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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 23 mars 2021, n° 18/04220

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Fontalvie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

T. com. Montpellier, du 20 juill. 2018, …

20 juillet 2018

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par actes sous seing privé en date des 18 et 19 décembre 2012, Nathalie C. épouse N., d'une part, et la SAS Financière du Minaret ont souscrit respectivement 15 obligations « OS 2012 » de 100 000 euros chacune, soit 1 500 000 euros, et 30 obligations « OS 2012 » de 100 000 euros chacune, soit 3 000 000 euros, de l'emprunt que la SAS Fontalvie avait été autorisée à émettre.

L'emprunt obligataire avait une durée de trois ans expirant le 20 décembre 2015, sauf la faculté offerte à l'émetteur de proroger d'un an, soit jusqu'au 20 décembre 2016, la durée de remboursement de l'emprunt (article 2.5 des contrats) ; il était convenu d'un intérêt annuel de 7,5 %, les intérêts étant payables annuellement, à terme échu à chaque fin d'année civile, pour la première fois le 31 décembre 2013 (article 2 .2 des contrats) ; il était également convenu d'un intérêt de retard au taux d'intérêt légal majoré de 3 points pour toute somme non payée à l'échéance, tant en principal qu'en intérêts (article 2.7 des contrats).

Les intérêts annuels dus au 31 décembre 2014 n'ont pas été réglés et par jugement du 7 janvier 2015, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Fontalvie, ce qui a amené Pierre Le G. en sa qualité de représentant de la masse des obligataires a adressé, le 20 mars 2015, une première déclaration de créance entre les mains de M. C., désigné comme mandataire judiciaire, pour les sommes respectives de 3 900 145,36 euros et 1 950 072,68 euros échues et à échoir.

Par jugement du 16 décembre 2015, le tribunal de commerce a mis fin à la procédure de sauvegarde et le 28 décembre 2015, la société Fontalvie a versé à Mme N. la somme de 1 522 262,91 euros et à la société Financière du Minaret, celle de 3 044 525,82 euros.

Le 21 janvier 2016, la Selarl d'avocats G. d'Aboville et associés a mis la société Fontalvie en demeure d'avoir à payer à Mme N. la somme de 202 809,77 euros (1 725 072,68 euros - 1 522 262,91 euros) et à la société Financière du Minaret, celle de 405 619,54 euros (3 452 145,36 euros - 3 044 525,82 euros).

Par jugement du 16 décembre 2016, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une nouvelle procédure de sauvegarde à l'égard de la société Fontalvie et a désigné M. S. qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception date du 23 février 2017, reçue le 28 février suivant par M. S., la Selarl cabinet G. d'Aboville, mandataire de M. Le G. représentant de la masse des porteurs d'obligations, a déclaré une créance de 202 809,77 euros pour le compte de Mme N. et une créance de 405 619,54 euros pour le compte de la société Financière du Minaret.

Ces créances ayant été contestées, une ordonnance du juge-commissaire en charge de la procédure collective de la société Fontalvie en date du 20 juillet 2018 a prononcé l'admission de la créance de Mme N. pour la somme de 202 809,77 euros à titre chirographaire et la créance de la société Financière du Minaret pour la somme de 405 519,54 euros également à titre chirographaire.

La société Fontalvie a relevé appel de cette décision par déclaration reçue le 10 août 2018 au greffe de la cour.

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 19 mars 2019 via le RPVA, elle demande à la cour, avec MM. F. et S., respectivement administrateur judiciaire et mandataire judiciaire à sa procédure collective, de déclarer nulle la déclaration de créance du 27 février 2017 et, subsidiairement, d'annuler la condition d'un paiement au 30 novembre 2015 de la transaction convenue entre elle et M. Le G. et Mme C. (N.), de dire et juger que les paiements intervenus l'ont été pour solde de tout compte et de rejeter définitivement la déclaration de créance de M. Le G. en qualité de représentant de la masse des porteurs d'obligations ; elle sollicite, en toute hypothèse, l'allocation de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que la déclaration de créance effectuée par la Selarl cabinet G. d'Aboville et associés, avocats au barreau de Quimper, est nulle pour défaut de pouvoir, une société constituée pour l'exercice en commun des professions d'avocat, n'ayant pas la capacité, ni le pouvoir d'effectuer une déclaration de créance, équivalant à une demande en justice, et que la prétendue ratification faite par M. Le G. ne peut avoir eu pour effet de régulariser une déclaration nulle ; elle ajoute qu'à la suite de la proposition transactionnelle de règlement, qu'elle avait faite le 28 septembre 2015 à concurrence de 1 522 262,91 euros au bénéfice de Mme N. et de 3 044 525,82 euros au bénéfice de la société Financière du Minaret, les parties avaient convenu d'un règlement avant la fin de l'année 2015, lequel ne pouvait intervenir avant qu'il soit mis fin à la procédure de sauvegarde, compte tenu de l'interdiction des paiements édictée à l'article L. 622-7 du code de commerce.

