CA Paris, 1re ch. H, 6 avril 2004, n° 2003/19927
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Association pour la défense des actionnaires minoritaires
Défendeur :
France Télécom (SA)
Le 1er septembre 2003, la société GOLDMAN SACHS INTERNATIONAL et la SOCIETE GENERALE, agissant pour le compte de FRANCE TELECOM, ont saisi le Conseil des marchés financiers (CMF) d'un projet d'offre publique d'échange simplifiée (OPES) visant les actions de sa filiale, la société ORANGE, à raison de 11 actions FRANCE TELECOM pour 25 actions ORANGE.
A l'issue de cette opération, déclarée recevable par le Conseil des marchés financiers, et au cours de laquelle 91,48 % des actions d'ORANGE ont été apportées, FRANCE TELECOM possédait 97,78 % du capital et des droits de vote de cette société FRANCE TELECOM, qui avait informé le marché qu'elle se réservait la possibilité, au cas où elle détiendrait plus de 95 % du capital et des droits de vote de sa filiale, de lancer une procédure d'offre publique de retrait suivi d'un retrait obligatoire (OPRO) a, précisément, annoncé, le 16 octobre 2003, son intention de déposer un projet d'OPRO sur les actions d'ORANGE non apportées à l'OPES au prix de 9,50 euros par action.
C'est dans ces conditions que, le 29 octobre 2003, GOLDMAN SACHS INTERNATIONAL et la SOCIETE GENERALE, agissant au nom et pour le compte de FRANCE TELECOM, ont déposé, en application des dispositions des articles 5-6-3 et 5-7-1 du règlement général du CMF, un projet d'offre aux termes duquel FRANCE TELECOM s'engageait à acquérir, au prix unitaire de 9,50 euros, la totalité des 58 864 016 actions restantes d'ORANGE et demandait qu'il soit procédé au retrait obligatoire de ces actions dès la clôture de l'offre de retrait.
- les principales caractéristiques de l'offre déposée,
- les éléments d'appréciation du prix a offert avec des développements consacrés aux méthodes d'évaluation utilisées par les établissements présentateurs dans leur rapport d'évaluation (référence au cours de bourse, comparaisons boursières et actualisation des flux de trésorerie).
Par décision n°203C1920 du 19 novembre 2003, le CMF, après avoir constaté la publication de cette note, a fixé le calendrier de l'OPRO et décidé que celle-ci serait ouverte du 20 novembre au 9 décembre 2003 inclus, le retrait obligatoire des actions ORANGE ayant vocation à intervenir le 4 décembre 2003.
LA COUR,
Vu le recours formé le 24 novembre 2003 par l'Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires, Monsieur et Madame René CHEVRIER, ainsi que par Messieurs Fabrice DORE, Thierry FERRON, Philippe MORAND de JOUFFREY, Philippe THERIOSET, Laurent THIERRY, Jean-Paul TRUCHOT, Jérôme TRUCHOT, ayant pour objet d'annuler la décision de la Commission des opérations de bourse en date du 17 novembre 2003;
Vu le mémoire, contenant l'exposé des moyens des requérants, déposé le 24 décembre 2003, dans le délai fixé à l'article 4 du décret n°96-869 du 3 octobre 1996 relatif aux recours exercés devant la Cour d'appel de PARIS par lequel les requérants demandent à la Cour:
- de les recevoir en leur recours,
- d'annuler la décision de la Commission des opérations de bourse en date du 17 novembre 2003 portant apposition de son visa n°03-1012 sur la note d'information relative à l'offre publique de retrait suivie d'un “retrait obligatoire“ initiée par la SA FRANCE TELECOM sur les actions de la SA ORANGE,
- “dépens comme de droit“;
Vu les conclusions, déposées le 26 janvier 2004, dans lesquelles la société FRANCE TELECOM et la société ORANGE prient la Cour:
- de dire et juger l'Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires, Monsieur et Madame René CHEVRIER, ainsi que Messieurs Fabrice DORE, Thierry FERRON, Philippe MORAND de JOUFFREY, Philippe THERIOSET, Laurent THIERRY, Jean-Paul TRUCHOT, Jérôme TRUCHOT, irrecevables et en tout état de cause mal fondés en leur recours formé à l'encontre de la décision de visa n°03-1012 de la COB en date du 17 novembre 2003;
- de les en débouter;
- de condamner l'Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires, Monsieur et Madame René CHEVRIER, ainsi que Messieurs Fabrice DORE, Thierry FERRON, Philippe MORAND de JOUFFREY, Philippe THERIOSET, Laurent THIERRY, Jean-Paul TRUCHOT, Jérôme TRUCHOT à leur verser solidairement 20 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- de condamner l'Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires, Monsieur et Madame René CHEVRIER, ainsi que Messieurs Fabrice DORE, Thierry FERRON, Philippe MORAND de JOUFFREY, Philippe THERIOSET, Laurent THIERRY, Jean-Paul TRUCHOT, Jérôme TRUCHOT, avec la même solidarité aux entiers dépens.
