CA Rennes, 1re ch., 3 mars 2015, n° 14/00557
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Yann S.
Défendeur :
EDITIONS ENI (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Monsieur Xavier BEUZIT
Conseillers :
Monsieur Marc JANIN, Madame Olivia JEORGER-LE GAC
Avocats :
Me Tiphaine LE B.-B., Me Antoine G., SELARL C.V.S., Me Florent L.
Monsieur Yann S., qui est un spécialiste reconnu de SAP, un progiciel de gestion intégré en informatique et management, et la société Editions ENI, dont l'objet est l'édition d'outils de formation à l'informatique, ont conclu deux contrats d'édition, le 14 décembre 2006 pour un ouvrage qui sera intitulé 'SAP et ABAP', lequel est un langage de programmation permettant de réaliser des sorties de données, et le 29 septembre 2008 pour une mise à jour de cet ouvrage.
Les relations entre Monsieur S. et la société Editions ENI se sont distendues en 2010 lorsque le premier, qui souhaitait publier un nouvel ouvrage intitulé 'De l'ABAP procédural à l'objet', a, faute d'accord avec la seconde, décidé de le faire éditer par la société ECIR Consulting qu'il avait lui-même créée en 2004.
La société Editions ENI a, en février 2011, édité un nouvel ouvrage intitulé 'ABAP Web Dynpro', rédigé par deux autres auteurs, et l'a commercialisé sous la forme d'un coffret comprenant également l'ouvrage 'SAP et ABAP', dont elle considérait qu'il était un utile complément.
Monsieur S. a alors remis en cause ses relations contractuelles avec la société Editions ENI et a saisi le tribunal de grande instance de Rennes qui, par un jugement du 26 novembre 2013, a :
- débouté Monsieur S. de sa demande tendant à voir annuler la clause de rémunération prévue dans les contrats d'édition des 14 septembre 2006 et 29 septembre 2008,
- débouté Monsieur S. de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation des contrats d'édition des 14 septembre 2006 et 29 septembre 2008 aux torts de la société Editions ENI,
- condamné la société Editions ENI à payer à Monsieur S. la somme 5 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- débouté la société Editions ENI de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts en réparation d'un préjudice causé par la publication par Monsieur S. sur son site internet de conclusions la présentant comme irrespectueuse des droits d'auteur,
- rejeté les autres demandes des parties,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- dit que chaque partie conservera ses propres dépens.
Monsieur S. a interjeté appel de ce jugement le 21 janvier 2014.
Par conclusions du 12 août 2014, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, il demande à la cour :
- de débouter la société Editions ENI de son moyen d'irrecevabilité de la demande de résolution des contrats d'édition des 14 décembre 2006 et 29 septembre 2008,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la qualification d'oeuvre collective pour l'ouvrage 'SAP et ABAP',
- de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité de la clause de rémunération des deux contrats d'édition,
- d'annuler l'article 4 des contrats d'édition,
- de condamner la société Editions ENI à lui payer la somme de 4 758,67 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel,
- de prononcer la résolution des contrats d'édition,
- subsidiairement, de dire que ces contrats sont résiliés à la date de l'arrêt à intervenir,
- d'interdire en toute hypothèse la poursuite de l'exploitation des deux éditions de l'ouvrage 'SAP et ABAP' sous astreinte de 500 € par exemplaires, à compter de la signification de la décision à intervenir,
- d'ordonner la publication, aux frais de la société Editions ENI, du dispositif de la décision à intervenir, en haut ou en ouverture du site www.editions-eni.fr. pendant une durée de trois mois, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard, cette publication devant apparaître de façon visible, en lettres de taille claires et apparentes, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468 x 120 pixels, le texte devant être précédé du titre en lettres capitales et en gros caractères 'Avertissement judiciaire',
- de débouter la société Editions ENI de toutes ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 11 500 € au titre de l'article 700 du
- de la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Par conclusions du 11 décembre 2014, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, la société Editions ENI demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a qualifié d''uvre collective les deux éditions de l'ouvrage 'SAP et ABAP',
- de dire que les parties étaient libres de convenir des modalités de rémunération forfaitaire ou proportionnelle de l'auteur,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur S. de sa demande d'annulation de la clause de rémunération prévue aux contrats d'édition,
- subsidiairement, de débouter Monsieur S. de sa demande indemnitaire liée à l'éventuelle annulation de la clause de rémunération ou, à titre surabondant, limiter le montant des dommages et intérêts mis à sa charge à la somme totale de 4 758,67 €,
- de dire irrecevable en cause d'appel la demande de résolution des contrats d'édition,
- de débouter Monsieur S. de sa demande de résiliation de ces contrats,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur S. une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- de débouter Monsieur S. de toute demande à ce titre,
- subsidiairement, de limiter le montant de l'indemnité à la somme symbolique de 1 €,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
- de condamner Monsieur S. au paiement de la somme de 3 600 € à ce titre,
- d'interdire à Monsieur S. toute publication sur le site internet de la société ECIR Consulting ou sur tout autre support à destination du public de tout élément de procédure, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur S. de sa demande de condamnation à la publication de la décision à intervenir sur son site internet,
- de condamner Monsieur S. à lui verser la somme de 12 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de le condamner aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 6 janvier 2015 .
MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR
Il est soutenu pour l'essentiel par Monsieur S., appelant, que la clause de rémunération stipulée aux contrats d'édition des 14 décembre 2006 et 29 septembre 2008 est illicite pour ne pas être proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation, et en conséquence nulle, que s'agissant d'une condition déterminante des contrats, sa nullité entraîne leur résolution ou à tout le moins leur résiliation, enfin qu'il doit voir réparer la violation de son droit moral d'auteur, causé par la vente de son ouvrage associé à celui d'autres auteurs.
La société Editions ENI fait valoir quant à elle que la règle de la proportionnalité de la rémunération ne s'applique pas à l'auteur d'une oeuvre collective, non plus qu'à un ouvrage technique, tels que l'ouvrage en cause de sorte que les parties étaient libres de fixer un mode de rémunération y compris assise sur le chiffre d'affaires net hors taxes, et que les contrats d'édition sont en conséquence valides, et conteste d'autre part la violation alléguée du droit moral de Monsieur S..
- Sur la rémunération de l'auteur:
Figurent au premier contrat d'édition du 14 décembre 2006 en cause les dispositions suivantes :
'La société Editions ENI conçoit, rédige, édite et diffuse des collections de livres et des CD ROM de formation à l'informatique.
Dans ce cadre, elle est amenée à faire appel à des spécialistes de la formation et de l'informatique pour rédiger des livres destinés à être édités et commercialisés.
La décision de concevoir, rédiger, éditer et diffuser un ouvrage dépend toujours et uniquement de la direction des Editions ENI.
Une pluralité de participants collaborent à l'élaboration de l'ouvrage.
Chaque ouvrage appartient à une collection dont l'organisation et la définition du contenu ont été définis par le responsable de collection.
Chaque ouvrage est écrit sur un modèle précis et, dans certains cas, reprend de nombreux passages ou parties appartenant au fond éditorial des Editions ENI.
De ce fait, l'ensemble des oeuvres techniques éditées par Editions ENI sont considérées comme des oeuvres collectives...
... 1) Monsieur Yann S. s'engage à effectuer la prestation ci-dessous:
Les bases de la programmation sous SAP avec ABAP
Dans la ou les collection(s): Ressources Informatiques, Technote, TechCompétences, Kit pédagogique et Open IT
Selon le planning suivant: Date de remise définitive du texte: 31 mars 2007...
2) La prestation de Monsieur Yann S. sera considérée comme étant achevée lorsqu'elle sera définitivement exploitable par les Editions ENI.
Le contenu devra être conforme à la table des matières fournie en annexe du présent contrat...
3) L'auteur, par cet acte, s'engage à céder de manière exclusive aux Editions ENI le droit de présentation, de reproduction...
4) En contrepartie de cette cession, les Editions ENI verseront à Monsieur Yann S. une rémunération brute équivalente à 10 % du CA net HT réalisé par l'ouvrage... dans les collections citées...
Editions ENI s'engage à mentionner le nom de l'auteur ainsi que le nom de la société ECIR Consulting sur la couverture de l'ouvrage...'
Le second contrat conclu le 29 septembre 2008 pour la mise à jour de l'ouvrage reprend les mêmes dispositions à l'exception de la dernière mention relative à l'indication du nom de l'auteur en couverture, en modifiant seulement l'intitulé de l'ouvrage, les collections dans lesquels il est inclus et la date de remise du texte.
