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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 7 avril 2006, n° 04/15321

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GESTIN

Défendeur :

EDITIONS GRÜND (SA), BURSTON, BIZIEN

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame PEZARD

Conseillers :

Madame REGNIEZ, Monsieur MARCUS

Avoués :

SCP BOMMART-FORSTER, SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, SCP MIRA - BETTAN

Avocats :

Me Sophie VIARIS de LESEGNO, Me Dominique de LEUSSE de SYON, Me Anne VEIL, Me Pierre-Igor LEGRAND

Paris, du 5 déc. 2003

5 décembre 2003

La société anonyme LES EDITIONS GRÜND (GRÜND) a repris, à partir de 1994, la publication d'une collection d'ouvrages destinée à un jeune public, intitulée (en français) 'VIVEZ L'AVENTURE', laquelle avait été commencée par les éditions britanniques WALKER BOOKS.

Par contrat du 1er avril 1994 (avec avenant du 29 septembre 2000), elle a chargé Mme Sandrine GESTIN d'illustrer l'ouvrage déjà paru sous le titre 'The island of horror', devenu dans l'édition française, 'L'île aux cent squelettes'. Un second contrat, portant cette fois sur les textes et illustrations du livre 'La vallée aux cent mystères' a été conclu entre eux le 19 janvier 1995, suivi, le 19 janvier 1996 de la cession par Mme GESTIN à GRÜND de ses droits d'exploitation sur l'ouvrage 'La vallée aux cent prodiges' dont elle est l'auteur tant des textes que des illustrations, puis le 17 juillet 1997 de la cession des droits d'exploitation des illustrations de 'La colline aux cent fées'. 'La vallée aux cent prodiges' et 'L'île aux cent squelettes' ont respectivement connu, outre leur édition française, une édition tchèque et une édition britannique.

Estimant n'avoir perçu qu'une rémunération dérisoire et incriminant tant une absence de reddition régulière des comptes qu'un défaut de bon à tirer pour les éditions étrangères, Mme GESTIN a, par actes des 16 et 21 mai 2002 fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris GRÜND, ainsi que MM BURSTON (rédacteur des sept premiers ouvrages de la série dont 'The island of horror') et BIZIEN (coauteur avec elle de 'La colline aux cent fées'), notamment en condamnation de GRÜND à lui verser à titre provisionnel les sommes de 104.645,35 euros relativement aux droits d'auteur, 10.000 euros au titre de l'exploitation de l'édition tchèque et 20.000 euros pour l'exploitation de l'édition anglo-saxonne, sollicitant une expertise en vue de la détermination exacte du dommage subi.

Aux termes du jugement réputé contradictoire rendu le 5 décembre 2003, aujourd'hui entrepris, ledit tribunal (en sa 3e chambre 2e section) a :

- déclaré irrecevable car prescrite la demande d'annulation des clauses de rémunération de l'auteur figurant aux contrats des 19 janvier 1995 et 19 janvier 1996,

- dit qu'en ne soumettant pas à Mme GESTIN la reproduction de ses oeuvresréalisées par elle même ou par des sociétés tierces GRÜND a engagé sa responsabilité,

en conséquence,

- condamné GRÜND à verser à Mme GESTIN la somme de 4.500 euros à titre de dommages-intérêts,

- ordonné à GRÜND de restituer à Mme GESTIN la planche originale de la couverture de l'album intitulé 'La vallée aux cent prodiges',

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme GESTIN à verser à M. BIZIEN la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné sur le même fondement la société GRÜND à verser à Mme GESTIN la somme de 2.800 euros,

- condamné GRÜND aux dépens.

