Décisions

TUE, 10e ch. élargie, 10 mai 2023, n° T-34/21

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Ryanair DAC, Condor Flugdienst GmbH

Défendeur :

Commission européenne, République fédérale d’Allemagne, République française, Deutsche Lufthansa AG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kornezov (rapporteur)

Juges :

M. Buttigieg, Mme Kowalik Bańczyk, M. Hesse, M. Petrlík

Avocats :

Me Vahida, Me Laprévote, Me Rating, Me Metaxas-Maranghidis, Me Blanc

TUE n° T-34/21

9 mai 2023

1 Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Ryanair DAC et Condor Flugdienst GmbH (ci-après « Condor »), demandent l’annulation de la décision C(2020) 4372 final de la Commission, du 25 juin 2020, relative à l’aide d’État SA 57153 (2020/N) – Allemagne – COVID-19 – Aide en faveur de Lufthansa (ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction des recours

2 Le 12 juin 2020, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission européenne, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de la communication de la Commission du 19 mars 2020 intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée le 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1), et le 8 mai 2020 (JO 2020, C 164, p. 3) (ci-après l’« encadrement temporaire »), une aide individuelle sous la forme d’une recapitalisation d’un montant de 6 milliards d’euros (ci-après la « mesure en cause ») accordée à Deutsche Lufthansa AG (ci-après « DLH »).

3 DLH est la société mère à la tête du groupe Lufthansa, qui comprend notamment les compagnies aériennes Lufthansa Passenger Airlines, Brussels Airlines SA/NV, Austrian Airlines AG, Swiss International Air Lines Ltd et Edelweiss Air AG.

4 La mesure en cause vise à rétablir la position bilantaire et les liquidités des entreprises du groupe Lufthansa dans la situation exceptionnelle causée par la pandémie de COVID-19. L’aide est financée et gérée pour le gouvernement allemand par le Wirtschaftsstabilisierungsfonds (fonds de stabilisation de l’économie, Allemagne) (ci après le « FSE »), un organisme public qui apporte un soutien financier à court terme aux entreprises allemandes touchées par la pandémie de COVID-19.

5 La mesure en cause comprend les trois éléments suivants :

– une participation au capital de 306 044 326,40 euros ;

– une « participation tacite » de 4 693 955 673,60 euros, laquelle constitue un instrument hybride, traité comme des fonds propres selon les normes comptables internationales (ci-après la « participation tacite I ») ;

– une « participation tacite » de 1 milliard d’euros avec les caractéristiques d’une obligation convertible (ci-après la « participation tacite II »).

6 La mesure en cause s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures de soutien plus vaste en faveur du groupe Lufthansa, pouvant être résumée, au moment de l’adoption de la décision attaquée, comme suit :

– une garantie d’État à hauteur de 80 % sur un prêt de 3 milliards d’euros, que la République fédérale d’Allemagne envisageait d’octroyer à DLH au titre d’un régime d’aide déjà approuvé par la Commission [décision C(2020) 1886 final de la Commission, du 22 mars 2020, relative à l’aide d’État SA.56714 (2020/N) – Allemagne – mesures COVID-19] ;

– une garantie d’État à hauteur de 90 % sur un prêt de 300 millions d’euros que la République d’Autriche envisageait d’octroyer à Austrian Airlines au titre d’un régime d’aides déjà approuvé par la Commission [décision C(2020) 2354 final de la Commission, du 8 avril 2020, relative à l’aide d’État SA.56840 (2020/N), Autriche COVID-19 : régime autrichien d’aide à la liquidité] ;

– un prêt de 150 millions d’euros, que la République d’Autriche envisageait d’octroyer à Austrian Airlines pour indemniser cette dernière pour les dommages résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ;

– 250 millions d’euros de liquidités et un prêt de 40 millions d’euros que le Royaume de Belgique envisageait d’octroyer à Brussels Airlines ;

– une garantie d’État de 85 % sur un prêt de 1,4 milliard d’euros accordée par la Confédération suisse à Swiss International Air Lines et à Edelweiss Air.

7 Le 25 juin 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a conclu que la mesure en cause constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire. Le 20 novembre 2020, la Commission a publié une information concernant ladite décision au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 397, p. 2).

8 Le 14 décembre 2021, c’est-à-dire après l’introduction des présents recours, la Commission a adopté la décision C(2021) 9606 final, corrigeant la décision attaquée (ci-après la « décision rectificative »).

II. Conclusions des parties

9 Dans la requête déposée dans l’affaire T 34/21, Ryanair conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

10 Dans une réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 11 mai 2022, déposée le 26 mai 2022, Ryanair conclut, en substance, à l’annulation de la décision attaquée, telle que rectifiée par la décision rectificative, et à la condamnation de la Commission aux dépens.

11 Dans l’affaire T 87/21, Condor conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

12 Par un mémoire en adaptation déposé le 22 mars 2022, Condor conclut en outre à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée, telle que rectifiée par la décision rectificative, et de condamner la Commission aux dépens.

13 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter les recours ;

– condamner les requérantes aux dépens.

14 DLH conclut au rejet des recours et à la condamnation des requérantes aux dépens. La République fédérale d’Allemagne et la République française, parties intervenantes uniquement dans l’affaire T 34/21, concluent au rejet du recours dans cette dernière affaire. La République fédérale d’Allemagne conclut en outre à la condamnation de Ryanair aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité des recours

1. Sur la qualité pour agir de Ryanair

15 Premièrement, Ryanair fait valoir qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), et que, dès lors, elle a qualité pour agir afin de défendre ses droits procéduraux. Deuxièmement, Ryanair soutient que sa position concurrentielle sur le marché a été substantiellement affectée par la mesure en cause et qu’elle est recevable pour contester également le bien-fondé de la décision attaquée.

16 La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours.

17 En revanche, la République française soutient que Ryanair n’a pas démontré que sa position concurrentielle avait été affectée de manière substantielle par la mesure en cause.

18 Il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, comme en l’espèce, non seulement elle déclare les mesures concernées compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C 47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C 83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

19 En l’espèce, la Commission a décidé, à l’issue d’un examen préliminaire, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Dans la mesure où la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette phase, ont été dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui viserait à l’annulation de la décision attaquée serait recevable dès lors que l’auteur de ce recours tendrait à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C 322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

20 Au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente de la bénéficiaire d’une mesure d’aide figure parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C 322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

21 En l’espèce, il n’est pas contesté que Ryanair est une concurrente du groupe Lufthansa et que, dès lors, elle est une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, ayant qualité pour agir afin de sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

22 Quant à la qualité de Ryanair pour contester le bien-fondé de la décision attaquée, il importe de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C 244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).

23 La décision attaquée, qui a été adressée à la République fédérale d’Allemagne, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C 583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il appartient au Tribunal de vérifier si la partie requérante est directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de cette disposition.

24 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 53).

25 Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme un « intéressé », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée).

26 À cet égard, la Cour a jugé que la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 57 et jurisprudence citée).

27 Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 58 et jurisprudence citée).

28 Il en découle que cette condition peut être satisfaite si la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure concernée est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 59 et jurisprudence citée).

29 S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, il convient de rappeler que la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 60 et jurisprudence citée).

30 La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 61).

31 En outre, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante apporte des éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique des marchés en cause, ou encore quant à ses parts de marché ou à celles du bénéficiaire de la mesure en cause ou d’éventuels concurrents sur ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 65).

32 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si Ryanair a apporté des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.

33 À cet égard, Ryanair fait valoir qu’elle est le concurrent le plus proche et le plus direct du groupe Lufthansa. Ainsi, en 2019, elle aurait été la deuxième plus grande compagnie aérienne sur les marchés allemand et belge derrière le groupe Lufthansa et la troisième sur le marché autrichien. En outre, la même année, elle aurait été en concurrence directe avec le groupe Lufthansa sur 96 lignes aériennes à partir ou à destination de l’Allemagne, dont 27 de ces lignes ne seraient exploitées que par elle et le groupe Lufthansa, tandis que les lignes restantes le seraient par peu d’autres opérateurs. En Belgique et en Autriche, Ryanair serait en concurrence directe avec ledit groupe, respectivement, sur 46 et 35 lignes, dont certaines ne seraient exploitées que par elle et ledit groupe. Par ailleurs, plusieurs des lignes concernées auraient une importance économique en ce qu’elles relieraient des grandes villes en Europe et au-delà.

34 La République française rétorque, pourtant, que Ryanair n’apporte pas d’éléments de preuve de nature à justifier qu’elle est affectée de manière substantielle par la mesure en cause dans les aéroports pertinents, tels qu’identifiés dans la décision attaquée. En particulier, dans les aéroports de Vienne (Autriche), Bruxelles (Belgique), Hambourg (Allemagne) et Palma de Majorque (Espagne), dans lesquels le groupe Lufthansa n’avait pas de pouvoir de marché significatif (ci-après le « PMS »), selon la décision attaquée, la mesure en cause n’affecterait pas de manière substantielle la position concurrentielle de Ryanair. En outre, dans l’aéroport de Munich (Allemagne), cette dernière ne figurerait pas parmi les principaux concurrents dudit groupe, tandis que, dans l’aéroport de Francfort (Allemagne), ses activités seraient faibles, en dépit du fait qu’elle serait la deuxième plus grande compagnie aérienne, derrière le groupe Lufthansa.

35 En premier lieu, l’objection émise par la République française soulève, au préalable, la question de savoir si les éléments apportés par Ryanair et résumés au point 33 ci-dessus sont dépourvus de pertinence aux fins de l’examen de sa qualité pour agir, en ce qu’ils ne visent pas spécifiquement sa position concurrentielle dans les aéroports mentionnés au point 34 ci-dessus. Cette objection découle, en substance, du fait que, dans la décision attaquée, la Commission a identifié les marchés pertinents de services de transport aérien de passagers selon l’approche « aéroport par aéroport ». Conformément à cette approche, chaque aéroport est défini comme un marché distinct, sans faire de distinction entre les liaisons spécifiques desservies à destination ou en provenance de cet aéroport.

36 Or, dans le cadre de la cinquième branche de son premier moyen, Ryanair fait valoir, notamment, que la Commission aurait à tort suivi cette approche et qu’elle aurait dû définir les marchés en cause selon une approche se fondant sur des paires de villes définies comme point d’origine et point de destination (ci-après l’« approche O & D »).