Il résulte de l'article L. 132-5 du Code de la propriété intellectuelle que le contrat d'édition peut prévoir soit une rémunération proportionnelle aux produits d'exploitation, soit, dans les cas prévus aux articles L. 131-4 et L. 132-6, une rémunération forfaitaire.
Force est de constater que les contrats en cause ont prévu une rémunération proportionnelle, mais dont l'assiette n'est pas celle, résultant des dispositions d'ordre public précitées, des recettes brutes provenant de la vente de l'ouvrage au public, hors taxes, mais celle du chiffre d'affaires net, qui ne se réfère qu'aux recettes de l'éditeur, qui peut avoir lui-même vendu à d'autres distributeurs ou intermédiaires, et qui est calculé notamment après déduction des remises, assiette dont la société Editions ENI reconnaît dans ses écritures qu'elle est en effet plus restreinte que celle du 'prix public'.
Il est vrai cependant que, comme le fait valoir la société Editions ENI, le principe de la rémunération proportionnelle telle que définie par ces dispositions ne s'applique pas à la rémunération de l'auteur d'une oeuvre collective.
Mais est une oeuvre collective, selon l'article L. 113-2 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle, l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé, ce qui suppose ainsi la conjonction des deux éléments que sont l'initiative et la direction d'un entrepreneur dans la création de l'oeuvre, et la fusion des contributions interdisant l'attribution de droits distincts aux participants.
Monsieur S., qui a signé les contrats, ne prouve pas contre leurs stipulations expresses que c'est lui qui a eu l'initiative de la conception de l'ouvrage en cause, et qui a fourni la table des matières annexée, laquelle en gouverne la structure.
En revanche, il est parfaitement possible d'attribuer à Monsieur S. la paternité de cet ouvrage, dont l'introduction, qui comprend des remerciements de l'auteur à ses stagiaires, au relecteur et correcteur, à ses collaborateurs pour leurs critiques, et à sa famille pour son soutien, n'a pas été remise en cause par quiconque.
Dès lors, et sans avoir à s'arrêter à la qualification figurant aux clauses générales des contrats en cause, il doit être considéré que l'oeuvre de Monsieur S. n'est pas une oeuvre collective mais celle d'un auteur unique.
C'est en conséquence bien la rémunération proportionnelle, selon les dispositions précitées, qui devait être appliquée, sauf les exceptions prévues par la loi.
Or ainsi que l'a dit le tribunal, la société Editions ENI ne démontre pas en quoi les conditions des exceptions prévues à l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle dans les cas où le calcul d'une participation proportionnelle est impossible ou excessivement complexe, étaient réunies; d'autre part, et s'agissant des exceptions prévues à l'article L. 132-6, s'il est constant que l'ouvrage 'SAP et ABAP' est un ouvrage technique entrant dans les prévisions de ces dispositions, Monsieur S. n'a pas formellement exprimé un accord sur une rémunération forfaitaire puisqu'au contraire, les parties avaient convenu d'une rémunération proportionnelle.
La rémunération de Monsieur S. devait donc être fixée proportionnellement aux produits d'exploitation.
S'il n'y a pas lieu d'infirmer ou de confirmer le jugement sur la qualification d'oeuvrecollective, comme le demandent les parties, puisqu'il n'a pas statué en son dispositif, qui énonce la chose jugée que l'appel remet en question, sur cette qualification, il convient en revanche de prononcer la nullité de l'article 4) des contrats litigieux constituant la clause de rémunération de l'auteur.
- Sur les conséquences de l'annulation de la clause de rémunération:
- Sur l'indemnisation de Monsieur S.:
La nullité de la clause ne peut ouvrir droit à une rémunération qui n'a pas été contractuellement fixée.
Mais en prévoyant une assiette de rémunération illicite, cause de l'annulation de la clause, la société Editions ENI, professionnel de l'édition, a engagé sa responsabilité envers Monsieur S. et doit réparer le préjudice subi par celui-ci de ce fait.
Monsieur S. réclame devant la cour à ce titre l'allocation de la somme de 4 758,67 € en soutenant qu'elle correspond à la différence entre le montant de la participation qu'il a effectivement perçue et celui qu'il aurait du percevoir en appliquant le taux de 10 % sur l'assiette légale.