*

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 1er octobre 2004, Mme GESTIN invite la cour à :

- confirmer le jugement du 5 décembre 2003 en ce qu'il a constaté l'absence de prescription de ses demandes afférentes aux ouvrages 'La colline aux cent fées' et'L'île aux cent squelettes',

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré prescrites ses demandes au titre des deux autres ouvrages,

- l'infirmer en ce qu'il l'a dite mal fondée en ses demandes relatives aux clauses de rémunérations inscrites dans les contrats d'édition en date des 1er avril 1994 (tel que modifié par avenant du 29 septembre 2000), 19 janvier 1995, 19 janvier 1996 et 17 juillet 1997,

en conséquence,

- constater le caractère dérisoire de sa rémunération au titre de l'exploitation des quatre ouvrages en cause,

- prononcer la nullité des articles 7 A et 7 B de chacun des quatre contrats,

- condamner GRÜND à lui payer la somme de 104.645,35 euros à titre de dommages- intérêts,

- fixer sa rémunération à 6% du prix public HT pour chacun des ouvrages 'L'île aux cent squelettes', 'La colline aux cent fées' et 'La cité aux cent mystères' et à 10% de ce prix par rapport à 'La vallée aux cent prodiges',

- condamner GRÜND à lui verser à titre provisionnel les sommes de 20.000 euros pour l'exploitation de l'édition anglo-saxonne de 'L'île aux cent squelettes' et de 10.000 euros au titre de l'exploitation tchèque de 'La vallée aux cent prodiges',

- condamner GRÜND à lui verser la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait des manquements contractuels,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné GRÜND à lui verser la somme de 4.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la publication des éditions étrangères de ses ouvrages 'sans lui avoir préalablement soumis' et sans la signature d'un bon à tirer,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné GRÜND à lui remettre la planche originale de la couverture de l'album 'La vallée aux cent prodiges',

- assortir cette mesure d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision,

- ordonner une mesure de publication,

- ordonner une expertise,

- dire que GRÜND qui l'a par ses manquements contrainte à engager cette procédure devra, sous astreinte, supporter les frais d'expertise,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner GRÜND à prendre à sa charge les 'demandes de dépens et d'article 700 du nouveau Code de procédure civile engagés par M. BIZIEN pour la défense de ses intérêts',

- condamner GRÜND aux dépens, ainsi qu'à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

*

Selon ses dernières conclusions, du 1er février 2006 , M. BIZIEN, intimé, demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur les demandes de Mme GESTIN dont il sollicite qu'elle soit condamnée aux dépens.

*

Par ses dernières conclusions, du 11 février 2005, GRÜND prie la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les éléments compris dans l'appel incident qu'elle forme tendant à ce qu'il soit dit :

- que l'absence pendant plus de six ans de réclamation par Mme GESTIN relativement à la non-fourniture des bons à tirer est révélatrice de l'absence de tout préjudice,

- que ni l'édition anglaise de 'L'île aux cent squelettes', ni l'édition tchèque de 'La vallée aux cent prodiges' ne portent atteinte à son droit moral,

- qu'elle ne justifie pas de l'absence de la planche originale de couverture de l'ouvrage 'La vallée aux cent prodiges'.

Elle demande en conséquence que Mme GESTIN soit déboutée de l'ensemble de ses prétentions et condamnée aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la prescription

Considérant que les premiers juges n'ont pas retenu la prescription relativement à l'avenant du 29 septembre 2000 au contrat du 1er avril 1994 non plus que par rapport au contrat du 17 juillet 1997, conclu moins de cinq ans avant l'assignation du 16 mai 2002 ;

Que Mme GESTIN sollicite, sur ce point, la confirmation de la décision entreprise ;

Que GRÜND, après avoir rappelé qu'en première instance elle avait soulevé la prescription pour les quatre contrats et fait état d'une manière générale de sa position concernant la fin de non-recevoir, n'invoque aucun argument particulier de nature à appuyer ce moyen de défense à propos des contrats se rapportant aux ouvrages 'L'île aux cent squelettes' et 'La colline aux cent fées' ; que dans le dispositif de ses dernières conclusions, elle se borne à demander la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite la demande d'annulation des clauses de rémunération de l'auteur figurant aux contrats des 19 janvier 1995 et 19 janvier 1996 et ne réclame pas son infirmation en ce qu'il a refusé de faire droit à ce moyen qui portait aussi sur les autres contrats ;