Vu les conclusions, déposées le 2 février 2004, par lesquelles l'Autorité des marchés financiers (AMF), venant aux droits du Conseil des marchés financiers, demande à la Cour:
- de dire et juger Madame CHEVRIER, Messieurs CHEVRIER, DORE, FERRON, MORAND DE JOUFFREY, THERIOSET, THIERRY et TRUCHOT irrecevables en leurs recours, faute pour eux de justifier de leur intérêt à agir;
- de dire et juger que les consultations rédigées respectivement par Messieurs Thierry BERGERAS et Eric DELESALLE doivent être exclues des débats, faute d'avoir été communiquées dans des conditions de nature à assurer le respect du principe du contradictoire;
- en toute hypothèse, de dire et juger les requérants mal fondés en leurs recours à l'encontre de la décision par laquelle la Commission des opérations de bourse a apposé le visa n°03-1012 en date du 17 novembre 2003 sur la note d'information conjointe aux sociétés ORANGE et FRANCE TELECOM, relative à l'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire visant les actions ORANGE et initiée par FRANCE TELECOM; en conséquence le rejeter;
- de condamner les requérants aux entiers dépens;
Vu le mémoire récapitulatif et en réplique déposé le 23 février 2004 par les requérants, dans lequel ils prient la Cour:
- d'annuler la décision de la Commission des opérations de bourse en date du 17 novembre 2003 portant apposition de son visa n°03-1012 sur la note d'information relative à l'offre publique de retrait suivie d'un “retrait obligatoire“ initiée par la SA FRANCE TELECOM sur les actions de la SA ORANGE comme conséquence de l'annulation de la décision n°203C1883 du 13 novembre 2003 du Conseil des marchés financiers;
- subsidiairement de, surseoir à statuer dans l'attente de la communication par la Commission des opérations de bourse du “mémorandum apportant des précisions sur la méthodologie de valorisation des titres de participation ORANGE“ en date du 7 novembre 2003, de la lettre des conseils de FRANCE TELECOM du 12 novembre 2003 “réfutant les arguments présentés par l'ADAM dans sa lettre du 10 novembre 2003“ et de tous autres documents non versés aux débats à l'examen desquels la Commission des opérations de bourse s'est prononcée;
- plus subsidiairement, d'annuler la décision de la Commission des opérations de bourse en date du 17 novembre 2003 portant apposition de son visa n°03-1012 sur la note d'information relative à l'offre publique de retrait suivie d'un “retrait obligatoire“ initiée par la SA FRANCE TELECOM sur les actions de la SA ORANGE;
- “dépens comme de droit“;
Vu les conclusions du représentant du ministère public tendant au rejet du recours, mises à la disposition des requérants avant l'ouverture des débats;
Sur la recevabilité du recours
Considérant que M. et Mme CHEVRIER, M. Philippe MORAND de JOUFFREY, M. Jean-Paul TRUCHOT, M. Jérôme TRUCHOT, M. Philippe THEROSIET, et M. Fabrice DORE ont produit des documents ou attestations faisant état d'une détention d'actions de la société ORANGE postérieurement au 17 novembre 2003, date de la décision de visa; que M. Laurent THIERRY ne verse pour sa part aux débats que des bulletins réponses adressés par un établissement de crédit au sujet des offres déjà évoquées, qui, en soi, n'attestent pas une telle détention;
Considérant que ne justifiant pas ainsi de leur qualité d'actionnaire à la date du 17 novembre 2003, leur recours ne peut, dès lors, qu'être déclaré irrecevable;
Sur la demande de l'AMF tendant au rejet de certaines pièces
Considérant que les consultations de M. BERGERAS et de M. DELESALLE n'appelant pas de réponse particulière de la part du CMF, il n'y a pas lieu d'écarter ces pièces des débats;
Sur la régularité de forme de la décision attaquée
Considérant que, dans son mémoire récapitulatif et en réplique, l'ADAM a compte tenu de la production par FRANCE TELECOM d'une copie de la décision d'octroi du visa signée par le Président de la COB, déclaré renoncer au moyen de forme qui avait été soulevé en raison de l'absence de signature du document disponible sur le site internet de la Commission des opérations de bourse;
Sur la demande de sursis à statuer
Considérant que l'AMF ayant régulièrement communiqué, comme l'atteste le bordereau récapitulatif et de communication de pièces annexé à ses conclusions déposées le 02 février 2004, le mémorandum de FRANCE TELECOM ainsi que le courrier du conseil de cette entreprise adressé à la Commission des opérations de bourse la demande de sursis à statuer présentée par le requérant dans l'attente de leur communication s'avère, dès lors, sans objet;