La société Editions ENI fait valoir qu'il n'est pas acquis que, si l'assiette de calcul de la participation proportionnelle de Monsieur S. avait été le prix de vente au public et non le chiffre d'affaires net, les parties auraient convenu d'un taux de 10 % ; elle admet cependant que l'assiette prévue aux contrats était moindre que celle à laquelle Monsieur S. pouvait prétendre et, à titre subsidiaire, demande la limitation de l'indemnisation à la somme de 4 758,67 €.
Si la loi ne fixe pas le taux de la rémunération de l'auteur qui cède ses droits d'exploitation, la société Editions ENI ne justifie cependant pas de ce qu'un taux de 10 % du prix de vente au public, hors taxes, ne serait pas conforme à l'usage en matière d'édition de livres sur support papier; il sera donc fait droit à la demande de condamnation à paiement de ladite somme.
- Sur la validité des contrats d'édition:
La prétention de Monsieur S. à voir prononcer la résolution des contrats d'édition, c'est-à-dire leur anéantissement ab initio avec l'obligation de restitution qu'il comporte, qu'il forme pour la première fois devant la cour, ne tend pas aux mêmes fins que la demande de résiliation, qui vise à mettre fin aux contrats, qu'il avait soumise au premier juge.
Elle n'est pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément de l'annulation de la clause de rémunération qui n'atteint pas nécessairement la validité des contrats qui ont été exécutés, puisque des exemplaires de l'ouvrage ont été effectivement vendus et ne sauraient être restitués, et qu'il est possible d'indemniser Monsieur S. du préjudice qu'il a subi dans le cadre de cette exécution.
Cette prétention est en conséquence irrecevable par application des articles 564 et 566 du Code civil.
En revanche, l'annulation de la clause de rémunération, disposition contractuelle essentielle à laquelle la cour ne peut substituer pour l'avenir aucune autre disposition, ne permet pas la poursuite de l'exécution des contrats, dépourvus de la contrepartie à laquelle Monsieur S. a droit en vertu des dispositions des articles L. 131-4 et L. 132-5 du Code de la propriété intellectuelle, de sorte qu'il y a lieu de prononcer leur résiliation à la date du présent arrêt.
Il sera fait en conséquence interdiction à la société Editions ENI de poursuivre l'exploitation de l'ouvrage 'SAP et ABAP' tant dans son édition initiale que dans sa mise à jour, sans qu'il soit nécessaire cependant de prononcer une astreinte.
La cour n'est saisie d'aucun moyen de droit ou de fait au soutien de la prétention de Monsieur S. à voir ordonner la publication, aux frais de la société Editions ENI, du dispositif de la présente décision, prétention que le tribunal avait pour sa part rejetée.
- Sur la violation du droit moral de l'auteur:
Monsieur S. se plaint d'une atteinte à l'esprit de l'oeuvre et ainsi à son droit moral par le fait de la vente par lot, sous la forme d'un coffret, de son ouvrage associé à celui d'autres auteurs, 'ABAP Web Dynpro' de Messieurs Youssoupha D. et Mathieu J., sans son accord.
La société Editions ENI rappelle qu'elle est titulaire des droits de présentation et soutient qu'elle n'a en rien déformé l'esprit de l'ouvrage de Monsieur S. en l'associant à l'autre, qu'elle juge complémentaire.
Les contrats d'édition, par lesquels Monsieur S. a cédé ses droits d'exploitation sur l'ouvrage 'SAP et ABAP', prévoyaient explicitement que celui-ci s'insérait dans une collection, et c'est en effet dans la collection 'Epsilon' que cet ouvrage a été publié, sans aucune modification cependant et sous le nom de son auteur; la vente associée avec un autre ouvrage de la même collection n'est de nature à porter atteinte au droit moral de Monsieur S., requérant en ce cas son accord préalable, qu'autant qu'elle risque d'altérer son oeuvre ou de le déconsidérer en tant qu'auteur, ce qu'il appartient à Monsieur S. de prouver.
Il l'affirme mais ne le démontre pas, se bornant à redire qu'il n'avait pas été informé au préalable de ce mode d'exploitation et n'y avait pas consenti, indiquant d'ailleurs dans son courrier du 23 avril 2011 à la société Editions ENI, auquel le tribunal s'est référé pour asseoir sa condamnation, qu'il n'avait alors pas lu le livre concerné et qu'il ne pouvait 'donc préjuger des conséquences négatives que cela pourrait engendrer'.
