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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 9e ch. réunies, 25 mars 2021, n° 19/10459

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Bas Plantiers (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

Mme Pochic, Mme Tarin-Testot

Juge de l'exécution Digne-les-Bains, du …

13 juin 2019

Faits, procédure et prétentions des parties :

Monsieur Pierre B. a vécu durant plusieurs années en concubinage avec madame Carmen DI N. qui a constitué en 1997, une SCI Les Bas Plantiers pour procéder à l'acquisition d'une maison d'habitation et y réaliser des travaux de rénovation et d'agrandissement.

A la suite de la séparation du couple, madame DI N. ayant quitté l'immeuble en février 2014, le tribunal d'instance de Manosque le 31 août 2015, a déclaré monsieur B. qui se prévalait d'un bail verbal, occupant sans droit ni titre de la maison située à Corbières, ordonné son expulsion et l'a condamné à une indemnité d'occupation mensuelle de 800 € par mois à compter du 12 janvier 2015, jusqu'à son départ effectif des lieux. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de ce siège en date du 30 novembre 2017, qui a par ailleurs condamné monsieur B. à une somme supplémentaire de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens, et débouté madame DI N., détentrice de SCI à l'exception d'une seule, d'une demande de condamnation à des taxes d'habitation et TEOM depuis l'année 2014.

Monsieur B. indique avoir quitté les lieux en avril 2018, la SCI Les Bas Plantiers affirme la date du 4 mai 2018 à la suite d'une procédure d'expulsion.

La SCI les Bas Plantiers a fait diligenter le 12 juillet 2018, une procédure de saisie attribution à l'encontre de monsieur B. sur ses comptes ouverts à la Caisse d'Epargne pour avoir paiement d'une somme de 23 705.91 €. Pareillement en vue d'obtenir une garantie, sur la base d'une reconnaissance de dette de la SCI Les Bas Plantiers et d'une ordonnance sur requête favorable en date du 8 juin 2018, monsieur B. a fait inscrire à son profit, une inscription d'hypothèque sur le bien pour la somme de 101 917.49 €, le 18 juillet 2018.

Le juge de l'exécution de Digne les bains, par une décision en date du 13 juin 2019, dont appel a :

- constaté qu'une compensation de dettes et créances réciproques est intervenue à hauteur de 19 040,11 €,

- rejeté la demande de mainlevée et de cantonnement de l'inscription d'hypothèque prise le 18 juillet 2018,

- ordonné la mainlevée de la saisie attribution du 12 juillet 2018 aux frais de la SCI Les Bas Plantiers,

- condamné la SCI Les Bas Plantiers à payer à monsieur B. la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à sa charge les dépens de procédure.

Le magistrat retenait que monsieur B. était détenteur d'une reconnaissance de dette rectifiée en mai 2014, assortie d'un décompte extrêmement précis des sommes dues par la société à ce dernier pour un montant de 118 581.56 € qui n'était pas prescrite, de sorte qu'il admettait un principe de compensation non sérieusement discutable dont les causes étaient antérieures à celles de la saisie attribution, alors au demeurant qu'il avait réglé une somme de 16 500 € et obtenu des délais de paiement auprès d'un huissier de justice auquel il avait réglé 700 € par mois.

La décision a été notifiée par le greffe et la SCI Les Bas Plantiers en a accusé réception le 26 juin 2019 par la signature de l'avis postal. Elle a fait appel par déclaration au greffe de la cour le 28 juin 2019.

Le dossier initialement fixé à l'audience du 13 mai 2020 en période de pandémie Covid 19, a fait l'objet d'un renvoi au 20 janvier 2021, en raison du refus de monsieur B. de le voir traiter sans audience comme l'autorisait l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 26 septembre 2019, au détail desquels il est renvoyé, la SCI Les Bas Plantiers demande à la cour :

- réformer le jugement sur la compensation de créances, l'hypothèque et les frais irrépétibles et dépens,

Statuant à nouveau,

- ordonner compensation des créances à hauteur de 23 705,91 €,

- dire que les conditions d'une inscription d'hypothèque n'étaient pas réunies faute de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance,

- ordonner en conséquence la mainlevée de l'hypothèque provisoire,

A titre subsidiaire,

- cantonner l'inscription d'hypothèque prise le 18 juillet 2018 au montant de 101 917.49 €, ou à titre subsidiaire, 220 000 €,

En tout état de cause,

- débouter monsieur B. de sa demande au titre des frais irrépétibles et dépens,

- le condamner à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.

Elle explique que madame DI N. a toujours eu le souci de faire apparaître en comptabilité les sommes que monsieur B. apportait à la société, lesquelles au 28 février 2014 étaient de 118 581.66 €. Des experts amiables sont intervenus à la demande de l'un ou de l'autre pour chiffrer la créance de monsieur B., lui invoquant un montant de 248 334 € voire 307 000 € selon monsieur S., tandis que monsieur T., expert de la SCI parvient à 128 623.40 €. Elle maintient une demande de compensation des sommes à hauteur de 23 705.91€ en tenant compte d'intérêts pour 4 172.23 € et 490.57 € de frais de saisie attribution. La SCI Les Bas Plantiers expose bénéficier d'une décision de justice passée en force de chose jugée qui fonde les intérêts, tandis que monsieur B. n'a jamais écrit pour proposer compensation et que sa créance, qui ne résulte d'aucune décision de justice n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible de sorte que la compensation ne peut jouer de plein droit. Sur le fondement de l'article R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution elle peut contester à tout moment l'inscription d'hypothèque prise qui a un lien étroit avec le reste du litige, il n'est pas justifié d'un risque de non recouvrement, et la valeur de la maison, chiffrée à 220 000 € voire 230 000 € en 2019, ne permettra pas une vente si le cantonnement n'est pas accepté car monsieur B. a déjà fait échouer un compromis à 225 000 € net vendeur en refusant une mainlevée provisoire.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 27 septembre 2019, au détail desquelles il est ici renvoyé, monsieur B. demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que la créance de la SCI Les Bas Plantiers s'est trouvée éteinte dès sa naissance, qu'il n'est dû ni intérêts ni frais d'exécution,

