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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 6 septembre 2022, n° 21/04341

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beneix-Bacher

Conseillers :

M. Vet, M. Maffre

Avocats :

Me Gillet, Me Houll

Juge de l'exécution Montauban, du 7 oct.…

7 octobre 2021

M. [D] [U] et Mme [N] [R] se sont mariés le [Date mariage 2] 1995 à [Localité 6]. De leur union sont issus trois enfants.

Par ordonnance de non-conciliation du 3 juillet 2018 le juge aux affaires familiales de Montauban a accordé à Mme [R] la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit et condamné M. [U] à lui verser une contribution de 500 € par mois au titre du devoir de secours avec indexation.

M. [U] ayant formé appel de la décision, la cour d'appel de Toulouse constatait son désistement par arrêt du 7 février 2019.

Par requête du 19 décembre 2019, Mme [R] saisissait le juge aux affaires familiales d'une requête en rectification d'erreur matérielle, requête déclarée irrecevable le 13 janvier 2020, la cour ayant été saisie d'un appel étant seule compétente pour statuer.

Saisie par requête de Mme [R] du 11 février 2020, la cour d'appel de Toulouse a, par arrêt du 9 juillet 2020 :

' constaté l'erreur matérielle affectant le dispositif de l'ordonnance rendue le 3 juillet 2018 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montauban concernant la fixation du devoir de secours,

' ordonné la rectification du dispositif de l'ordonnance de non-conciliation rendue le 3 juillet 2018 complété comme suit : dit que M. [U] est tenu de supporter les charges afférentes au domicile conjugal,

' dit que la décision rectificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision modifiée.

Le 19 novembre 2020, Mme [R] a fait délivrer à M. [U] un commandement aux fins de saisie-vente pour obtenir le paiement des charges afférentes à son logement pour la période du 13 juillet 2018 au 12 mars 2020.

Par acte du 9 décembre 2020, M. [U] fait assigner Mme [R] devant le juge de l'exécution de Montauban aux fins d'annulation du commandement.

Par jugement du 7 janvier 2021, le juge de l'exécution a ordonné qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'ordonnance du juge de la mise en état de la chambre de la famille sur la demande de conversion de l'obligation de payer les charges afférentes au domicile conjugal en une somme mensuelle.

Par ordonnance du 12 mai 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban a :

' fixé à 638,85 € le montant des charges mensuelles afférentes au domicile conjugal dû par M. [U] à compter de l'ordonnance de non-conciliation du 3 juillet 2018 comprenant la taxe foncière pour 221 € par mois, la taxe d'habitation: 0 €, l'assurance multirisque : 42,23 €, l'électricité : 151,66 €, l'eau : 62,32 €, le fioul : 154,74 € et le gaz de cuisson : 6,90 €, soit 638,85 € arrondi à 640 € par mois,

' dit que cette somme sera due à compter de l'ordonnance de non-conciliation du 3 juillet 2018 sous déduction des sommes déjà versées à ce titre par M. [U].

Par jugement du 7 octobre 2021, le juge de l'exécution de Montauban a :

' cantonné le commandement du 19 novembre 2020 à la somme en principal de 6219,96 € arrêtée au 24 septembre 2020,

' débouté les parties de leurs autres demandes,

' condamné M. [U] aux dépens,

' rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.

Par déclaration du 22 octobre 2021, M. [U] a formé appel de la décision en ce qu'elle a :« cantonné le commandement du 19 novembre 2020 à la somme en principal de 6219,96 € arrêtée au 24 septembre 2020, débouté les parties de leurs autres demandes, condamné M. [U] aux dépens. ».

Par dernières conclusions du 6 janvier 2022, M. [U] demande à la cour de:

' ordonner la nullité du commandement aux fins de saisie-vente du 19 novembre 2020 et de la procédure de saisie-vente subséquente,

A titre subsidiaire

Vu l'article 1347 du Code Civil ,

' condamner Mme [R] à verser à M. [U] la somme de 29 142 €,

' dire et juger en toute hypothèse que l'échéancier de règlement des sommes convenu avec la SCP d'huissier est devenu sans objet et ordonner la restitution des sommes versées à ce titre,

' condamner Mme [N] [R] épouse [U] au paiement de la somme de 3000 €.