37 À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, de se prononcer de façon définitive sur la définition du marché des produits ou des services en cause ou encore sur les rapports de concurrence entre la partie requérante et le bénéficiaire. Il suffit, en principe, que la partie requérante démontre que, prima facie, l’octroi de la mesure en cause conduit à porter substantiellement atteinte à sa position concurrentielle sur le marché (voir la jurisprudence citée aux points 26 et 27 ci-dessus).

38 Dès lors, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, lorsque la définition du marché en cause est contestée au fond par la partie requérante, comme c’est le cas en l’espèce, il suffit d’examiner si la définition du marché en cause avancée par la partie requérante est plausible, et cela sans préjudice de l’examen au fond de cette question.

39 En l’espèce, le Tribunal considère que la définition des marchés de services de transport aérien de passagers selon l’approche O & D, préconisée par Ryanair, est prima facie plausible. En effet, il suffit de rappeler que, dans le secteur aérien, le Tribunal a accepté que la Commission pût avoir recours à cette approche pour définir les marchés en cause, notamment dans le domaine du contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, points 139 et 140 et jurisprudence citée).

40 Les données fournies par Ryanair, résumées au point 33 ci-dessus, sont donc pertinentes aux fins de l’examen de sa qualité pour agir.

41 En deuxième lieu, il ressort de ces données, dont l’exactitude n’est pas contestée par les parties, et est d’ailleurs confirmée par les éléments de preuve fournis par Ryanair dans le cadre de la présente procédure, que Ryanair et le groupe Lufthansa se trouvaient, avant l’adoption de la décision attaquée, en concurrence sur un nombre important de lignes entre des paires de villes définies comme point d’origine et point de destination (ci-après les « lignes O & D ») à destination et au départ de la Belgique, de l’Allemagne et de l’Autriche, et que Ryanair et le groupe Lufthansa étaient les seuls concurrents sur un nombre considérable de lignes O & D. Les parties ne contestent pas non plus que Ryanair est la deuxième plus grande compagnie aérienne, derrière le groupe Lufthansa, sur les marchés belge et allemand et la troisième sur le marché autrichien.

42 En troisième lieu, et en tout état de cause, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a identifié Ryanair comme étant l’un des concurrents les plus importants du groupe Lufthansa dans certains des aéroports pertinents. Ainsi, il ressort des paragraphes 188 et 189 de la décision attaquée que, dans l’aéroport de Francfort, Ryanair était le deuxième et le troisième concurrent le plus important du groupe Lufthansa, en termes de nombre de créneaux détenus, pendant les saisons d’hiver 2019/2020 et d’été 2019 de l’Association du transport aérien international (IATA) respectivement. Elle était également la deuxième compagnie aérienne en nombre d’avions stationnés dans cet aéroport pendant lesdites saisons. De même, selon la décision attaquée, Ryanair était le concurrent le plus proche du groupe Lufthansa dans les aéroports de Düsseldorf (Allemagne) et de Vienne (Autriche).

43 En quatrième lieu, Ryanair fait valoir qu’elle poursuivait des objectifs d’expansion sur les marchés belge, allemand et autrichien, en y lançant, respectivement, 9, 75 et 28 nouvelles lignes en 2019, ce qui n’est pas non plus contesté. En outre, selon Ryanair, le groupe Lufthansa pourrait utiliser les capitaux obtenus grâce à la mesure en cause pour baisser ses prix et renforcer sa position concurrentielle sur le marché à son détriment, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19, laquelle aurait impacté l’ensemble des compagnies aériennes.

44 À cet égard, il ressort du paragraphe 16 de la décision attaquée que, en l’absence de la mesure en cause, DLH risquait de devenir insolvable, ce qui aurait pu provoquer l’effondrement du groupe Lufthansa tout entier. En outre, selon un rapport de la Fondation pour l’innovation politique, produit par Ryanair, intitulé « Before COVID-19 air transportation in Europe : an already fragile sector » (le transport aérien en Europe avant la pandémie de COVID-19 : un secteur déjà fragile), daté du mois de mai 2020, et dont la teneur n’est pas contestée par les parties, il était « probable que Ryanair et Wizz Air sortir[aie]nt de la crise de la COVID-19 sans trop de dommages et disposer[aie]nt même de suffisamment de ressources financières, notamment grâce à l’endettement et au rachat de sociétés en faillite, pour participer à la probable restructuration du transport aérien en Europe ». Il en découle que Ryanair se trouvait dans une position relativement forte par rapport aux compagnies traditionnelles telles que celles appartenant au groupe Lufthansa, lequel était confronté à un risque d’insolvabilité, voire de sortie du marché.

45 Les éléments relevés aux points 33 à 44 ci-dessus, pris ensemble, permettent de constater que Ryanair a démontré que l’octroi de la mesure en cause conduisait prima facie à porter substantiellement atteinte à sa position concurrentielle sur le marché, en provoquant notamment un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure (voir jurisprudence citée aux points 30 ci-dessus).

46 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’objection de la République française selon laquelle Ryanair n’a pas démontré que la décision attaquée l’atteignait en raison d’une situation de fait qui la distinguait de celle de tous les autres concurrents du groupe Lufthansa.

47 En effet, la condition de l’affectation substantielle de la position concurrentielle de la partie requérante est un élément propre à celle-ci, qui doit être évalué seulement par rapport à sa position sur le marché antérieurement à l’octroi de la mesure en cause ou en l’absence de celle-ci. Il ne s’agit donc pas de comparer la situation de tous les concurrents présents sur le marché concerné (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2020:862, point 58). Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 31 ci-dessus, la Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire que la partie requérante apportât des éléments concernant ses parts de marché ou celles du bénéficiaire ou d’éventuels concurrents sur ce marché. Il en découle que, pour démontrer une affectation substantielle sur sa position concurrentielle, il ne saurait être exigé de la partie requérante d’établir, preuves à l’appui, quelle est la situation concurrentielle de ses concurrents et de se distinguer par rapport à celle-ci.

48 Par ailleurs, il importe de relever que la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus prévoit deux critères distincts pour démontrer que les sujets autres que les destinataires d’une décision sont individuellement concernés par celle-ci, à savoir que la décision attaquée les atteigne « en raison de certaines qualités qui leur sont particulières » ou « d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne ». Cette jurisprudence n’exige donc pas d’une partie requérante de démontrer, dans tous les cas, que sa situation de fait se distingue par rapport à celle de toute autre personne. Il suffit, en effet, que la décision attaquée atteigne la partie requérante en raison de certaines qualités qui lui sont particulières.

49 Tel est le cas d’espèce. En effet, l’ensemble des éléments mentionnés aux points 33 à 44 ci-dessus tendent à établir, de façon suffisamment plausible, que la position de Ryanair sur les marchés concernés se caractérisait par certaines qualités qui lui sont particulières, telles que son importance sur lesdits marchés, le fait qu’elle est la concurrente la plus proche du bénéficiaire sur certains de ceux-ci, ses plans d’expansion sur les marchés belge, allemand et autrichien ou encore sa situation financière relativement forte par rapport à celle, faible, du bénéficiaire, la plaçant ainsi dans une position susceptible de lui permettre, en l’absence de l’aide, de gagner des parts de marché au détriment du bénéficiaire.

50 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que Ryanair a démontré à suffisance de droit que la mesure en cause était susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur le marché concerné.

51 Quant à la question de savoir si Ryanair est directement concernée par la décision attaquée, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un concurrent du bénéficiaire d’une aide est directement concerné par une décision de la Commission autorisant un État membre à verser celle-ci lorsque la volonté dudit État d’y procéder ne fait nul doute (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C 386/96 P, EU:C:1998:193, points 43 et 44 et du 15 septembre 2016, Ferracci/Commission, T-219/13, EU:T:2016:485, point 44 et jurisprudence citée), comme c’est le cas en l’espèce.

52 Dès lors, Ryanair est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

2. Sur la qualité pour agir de Condor

53 Premièrement, Condor fait valoir qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et que, dès lors, elle a qualité pour agir en l’espèce afin de sauvegarder ses droits procéduraux, au motif qu’elle est une concurrente du groupe Lufthansa. Deuxièmement, Condor considère que sa position sur le marché est substantiellement affectée par la mesure en cause et qu’elle est également recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

54 La Commission ne conteste pas que Condor est une partie intéressée et qu’elle a donc qualité pour agir afin de sauvegarder ses droits procéduraux. En revanche, elle déclare « douter » que Condor ait démontré à suffisance de droit qu’elle était substantiellement affectée par la mesure en cause.

55 En premier lieu, il n’est pas contesté que Condor est une concurrente du groupe Lufthansa et que, dès lors, elle est une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir jurisprudence citée au point 20 ci-dessus). Dès lors, Condor a qualité pour agir afin de sauvegarder ses droits procéduraux.

56 En second lieu, quant à la question de savoir si Condor a également qualité pour agir afin de contester le bien-fondé de la décision attaquée, il convient de relever que, pour démontrer que la mesure en cause affecte substantiellement sa position concurrentielle sur le marché, premièrement, celle-ci fait valoir qu’elle est le seul concurrent du groupe Lufthansa sur 51 lignes O & D à destination et au départ de l’Allemagne et qu’elle se trouve en concurrence directe avec ledit groupe sur 79 autres lignes. En outre, sur le nombre total des 130 lignes desservies à la fois par Condor et par le groupe Lufthansa, ceux-ci auraient proposé un nombre total de 18,6 millions de sièges, dont 6,33 millions auraient été proposés par Condor.

57 Sans contester l’exactitude de ces données, la Commission reproche à Condor de ne pas avoir précisé la source de celles-ci et la période à laquelle elles se rapportent.

58 S’il est certes vrai, comme l’affirme la Commission, que l’annexe C.1 de la réplique de Condor, dans laquelle figure la liste des lignes O & D mentionnées au point 56 ci-dessus, n’indique ni la source des données y figurant ni la période à laquelle elles se rapportent, il n’en reste pas moins que cette annexe doit être lue en combinaison avec les mémoires écrits déposés par Condor. À cet égard, il ressort de la requête de Condor que les données en cause proviennent de l’analyseur « SRS », partenaire de l’IATA, une base de données en ligne regroupant un grand nombre de données relatives aux itinéraires, aux horaires et au nombre de sièges de différentes compagnies aériennes, tel que consulté en ligne le 1er décembre 2020. La Commission ne conteste pas la fiabilité de cette source. En outre, Condor indique dans sa requête que ces données se rapportent à la période allant du mois d’avril 2019 au mois de mars 2020, cette période correspondant approximativement à la saison d’été 2019 et à la saison d’hiver 2019/2020 de l’IATA, et donc à la période examinée dans la décision attaquée.