Que, dans ces conditions, rien n'apparaît faire obstacle à ce que la décision déférée soit confirmée sur la question dont il s'agit ;

Considérant que Mme GESTIN reprend devant la cour son argumentation destinée à s'opposer à l'admission de la fin de non-recevoir invoquée en vue de lui voir dénier son droit d'agir en nullité de clauses des deux autres conventions ;

Qu'elle expose qu'elle a réalisé non seulement les illustrations, mais encore les textes des ouvrages 'La vallée aux cent prodiges' et 'L'île aux cent mystères' ; que les contrats contiennent une clause de rémunération faible de la réalisation des images, mais nulle de l'écriture des récits ; que la cession des droits d'exploitation afférents à ces derniers a partant été effectuée sans contrepartie financière, ce qui correspond à une absence de prix, en présence de laquelle les dispositions de l'article 1304 du Code civil cessent de recevoir application, en sorte que la prescription quinquennale n'est pas opposable et que la nullité absolue des contrats étant encourue, la prescription est décennale conformément aux dispositions de l'article L 110-4 du Code de commerce, et donc non acquise ;

Mais considérant que les dispositions impératives de l'article L 131-4 du Code de la propriété intellectuelle ont été prises dans le seul intérêt patrimonial des auteurs et que leur violation ne peut donner lieu qu'à une nullité relative ; qu'au surplus, les conventions en cause forment, par rapport à leur date, un tout et que leur unicité ne saurait à cet égard être artificiellement brisée pour les seuls besoins du raisonnement ;

Qu'il s'ensuit que le tribunal a exactement dit que l'action en nullité des articles 7 A et 7 B des contrats des 19 janvier 1995 et 19 janvier 1996 est prescrite, l'instance ayant été engagée plus de cinq années après qu'ils ont été conclus ;

Sur la validité des articles 7 A et 7 B des contrats des 19 janvier 1995 et 19 janvier 1996

Considérant que le tribunal a rejeté les demandes d'annulation formées par Mme GESTIN des clauses de rémunération figurant dans l'avenant du 29 septembre 2000 au contrat du 1er avril 1994 et dans le contrat du 17 juillet 1997 ; qu'il a en effet estimé qu'il n'était pas établi que ces rémunérations, si elles pouvaient certes apparaître faibles, présentaient un caractère dérisoire et fictif, contraire aux dispositions des articles L 131-4 et L 132-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que Mme GESTIN conteste cette décision ; qu'elle fait valoir qu'il existe un déséquilibre contractuel manifeste et une absence de rémunération en contrepartie de la cession des droits d'exploitation sur les textes des ouvrages ; que 'forte de sa puissance économique GRÜND a ainsi acquis sans bourse délier et sans contrepartie financière les droits d'exploitation du scénario et des textes des deux ouvrages' ; qu'il a été stipulé que les décisions de réimpression relèvent de l'initiative du seul éditeur et que le dépassement du seuil de 80.000 exemplaires vendus permettant dans certains contrats la perception d'une rémunération complémentaire relève donc du pouvoir potestatif de ce dernier ; que le succès commercial des ouvrages en cause repose manifestement sur leurs textes ; qu'elle ne s'est vu consentir qu'un droit de 2,5% sur le prix public, ce qui ne saurait à son sens être tenu pour sérieux 'au regard des usages en la matière et de l'économie de ce produit éditorial' ; qu'en outre, il a pu être relevé par les tribunaux qu'un pourcentage de 2,5% sur le prix public hors taxes accordé à la rédactrice de la quasi-totalité des textes d'un ouvrage est dérisoire et s'apparente nécessairement à une 'fraude à la loi' ;