Par dernières conclusions du 28 décembre 2021, Mme [N] [R] demande à la cour de :

' confirmer en toutes ses dispositions, le jugement en date du 7 octobre 2021, rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montauban,

' débouter en conséquence M. [U] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

Y rajoutant ,

' condamner M. [U] au règlement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Houll, avocat.

La clôture de l'instruction est intervenue le 7 juin 2022.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS :

Sur la mesure d'exécution :

M. [U] fait valoir que le juge aux affaires familiales n'avait pas tenu compte du fait que Mme [R] avait seulement dépensé 1826 € au titre des charges et relève que la somme de 15'524,03 € correspondant au changement de la chaudière aurait dû faire l'objet d'une autorisation de sa part.

Il conteste avoir résilié les abonnements d'eau et d'électricité et affirme avoir réglé la taxe foncière depuis 2018, Mme [R] ne justifiant d'ailleurs pas avoir réglé les charges dont elle réclame le paiement.

Subsidiairement, il explique s'être vu notifier le 19 novembre 2021 un autre commandement aux fins de saisie-vente relatif à un arriéré de pension alimentaire mais que, selon l'ordonnance du 12 mai 2021, le juge aux affaires familiales a modifié le montant de sa contribution à l'entretien et l'éducation de ses filles, décision en exécution de laquelle il se considère créancier de Mme [R] à hauteur de 35'387,55 €. Au regard de la connexité des créances réciproques il a sollicité amiablement une compensation mais aucun accord n'a été trouvé. Il réclame en conséquence cette compensation dans le cadre de la présente instance.

Mme [R] oppose que M. [U], qui, le 8 août 2019 l'a informée qu'il cessait de régler les frais fiscaux et sa consommation d'eau et d'électricité, a résilié l'abonnement auprès de Veolia et refusé de régler la taxe foncière qui lui a été transmise le 29 septembre 2020.

Elle souligne qu'alors qu'elle dispose d'un titre exécutoire contre M. [U] à régler 640 € au titre des charges du logement familial, celui-ci ne démontre pas les avoir réglés pour la période couverte par le commandement de payer.

Enfin, elle fait valoir que le juge de l'exécution n'a pas été saisi d'une contestation du commandement relatif aux pensions alimentaires dues aux enfants du couple, qu'ainsi ce point n'est pas de sa compétence alors qu'au surplus elle affirme que M. [U] reste devoir 4093,58 € au titre de la contribution à l'entretien et l'éducation de [J] et [I]. Elle considère que M. [U] ne justifie pas d'une créance certaine et exigible autorisant une quelconque compensation.

L'article L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose: «Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.

Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution.».

L'article R 221-1 du même code précise : «Le commandement de payer prévu à l'article L. 221-1 contient à peine de nullité :

1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts . ».

En l'espèce, si le commandement délivré le 19 novembre 2020 fixait le montant des charges dues par M. [U] en exécution de l'ordonnance de non-conciliation du 3 juillet 2018 telle que rectifiée par la cour d'appel de Toulouse selon arrêt du 9 juillet 2020, le juge de la mise en état a le

12 mai 2021 modifié et ceci de manière rétroactive, les modalités de calcul de ces charges en ce qu'il en a fixé le montant à 640 € par mois à compter du 3 juillet 2018.

Dès lors, dans le cadre de la présente instance, le juge de l'exécution n'a plus à s'interroger sur la nature des charges incombant ou non à

M. [U], les justificatifs produits par Mme [R] ou la réalité de l'accord de M. [U] pour le changement de chaudière.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que, le montant des sommes dues selon le commandement du 19 novembre 2020 étant arrêté au 24 septembre 2020, la créance de Mme [R] s'élevait à cette date à 17'152 €, conformément à l'ordonnance du 12 mai 2021, dont il convenait de déduire le montant non contesté des versements effectués par M. [U] de 10'932,04 € soit un solde de 6219,96 € en faveur de Mme [R], peu importe que celle-ci ne justifie pas avoir régler la totalité des charges qu'il a été condamné à verser cette condition ne figurant pas à l'ordonnance du juge de la mise en état.

Il résulte des articles 1347 et suivants du Code civil que la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Il appartient à celui qui se prévaut d'une compensation légale d'établir qu'il est bien créancier au moment où il excipe de son exception.