59 L’objection de la Commission doit donc être écartée.

60 Cela étant précisé, le Tribunal considère, pour les motifs exposés aux points 34 à 39 ci-dessus, appliqués mutatis mutandis, que les éléments fournis par Condor et résumés au point 56 ci-dessus sont pertinents aux fins de l’examen de la question de savoir si la mesure en cause est prima facie susceptible d’affecter substantiellement sa position concurrentielle sur le marché, et cela sans préjudice de l’examen au fond de la définition du marché en cause.

61 Il ressort de ces éléments que Condor et le groupe Lufthansa se trouvaient en concurrence sur un nombre élevé de lignes O & D à destination et au départ de l’Allemagne, que Condor était le seul concurrent du groupe sur un nombre considérable de ces lignes et que le nombre de sièges disponibles sur les vols opérés par Condor sur l’ensemble de ces lignes était important.

62 Deuxièmement, à l’instar de Condor, il convient de relever que, aux paragraphes 188 et 189, 195, 196 et 202 de la décision attaquée, la Commission a elle-même identifié celle-ci comme étant la deuxième et la troisième plus grande compagnie aérienne dans l’aéroport de Francfort pendant, respectivement, la saison d’été 2019 et la saison d’hiver 2019/2020 de l’IATA, en termes de créneaux horaires. En outre, elle était, toujours selon les constats de la Commission, la deuxième plus grande compagnie aérienne dans les aéroports de Munich et de Düsseldorf en termes d’aéronefs stationnés et la troisième en termes de créneaux horaires dans l’aéroport de Munich pendant la saison d’été 2019 de l’IATA. Il en résulte, selon la décision attaquée elle-même, que Condor a été identifiée comme étant l’un des principaux concurrents du groupe Lufthansa dans certains des aéroports examinés dans celle-ci.

63 Troisièmement, Condor fait valoir qu’elle entretenait une relation commerciale de longue date avec le groupe Lufthansa, comme en témoignerait l’accord de trafic d’apport conclu avec elle. À cet égard, il n’est pas contesté que Condor, laquelle opère notamment des vols d’agrément long courrier, dépend dans une large mesure, pour remplir ses vols, du trafic d’apport provenant des vols court courrier opérés par le groupe Lufthansa. Selon Condor, ledit groupe était le seul à exploiter des réseaux dans tous les aéroports allemands capables d’assurer un trafic d’apport suffisant. En effet, selon Condor, non contredite sur ce point, environ 25 % de tous les passagers d’un vol long-courrier opéré par elle utilisent un vol de préacheminement ou de post-acheminement opéré par le groupe Lufthansa. Ce dernier assurerait par ailleurs 90 % des passagers « indirects » qui utilisent les vols long-courriers opérés par Condor. Il ressort de ces éléments que le trafic d’apport ainsi généré par le groupe Lufthansa revêt une importance particulière pour les opérations de Condor.

64 Quatrièmement, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que, en l’absence de la mesure en cause, DLH risquait de devenir insolvable, ce qui aurait pu provoquer l’effondrement du groupe Lufthansa tout entier.

65 Or, selon Condor, la mesure en cause aurait permis au groupe Lufthansa de se maintenir sur le marché, et même de lancer de nouvelles lignes qu’il n’exploitait pas auparavant.

66 Eu égard à l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de conclure que Condor a démontré à suffisance de droit que la mesure en cause était susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur les marchés de transport aérien de passagers.

67 Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 51 ci-dessus, Condor est également directement concernée par la décision attaquée, de sorte qu’elle est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

B. Sur le fond

68 À l’appui de son recours dans l’affaire T 34/21, Ryanair soulève cinq moyens, tirés, respectivement, le premier, d’une application erronée de l’encadrement temporaire et d’un détournement de pouvoir ; le deuxième, d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ; le troisième, d’une violation de certaines dispositions spécifiques du traité FUE et de certains principes généraux du droit de l’Union, à savoir la non-discrimination, la libre prestation de service et la liberté d’établissement ; le quatrième, d’une omission de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation.

69 En particulier, le premier moyen comporte sept branches, concernant, respectivement, la première, l’éligibilité à l’aide de DLH au titre de l’encadrement temporaire ; la deuxième, l’existence d’autres mesures plus appropriées et entraînant moins de distorsions de la concurrence ; la troisième, le montant de la recapitalisation ; la quatrième, la rémunération et la sortie de l’État ; la cinquième, l’existence d’un PMS du bénéficiaire sur les marchés en cause et les engagements structurels imposés pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés; la sixième, l’interdiction d’expansion commerciale agressive financée par l’aide, et, la septième, un détournement de pouvoir.

70 À l’appui de son recours dans l’affaire T 87/21, Condor soulève trois moyens, tirés, respectivement, le premier, d’un manquement de la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ; le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a considéré que la mesure en cause était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation. Le Tribunal constate que le contenu des deux premiers moyens se chevauche en partie. Interrogée à cet égard lors de l’audience, Condor a confirmé ces chevauchements en précisant que ces moyens étaient soulevés en fonction de la décision du Tribunal sur la recevabilité du recours et qu’ils portaient, en substance, sur les mêmes problématiques. Étant donné que le Tribunal a conclu que Condor était recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée, il convient d’examiner ces deux moyens ensemble. En substance, ceux-ci soulèvent quatre problématiques, à savoir l’éligibilité à l’aide du bénéficiaire au titre de l’encadrement temporaire, le montant de la recapitalisation, l’interdiction d’expansion commerciale agressive financée par l’aide et l’existence d’un PMS du bénéficiaire sur les marchés en cause et les engagements structurels.

71 Il en résulte que le premier moyen du recours dans l’affaire T 34/21 et les deux premiers moyens du recours dans l’affaire T 87/21 soulèvent, en partie, des questions similaires qu’il convient d’examiner ensemble, et, en partie, des questions différentes. L’ensemble de ces questions peut être regroupé en six problématiques, comme suit :

– l’éligibilité de DLH à l’aide (première branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et deuxième branche du premier moyen dans l’affaire T 87/21) ;

– l’existence d’autres mesures plus appropriées et moins génératrices de distorsions de concurrence (deuxième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21) ;

– le montant de l’aide (troisième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et deuxième branche du premier moyen ainsi que deuxième branche du deuxième moyen dans l’affaire T 87/21) ;

– la rémunération et la sortie de l’État (quatrième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21) ;

– l’interdiction d’expansion commerciale agressive financée par l’aide (sixième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et première branche du premier moyen ainsi que deuxième branche du deuxième moyen dans l’affaire T 87/21) ;

– l’existence d’un PMS du bénéficiaire sur les marchés en cause et les engagements structurels (cinquième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et première branche du premier moyen ainsi que première branche du deuxième moyen dans l’affaire T 87/21).

72 Il convient tout d’abord de procéder à quelques observations liminaires, avant d’examiner, ensuite, ces problématiques et, enfin, le cas échéant, les autres moyens soulevés par les requérantes.

1. Observations liminaires

a) Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

73 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, point 37).

74 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social (voir arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, point 38 et jurisprudence citée). En effet, l’article 107, paragraphe 3, TFUE accorde à la Commission un large pouvoir d’appréciation en vue d’admettre des aides par dérogation à l’interdiction générale de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où l’appréciation, dans ces cas, de la compatibilité ou de l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes (arrêts du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T 422/07, non publié, EU:T:2012:11, point 107, et du 1er mars 2016, Secop/Commission, T 79/14, EU:T:2016:118, point 29). Dans ce cadre, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C 75/05 P et C 80/05 P, EU:C:2008:482, point 59 et jurisprudence citée).

75 Toutefois, dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, points 39 et 40). Pour autant, l’adoption de règles de conduite par lesquelles la Commission limite son pouvoir d’appréciation n’affranchit pas la Commission de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il s’ensuit que la Commission peut autoriser un projet d’aide d’État dérogeant auxdites règles dans des circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C 526/14, EU:C:2016:570, points 41 et 43).

76 Ainsi, dans le domaine spécifique des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité (voir arrêt du 2 décembre 2010, Holland Malt/Commission, C 464/09 P, EU:C:2010:733, point 47 et jurisprudence citée). Il revient donc au juge de l’Union de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s’est dotée (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, point 29 et jurisprudence citée).

77 En outre, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient, certes, pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. Toutefois, il doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C 73/11 P, EU:C:2013:32, points 75 et 76 ; voir, également, arrêt du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C 214/12 P, C 215/12 P et C 223/12 P, EU:C:2013:682, point 79 et jurisprudence citée). De même, il appartient au juge de l’Union de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C 525/04 P, EU:C:2007:698, point 56).

78 Partant, si le contrôle du juge de l’Union est restreint en ce qui concerne les évaluations complexes d’ordre économique et social effectuées par la Commission, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 74 ci-dessus, il est, en revanche, entier en ce qui concerne les appréciations portées par la Commission n’impliquant pas de telles évaluations ou encore en ce qui concerne les questions revêtant un caractère strictement juridique.

b) Sur la valeur probante des rapports d’experts

79 Dans le cadre de l’affaire T 34/21, Ryanair s’appuie à différents égards sur plusieurs rapports d’experts, dont, notamment :

– un rapport intitulé « Assessment of the Commission’s analysis of the proportionality of the aid to DLH » (évaluation de l’analyse menée par la Commission sur la proportionnalité de l’aide octroyée à DLH), daté du 21 janvier 2021, établi par Oxera (ci-après le « rapport Oxera I ») ;

– un rapport intitulé « Assessment of the Commission’s approach to determining SMP and competitive distortions » (évaluation de l’approche suivie par la Commission afin de déterminer PMS et distorsion de concurrence), daté du 21 janvier 2021, établi par Oxera (ci-après le « rapport Oxera II ») ;

– le rapport de la Fondation pour l’innovation politique, mentionné au point 44 ci-dessus ;

– un rapport intitulé « Rating Action : Moody’s downgrades Lufthansa to Ba1, ratings placed on review for downgrade » (notation : Moody’s abaisse la note de Lufthansa à Ba1, note placée sous surveillance pour une éventuelle dégradation), du 17 mars 2020, établi par Moody’s (ci-après le « rapport Moody’s ») et

– un rapport intitulé « European Airlines, All is not what it seems » (compagnies aériennes européennes : tout n’est pas ce qu’il paraît), du 17 avril 2020, établi par MM. J. Hollins, R. Joynson et D. Maglione, d’Exane BNP Paribas (ci-après le « rapport Exane »).