Sur le manquement au devoir de protection de l'épargne publique:
Considérant que l'ADAM et M. FERRON prétendent que la Commission des Opérations de bourse aurait du refuser son visa à une note d'information conditionnant un retrait obligatoire contraire aux principes d'égalité des actionnaires, de transparence du marché et de loyauté des transactions, la société FRANCE TELECOM ayant en effet mis en oeuvre son offre à partir d'informations favorables sur la situation d'ORANGE qui n'étaient pas connues du marché et dans des circonstances et des conditions qui révélaient une utilisation abusive du retrait obligatoire;
Or, considérant que les communiqués des dirigeants d'ORANGE des 29 juillet 2003 et 1er septembre 2003 annonçant les bonnes performances de cette entreprise au premier semestre 2003 attestent, au contraire, que ces dirigeants se sont conformés aux obligations d'information du marché auxquelles ils étaient tenus en vertu des dispositions de l'article 4 du règlement N°98-07 de la Commission des opérations de bourse, dans des conditions qui n'ont pas alors appelé de réserves de la part de cette autorité; qu'en outre, la société FRANCE TELECOM avait précisé, dans la note d'information conjointe relative à l'offre publique d'échange simplifiée et visée par la Commission des opérations de bourse le 9 septembre 2003, qu'elle se réservait la possibilité de déposer ultérieurement une offre publique de retrait suivie éventuellement d'un retrait obligatoire, visant les titres d'ORANGE qu'elle ne détiendrait pas;
Qu'au surplus, l'intervention de la Commission des Opérations de Bourse n'impliquant ni approbation de l'opportunité ni appréciation des modalités de l'opération soumise à son contrôle, c'est vainement que les requérants remettent également en cause les circonstances à l'occasion desquelles l'initiateur a mis en oeuvre l'offre publique de retrait critiquée et, en particulier, le choix de la date de cette opération;
Sur la pertinence et sur la cohérence de l'information
1) - en ce qui concerne la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie:
Considérant que les requérants soutiennent que cette méthode, également dénommée “DISCOUNTED CASH FLOWS (DCF), aboutit lorsqu'elle est mise en oeuvre dans le cadre de la procédure de retrait obligatoire, à une valeur de l'action ORANGE de 9,50 euros, correspondant à une valeur de sa société de 45,7 milliards d'euros, alors que, pour arrêter ses comptes sociaux annuels et semestriels, FRANCE TELECOM, qui retient la même méthode pour définir la “valeur d'usage“ de ses participations dans ses filiales, obtient cependant un résultat de 11,80 euros par action ORANGE, correspondant à une valeur de la société de 56,8 milliards d'euros; que la différence constatée résulte de la correction, non justifiée, de données ou paramètres (flux prévisionnels de trésorerie, taux de croissance, taux d'actualisation, ratio d'investissement), retenus pour l'établissement des comptes sociaux de FRANCE TELECOM;
Qu'en raison de telles incohérences, la COB ne pouvait accorder son visa à la note d'information;
Or considérant que la note, après avoir présenté les différentes méthodes retenues par les banques dans le rapport d'évaluation explique clairement en ces termes les raisons qui ont conduit à l'absence de référence à la valeur comptable des actions ORANGE de FRANCE TELECOM:
“Par ailleurs, les Établissements Présentateurs ont considéré que les valeurs comptables des titre ORANGE dans les comptes de FRANCE TELECOM, mentionnées au paragraphe 1.2.9 ci-dessus, n'étaient pas pertinentes dans leur analyse de la valorisation d'ORANGE. S'agissant de la valeur d'usage en particulier, telle que définie au paragraphe 1.2.9., elle est obtenue sur la base d'une actualisation des flux de trésorerie qui s'inscrit dans un cadre méthodologique différent de celui de la valorisation d'ORANGE dans le cadre de l'Offre. En particulier, comme indiqué au paragraphe 1.2.9., cette valeur d'usage est déterminée dans le cadre des hypothèses économiques et des conditions d'exploitation prévisionnelles à long termes retenues par le groupe FRANCE TELECOM.