- juger que la compensation des dettes et créances réciproques existe à hauteur de 19 043.11 €,

- dire irrecevable la demande de mainlevée de l'hypothèque qui n'a pas de lien suffisant au regard de l'article 70 du code de procédure civile, avec la demande originaire de contestation de la saisie attribution,

- subsidiairement retenir l'existence d'un risque de non-recouvrement,

- rejeter la mainlevée ou le cantonnement de l'inscription d'hypothèque,

En tout état de cause,

- débouter la SCI Les Bas Plantiers de toutes ses demandes contraires aux siennes,

- condamner la SCI Les Bas Plantiers à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Il expose sur plusieurs années avoir financé d'importantes sommes pour régler les prêts, la taxe foncière, les achats de matériaux et réalisé de ses propres mains des travaux de rénovation et d'agrandissement sur l'immeuble. Une reconnaissance de dette a été signée en 2014, par la SCI Les Bas Plantiers envers lui pour un montant de 118 581.56 € mais après expertise amiable il estime à 307 884 € sa créance, ce dont il a saisi le tribunal de Digne les Bains afin d'obtenir condamnation en ce sens. Sur le fondement de l'article 1347 du code civil , une compensation a joué, de manière simultanée alors que sa créance envers la SCI Les Bas Plantiers a pré-existé, de sorte qu'il ne peut être réclamé des intérêts sur une créance éteinte par compensation, dès sa naissance et que les frais de saisie attribution ne sauraient lui être imputés. Sa propre créance n'est pas litigieuse puisqu'établie par reconnaissance de dette. Il y a un risque de non-recouvrement puisque c'est le seul actif de la SCI qu'elle pourrait vendre avant dissolution de la personne morale. Il n'appartient pas au juge de l'exécution de se substituer au tribunal de Digne pour statuer sur la créance qu'il invoque au soutien de l'inscription d'hypothèque. Il estime fantaisiste l'expertise de monsieur T.. Jusque-là la SCI Les Bas Plantiers estimait le bien à 280 000 € pour l'empêcher d'acquérir, il s'étonne de la nouvelle évaluation bien plus faible au gré de ses besoins par la SCI Les Bas Plantiers.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 décembre 2020.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

* sur la saisie attribution :

Il en a été donné mainlevée à la suite de la décision intervenue devant le juge de l'exécution. Les éléments de la dénonce sont cependant importants puisqu'une discussion subsiste entre les parties sur le montant de la compensation à opérer à ce titre.

La dénonce fait apparaître des indemnités d'occupation arrêtées au 9 avril 2018, date qui correspond à celle d'un procès-verbal d'expulsion, ce qui confirme le départ de monsieur B. ce jour-là de l'immeuble. Sont décomptés des intérêts pour la somme de 4 172.33 € arrêtée au 4 juillet 2018 et des frais d'acte, montants qui sont à l'origine de la différence entre ce que le juge de l'exécution a admis au titre de la compensation (19 040,11 €) et ce que la SCI Les Bas Plantiers prétend retenir (23 705,91 €).

Il a été donné mainlevée de la saisie attribution à la suite de la décision du juge de l'exécution, assortie de l'exécution provisoire, ce point de litige ne subsiste plus.

* sur la compensation à opérer :

Aux termes de l'article 1347 du code civil , issu de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

Les créances concernées en particulier doivent être liquides et exigibles.

Dans la mesure où la SCI Les Bas Plantiers ne conteste pas les termes de la reconnaissance de dette en date du 8 mai 2014, rédigée par madame Carmen DI N. et monsieur I., seuls associés de la SCI, pour un montant de 118 581.56 €, la décision du juge de l'exécution doit être confirmée en ce qu'elle a admis une compensation immédiate dès la naissance de la dette de monsieur B., d'un montant très inférieur à celui de la reconnaissance de dette, de sorte qu'elle n'a pu porter, s'étant éteinte aussitôt sa naissance, d'intérêts de retard et que les frais de la saisie attribution, non justifiés, doivent rester à la charge de la SCI Les Bas Plantiers.

* sur l'inscription d'hypothèque :

Sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, monsieur Pierre B., le 8 juin 2018, a obtenu l'autorisation d'inscrire une hypothèque sur le bien de la SCI Les Bas Plantiers pour garantir le paiement d'une créance de principe évaluée à 300 000€.

Dès avant cette ordonnance, par assignation délivrée le 13 octobre 2017, il a saisi le tribunal de grande instance de Digne les Bains pour obtenir un titre de condamnation en réclamant condamnation de la SCI Les Bas Plantiers à lui payer la somme de 248 334 € pour apports financiers et celle de 59 550 € au titre de la main d'oeuvre déployée. Comme l'a déjà retenu le premier juge, il ne revient pas à la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, de se substituer au juge du fond actuellement saisi pour modifier le montant de la créance invoquée.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de cantonnement de l'inscription.

* sur les autres demandes :

Il est inéquitable de laisser à la charge de monsieur B. les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 3 000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La partie perdante supporte les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SCI Les Bas Plantiers à payer à monsieur B. la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI Les Bas Plantiers aux entiers dépens d'appel.