80 Il convient, à titre liminaire, d’examiner la valeur probante de ces rapports.

81 À cet égard, il convient de rappeler que, en l’absence d’une réglementation de l’Union sur la notion de preuve, le juge de l’Union a consacré un principe de libre administration ou de liberté des moyens de preuve, lequel doit être compris comme étant la faculté de se prévaloir, pour prouver un fait donné, de moyens de preuve de toute nature, tels des témoignages, des preuves documentaires, des aveux, des rapports d’expertise, etc. Corrélativement, selon une jurisprudence constante, la détermination de la crédibilité ou, en d’autres termes, de la valeur probante d’un élément de preuve est laissée à l’intime conviction du juge. Ainsi, pour établir la valeur probante d’un document, il faut tenir compte de plusieurs éléments, tels que l’origine du document, les circonstances de son élaboration, son destinataire ou son contenu, et se demander si, d’après ces éléments, l’information qu’il contient paraît sensée et fiable (voir arrêt du 2 juillet 2019, Mahmoudian/Conseil, T 406/15, EU:T:2019:468, points 136 et 137 et jurisprudence citée).

82 En l’espèce, en premier lieu, s’agissant des rapports Moody’s et Exane, il y a lieu de relever que ceux-ci n’ont pas été élaborés à la demande de Ryanair, qu’ils sont sans lien avec la présente procédure judiciaire et que leurs auteurs sont des tiers dont l’expertise, la réputation et l’indépendance vis-à-vis de Ryanair ne sont pas contestés.

83 En second lieu, s’agissant des rapports Oxera I et II, il convient de relever que ceux-ci ont été établis à la demande de Ryanair aux fins du présent litige.

84 Toutefois, la Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République française et DLH ne contestent ni la valeur probante de ces rapports, ni l’exactitude ou la véracité des informations d’ordre factuel et économique contenues dans ces derniers.

85 En outre, le Tribunal constate que ces rapports ont été établis sur le fondement d’informations accessibles au public ou provenant de sources réputées, fiables et indépendantes vis-à-vis de Ryanair. En effet, les rapports Oxera I et II sont fondés sur des informations provenant notamment de sources telles que l’association Airports Council International (ACI) Europe, l’IATA, plusieurs agences de notation, telles que Moody’s, Kroll Bond Rating Agency et S & P, le Financial Times, DLH ou d’autres compagnies aériennes, les autorités allemandes ainsi que la décision attaquée elle-même.

86 Enfin, s’il est certes vrai que ces rapports sont postérieurs à l’adoption de la décision attaquée, il n’en reste pas moins qu’ils sont fondés sur des données existant à la date d’adoption de la décision attaquée. À cet égard, selon la jurisprudence, le fait que le contrôle exercé par le juge saisi d’une demande d’annulation s’effectue uniquement par référence aux éléments de fait et de droit existant à la date d’adoption de la décision attaquée ne préjuge pas de la possibilité offerte aux parties, dans l’exercice de leur droit de la défense, de les compléter par des éléments de preuve établis après cette date, mais dans le but spécifique de contester ou de défendre cette décision (voir arrêt du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission, T 168/01, EU:T:2006:265, points 58 et jurisprudence citée).

87 Dans ces conditions, le Tribunal conclut que les rapports mentionnés au point 79 ci-dessus ont une valeur probante.

2. Sur l’éligibilité de DLH à l’aide

88 Dans l’affaire T 34/21, Ryanair soulève trois griefs concernant l’éligibilité de DLH à l’aide, tirés, respectivement, d’une méconnaissance des conditions prévues au paragraphe 49, sous a), au paragraphe 49, sous b), et au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire. Ce troisième grief et l’argumentation soulevée par Condor dans l’affaire T 87/21 selon laquelle la Commission aurait méconnu les conditions prévues au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire se chevauchent. Il convient d’examiner ces griefs consécutivement.

a) Sur la méconnaissance du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire

89 Ryanair fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas démontré que, en l’absence d’aide, le bénéficiaire ferait nécessairement faillite ou éprouverait de graves difficultés à poursuivre ses activités au sens du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire. En outre, la Commission aurait confondu les notions d’illiquidité, laquelle surviendrait lorsqu’une entreprise serait incapable de payer ses dettes à leur échéance, et d’insolvabilité, laquelle surviendrait lorsque la valeur totale du passif de l’entreprise dépasserait celle de son actif.

90 La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne et DLH, conteste cette argumentation.

91 Le paragraphe 49 de l’encadrement temporaire, figurant au point 3.11.2, intitulé « Admissibilité et conditions d’entrée », énumère les conditions qu’une mesure de recapitalisation accordée dans le contexte de la pandémie de COVID-19 doit remplir afin que le bénéficiaire éventuel soit considéré comme éligible au bénéfice de celle-ci.

92 La première de ces conditions, prévue au paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire exige qu’il soit établi que, en l’absence d’intervention de l’État, le bénéficiaire devrait cesser ses activités ou éprouver de graves difficultés à les poursuivre. C’est sur cette seconde hypothèse que la Commission s’est fondée pour conclure que cette condition était remplie. Conformément au même paragraphe de l’encadrement temporaire, ces difficultés peuvent être démontrées par la détérioration, en particulier, du ratio dette-fonds propres du bénéficiaire de l’intervention de l’État ou d’indicateurs similaires.

93 Aux paragraphes 96 à 98 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la détérioration des fonds propres de DLH affectait gravement sa liquidité et la menaçait d’insolvabilité à court terme. Cette constatation était fondée sur des documents internes et des projections financières allant de 2020 à 2026, fournis par le gouvernement allemand, dont il ressortait que le capital de DLH diminuerait significativement à la fin de l’année 2020 par rapport à 2019 et qu’elle se trouverait, en dépit des mesures prises au cours de l’année 2020 afin d’obtenir des liquidités, dans une situation d’« illiquidité technique », ce qui signifiait que les liquidités dont elle disposait ne suffiraient pas pour rembourser ses dettes venues à échéance, ce que Ryanair ne conteste pas. La Commission en a conclu que la mesure en cause permettrait de prévenir l’insolvabilité de DLH et que, dès lors, en l’absence d’une augmentation du capital, celle-ci éprouverait de graves difficultés à poursuivre ses opérations.

94 Il convient de noter, en outre, que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, une détérioration du ratio dette-fonds propres de DLH, comme le prévoit le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire (voir tableau no 1, figurant au paragraphe 117 de la décision attaquée). Or, Ryanair ne conteste pas ces données.

95 Dès lors, la Commission n’a pas méconnu le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire.

96 Quant à l’argument de Ryanair tiré de la distinction entre les notions d’illiquidité et d’insolvabilité, celui-ci doit être écarté comme inopérant. En effet, le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire ne fait pas dépendre l’éligibilité à l’aide de ces notions, mais notamment de l’existence de graves difficultés pour l’entreprise en cause à poursuivre ses activités.

97 En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’a pas démontré qu’une autre mesure visant à cibler les problèmes de liquidité du bénéficiaire et moins génératrice de distorsions ne pouvait être envisagée, cet argument se recoupe avec la problématique soulevée dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, laquelle sera examinée ci-après.

98 Il y a donc lieu d’écarter le présent grief comme étant non fondé.

b) Sur la méconnaissance du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire

99 Ryanair reproche, en substance, à la Commission d’avoir méconnu le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire, en ce qu’elle n’a pas démontré le caractère systémique de DLH pour l’économie allemande.

100 La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne et DLH, conteste cette argumentation.

101 Le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire prévoit que la mesure de recapitalisation envisagée doit être dans l’intérêt commun. L’existence d’un tel intérêt commun peut être démontrée si la mesure en cause vise à éviter des difficultés sociales et une défaillance de marché découlant de pertes d’emplois significatives, la sortie du marché d’une entreprise innovante ou d’une entreprise qui revêt une importance systémique, le risque de perturbation d’un service important ou des situations similaires dûment étayées par l’État membre concerné.

102 Au paragraphe 99 de la décision attaquée, la Commission a relevé que DLH revêtait une importance systémique pour l’économie allemande à plusieurs égards, à savoir, notamment, pour l’emploi, la connectivité et le commerce international, et que, dès lors, il était dans l’intérêt commun d’intervenir. En particulier, il ressort des paragraphes 36 à 38 de la décision attaquée, que, premièrement, DLH est un employeur important, avec plus de 135 000 salariés, dont 73 000 employés dans les plateformes aéroportuaires situées en Allemagne. Deuxièmement, compte tenu des vols qu’elle opère vers 301 destinations dans 100 pays, DLH joue un rôle important pour la connectivité de l’Allemagne, non seulement pour les vols court-courriers, mais aussi pour les vols long-courriers. Troisièmement, DLH contribue à une partie considérable du volume du commerce extérieur de fret aérien en Allemagne, ce qui serait très important pour une économie tournée vers les exportations, comme celle de l’Allemagne. Par ailleurs, il ressort du paragraphe 14 de la décision attaquée que ses services de fret aérien ont également joué un rôle essentiel dans le transport de masques de protection et de matériel médical depuis la Chine vers l’Europe au cours de la pandémie de COVID-19. Enfin, le paragraphe 36 de la décision attaquée indique que l’activité de DLH apporte une contribution importante au budget de l’État, sous la forme de cotisations de sécurité sociale, de paiements d’impôts sur le revenu et de taxes sur le transport aérien.

103 Il y a lieu de constater que Ryanair ne conteste pas ces données, mais estime, en substance, qu’elles ne suffisent pas pour démontrer l’importance systémique de DLH pour l’économie allemande. Selon Ryanair, la notion d’entreprise revêtant une importance systémique au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire doit être interprétée comme visant les entreprises dont la défaillance entraînerait l’effondrement du secteur entier dans lequel elles opèrent.

104 Toutefois, l’interprétation préconisée par Ryanair ne saurait prospérer. En effet, rien dans le libellé du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire ne suggère que seules les entreprises dont la sortie du marché entraînerait l’effondrement d’un secteur tout entier sont éligibles à l’aide. En outre, une lecture d’ensemble du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire, et notamment des exemples des cas dans lesquels il est dans l’intérêt commun d’intervenir, tels que le risque de difficultés sociales ou de pertes d’emplois significatives ou encore de perturbation d’un service important, démontre que l’interprétation avancée par Ryanair est trop restrictive.

105 Au soutien de cette interprétation, Ryanair fait, en outre, référence à la pratique décisionnelle de la Commission dans le secteur financier et aux règles en matière d’aides d’État applicables dans ce secteur [notamment la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1), et la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338)]. À cet égard, il suffit de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T 387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée), ni d’ailleurs à l’aune de la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière ou de la directive 2013/36, citées par Ryanair, celles-ci n’étant pas applicables en l’espèce.