A l'inverse, conformément à l'article L 433-4 du Code monétaire et financier, repris par l'article 5-7-1 du Règlement général du Conseil des marchés financiers, les travaux d'évaluation menés par les Établissements Présentateurs, dans le cadre de l'Offre, doivent être effectués selon des méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs. Ils doivent donc viser, à partir d'une approche multi-critères, à approcher ce que pourrait être la juste valeur d'une entreprise dans le cadre d'une transaction de marché et à ce titre doivent s'appuyer sur les pratiques usuelles de marché observées en la matière“;
Considérant qu'en effet que, le DISCOUNTED CASH FLOW“ réalisé pour la détermination de la valeur d'usage ou valeur comptable des actions ORANGE dans ses comptes, envisage au regard de données et de perspectives strictement comptables, les avantages économiques futurs de la conservation des titres en cause, tandis que la méthode mise en oeuvre par les évaluateurs pour les besoins de l'offre publique de retrait obligatoire tend, à l'opposé, à appréhender la valeur vénale actuelle des actions ORANGE dans la seule perspective d'une “cession d'actifs“ visée par les dispositions de l'article L 433-4 II du Code monétaire et financier;
Que, dès lors, chaque exercice de valorisation s'inscrivant dans un cadre réglementaire et méthodologique distinct, les évaluateurs, approuvés en cela par l'expert indépendant, étaient fondés à retenir des hypothèses ou des paramètres différents, expliquant ainsi les différences finales de valeur de l'action ORANGE;
2° En ce qui concerne la référence au consensus d'analyse et aux pratiques de marché
Considérant que l'ADAM et M. FERRON reprochent encore à la COB de ne pas avoir relevé que la note faisant référence dans les paragraphes consacrés au comparaisons boursières et à l'actualisation des flux de trésorerie à des référentielle reconnus mais, notamment, à des “consensus d'analystes issus des notes d'analystes dont l'origine reste inconnue ainsi qu'à “des pratiques de marchés non définies;
Or considérant que la note d'information expose, de manière précise, s'agissant du critère des comparaisons boursières, que le consensus d'analystes a été élaboré “à partir d'une moyenne des agrégats prévisionnels des sociétés comparables, issus des notes d'analystes les plus récentes, postérieures aux dernières communications des résultats des sociétés de l'échantillon. Le consensus s'appuie en moyenne sur cinq notes d'analystes pour chaque société comparable“;
Considérant qu'ainsi que l'attestent d'autres notes d'information visées par la Commission des opérations de bourse qui sont versées aux débats, les notes d'analystes, qui émanent d'établissements distincts, sont couramment utilisées, dans le cadre des évaluations rendues nécessaires par les offres publiques de retrait suivies de retrait obligatoire, et qu'il est acquis que les données qu'elles comportent constituent, en l'état, l'unique moyen de mettre en oeuvre la méthode des comparables boursiers, fondée sur une analyse prospective; qu'en outre, une liste des notes utilisées en l'espèce a été communiquée par les sociétés FRANCE TELECOM et ORANGE et que des extraits ont été régulièrement produits;
Considérant, au surplus, que “les pratiques de marché“ auxquelles fait en effet référence la note d'information dans un paragraphe consacré à la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie, ont simplement permis aux évaluateurs de déterminer, par sous-ensembles, des hypothèses pour le “calcul des flux de valeur terminale“, méthode confirmée par les notes d'information concernant des offres publiques de retrait suivi d'un retrait obligatoire qui ont été produites par l'AMF, et qu'au demeurant le consultant dont la note est versée aux débats par les requérants se réfère lui-même à une telle pratique, en déclarant qu'elle assure une “précision d'analyse“;
3° en ce qui concerne le rapport de l'expert indépendant