Considérant toutefois que Mme GESTIN indique elle-même dans ses dernières conclusions (en pages 4 et 7) que lui a été confié par GRÜND, aux termes des contrats du 1er avril 1994 (nullement modifié sur ce point par l'avenant du 29 septembre 2000) et 17 juillet 1997, le soin d'illustrer les ouvrages 'L'île aux cent squelettes' et 'La vallée aux cent prodiges', dont les textes ont été respectivement rédigés par MM Patrick BURSTON et Jean-Luc BIZIEN ; que ses arguments relatifs aux textes ne sauraient dès lors être pris en considération, car elle n'est pas en droit d'opposer des moyens qui ne pourraient le cas échéant être soulevés que par les auteurs de ceux-ci et que sa rémunération ne peut correspondre qu'aux seules illustrations ;

Que la question du principe des réimpressions, telle du moins qu'elle est présentée, est en réalité étrangère à la démonstration que Mme GESTIN entend faire du caractère fictif de ses rémunérations, s'agissant somme toute d'un élément susceptible de conduire à leur majoration ; qu'en tout état de cause, le seuil fixé à 80.000 exemplaires ne se révèle pas illusoire, eu égard à la forte diffusion de la catégorie d'ouvrages à laquelle appartiennent ceux qui sont en cause, étant rappelé que les ventes cumulées s'étaient élevées à 78.174 exemplaires au 31 août 2001 ;

Que concernant le contrat du 17 juillet 1997, la rémunération est non de 2,5%, mais de 3% du prix de vente hors taxes public de chaque exemplaire vendu de l'édition courante ; que même relativement à l'autre contrat, aux termes duquel il a été fixé à 2,5%, outre 5% au delà de 80.000 exemplaires, il ne s'avère pas dérisoire et fictif, même s'il n'est effectivement pas très élevé, ce qui s'explique parfaitement si l'on tient compte du fait que Mme GESTIN a seulement réalisé les illustrations des deux ouvrages dont il s'agit, étant au surplus ajouté que ceux-ci font partie d'une série qui avait déjà connu une assez large diffusion avant 1994 (sept titres parus) et que Mme GESTIN, quels que puissent être les mérites de sa participation, n'a néanmoins fait qu'oeuvrer dans le cadre d'une entreprise dont le succès avait déjà été largement assuré ;

Que, dans ces conditions, c'est avec pertinence que les premiers juges ont rejeté les demandes d'annulation des clauses litigieuses, ainsi que les prétentions subséquentes ;

Que la décision doit être sur ce point confirmée ;

Sur les diffusions à l'étranger

Considérant que Mme GESTIN incrimine une édition tchèque de l'album 'La vallée aux cent prodiges', au titre de laquelle lui a été versée le 13 novembre 2000 la somme de 2.076,48 francs par la société tchèque BRIO ;

Que le tribunal a estimé que, quand bien même cette dernière pourrait être considérée comme une filiale de GRÜND, il demeure que les mentions figurant sur la publication ne désignent qu'elle et que le seul fait que GRÜND ait fabriqué et cédé à la société BRIO les ouvrages en langue tchèque est insuffisant, aux termes de l'article L 132-1 du Code de la propriété intellectuelle, pour lui conférer la qualité de coéditrice de l'ouvrage en cause ; qu'il a partant rejeté les prétentions de Mme GESTIN à ce titre ;

Que celle-ci conteste cette décision ; qu'elle soutient que les ventes opérées en République tchèque ont été placées exclusivement sous le contrôle de GRÜND dont la société BRIO est la filiale et qui a conservé le rôle d'éditeur, tandis que cette autre société n'a eu un rôle que de simple distributeur ;

Que cette affirmation est toutefois démentie par les indications figurant dans l'ouvrage litigieux qui désignent la société BRIO comme en étant l'éditeur ;

Que point davantage que devant les premiers juges, Mme GESTIN ne rapporte la preuve de ses allégations, et que rien ne conduit à statuer autrement que l'ont fait les premiers juges, dont la décision doit être confirmée ;