106 Les autres arguments de Ryanair doivent également être rejetés.

107 Premièrement, contrairement à ce que soutient Ryanair, il y a lieu de relever que la Commission n’avait pas l’obligation d’examiner si DLH pourrait être facilement remplacée par d’autres compagnies aériennes. Une telle exigence n’est pas prévue par le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire, dont la méconnaissance est alléguée.

108 Deuxièmement, le fait que la Commission n’ait pas indiqué, dans la décision attaquée, la part du marché de DLH afin de démontrer son importance systémique pour l’économie allemande n’est pas susceptible d’invalider l’analyse de celle-ci sur ce point. En effet, l’importance systémique d’une entreprise peut être démontrée sur la base d’une multitude d’autres indices, tels que ceux résumés au point 101 ci-dessus, lesquels établissent à suffisance de droit que la condition prévue au point 49, sous b), était remplie.

109 Troisièmement, l’argument de Ryanair selon lequel la Commission se serait fiée aux informations fournies par la République fédérale d’Allemagne sans effectuer sa propre analyse « autonome » manque en fait. En effet, il ressort des notes en bas de page nos 25 et 26 de la décision attaquée que la Commission a également vérifié certaines informations par référence à des sources indépendantes, telles que l’IATA. En outre, il découle du paragraphe 99 de la décision attaquée que la Commission a évalué les éléments de preuve produits par la République fédérale d’Allemagne et les a considérés comme fiables.

110 Quatrièmement, Ryanair reproche à la Commission de ne pas avoir examiné la possibilité d’une réduction de la taille ou des activités de DLH. Toutefois, il convient de relever que le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire ne prévoit pas une telle condition d’éligibilité.

111 Par conséquent, le présent grief doit être écarté comme étant dépourvu de fondement.

c) Sur la méconnaissance du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire

112 Ryanair, dans le cadre de la première branche (troisième grief) de son premier moyen, fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, en considérant que DLH était dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables et que, à cet égard, la Commission a omis de tenir compte de tous les éléments pertinents. Condor, dans le cadre de la deuxième branche (premier grief) de son premier moyen, soutient que l’analyse de la Commission à cet égard serait incomplète et insuffisante et serait, dès lors, révélatrice de l’existence de doutes sérieux.

113 La Commission, soutenue par DLH, conteste cette argumentation. Cette institution fait valoir, en substance, que les requérantes n’apportent aucune preuve concrète du fait qu’un financement sur les marchés serait accessible au bénéficiaire à des conditions abordables, en tenant compte des besoins en financement de ce dernier et des contraintes de temps.

114 Aux termes du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, pour être éligible à une mesure de recapitalisation, le bénéficiaire doit notamment être dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables.

115 Aux paragraphes 21 à 24 et 100 de la décision attaquée, la Commission a conclu que cette condition était remplie au motif, notamment, que DLH serait dans l’incapacité de se financer sur les marchés par l’emprunt, puisque les investisseurs n’auraient pas été disposés à fournir des fonds sans garanties suffisantes pour protéger leurs créances en cas de défaillance. Or, selon la Commission, DLH n’aurait pas disposé de garanties suffisantes pour obtenir sur les marchés des instruments de dettes titrisées pour l’ensemble du montant en cause. De plus, selon la Commission, le montant total de 9 milliards d’euros qui serait nécessaire pour conserver la continuité de l’activité économique du groupe pendant et après la flambée de COVID-19 dépasserait le volume total de titres de dette émis en Europe au cours des derniers mois.

116 Ryanair rétorque, en substance, que la Commission aurait omis d’examiner si DLH pouvait, ne serait-ce qu’en partie, trouver un financement sur les marchés en offrant des garanties de dette titrisée (collateral), telles que sa flotte d’avions, ses créneaux horaires ou son programme de fidélisation.

117 À cet égard, il y a lieu de constater que la question de savoir si DLH se trouvait dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables implique des évaluations économiques complexes relatives à la situation financière globale du bénéficiaire et au fonctionnement des marchés financiers, de sorte que le contrôle qu’exerce le juge de l’Union sur ce type d’évaluations est restreint. Pourtant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 77 ci-dessus, le juge de l’Union se doit de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

118 En l’espèce, il y a lieu de constater, à l’instar de Ryanair, que, pendant la période précédant l’adoption de la décision attaquée, le groupe Lufthansa possédait 86 % de sa flotte d’avions, laquelle comportait 763 avions, que 87 % des avions qu’elle possédait n’étaient pas portés en garantie (« non-collateralised » ou « unencumbered ») et que la valeur comptable de cette flotte d’avions était d’environ 10 milliards d’euros. Ces constatations ressortent de façon claire, univoque et concordante de plusieurs éléments de preuve versés au dossier dans l’affaire T 34/21, à savoir d’une déclaration du directeur financier de DLH elle-même, datant du 19 mars 2020, ainsi que des rapports Oxera I, Moody’s et Exane. Les rapports Oxera I et Moody’s établissent, en outre, que DLH pouvait utiliser sa flotte en tant que garantie afin de mobiliser des fonds sur les marchés financiers.

119 Le rapport Oxera I précise, par ailleurs, que la valeur comptable des pièces détachées détenues par le groupe Lufthansa était de 2,3 milliards d’euros à la fin 2019. Ce rapport indique, en outre, que, en prenant en considération une baisse potentielle de la valeur des actifs de 20 % à 50 % en raison de la pandémie de COVID-19 et un ratio prêt-valeur (loan to value ratio, LTV) de 40 à 60 %, DLH aurait pu mobiliser sur les marchés entre 1 et 3,7 milliards d’euros d’emprunt en utilisant ses avions et les pièces de rechange en tant que garanties.

120 La Commission et les parties intervenantes ne contestent pas l’exactitude et la fiabilité de ces données.

121 En outre, il ressort des éléments du dossier que Ryanair avait attiré l’attention tant du gouvernement allemand que de la Commission sur ces éléments, et notamment sur la déclaration du directeur financier de DLH mentionnée au point 118 ci-dessus, avant même l’adoption de la décision attaquée, par des lettres datées, respectivement, du 1er avril 2020 et du 3 avril 2020.

122 Or, dans la décision attaquée, la Commission s’est bornée à affirmer que DLH n’avait pas « suffisamment de garanties » pour obtenir des instruments de financement sur les marchés « pour le montant total » de l’aide.

123 Toutefois, d’une part, la Commission n’a aucunement étayé cette affirmation. En effet, rien dans la décision attaquée n’indique que la Commission ait examiné l’éventuelle disponibilité de garanties, telles que les aéronefs non grevés de DLH, leur valeur et les conditions des éventuels prêts pouvant être dégagés sur les marchés financiers contre de telles garanties.

124 Pourtant, il s’agit d’un aspect important de la condition prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire. En effet, l’examen de l’incapacité d’une entreprise à se financer sur les marchés à des conditions abordables implique de vérifier notamment si cette entreprise pouvait offrir des garanties lui permettant d’avoir accès à un tel financement. En outre, les conditions d’un tel financement dépendent, entre autres, du type et de la valeur de telles garanties. Or, rien dans la décision attaquée n’indique que la Commission ait examiné ces questions.

125 D’autre part, l’affirmation de la Commission, au paragraphe 22 de la décision attaquée, par laquelle elle a précisé que les « garanties », non identifiées dans la décision attaquée, ne seraient pas suffisantes pour couvrir le « montant total » des fonds nécessaires, repose sur une prémisse erronée, selon laquelle le financement pouvant être dégagé sur les marchés doit nécessairement couvrir l’ensemble des besoins du bénéficiaire.

126 À cet égard, il échet de constater, à l’instar de Condor, que la référence faite par la Commission, au paragraphe 22 de la décision attaquée, à un montant total de « 9 milliards euros », que DLH serait incapable de trouver sur les marchés, ne correspond pas au montant de la mesure en cause, déterminé à 6 milliards euros (paragraphe 26 de la décision attaquée). La Commission a, par conséquent, et en tout état de cause, fondé son affirmation sur un montant plus élevé que celui faisant l’objet de la mesure en cause, ce qui remet en cause le fondement même de son examen.

127 En outre, ni le libellé ni l’objectif ou le contexte dans lequel s’inscrit le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire ne soutiennent la thèse de la Commission exprimée au paragraphe 22 de la décision attaquée.

128 En effet, rien dans le libellé du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire n’indique que le bénéficiaire doit être dans l’incapacité de se financer sur les marchés pour la totalité de ses besoins.

129 Quant à l’objectif du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire et le contexte dans lequel il s’inscrit, il convient de relever que cette condition vise à limiter l’intervention étatique et, dès lors, l’utilisation de ressources publiques aux seuls cas où le bénéficiaire est incapable de trouver un financement sur les marchés financiers à des conditions abordables. Or, cet objectif serait compromis si les ressources publiques devaient être dépensées pour couvrir la totalité des besoins de l’entreprise concernée, alors même qu’elle était capable de se financer, ne serait-ce que pour une partie non négligeable de ses besoins, sur les marchés.

130 Cette conclusion est corroborée tant par le paragraphe 44 de l’encadrement temporaire, selon lequel les mesures de recapitalisation ne doivent pas dépasser le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire, que, plus généralement, par le principe général de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T 68/15, EU:T:2018:563, point 144 et jurisprudence citée).

131 Par ailleurs, le Tribunal a eu l’occasion de juger que, en présumant qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise en difficulté et, partant, qu’aucune prime de garantie de référence correspondante n’était offerte sur le marché, la Commission a manqué notamment à son obligation d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si le bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu le financement nécessaire sur les marchés (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 mars 2020, Elche Club de Fútbol/Commission, T 901/16, EU:T:2020:97, point 132, et Valencia Club de Fútbol/Commission, T 732/16, EU:T:2020:98, point 134). Il en découle que la Commission ne saurait présumer, sans étayer ses constats à suffisance de droit, qu’une entreprise, telle que le bénéficiaire en l’espèce, n’aurait pas accès aux marchés financiers.