Considérant que les requérants font aussi valoir, en se référant à un communiqué de la COB du 12 mars 2003 mettant en garde les émetteurs sur l'emploi de “termes financiers à caractère non strictement comptable et sans définition précise,“ d'une part, que l'emploi par l'expert indépendant, dont le rapport est relaté dans la note d'information, des termes ou des concepts (CASH FLOW libres EBITDA, DCF) qui n'ont précisément pas fait l'objet d'une définition préalable et, d'autre part, que les appréciations sur les “CASH FLOW“ 2002 d'ORANGE qui auraient été proches de zéro contrairement à la mention de montants sensiblement plus élevés dans le document de référence 2002 d'ORANGE portent atteinte à la cohérence de l'information donnée, ce qui aurait également dû conduire la COB à refuser son visa;
Or Considérant que l'expert indépendant, pour apprécier le bien-fondé de l'évaluation réalisée pour le compte de FRANCE TELECOM, se borne à reprendre des notions ou concepts, déjà utilisés par les évaluateurs, dont les requérants eux-mêmes, lorsqu'ils les emploient pour les besoins de leur argumentation, ne discutent pas la pertinence;
Qu'en outre, comme cela ressort de la note et des explications données sur ce point par l'AMF ainsi que par les sociétés FRANCE TELECOM et ORANGE, l'expert, en évoquant “un niveau proche de zéro pour les cash flow d'ORANGE“, mettait simplement en exergue la différence entre le montant très faible des cash flow après investissement d'ORANGE en 2002 tel que ressortant les éléments figurant dans son document en référence 2002 et, par ailleurs, le montant attendu des mêmes “cash flow“ après investissement au titre de l'exercice 2003, appréciation qui ne porte pas atteinte à la pertinence et à la cohérence de l'information délivrée;
4) - En ce qui concerne le Free Cash Flow et capex prévisionnels
Considérant que les requérants critiquent également la note d'information en ce qu'elle présenterait des informations contradictoires entre “l'estimation des flux de trésorerie futurs d'ORANGE“ (avec 12.853 milliards d'euros de “cash flow libre“) et les objectifs de CAPEX et de free CASH FLOW (14 milliards d'euros);
Or considérant que la note s'est seulement bornée à présenter, de manière distincte, sans contradiction ni incohérence, dans un cas, les caractéristiques essentielles de la société ORANGE, avec un indicateur (14 milliards d'euros) qui ne prend pas compte tous les éléments affectant les flux de trésorerie, et, dans l'autre cas des données utilisées par les évaluateurs dans le cadre de leurs travaux de valorisation d'ORANGE, qui impliquent la déduction “d'éléments opérationnels affichant la position de trésorerie,“ ce qui explique un chiffre moins élevé;
Considérant que l'ADAM et M. FERRON croient également déceler une incohérence entre, d'une part, le montant des prévisions d'ORANGE en matière de CAPEX (entre 2,1 et 2,2 milliards d'euros) qui figurent dans la note et, d'autre part, le montant total de 2,463 million d'euros qui figure dans le rapport d'évaluation;
Mais considérant que toutes les explications utiles sur se point ont été fournies dans la note d'information, qui relate que “le plan d'affaires utilisé par les établissements présentateurs est en cohérence avec les indications données par la direction d'Orange à l'issue de la publication des résultats trimestriels, et par France Télécom lors de la réunion d'investisseurs du 12 novembre 2003, à l'exception du montant du CAPEX qui traduit un glissement de dépenses d'investissement, mais qui s'effectue dans le cadre d'une enveloppe constante de 7-8 milliards d'euros pour 2003-2005“;
Qu'en l'état, en effet, d'un simple “glissement“ des dépenses d'investissement dont l'enveloppe globale demeurait “constante“ les données retenues par les évaluateurs pour leurs travaux n'avaient pas à être modifiées;
5) - En ce qui concerne les informations relatives aux comparaissons boursières
Considérant que les requérants mettent enfin en exergue un manque d'homogénéité et de cohérence en ce qui concerne les données mises en oeuvre dans le cadre de cette méthode résultant:
