurs années et que les attestations précitées établissent que les présentations en compétition sont aussi l'occasion de rencontrer des acheteur potentiels et de présenter les animaux à la vente ; qu'ainsi M DESEAUX échoue à démontrer que M PONCET n'avait pas ou plus l'intention d'entraîner les poneys en vue de leur vente ;

qu' en conséquence les relations contractuelles unissant M PONCET et M DESEAUX relèvent à la fois du contrat de dépôt et du contrat d'entreprise;

Considérant que les parties n'ont pas prévu le versement d'une pension dans le cadre du dépôt ni d'une rémunération fixe dans le cadre du contrat d'entreprise car M PONCET devait se voir rétribuer de la prise en charge des poneys sur le prix de leur vente ;

que M DESEAUX a lui-même précisé à nouveau les modalités de répartition du prix de vente dans son courriel du 5 juillet 2012 ;

que cependant la volonté exprimée par M DESEAUX de ne plus procéder à la vente des animaux dont il entendait obtenir la restitution a privé M PONCET de sa rémunération de sorte qu'il est bien fondé en application des dispositions de l'article 1947 du code civil à demander au déposant les frais de conservation du dépôt étant précisé que les poneys Royale de Stankou et Soleil de Stankou ont été vendus le 14 juin 2013 pour le second et le 9 juillet 2013 pour la première, les poneys Sirène de Stankou et Tatiana de Stankou étant restitués le 31 juillet 2012 et le poney Queen de Stankou le 14 juin 2013 ;

qu'au vu des pièces justificatives versées aux débats il est dû par M DESEAUX les sommes suivantes:

- au titre des frais de pension justement évalués par le tribunal à 150 euros par poney et par mois : la somme de 25 270 euros ,

-au titre des frais justifiés de ferrure et de vaccins la somme de 2 227, 37 euros,

que les poneys ayant tous été restitués ou vendus la demande de rétention est devenue sans objet;

Considérant que M PONCET qui sollicite sur le fondement de l'article 1382 du code civil l'allocation de dommages-intérêts en réparation des actes de dénigrement qu'il reproche à M DESEAUX ne rapporte pas la preuve que de tels propos ou actes aient porté atteinte à son activité professionnelle et lui aient causé un quelconque préjudice ;

qu'en effet M PONCET ne démontre pas que les lettres adressées au vétérinaire et au maréchal ferrant dans lesquelles M DESEAUX se plaint de son comportement et qui sont des réponses explicatives à des demandes en paiement et non des initiatives délibérées auprès de professionnels, ainsi que la sommation interpellative diligentée par M DESEAUX à l'encontre d'une cliente de M PONCET dont la fille montait un poney appartenant à M DESEAUX le premier octobre 2010 lui ont causé un préjudice tel que la perte de clientèle ou le refus de ses partenaires de travailler avec lui ;

qu'enfin l'intervention de la Direction des Services Vétérinaires à la demande de M DESEAUX le 13 février 2013 a été motivée par une demande d'un propriétaire de chevaux sollicitant la vérification de leur état de santé dans un contexte conflictuel et ne constitue pas un acte de dénigrement ;

que c'est donc à juste titre que le tribunal a débouté M PONCET de sa demande en dommages-intérêts ;

Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer de ce chef à M PONCET la somme de 2 500 euros ;

Considérant que M DESEAUX qui succombe en son appel sera condamné aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire :

-Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la demande au titre du droit de rétention et le quantum des sommes allouées.