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 janvier 2021 par le RPVA, M. Le G. en sa qualité de représentant de la masse des porteurs d'obligations « OS 2012 », sollicite, au visa des articles 902 et suivants du code de procédure civile, des articles R. 661-3 et L. 622-24 du code de commerce, de voir :

- déclarer la procédure d'appel irrecevable faute de recours formé dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision du juge-commissaire,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Fontalvie et Me F. sont irrecevables, à tout le moins non fondés, à évoquer une irrégularité de la déclaration de créance,

- en conséquence, rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,

En toute hypothèse,

- confirmer la décision du juge-commissaire en ce qu'il l'a admis en sa qualité de représentant des obligataires en sa déclaration de créance à hauteur de 202 809,77 euros au titre des obligations de Mme N. et à hauteur de 405 619,54 euros au titre des obligations de la société Financière du Minaret,

- prendre acte des déclarations de la société Fontalvie, sous la seule responsabilité de cette dernière, concernant le nombre d'obligations souscrites et en tirer toutes conséquences de droit concernant la déclaration de créance au titre des 15 autres obligations,

- condamner la société Fontalvie à lui payer, ès qualités de représentant de la masse des obligataires, la somme de 6000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toute demande à son encontre ès qualités de représentant des obligataires,

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires de la société Fontalvie, de Me S. et de Me F. ès qualités.

Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué et qui a été avisé de la date d'audience, a émis un avis consistant à s'en rapporter.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 janvier 2021.

MOTIFS de la DECISION :

1-la recevabilité de l'appel :

Si le délai d'appel d'une ordonnance du juge-commissaire statuant en matière d'admission de créance est de 10 jours à compter de la notification qui est faite aux parties de la décision conformément à l'article R. 661-3 du code de commerce, encore faut-il que la cour soit mise en mesure d'apprécier l'existence et la régularité de la notification de l'ordonnance, qui a été faite, en l'occurrence, à la société Fontalvie ; dès lors que la lettre de notification de l'ordonnance rendue le 20 juillet 2018 par le juge-commissaire et son avis de réception ne sont pas communiqués, l'appel doit être déclaré recevable.

2-la régularité de la déclaration de créance :

Il résulte de l'article L. 622-24 du code de commerce que la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix et que le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.

Par ailleurs, il est de principe qu'une déclaration de créance peut être faite par un avocat, membre d'une société d'avocats mandatée par le créancier à cette fin, lequel est dispensé de justifier d'un pouvoir, et qu'en cas de contestation sur l'identité du signataire de la déclaration , la preuve de l'identité de celui-ci incombe au créancier et peut être faite par tous moyens, jusqu'au jour où le juge statue ; dans le cas présent, la preuve est rapportée de ce que la déclaration de créance du 23 février 2017 a été signée par Me Mickaëlle Le G., avocat membre de la Selarl cabinet G. d'Aboville et associés, avocats au barreau de Quimper, à laquelle M. Le G. avait précisément donné instruction pour déclarer la créance suivant courriel du 22 février 2017, produit aux débats ; au surplus, la déclaration de créance a été ratifiée par M. Le G., qui a apposé son nom et sa signature sur un exemplaire de la déclaration du 23 février 2017, la même que celle adressée à M. S., mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Fontalvie, et dans le cadre de ses conclusions d'intimé devant la cour, celui-ci indique encore ratifier la déclaration de créance , sachant que l'article L. 622-24 susvisé a bien pour finalité de permettre la ratification par le créancier d'une déclaration de créance irrégulière comme ayant été faite sans pouvoir du déclarant ; c'est donc à juste titre que le juge-commissaire a écarté le moyen tiré de la nullité de la déclaration de créance .

