Livv
Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 5 avril 2005, n° 1553/05

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Microcast (SA), Me Livolsi (ès-qual.)

Défendeur :

M. Argounes, M. Abbadie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larque

Conseillers :

M. Petriat, Mme Tribot Laspiere

Avoués :

M. Crepin, SCP Marbot, SCP Longin, SCP De Ginestet /Duale/ Ligney

Avocats :

Me Boisseau, Me Saigne, Me Latapie

T. com. Tarbes, du 4 oct. 2004

4 octobre 2004

FAITS ET PROCEDURE

La SA MICROCAST a émis un emprunt obligataire auprès d’établissements de crédit suivant actes sous seing privé du 05 novembre 1999, pour un montant total de 25.000.000,00 F soft 312.500 obligations de 80,00 F, convertibles en actions, productives d’intérêts au taux de 3,5 % l’an, amortissables en trois tranches au 31 décembre 2004,2005 et 2006.

Par jugement du 09 octobre 2003 le Tribunal de Commerce de TARBES a prononcé le redressement judiciaire de MICROCAST, Me ABBADIE étant nommé représentant des créanciers et Me IJVOLSI administrateur.

Le jugement a été publié au BOD ACC le 12 novembre 2003.

Les obligataires ont tons déclaré leur créance, chacun séparément : - TOFINSOINVESTISSEMENT le 20 octobre 2003, - IRDIM1DI-PYRENEES le 20 octobre 2003,

-             BNP PARIBAS DEVELOPPEMENT le 20 novembre 2003,

-             SUB CROISSANCE et X DEVELOPPEMENT, ayant fusionné sous le nom de BANQUE POPULAIRE DE DEVELOPPEMENT, le 30 décembre 2003, - CIC CAPITAL DEVELOPPEMENT le 09 janvier 2004.

Par courrier du 09 janvier 2004 cependant, le conseil de CIC CAPITAL DEVELOPPEMENT attirait l’attention du représentant des créanciers sur le fait que la déclaration de créance des obligataires, par application de l’article L 228-85 du Code de Commerce, devait être faite, en l’absence de déclaration par le représentant de la masse des obligataires, par un mandataire qu’il lui appartenait de faire designer en justice, par ordonnance sur requête conformément à l’article239 du décret du 23 mars 1967, lequel prévoit en son alinéa 2 que ce mandataire doit produire la créance de la masse dans le délai de quinze jours à compter de sa désignation.

Me ABBADIE présente requête à cette fin le 12 janvier 2004, et le Président du Tribunal de Commerce de TARBES désigne M. Jacques ARGOUNES, expert-comptable à TARBES par ordonnance du 27 janvier 2004.

Me ABBADIE adressa copie de l’ordonnance fait M. ARGOUNES par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2004 en attirant son attention sur le délai de quinze jours et en lui indiquant qu’en raison de la parution au BODACC du jugement d’ouverture le 12 novembre 2003, le délai de déclaration de créances était venu à expiration le 12 janvier 2004, et qu’en conséquence il lui appartenait de présenter une requête en relève de forclusion dans le délai imparti par l’ordonnance.

Par courtiers recommandes avec accusé de réception des 02,03,05 et 08 mars 2004 Me ABBADIE avisa les créanciers obligataires de ce qu’il entendait proposer an juge-commissaire le rejet de leurs créances, celles-ci ne pouvant etre déclarées que par un mandataire charge de représenter leur masse.

Par courtier du 25 juin 2004 M. ARGOUNES saisit le juge-commissaire d’une demande de relevé de forclusion

Par courtier du 26 aout 2004 Me ABBADIE insista auprès de M. ARGOUNES pour qu’il déclare les créances des obligataires avant le 09 octobre 2004, marquant l’expiration du délai d’un an fi compter du jugement d’ouverture.

M. ARGOUNES déclara les créances par courtiers dates des 17 septembre et 04 octobre 2004.

Par ordonnance du 04 octobre 2004 le juge-commissaire, estimant que le délai de 15 jours de l’article 239 alinéa 2 du décret du 23 mars 1967 n’était pas assorti d’une forclusion, dit qu’il n’y avait pas lieu a relevé de forclusion, et renvoya les parties à la procédure de vérification, tout en laissant les dépens à la charge de la masse des obligataires.

MICROCAST et Me LIVOLSI ont interjeté l’appel le 20 octobre 2004.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

MICROCAST et Me LIVOLSI exposent que :

- malgré les termes clairs de l’ordonnance le désignant, M. ARGOUNES n’a déclaré les créances des obligataires que le 08 octobre 2004,

- le délai de 15 jours accord au mandataire est identique à celui qu’accordait le Code de du jugement d’ouverture pour produire ; ce délai de 15 jours a été repris par la loi du 13 juillet 1967, puis dans un premier temps par la loi du 25 janvier 1985,

- l’article 50 de la loi du 25 janvier 1985 devenu L 621-43 du Code de Commerce fait obligation à tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement d’ouverture de déclarer leur créance a l’exception des créances salariales pour lesquelles aucun délai n’est nécessaire ;

L’article 239 du décret du 23 mars 1967, qui accorde un d61ai de 15 jours au mandataire design^ des obligataires, dérogeant à ce texte, doit s’appliquer restrictivement, et n’a pas à prévoir de sanction, celle-ci étant édictée par le droit des procédures collectives.

- M. ARGOUNES a avoué dans ses Ventures de saisine du juge-commissaire une mauvaise interprétation des dispositions règlementaires et non des difficultés matérielles, c’est-à-dire quelque chose qui procède de son fait ; à défaut de déclaration dans le délai de 15 jours imparti an mandataire, la forclusion est encourue,

Et ils demandent à la Cour :

-             de rejeter la demande de relevé de forclusion et de constater I ’extinction de la créance,

-             de condamner M. ARGOUNES à leur payer 3.000,00 € pour faits irrépétibles.