En l'espèce, l'ordonnance de non-conciliation du 3 juillet 2018 a fixé à 2000€ par mois la contribution du père à l'entretien des deux enfants majeurs, [J] et [I] et à 200 € par mois sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant mineur, [G], avec indexation.

Le 19 novembre 2020, Mme [R] a fait délivrer à M. [U] un second commandement aux fins de saisie-vente aux fins d'obtenir le paiement de 13'444,76 € correspondant à des impayés au titre de la contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants pour la période 2018/2020. Ce commandement n'a pas été contesté par M. [U].

Cependant, le juge de la mise en état de Montauban a par ordonnance du 12 mai 2021 :

' supprimé la contribution à l'entretien et l'éducation de [J] mise à la charge de M. [U] à compter du 2 mars 2020,

' fixé à 500 € par mois le montant de la part contributive de M. [U] à l'entretien et l'éducation de [I] jusqu'en octobre 2021 puis à 700 € par mois à compter de novembre 2021, somme devant être versée directement entre les mains de l'enfant majeur,

' fixé à 1000 € par mois le montant de la part contributive de M. [U] à l'entretien et l'éducation de [G], comprenant ses frais de scolarité.

Les créances dont se prévalent chacune des parties ont une nature alimentaire.

De plus, peu importe que la créance dont se prévaut M. [U] ne fasse pas l'objet d'une procédure d'exécution ou qu'il n'ait pas contesté le commandement du 19 novembre 2020 puisqu'il suffit qu'il établisse l'existence d'une créance justifiant l'application des articles 1347 et suivants du Code civil .

Selon message du 23 juin 2021, l'huissier en charge du paiement direct de la pension alimentaire écrivait au conseil de M. [U] « concernant les sommes trop versées dans cette procédure, elles seront basculées dans le dossier des pensions alimentaires dues entre juillet 2018 et janvier 2020 ». Or, Mme [R] ne justifie pas de l'effectivité de cette déduction.

De plus, si le courrier établi par le conseil de M. [U] le 19 juillet 2021 comprend un décompte selon lequel au regard de l'ordonnance du 12 mai 2021, Mme [R] a bénéficié d'un trop-perçu à hauteur de 35'387,55 €, celle-ci ne verse aucun décompte contestant cette affirmation.

En conséquence, la somme dont M. [U] est créancier à l'égard de Mme [R] est supérieure à celle dont il est débiteur, et il convient de conclure après compensation, que Mme [R] n'est pas créancière de M. [U], et que la mainlevée de la saisie doit être ordonnée.

Pour les mêmes motifs, l'échéancier convenu avec l'huissier en charge du recouvrement des sommes dues par M. [U] au titre des charges doit être déclaré sans objet. Cependant, M. [U] ne présentant pas de décompte précis des sommes qu'il aurait versées en exécution de cet échéancier sa demande de restitution des sommes versées à ce titre doit être rejetée.

Enfin, au regard de la solution du litige, le juge de l'exécution n'a pas à dire que l'échéancier convenu avec l'huissier de justice le 3 décembre 2021 est sans objet ni à ordonner la restitution des sommes qui auraient été versées à ce titre et non justifiées en l'état. Enfin, le juge de l'exécution n'a pas compétence pour condamner Mme [R] à verser à M. [U] une somme correspondant au trop-perçu des contributions du père à l'entretien et l'éducation des enfants et la demande de condamnation de Mme [R] à lui verser la somme de 29'142 € doit être rejetée.

L'équité commande de rejeter l'ensemble des demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la solution du présent litige résultant de l'ordonnance du 12 mai 2021, M. [U] gardera à sa charge le coût du commandement délivré le 19 novembre 2020 et Mme [R] les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée de la procédure de saisie-vente,

Rejette la demande de dire et juger que l'échéancier de règlement des sommes convenu avec l'huissier est devenu sans objet et d'ordonner la restitution des sommes versées à ce titre,

Rejette la demande de condamnation de Mme [N] [R] au paiement de la somme de 29'142 €,

Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [N] [R] aux dépens de première instance et d'appel sauf le coût du commandement du 19 novembre 2020 qui restera la charge de M. [D] [U].