Sur l'édition en langue anglaise de l'album 'L'île aux cent squelettes'

Considérant qu'il a été jugé en première instance que Mme GESTIN ne contestait pas que l'éditeur anglais, la société WALKER BOOKS, avait eu seule la charge de la fabrication et de la commercialisation de l'édition britannique de l'album 'L'île aux cent squelettes' et en assumait donc la responsabilité éditoriale, en sorte que la rémunération servie au titre de cette édition avait correspondu 'à celle contractuellement prévue pour une telle occurrence', selon l'article 12 de la convention du 1er avril 1994 ;

Considérant que pour contester cette décision, Mme GESTIN indique que l'ouvrage dont il s'agit a manifestement été publié dans le cadre d'un accord de coédition entre GRÜND et la société WALKER BOOKS dont il semble qu'elle ait apporté les droits d'édition en langue française des textes de M. BURSTON, GRÜND ayant pour sa part fait apport des droits sur les illustrations ; que GRÜND lui a versé la somme de 18.819,75 francs, correspondant selon les déclarations qu'elle lui a faites à '25% des droits encaissés par l'éditeur', alors qu'en général l'auteur perçoit 50% des recettes nettes encaissées par l'éditeur du fait de la cession des droits à un éditeur tiers ;

Considérant toutefois que l'appelante n'effectue au soutien de sa prétention aucune démonstration de nature à en assurer le succès, se contentant de procéder par voie d'affirmations et de suppositions ;

Qu'il n'y a pas lieu de revenir sur la décision prise par le tribunal ;

Sur la reddition des comptes

Considérant que Mme GESTIN expose que les relevés de droit d'auteur qui lui ont été communiqués 'font l'économie des renseignements' prévus aux termes de l'article L 132-

13 du Code de la propriété intellectuelle ; que de surcroît elle a été 'contrainte de solliciter en vain des éclaircissements sur ces points, sans jamais obtenir la moindre réponse de la part de GRÜND'; que celle-ci lui a systématiquement communiqué avec retard les justificatifs des exploitations et versé les droits correspondants tardivement ; que ce décalage de communication des comptes est selon elle la source d'un préjudice, dans la mesure où il a perturbé la tenue de sa comptabilité ;

Qu'elle ne justifie néanmoins pas de la réalité d'un tel dommage et que c'est avec pertinence que les premiers juges l'ont déboutée de sa prétention ;

Sur l'absence de bon à tirer

Considérant que Mme GESTIN indique que les 'jeux définitifs des épreuves des ouvrages' n'ont pas été communiqués, ce qui l'a empêchée d'y apposer son bon-à-tirer ; qu'elle prétend avoir de ce fait subi un préjudice particulier, dans la mesure où la couverture de l'édition anglo-saxonne de l'ouvrage 'L'île aux cent squelettes' comporte un montage de deux de ses illustrations, sans qu'aucune autorisation de sa part n'ait été sollicitée et où, par ailleurs, l'édition tchèque de 'La vallée aux cent prodiges' est selon elle d'une qualité déplorable et présente des défauts manifestes ; qu'ainsi la couverture en est de mauvaise qualité, laissant la trame apparente et que les illustrations figurant à l'intérieur sont floues du fait d'un décalage des films d'impression ;

Considérant toutefois que l'examen attentif de l'ouvrage en question ne révèle aucune des défectuosités alléguées et que la publication incriminée qui a été présentée s'avère être d'une qualité similaire à celle de l' album communiqué comme modèle de comparaison ;

Considérant en tout état de cause que les publications par rapport auxquelles un préjudice est invoqué ont été réalisées par des sociétés qui sont des tiers par rapport à cette procédure dans laquelle elles n'ont pas été attraites, et que Mme GESTIN ne démontre pas en quoi la responsabilité de GRÜND serait susceptible de se trouver engagée pour le compte des éditeurs étrangers ;