Succombant à lui payer 1.000,00 € pour faits irrépétibles.

M. ARGOUNES répond que :

- l’article 239 alinéa 2 du décret du 23 mars 1967 n’édicte aucune forclusion.

- la survenance de la forclusion à l’issue du délai de 15 jours accorde au représentant de la masse des obligataires serait contraire à I ‘égalité des créanciers : sort les obligataires bénéficient d’un régime expressément réglementé, et leur représentant n’avait pas besoin de saisir le juge- commissaire d’une demande de relevé de forclusion, soit ils sont des créanciers comme les autres, et faute par leur représentant d’avoir déclaré sa créance dans les 15 jours de sa désignation, ils peuvent solliciter un relevé de forclusion dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture; dans ce cas, l’absence de déclaration dans le délai de 15 jours n’est pas de son fait: il n’a été saisi de sa mission qu’à compter du 29 on du 30 janvier 2004, alors qu’il ne restart plus que huit jours ouvrables pour effectuer la déclaration, alors que l’ordonnance ne pas renseigné sur l’identité de l’ensemble des obligataires, pas plus que sur le montant des créances de chacun d’eux; Me ABBADIE, qui l’avait fait designer, ne lui a pas communiqué dans le délai de 15 jours de l’ordonnance, la convention des obligataires rd la copie de leurs déclarations de créance; les obligataires, n’étant pas informes dans le délai de 15 jours de l’ordonnance le désignant, ne pouvaient prendre contact avec lui dans le délai ; Me ABBADIE lui a indiqué qu’il devait présenter une requête en relevé de forclusion, la déclaration des créances étant venue à expiration avait sa désignation;

- en portant le délai initial de déclaration des créances de 15 jours à 2 mois, le législateur a admis que 15 jours constituaient un dd lai beaucoup trop court.

Et il demande à la Cour :

- de confirmer l’ordonnance, - subsidiairement, de le relever de sa forclusion.

- de condamner MICROCAST et Me LTVOLSI h lui payer 3.000,00 € pour frais irrépétibles.

Le Ministère public s’en rapports à justice.

DISCUSSION

Selon les articles L 621-43, L 621-46 du Code de Commerce et 66 du décret no 85-1399 du 27 décembre 1985, à partir de la publication du jugement d’ouverture au BOD ACC, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement, a I ’exception des salaries, doivent déclarer leur créance dans le délai de deux mois, faute de quoi ils ne sont pas admis dans les répartitions de dividendes a moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait; l’action en relevé de forclusion ne peut etre exercée que dans un délai d’un an à compter du jugement d’ouverture, et les créances qui n’ont pas été déclarés et n’ont pas donné lieu à relever de forclusion sont éteintes.

Selon les articles L 228-85 du Code de Commerce et239 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, à défaut de déclaration par les représentants de la masse des créanciers obligataires, un mandataire chargé de représenter la dite masse dans les opérations de redressement ou de liquidation judiciaire et d’en déclarer la créance est designs par le président du Tribunal de Commerce statuant sur requête du représentant des créanciers; ce mandataire doit produire la créance de la masse dans le délai de 15 jours à compter de sa désignation.

Du rapprochement de ces textes il résulte que la forclusion, édictée par l’article L 621 -46 du Code de Commerce ne joue pas si le représentant de la masse des obligataires, désigné a la diligence du représentant des créanciers, déclare la créance de ces obligataires dans un délai de 15 jours à compter de sa désignation, même si ce délai court au-delà des deux mois d compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, la forclusion demeurant à I ’expiration dudit délai de 15 jours.

M. ARGOUNES n’ayant pas déclaré la créance dans le délai de 15 jours à compter de sa désignation par ordonnance du mardi 27 janvier 2004, soit du mercredi 28 janvier au mercredi 11 février 2004, alors que le délai de deux mois h compter de la publication au BODACC était expiré depuis le lundi 12 janvier 2004 à 24HOO, la forclusion de l’article L 621-46 lui est opposable.

Alors que l’articulation entre les différents textes dies est complexe, et se rencontre très rarement en pratique, il était nécessaire d’attirer l’attention du mandataire désigné par le président du Tribunal sur la forclusion qui sanctionnait son inaction, en dépit de la brièveté du délai.

Ni l’ordonnance, ni la lettre de transmission de Me ABBADEE du 28 janvier 2004 ne le faisaient, et Me ABBADIE interprétait de manière erronée la portée de l’ordonnance, indiquant dans sa lettre certes que la déclaration de créance devait être faite dans le délai de 15 jours, mais que le délai de déclaration étant venu à expiration le 12 janvier 2004 il appartenait à M. ARGOUNES de présenter une requête en relevé de forclusion dans le délai imparti.

Ainsi donc la forclusion était présentée comme acquise, si bien que la nécessité du respect du délai de 15 jours pour effectuer la déclaration n’apparaissait pas clairement.

Il s’ensuit que M. ARGOUNES a été induit en erreur par la correspondance de Me ABBADIE, et que son abstention à déclarer les créances des créanciers obligataires n’est pas due à, son fait.

Il doit, partant, être relevé de la forclusion.

Il n’est pas inéquitable que chaque partie garde la charge de ses frais irrépétibles, tant de première instance que d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort.

Reçoit l’appel en la forme.

Au fond, infirmant l’ordonnance attaquée.

Relevé de la forclusion M. ARGOUNES, pris en sa qualité de mandataire charge de représenter la masse des obligataires.

Dit que chaque partie gardera la charge de ses dépens, tant de première instance que d’appel.