132 Or, en l’espèce, la Commission a omis d’examiner si le bénéficiaire aurait pu mobiliser une partie non négligeable du financement nécessaire sur les marchés. Elle n’a donc pas tenu compte de tous les éléments pertinents aux fins de l’examen de la condition prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire

133 Aucun des arguments avancés par la Commission ne remet en cause cette conclusion.

134 Premièrement, l’argument de la Commission selon lequel il aurait été impossible pour DLH de trouver un éventuel financement sur les marchés, y compris contre les garanties mentionnées aux points 118 et 119 ci-dessus, dans de brefs délais et dans un contexte financier caractérisé par la pandémie de COVID-19, ne saurait prospérer. En effet, d’une part, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait examiné les délais dans lesquels un éventuel financement sur les marchés aurait pu être dégagé contre lesdites garanties. D’autre part, d’après la déclaration du directeur financier de DLH, datant du 19 mars 2020, le groupe Lufthansa « était bien équipé pour faire face à une situation de crise extraordinaire comme [la crise de la COVID-19] », notamment parce que ce dernier détenait « 86 % de la flotte du Groupe, qui [était] en grande partie non grevée et a[vait] une valeur comptable d’environ 10 milliards d’euros ». Par ailleurs, le rapport Oxera I prend en compte une diminution significative de la valeur de ses garanties en raison précisément de ladite pandémie.

135 Deuxièmement, la Commission reproche aux requérantes de ne pas avoir démontré que DLH pouvait dégager un tel financement sur les marchés « à des conditions abordables ». Toutefois, il appartient à la Commission de démontrer, comme l’exige le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, que le bénéficiaire est dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables. En effet, une partie requérante ne saurait être contrainte d’exécuter des tâches qui, à proprement parler, font partie de l’enquête et de l’instruction de l’affaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 avril 2019, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, T 371/17, non publié, EU:T:2019:232, point 171). Or, en l’espèce, la décision attaquée n’a aucunement examiné dans quelles conditions le bénéficiaire aurait pu, le cas échéant, dégager un financement sur les marchés contre les garanties susmentionnées.

136 En outre, à l’instar de ce qu’avance Ryanair, l’argument de la Commission revient à faire peser sur elle une charge de la preuve déraisonnable en exigeant d’elle, en réalité, de produire une offre de financement privé adressée à DLH afin d’établir les conditions dans lesquelles un tel financement lui aurait été disponible. Or, la partie requérante ne saurait se voir imposer une charge de la preuve déraisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T 221/05, non publié, EU:T:2008:258, point 78).

137 Partant, il convient de conclure que la Commission n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments pertinents devant être pris en considération pour apprécier la conformité de la mesure en cause avec le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire.

138 Par conséquent, le grief de Ryanair tiré de la méconnaissance du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire doit être accueilli ainsi que, par voie de conséquence, et à plus forte raison, celui de Condor tiré de l’existence de doutes sérieux à cet égard, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leurs autres arguments présentés dans le cadre de cette même problématique.

3. Sur l’existence d’autres mesures plus appropriées et moins génératrices de distorsions de concurrence

139 Ryanair fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire en ce qu’elle a omis d’examiner si la mesure en cause était la plus appropriée et la moins susceptible de fausser la concurrence. Ainsi, la Commission n’aurait pas comparé les instruments de recapitalisation disponibles et n’aurait pas analysé les distorsions de concurrence générées par la mesure en cause ou par « d’autres instruments d’aide possibles ».

140 La Commission, soutenue par DLH, conteste l’argumentation de Ryanair.

141 Le point 3.11.3 de l’encadrement temporaire, intitulé « Types de mesures de recapitalisation », contient les paragraphes 52 et 53. Le paragraphe 52 énumère les mesures de recapitalisation que les États membres peuvent prendre dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à savoir les instruments de fonds propres, en particulier l’émission de nouvelles parts ordinaires ou privilégiées, et les instruments assortis d’une composante fonds propres (dénommés « instruments hybrides »), en particulier les clauses de participation aux bénéfices, les participations tacites et les obligations convertibles garanties ou non garanties.

142 Le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire précise ce qui suit :

« L’intervention de l’État peut prendre la forme de toute variante de [ces] instruments ou être constituée d’une combinaison d’instruments de fonds propres et d’instruments hybrides […] L’État membre doit faire en sorte que les instruments de recapitalisation choisis et les conditions dont ils sont assortis soient les plus appropriés pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence. »

143 Aux paragraphes 104 à 108 de la décision attaquée, la Commission a décrit la mesure de recapitalisation en cause, en expliquant que celle-ci était une combinaison de fonds propres et d’instruments hybrides. Elle a relevé, notamment, que la participation tacite était un instrument flexible en ce qui concerne la participation du partenaire tacite aux bénéfices et aux pertes du bénéficiaire ou à la prise de décision par celui-ci. La Commission a également expliqué que le FSE et DLH n’avaient pas intérêt à ce que la part du capital détenue par le FSE dépassât 20 %, raison pour laquelle elles avaient choisi la structure spécifique de la recapitalisation en cause. Selon la Commission, la combinaison des instruments choisis permettrait le rétablissement de la structure de capital de DLH et sa réintégration dans les marchés de capitaux dans les plus brefs délais, tout en limitant la participation de l’État au minimum nécessaire pour protéger les intérêts financiers de l’Allemagne sans prendre le contrôle de DLH.

144 En l’espèce, à l’instar de la Commission, il y a lieu de souligner qu’une mesure de recapitalisation et les conditions dont celle-ci est assortie peuvent être considérées comme appropriées pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence, au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’elles remplissent les différentes exigences prévues à cette fin dans cet encadrement et relatives au montant de la recapitalisation, à la rémunération et la sortie de l’État, à la gouvernance et la prévention des distorsions de concurrence indues et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation. En effet, la référence, au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, aux « conditions dont [la mesure en cause] est assortie » vise des exigences, telles que celles mentionnées dans la phrase précédente, lesquelles ont pour objet précisément de garantir que la mesure en cause et les conditions dont elle est assortie ne dépassent pas ce qui est approprié pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence. Dès lors, si les exigences susmentionnées sont remplies, l’instrument de recapitalisation choisi doit être considéré comme étant conforme au paragraphe 53 de l’encadrement temporaire.

145 Partant, le présent grief n’a pas de contenu autonome par rapport aux arguments que Ryanair soulève dans le cadre des autres branches de son premier moyen, lesquelles concernent certaines des autres exigences mentionnées au point 144 ci-dessus, à savoir, le montant de la recapitalisation (troisième branche du premier moyen), la rémunération et la sortie de l’État (quatrième branche du premier moyen) ainsi que la gouvernance et la prévention des distorsions de concurrence indues (cinquième et sixième branches du premier moyen). Le bien-fondé du présent grief est donc tributaire de l’analyse de ces autres branches, examinées ci-après.

146 Dans la mesure où, dans la réplique et lors de l’audience, Ryanair semble également reprocher à la Commission d’avoir omis d’examiner si un autre type de mesure d’aide que la recapitalisation aurait été plus approprié et moins générateur de distorsions de concurrence, force est de constater, sans préjudice de la recevabilité de cette argumentation, que celle-ci est trop générale et abstraite. En effet, dans ses écritures, Ryanair s’est bornée à faire référence à « d’autres instruments d’aide possibles », sans pour autant expliquer quels seraient exactement ces autres instruments et les raisons pour lesquelles ceux-ci seraient plus appropriés et moins générateurs de distorsions de concurrence que la mesure notifiée. Lors de l’audience, Ryanair a indiqué que, selon elle, la Commission aurait dû tenir compte de « toute la palette des alternatives envisageables » et de « toutes les options disponibles », tout en mentionnant, sans davantage d’explications, les crédits relais ou les prêts de courte durée comme une possibilité autre que la mesure notifiée.

147 Toutefois, selon la jurisprudence, la Commission n’a pas à se prononcer sur toute autre mesure d’aide envisageable. En effet, elle n’est pas tenue de démontrer, de manière positive, qu’aucune autre mesure d’aide imaginable, par définition hypothétique, ne serait plus appropriée et moins génératrice de distorsions de concurrence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T 135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 94 et jurisprudence citée).

148 Certes, comme le souligne Ryanair, la Cour a également jugé que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C 283/11, EU:C:2013:28, point 50 et jurisprudence citée). Toutefois, en l’espèce, rien n’indique que la Commission était confrontée à un choix qui s’offrait entre plusieurs mesures appropriées, au sens de cette jurisprudence.

149 Partant, le volet de l’argumentation éventuellement soulevé par Ryanair et résumé au point 146 ci-dessus doit être écarté comme non-fondé.

4. Sur le montant de l’aide

150 Ryanair, dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen, soulève, en substance, trois griefs concernant le montant de l’aide, relatifs, le premier, à l’interprétation du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire ; le deuxième, à l’application dudit paragraphe dans le cas d’espèce, et, le troisième, à certaines déclarations publiques de DLH. Ce dernier grief et un grief analogue soulevé par Condor dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen se chevauchent.

a) Sur l’interprétation du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire

151 Ryanair soutient que la Commission a erronément assimilé la notion de viabilité du bénéficiaire, au sens du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire, à l’accès de celui-ci aux marchés de capitaux, en omettant ainsi d’évaluer ses perspectives de retour à la profitabilité ainsi que les mesures internes que DLH pourrait adopter à cette fin. Faisant référence aux lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p.1, ci-après les « lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration »),, à la communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration du secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides d’État (JO 2009, C 195, p. 9) et à la communication de la Commission intitulée « Application des règles en matière d’aides d’État aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale » (JO 2008, C 270, p. 8) (ci-après, prises ensemble, les « communications applicables dans le contexte de la crise financière »), Ryanair considère que la Commission n’a pas évalué le retour à la rentabilité de DLH sur la base de son plan de développement et selon un scénario de base et un scénario baissier.

152 La Commission, soutenue par DLH, conteste l’argumentation de Ryanair.

153 Aux termes du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire, afin de garantir la proportionnalité de l’aide, le montant des recapitalisations dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ne doit pas dépasser le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire concerné et devrait se limiter à rétablir la structure de capital qui était celle dudit bénéficiaire avant la flambée de COVID-19, c’est-à-dire correspondant à la situation au 31 décembre 2019.

154 Ryanair et la Commission s’opposent quant à la question de savoir si, afin de vérifier si la mesure en cause dépasse le minimum nécessaire pour assurer la « viabilité » du bénéficiaire concerné, la Commission doit examiner si celle-ci permet le retour dudit bénéficiaire à la profitabilité.

155 À cet égard, il convient de constater que le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire ne fait aucune référence à la profitabilité du bénéficiaire concerné.