3-l'admission ou le rejet des créances déclarées :

Il est constant, alors que la procédure de sauvegarde de la société Fontalvie avait été ouverte le 7 janvier 2015, que par deux courriers du 28 septembre 2015 adressés l'un à M. Le G., l'autre à Mme N., le dirigeant de la société, Jacques D., a proposé aux obligataires de les désintéresser par le versement, à la date du 20 décembre 2015, d'un montant cumulé de 109,23% comprenant le montant souscrit et les intérêts, y compris les intérêts déjà perçus, soit des remboursements respectifs de 3 044 525,82 euros pour la société Financière du Minaret et de 1 522 262,91 euros pour Mme N. ; il indiquait dans ces courriers que les sommes étaient disponibles, la transaction étant cependant soumise à la sortie de procédure de sauvegarde de la société Fontalvie.

Par courriel adressé le 14 octobre 2015 au dirigeant de la société Fontalvie, avec copie à M. S., administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde, M. Le G. et Mme N., par l'intermédiaire de leur conseil, ont indiqué accepter cette proposition de paiement limitée aux sommes de 3 044 525,82 euros et de 1 522 262,91 euros à la condition expresse que les remboursements leur parviennent au plus tard le 30 novembre prochain ; à cet égard, M. D. ne peut sérieusement contester la réception de ce courriel, qui lui a été envoyé sur sa messagerie électronique à l'adresse [...] ; il résulte également des pièces produites que par courrier du 21 octobre 2015, M. S. a informé le cabinet d'avocats G. d'Aboville que divers points restaient en suspens dans la perspective d'une « sortie » de la procédure de sauvegarde, dont le terme de la période d'observation était prévu le 7 janvier 2016, et que par courriel du 18 décembre 2015, M. Le G. a transmis un relevé d'identité bancaire au dirigeant de la société Fontalvie, lui demandant de faire le nécessaire pour solder nos comptes avant la fin de l'année comme convenu.

La société Fontalvie soutient qu'un règlement au 30 novembre 2015 constituait une stipulation contraire à l'interdiction des paiements édictée à l'article L. 622-7 du code de commerce dès lors que la fin de la procédure de sauvegarde ne pouvait intervenir avant cette date, mais que l'accord transactionnel, matérialisé par ses courriers du 28 septembre 2015, qui avait été arrêté doit être maintenu en application de l'article 1184, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Cependant, M. Le G. et Mme N. n'ont pas exigé le paiement des sommes de 3 044 525,82 euros et 1 522 262,91 euros, que la société Fontalvie proposait de leur régler à titre transactionnel, avant la fin de la procédure de sauvegarde, sachant que la proposition de règlement faite dans les courriers du 28 septembre 2015 était elle-même subordonnée à la « sortie » de la procédure de sauvegarde de la société ; il est évident que les intéressés n'ont pas accepté le règlement, qui leur était proposé, à la date du 20 décembre 2015, qui constituait le terme normal de l'emprunt obligataire en vertu de l'article 2.5 des contrats d'émission, et ils n'y ont consenti que si ce règlement intervenait avant le terme contractuellement prévu, en contrepartie de l'abandon d'une partie des sommes dues au titre des intérêts annuels de 2014 et 2015 et des intérêts de retard afférents à l'année 2014, sous la condition implicite qu'il soit mis fin à la procédure de sauvegarde avant cette date du 30 novembre 2015 ; la transaction proposée ne s'est donc pas formée, puisqu'il n'a été mis fin à la procédure de sauvegarde de la société Fontalvie que par jugement du 16 décembre 2015, le courriel de M. Le G. du 18 décembre 2015 se bornant à demander que les comptes soient soldés, comme convenu dans les contrats d'émission, au terme contractuellement convenu du 20 décembre 2015.

L'ordonnance du juge-commissaire qui a admis, à titre chirographaire, les créances de Mme N. et de la société Financière du Minaret pour les sommes respectives de 202 809,77 euros et 405 619,54 euros restant dues au titre des contrats d'émission de l'emprunt obligataire « OS 2012 » doit en conséquence être confirmée dans toutes ses dispositions.

Succombant sur son appel, la société Fontalvie doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à M. Le G., en sa qualité de représentant de la masse des porteurs d'obligations, la somme de 4000 euros en remboursement des frais non taxables que celui-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel recevable,

Au fond, confirme dans toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire à la procédure de sauvegarde de la société Fontalvie en date du 20 juillet 2018,

Condamne la société Fontalvie aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. Le G., en sa qualité de représentant de la masse des porteurs d'obligations, la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.