Considérant, dans ces conditions, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé devoir la condamner au paiement de la somme de 4.500 euros, pour n'avoir pas veillé à lui remettre la reproduction faite de ses oeuvres par des sociétés tierces ou par elle-même ;

Que le jugement doit être à cet égard infirmé ;

Sur la perte d'une planche originale

Considérant que Mme GESTIN soutient que GRÜND ne lui a jamais restitué la planche originale de la couverture de l'ouvrage 'La vallée aux cent prodiges' ;

Que le tribunal, après avoir énoncé cette prétention, y a fait droit sans fournir la moindre explication au soutien de sa décision ;

Que GRÜND fait valoir que Mme GESTIN a attendu l'introduction de l'instance, soit six années après le fait invoqué, pour se plaindre du défaut de restitution de son dessin, ce qui est surprenant, alors qu'il n'est pas contesté que les autres illustrations ont été intégralement rendues ; qu'elle déclare que sa contradictrice ne justifie pas de l'absence de la planche dont il s'agit ; qu'elle sollicite en conséquence l'infirmation de la décision sur ce point, tandis que Mme GESTIN en demande la confirmation, sans pour autant préciser le fondement juridique de sa prétention ;

Considérant qu'il peut néanmoins être admis que GRÜND, qui nonobstant l'étonnement qu'elle manifeste ne conteste pas l'obligation de restitution des dessins qui pèse sur elle, ne rapporte pas la preuve qu'elle s'en est libérée pour ce qui concerne l'illustration litigieuse, et que l'écoulement du temps dont elle fait mention n'a pu à cet égard avoir d'incidence ;

Que le jugement doit en conséquence être confirmé, en ce qu'il a ordonné la restitution de la planche dont il s'agit ; qu'il convient d'assortir cette mesure d'une astreinte ;

Sur les autres mesures

Considérant que Mme GESTIN ne démontre pas que GRÜND puisse être condamnée à réparer un préjudice, dont elle ne justifie pas, au titre de manquements contractuels ;

Que compte tenu du sens du présent arrêt, la mesure d'instruction demandée n'apparaît pas nécessaire ;

Que la publication sollicitée ne l'est pas davantage ;

Considérant que M. BIZIEN s'en rapporte à justice sur les demandes de Mme GESTIN et ne sollicite pas la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a accordé la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en tout état de cause, des raisons tirées de considérations d'équité conduisent à écarter l'application de ce texte en ce qui le concerne ; qu'il convient d'infirmer le jugement sur ce point ;

Considérant que Mme GESTIN n'est pas recevable à soumettre des prétentions aux lieu et place de M. BIZIEN ; que ses demandes tendant à ce que GRÜND soit condamnée à prendre à sa charge 'les demandes de dépens et d'article 700 du nouveau Code de procédure civile engagées par celui-ci' doivent être rejetées ;

Considérant qu'il convient de mettre les dépens à la charge de GRÜND, mais que l'équité commande d'écarter l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sollicitée à son égard par Mme GESTIN ;

Considérant qu'il ne peut être fait droit à la prétention de la SCP MIRA BETTAN fondée sur l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, celle-ci ayant été formée par rapport à une demande de condamnation aux dépens exclusivement dirigée contre Mme GESTIN, alors que les dépens sont entièrement mis à la charge de GRÜND et que la cour ne peut statuer que sur ce qui est demandé ;

Par ces motifs,

La cour :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société LES EDITIONS GRÜND à payer à Mme GESTIN la somme de 4.500 euros à titre de dommages-intérêts et Mme GESTIN à payer à M. BIZIEN la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

L'infirme de ces deux chefs ;

Y ajoutant,

Dit que la restitution de la planche originale de couverture de l'album 'La vallée aux cents prodiges'sera effectuée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de la présente décision ;

Rejetant toute autre prétention, condamne la société LES EDITIONS GRÜND aux dépens, dont le recouvrement pourra être poursuivi par la SCP BOMMART FORSTER conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.