156 En outre, plusieurs passages de l’encadrement temporaire démontrent que l’objectif principal des mesures d’aide envisagées est, en substance, de garantir aux bénéficiaires concernés que leurs besoins en liquidités soient couverts afin d’assurer la continuité de leurs opérations pendant et après la pandémie de COVID-19. Ainsi, il ressort du paragraphe 9 de cet encadrement qu’une aide publique bien ciblée est nécessaire « pour veiller à ce que des liquidités suffisantes restent disponibles sur les marchés », et « pour préserver la continuité de l’activité économique pendant et après la flambée de COVID-19 ». De même, selon le paragraphe 11 dudit encadrement, celui-ci « décrit les possibilités offertes par les règles de l’Union aux États membres pour garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises, [...] confrontées en ce moment à une soudaine pénurie, afin de leur permettre de surmonter la situation actuelle ». Le paragraphe 18 de l’encadrement temporaire prévoit, quant à lui, « que des aides d’État se justifient [...] pendant une période limitée, afin de remédier au manque de liquidité auquel sont confrontées les entreprises, et de faire en sorte que les perturbations causées par la flambée de COVID-19 ne compromettent pas leur viabilité ».

157 L’objectif de l’encadrement temporaire n’est donc pas de rétablir la « rentabilité » ou la profitabilité du bénéficiaire ou de s’assurer que celui-ci devienne rentable grâce à l’aide, mais uniquement de garantir la continuité opérationnelle de celui-ci pendant et après la pandémie de COVID-19 en rétablissant, en particulier, la structure du capital telle qu’elle se présentait avant l’éclatement de la pandémie.

158 Partant, le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire doit être interprété en ce sens que le montant de la recapitalisation doit être limité au minimum nécessaire pour garantir que le bénéficiaire reste opérationnel pendant et après la pandémie de COVID-19, en rétablissant la structure de capital qui était la sienne avant ladite crise, c’est-à-dire correspondant à la situation au 31 décembre 2019.

159 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de Ryanair fondés sur une analogie avec les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration ou bien les communications applicables dans le contexte de la crise financière. En effet, une telle analogie n’est pas justifiée.

160 Premièrement, l’analogie avec les communications applicables dans le contexte de la crise financière de 2008 est inappropriée, car, comme le rappelle la Commission, cette crise était causée, au moins en partie, par les risques excessifs pris par certaines institutions financières, à la différence de la pandémie de COVID-19, qui est une crise sanitaire.

161 Deuxièmement, l’analogie avec les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, par laquelle Ryanair cherche à imposer à la Commission une obligation de vérifier si le bénéficiaire a adopté des mesures internes visant à réduire ses actifs et ses opérations, doit également être écartée. En effet, dans le cadre des aides d’État au sauvetage et à la restructuration, l’objectif du soutien étatique est de remédier aux difficultés internes préexistantes du bénéficiaire concerné, lequel est une « entreprise en difficulté ». Ainsi, une aide au sauvetage vise à permettre le maintien à flot dudit bénéficiaire pendant la courte période nécessaire à l’élaboration d’un plan de restructuration ou de liquidation, lequel suppose généralement une réduction de l’activité concernée ou sa cessation (paragraphes 26 à 30 des lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration). En revanche, le bénéficiaire d’une aide à la recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 n’a joué aucun rôle dans les événements ayant compromis sa viabilité et n’aura donc pas forcément besoin d’une restructuration pour surmonter ses difficultés temporaires provoquées par la pandémie de COVID-19.

162 Par conséquent, le présent grief doit être écarté comme non-fondé.

b) Sur l’application du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire au cas d’espèce

163 Ryanair fait valoir que la Commission aurait commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation relatives au calcul du montant de l’aide nécessaire pour assurer la viabilité de DLH.

164 Avant d’examiner ces arguments, contestés par la Commission et DLH, il convient de résumer les motifs de la décision attaquée, sur le fondement desquels la Commission est parvenue à la conclusion que la mesure en cause était conforme au paragraphe 54 de l’encadrement temporaire.

165 En premier lieu, la Commission a constaté, aux paragraphes 122 et 123 de la décision attaquée, que le groupe Lufthansa affichait un bilan de trésorerie positif de 2 ou 3 milliards d’euros le 31 décembre 2019 (c’est-à-dire avant la pandémie de COVID-19). Au moment de l’adoption de la décision attaquée, le groupe Lufthansa prévoyait un bilan de trésorerie négatif au 31 décembre 2020. À la suite de la recapitalisation envisagée, il était prévu que le bilan de trésorerie dudit groupe augmente pour atteindre 1 ou 2 milliards d’euros au 31 décembre 2020.

166 En deuxième lieu, la Commission a examiné, aux paragraphes 124 à 126 de la décision attaquée, l’incidence de la mesure en cause sur le ratio dette nette-fonds propres du groupe Lufthansa et l’a comparé avec le ratio dette-fonds propres d’un échantillon de compagnies aériennes comparables, tel qu’il se présentait au 31 décembre 2019. Elle en a conclu que le ratio dette-fonds propres prévu du groupe Lufthansa au 31 décembre 2020 à la suite de la recapitalisation serait nettement supérieur au troisième quartile du ratio des compagnies faisant partie de l’échantillon au 31 décembre 2019.

167 En troisième lieu, la Commission a relevé que son analyse était corroborée par l’évolution du ratio d’endettement dynamique (dynamic gearing ratio), c’est-à-dire le rapport entre les passifs financiers nets et les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization, EBITDA) du groupe Lufthansa.

1) Sur le caractère approprié du ratio dette-fonds propres

168 Ryanair fait valoir, en substance, que la Commission aurait évalué à tort l’incidence de la mesure en cause sur la position financière de DLH uniquement sur l’évolution prévisible du ratio dette nette-fonds propres, au lieu d’évaluer une série d’autres paramètres financiers pertinents. En effet, ledit ratio ne serait généralement pas pris en compte par les agences de notation pour apprécier la solvabilité des compagnies aériennes.

169 La Commission conteste cet argument.

170 Ainsi qu’il ressort du point 166 ci-dessus, la Commission a analysé l’incidence de la mesure en cause sur le ratio dette-fonds propres du groupe Lufthansa afin de vérifier que cette mesure ne dépasse pas le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire. En particulier, l’évaluation de l’incidence de la mesure en cause sur ledit ratio a pour objectif d’apprécier l’évolution escomptée de la notation de crédit de DLH à la suite de la recapitalisation envisagée. En effet, l’accès aux marchés de financement de cette dernière dépend, dans une certaine mesure, de cette notation. Se pose donc la question de savoir si le ratio dette-fonds propres constitue un paramètre financier adéquat pour escompter l’évolution, à la suite de la mesure en cause, de la notation de crédit du bénéficiaire.

171 À cet égard, il y a lieu de relever que la détermination et l’analyse des indicateurs économiques pertinents pour évaluer si l’aide en cause ne dépasse pas le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire concerné impliquent une évaluation économique complexe. Dès lors, le contrôle juridictionnel de celles-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir.

172 Les parties conviennent que le ratio dette-fonds propres décrit la structure du capital d’une entreprise. Ce ratio indique, notamment, la proportion relative de la dette et des fonds propres utilisée pour financer les activités d’une entreprise et, par-là, son niveau d’endettement. Ainsi, un ratio dette-fonds propres élevé traduit un fort endettement de l’entreprise, tandis qu’un faible ratio dette-fonds propres indique un niveau d’endettement limité. En règle générale, une entreprise dont le ratio dette-fonds propres est élevé est considérée comme présentant un risque plus élevé pour les prêteurs et les investisseurs.

173 Or, les arguments de Ryanair ne sont pas de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant son analyse notamment sur ledit ratio. En effet, si Ryanair fait valoir que les agences de notation examineraient « habituellement » d’autres ratios, tels que le ratio entre le passif financier net et l’EBITDA, le ratio dette-recettes, les ratios de rentabilité, liquidité et solvabilité, le cash burn (montant total des liquidités en nombre de mois pendant lesquels ces liquidités sont épuisées) ainsi que des indices qualitatifs tels que le profil d’entreprise, la politique financière et la force de la concurrence, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, elle a précisé que, dans le secteur aérien, le ratio dette-fonds propres indiquait « de façon limitée » le niveau d’endettement d’une entreprise. Elle a expliqué, en outre, que le ratio dette nette-fonds propres, d’une part, et les ratios dette nette-EBITDA et dette-recettes, d’autre part, pouvaient fournir des indications utiles sur la santé financière d’une entreprise. Ainsi, Ryanair elle-même semble admettre que le ratio dette-fonds propres n’est pas dénué de toute pertinence aux fins de l’évaluation de l’incidence de la mesure en cause sur la solvabilité du bénéficiaire.

174 Il ressort, en outre, de la réponse de la Commission à une mesure d’organisation de la procédure que la structure du capital d’une entreprise est prise en compte par les agences de notation et que, à cette fin, celles-ci tiennent compte notamment du ratio dette nette-fonds propres. La Commission renvoie à cet égard à plusieurs sources en ligne provenant des agences de notation.

175 Sur la base des pièces du dossier dont dispose le Tribunal, il apparaît en effet que, pour évaluer la notation de crédit d’une entreprise donnée, les agences de notation prennent en considération une multitude de paramètres financiers et que chaque agence peut avoir recours à des paramètres différents, de sorte qu’il n’existe pas une liste uniforme de paramètres universellement suivie. Il en ressort, en outre, que le ratio dette nette-fonds propres peut constituer l’un des paramètres pris en compte par certaines agences de notation.

176 Quant à la question de savoir si le ratio dette nette-fonds propres était le plus approprié pour mesurer l’impact escompté de la recapitalisation sur la notation de crédit du bénéficiaire et si la Commission devait, en outre, tenir compte d’autres paramètres, il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que cette dernière a également analysé l’impact de celle-ci sur le ratio d’endettement dynamique, lequel représente le ratio entre la dette nette et l’EBITDA, comme les parties l’ont confirmé lors de l’audience. Or, le ratio d’endettement dynamique est un ratio de couverture (coverage ratio) et, selon Ryanair elle-même, les ratios de couverture seraient largement utilisés par les agences de notation.

177 Partant, Ryanair n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le ratio dette nette-fonds propres et celui d’endettement dynamique en tant que points de référence pour mesurer si la mesure en cause dépassait le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire.