Force est de constater que, depuis lors, Monsieur S., qui a pu prendre connaissance du contenu de l'ouvrage 'ABAP Web Dynpro', n'établit pas l'existence de telles conséquences, de sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point et la demande d'indemnité rejetée.
- Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Editions ENI:
La société Editions ENI prétend qu'en publiant sur le site internet de la société ECIR Consulting, sous la mention: 'Quant à notre ancien éditeur, vous pouvez constater la procédure que nous avons dû mettre en 'uvre' sans autre précision, des conclusions qu'il avait prises devant le tribunal la présentant comme irrespectueuse des droits de l'auteur, Monsieur S. a manifesté une volonté de lui nuire et lui a causé un indéniable préjudice d'image par un acte qui non seulement porte atteinte à son honneur et à sa considération, mais constitue au surplus un fait de concurrence déloyale justifiant réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Il est vrai que le site internet 'ECIR Consulting - La boutique dédiée à SAP et ABAP' a présenté une page d'accueil souhaitant la bienvenue sur la boutique de commerce électronique de la société ECIR Consulting et indiquant à l'internaute que celle-ci est devenue éditeur 'à la lecture des propositions que nous ont faites les éditeurs du marché (ridicules alors que les auteurs assurent 80 % du travail)', cette mention demeurant présente sur ladite page d'accueil au moment où la cour statue.
Monsieur S. ne conteste pas qu'a figuré sur cette page d'accueil un lien vers un document en format '.pdf' reproduisant les conclusions incriminées, lesquelles tendaient notamment à voir le tribunal juger 'que la société Editions ENI a manqué à son obligation générale de loyauté envers Monsieur S.... a violé le droit moral de Monsieur S. à l'intégrité de son 'uvre... a manqué à son obligation de reddition de comptes...' et interdire 'la poursuite de l'exploitation des deux éditions de l'ouvrage SAP et ABAP'.
Ces faits ne sont donc pas réductibles à l'atteinte à l'honneur et à la considération retenue par le tribunal comme relevant des dispositions spéciales de la loi du 29 juillet 1881 instituant une prescription abrégée, mais constituent des actes de dénigrement des pratiques de la société Editions ENI commis par la société ECIR Consulting, qui se présente comme éditeur et commercialisant des ouvrages sur le thème SAP et ABAP à destination d'une clientèle commune, et ainsi des actes de concurrence déloyale.
Or les conclusions ainsi publiées n'ont pu l'être que parce que Monsieur S. les a fournies, de sorte que celui-ci a commis une faute personnelle qui l'oblige à réparation.
Un tel comportement est par nature générateur d'un trouble commercial qui implique l'existence d'un préjudice à tout le moins moral; mais la société Editions ENI ne rapporte pas la preuve de l'étendue de celui-ci et sa demande indemnitaire sera dès lors rejetée, seule celle visant à voir interdire toute nouvelle publication desdites conclusions sur quelque support que ce soit devant être accueillie à titre de réparation.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais et dépens de première instance.
Chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en appel, et déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Après rapport fait à l'audience ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté Monsieur Yann S. de sa demande tendant à voir annuler la clause de rémunération prévue dans les contrats d'édition des 14 septembre 2006 et 29 septembre 2008,
- débouté Monsieur Yann S. de sa demande en indemnisation de son préjudice matériel,
- débouté Monsieur Yann S. de sa demande de résiliation judiciaire des contrats d'édition,
- condamné la société Editions ENI à payer à Monsieur Yann S. la somme 5 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral;
Prononce la nullité de l'article 4) des contrats d'édition conclus les 14 décembre 2006 et 29 septembre 2008 entre Monsieur Yann S. et la société Editions ENI, constituant la clause de rémunération de l'auteur ;
Condamne la société Editions ENI à payer à Monsieur Yann S. la somme de 4 758,67 € à titre de réparation du préjudice causé à celui-ci par la stipulation aux contrats d'édition d'une clause de rémunération illicite ;
Dit la demande en résolution judiciaire des contrats d'édition irrecevable ;
Prononce la résiliation des contrats d'édition à la date du présent arrêt ;
Fait interdiction à Monsieur Yann S. de toute publication des premières conclusions récapitulatives qu'il avait signifiées et déposées devant le tribunal de grande instance de Rennes , sur quelque support que ce soit, et ce à peine d'astreinte de 300 € par infraction constatée ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens par elle exposés en appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.