- du fait que la note d'information évoque, à propos de l'application “des multiples des sociétés comparables aux agrégats financiers d'ORANGE issus des prévisions de FRANCE TELECOM“ alors que le rapport d'évaluation souligne, pour sa part, que “les projections financières d'ORANGE sont construites à partir d'un consensus d'estimation reflétant des études récentes publiques par divers bureaux de recherche réputés;
- de ce que, également, dans différents tableaux du rapport d'évaluation, la valeur des “cash-flow libres“ d'ORANGE n'est pas identique, ce qui suppose qu'ils ont fait l'objet d'un retraitement, contrairement à ce qui est affirmé par ailleurs dans d'autres développements de ce rapport;
- enfin, de ce que la différence entre la valeur des fonds propres et la valeur d'entreprise ne serait pas la même, suivant qu'elle est déterminée à partir des multiples “d'EBITDA“ et d'un rendement des “cash-flows“ libres;
Considérant cela étant exposé, qu'il est constant que la méthode des comparables boursiers a été mise en oeuvre par les banques en deux étapes:
- la première consistant, en effet, en un consensus d'analystes fondé sur des études récentes utilisé tant pour ORANGE que pour ses “comparables“ et destiné à comparer les agrégats de la société ORANGE à ceux des sociétés de l'échantillon,
- une seconde étape, fondée sur les données issues du plan d'affaires 2003-2006 d'ORANGE et non cette fois-ci sur le consensus d'analystes, au cours de laquelle les banques présentatrices ont procédé à la détermination des multiples boursiers puis à leur mise en oeuvre afin de procéder à la valorisation implicite d'ORANGE;
Or considérant que la note d'information se borne seulement, et sans contradiction avec le rapport d'évaluation, à relater ces deux étapes;
Considérant qu'en ce qui concerne les “cash-flows“, il ressort des explications concordantes des sociétés FRANCE TELECOM et de l'AMF comme du rapport et des documents produits, que la différence mise en exergue par l'ADAM provient simplement du “retraitement“ des crédits d'impôts différés, pratique usuelle consistant à “normaliser“ les agrégats financiers pour en exclure les éléments exceptionnels tenant d'avantage à la structure du bilan de la société évaluée qu'à sa “performance opérationnelle“;
Qu'au demeurant ce retraitement, approuvé par l'expert indépendant, a été considéré comme conforme aux usages professionnels par un consultant mandaté par les requérants;
Qu'en ce qui concerne, enfin, l'écart critiqué selon la méthode employée, entre “valeur d'entreprise et “valeur des fonds propres“ les requérants qui prennent acte, dans leur mémoire récapitulatif des explications techniques de FRANCE TELECOM et ORANGE qui sont tirée de la déduction, dans un cas, de la dette financière nette, maintiennent vainement des critiques sur l'imprécision de la notion de “free cash-flow“, définie dans la note d'offre publique d'échange simplifiée incorporée par référence à la note d'information;
Considérant que les différents moyens invoqués par l'ADAM pour critiquer la cohérence et la pertinence de l'information figurant dans la note d'information relative à l'offre publique de retrait obligatoire n'étant pas fondés, le recours en annulation formé contre la décision d'apposition de son visa par la Commission des opérations de bourse sera rejeté;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que ni l'équité ni les circonstances de l'espèce ne commandent l'application de ces dispositions;
Par ces motifs
Déclare irrecevable le recours formé par Monsieur et Madame CHEVRIER, Messieurs Fabrice DORE, Philippe MORAND DE JOUFFREY, Philippe THERIOSET, Laurent THIERRY, et TRUCHOT Jérôme et Jean-Paul,
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les consultations de Monsieur BERGERAS et de Monsieur DELESALLE;
Rejette le recours formé par l'ADAM et par Monsieur FERRON;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Condamne Monsieur et Madame René CHEVRIER, Messieurs Fabrice DORE, Philippe MORAND DE JOUFFREY, Philippe THERIOSET, Laurent THIERRY, FERRON et TRUCHOT Jérôme et Jean-Paul ainsi que l'association ADAM aux dépens.