2) Sur l’échantillon de compagnies aériennes

178 Ainsi qu’il a été rappelé au point 166 ci-dessus, la Commission a, par la suite, comparé le ratio dette-fonds propres de DLH escompté à la suite de sa recapitalisation à celui d’un échantillon de dix compagnies aériennes tel qu’il se présentait au 31 décembre 2019, dont quatre avaient une notation de crédit entre B+ et BBB. La Commission en a conclu que le ratio escompté de DLH était nettement supérieur à celui résultant du troisième quartile de la distribution du ratio des compagnies faisant partie de l’échantillon, à savoir les compagnies les moins performantes.

179 Ryanair conteste cette affirmation. Elle fait valoir, dans la réplique, en faisant référence à des rapports de certaines agences de notation, que six, ou cinq, selon sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, des compagnies aériennes incluses dans l’échantillon avaient une notation de crédit supérieure ou légèrement inférieure à la catégorie « investissement ». Ainsi, selon Ryanair, l’approche suivie dans la décision attaquée ne saurait être considérée comme étant prudente et il ne pouvait pas être exclu qu’un montant plus réduit d’aide aurait pu être suffisant pour rétablir l’accès de DLH aux marchés de capitaux avant la fin de l’année 2020.

180 À cet égard, il y a lieu de constater que ce grief est invoqué tardivement et est, dès lors, irrecevable. Ainsi, selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne soient fondés sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo, C 56/18 P, EU:C:2020:192, point 66 et jurisprudence citée).

181 En l’espèce, Ryanair n’ayant soulevé aucun argument dans la requête en ce qui concerne les caractéristiques des compagnies faisant partie de l’échantillon, cet argument, présenté pour la première fois dans la réplique, ne saurait être considéré comme étant l’ampliation d’une argumentation énoncée antérieurement, au sens de la jurisprudence précité.

182 Dans ces circonstances, ce grief doit être écarté comme irrecevable.

183 En tout état de cause, il convient d’observer que la Commission a conclu que le ratio dette nette-fonds propres prévu du groupe Lufthansa au 31 décembre 2020 à la suite de la recapitalisation de DLH serait nettement supérieur au troisième quartile du ratio des compagnies aériennes faisant partie de l’échantillon au 31 décembre 2019. Il en découle que, à la suite de la mesure en cause, le ratio dette nette-fonds propres du bénéficiaire concerné serait toujours considérablement plus mauvais que celui des compagnies les moins performantes de l’échantillon. La base de la comparaison suivie par la Commission a donc été prudente, voire conservatrice. Dans ces circonstances, le point de savoir si quatre, comme l’a constaté la Commission dans la décision attaquée, ou bien cinq ou six, comme le prétend Ryanair, des compagnies aériennes faisant partie de cet échantillon avaient une notation de crédit entre B+ et BBB au 31 décembre 2019 n’est pas susceptible d’avoir une incidence décisive sur la conclusion à laquelle est parvenue la Commission. Partant, le présent grief est, en tout état de cause, non fondé.

3) Sur la notation de crédit nécessaire pour accéder aux marchés financiers

184 Au paragraphe 125 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’une notation de crédit BBB était « normalement considérée comme la note minimale permettant à une entreprise d’accéder facilement aux financements du marché ». Elle a expliqué au point 127 de ladite décision que DLH s’attendait à retrouver la catégorie « investissement » à une date future occultée. La Commission en a conclu que la recapitalisation permettrait à DLH de faire face aux effets négatifs de la pandémie de COVID-19 et de lui redonner accès aux marchés financiers.

185 Ryanair soutient qu’une notation de crédit BBB ne constituerait pas le seuil minimal pour le bénéficiaire afin d’obtenir un accès aux marchés financiers. En effet, même une notation inférieure à celle-ci aurait permis au bénéficiaire d’accéder auxdits marchés. Partant, en retenant un point de référence inadapté, la Commission aurait surestimé le montant de l’aide nécessaire.

186 À cet égard, il ressort du rapport Oxera I qu’une notation de crédit BBB est supérieure à celle que les investisseurs exigeraient habituellement pour permettre aux compagnies aériennes de mobiliser des fonds sur les marchés financiers. Ce rapport explique que, avant la pandémie de COVID-19, une étude menée sur un échantillon de compagnies aériennes européennes et nord-américaines a démontré que la notation de crédit moyenne dans le secteur correspondant permettant un accès aux marchés de capitaux était Ba2, soit deux points en dessous de la notation BBB.

187 La Commission ne conteste pas que la notation de crédit Ba2 suffirait pour que les compagnies aériennes puissent obtenir des capitaux sur les marchés. Toutefois, elle considère ne pas avoir commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant la notation de crédit BBB comme point de référence, puisqu’une telle notation aurait permis au bénéficiaire concerné de se financer sur les marchés à des conditions abordables.

188 À cet égard, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, une entreprise n’est éligible à une mesure de recapitalisation que si elle est « dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables ». Il s’ensuit, implicitement, mais nécessairement, qu’une telle mesure doit être limitée au minimum nécessaire pour lui permettre de se financer sur les marchés à des conditions abordables. Or, Ryanair ne conteste pas que la notation de crédit BBB permet un financement à des conditions abordables.

189 En outre, et en tout état de cause, comme expliqué au point 183 ci-dessus, l’analyse de la Commission de l’impact de la mesure en cause sur le ratio dette-fonds propres était également fondée sur une comparaison avec un échantillon de compagnies aériennes, dont il ressortait que le ratio de DLH après l’aide demeurerait plus mauvais que celui de ses concurrents les moins performants. En effet, ladite comparaison était basée sur le troisième quartile du ratio des compagnies faisant partie de l’échantillon au 31 décembre 2019, ce qui prouve que l’approche de la Commission a été prudente.

190 Partant, il y a lieu d’écarter le présent grief comme non fondé.

4) Sur l’analyse insuffisante du plan de développement de DLH

191 Ryanair soutient que la Commission n’a pas analysé à suffisance de droit le plan de développement de DLH. D’une part, la Commission aurait dû examiner si DLH pourrait réduire davantage ses coûts à court terme. D’autre part, elle aurait dû évaluer si DLH aurait pu réduire structurellement sa base de coûts et augmenter sa rentabilité afin de minimiser le montant de l’aide.

192 Or, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 161 ci-dessus, l’encadrement temporaire ne vise pas à imposer au bénéficiaire, au moment de l’octroi de l’aide, une réduction de ses coûts ou une restructuration de celui-ci.

193 Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief comme non-fondé.

5) Sur les tests de sensibilité

194 Ryanair fait valoir que les tests de sensibilité effectués par la Commission aux paragraphes 129 et 130 de la décision attaquée sont « insuffisants » et que cette dernière aurait dû procéder à un « large éventail de tests de résistance ».

195 Toutefois, l’argument de Ryanair n’est pas clair et ne permet pas au Tribunal d’en juger le bien-fondé. En effet, elle ne critique pas les tests de sensibilité effectués par la Commission en tant que tels, mais se borne à affirmer qu’ils seraient « insuffisants », sans pour autant préciser la nature ou la portée des tests supplémentaires qu’elle réclame.

196 Or, aux termes de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit contenir notamment un exposé sommaire des moyens invoqués. Conformément à la jurisprudence, cela signifie que les indications de la requête doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Partant, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 356 et jurisprudence citée). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

197 Dès lors, il convient de rejeter le présent grief comme irrecevable.

6) Sur la comparaison avec d’autres compagnies aériennes

198 Ryanair fait valoir qu’une « comparaison rapide » avec les compagnies aériennes à bas coûts et même avec certaines compagnies aériennes traditionnelles comme IAG suggère que l’aide en cause a dépassé son objectif visant à éviter l’insolvabilité de DLH, en ce qu’elle a eu pour résultat de « modifier le classement des compagnies aériennes à cet égard ».

199 Cet argument manque en clarté. En effet, la réponse à la question de savoir en quoi consiste cette « comparaison rapide » et si elle est fondée sur des situations comparables ne ressort pas, avec la clarté et la précision requise, des écritures de Ryanair. La simple mention du fait que l’aide en cause a eu pour résultat la progression de DLH « dans le classement des compagnies aériennes ayant la plus grande capacité à supporter un arrêt complet du trafic » n’apporte pas davantage de précision non plus.

200 Partant, le présent grief doit être rejeté comme irrecevable (voir jurisprudence citée au point 196 ci-dessus).

c) Sur les déclarations publiques de DLH

201 Les requérantes font valoir que les propos tenus par le directeur général de DLH, le 3 juin 2020, lors d’une conférence d’analystes, selon lesquels « le renflouement du groupe par le gouvernement allemand, d’un montant de 9 milliards d’euros, [était] plus que nécessaire pour assurer sa survie, et qu’il [était] conçu pour que la compagnie aérienne conserve une “position de leader mondial” », démontraient que l’aide n’était pas limitée au minimum nécessaire. Elles reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte de cette déclaration. En outre, elles soulèvent toutes deux un défaut de motivation à cet égard. Ryanair cite également certains propos tenus par l’actionnaire principal de DLH, repris par le Financial Times le 17 juin 2020, dans un article intitulé « Lufthansa bailout jeopardy as top shareholder seeks other options » (le renflouement de Lufthansa est menacé alors que le principal actionnaire cherche d’autres solutions), selon lesquels une restructuration plus profonde de DLH était une solution crédible autre que l’aide. Condor fait référence à une autre déclaration du directeur général de DLH, du 21 janvier 2021, reprise dans un article de Politico de la même date, intitulé « Lufthansa CEO : Airline unlikely to need full €9B German aid package » (directeur général de Lufthansa : il est peu probable que la compagnie aérienne ait besoin de l’ensemble des 9 milliards d’euros d’aides allemandes).

202 En premier lieu, s’agissant des propos tenus par le directeur général de DLH, le 3 juin 2020, la Commission ne conteste pas leur teneur. Elle explique qu’elle en avait connaissance et qu’elle avait interrogé les autorités allemandes à cet égard lors de la procédure administrative. Toutefois, selon la Commission, si, selon une appréciation concrète de la proportionnalité de l’aide fondée sur les données et les projections financières du groupe Lufthansa, la mesure en cause était conforme à l’ensemble des conditions prévues dans l’encadrement temporaire, lesdits propos ne seraient pas susceptibles de justifier en soi une conclusion différente.

203 Premièrement, s’agissant du grief tiré d’un défaut de motivation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C 42/01, EU:C:2004:379, point 66 ; du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 79, et du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas, C 279/08 P, EU:C:2011:551, point 125).

204 En l’espèce, s’agissant de la nature de l’acte en cause, la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C 333/07, EU:C:2008:764, point 65).

205 En outre, selon la jurisprudence, même si la Commission n’est pas obligée de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle, il n’en demeure pas moins qu’elle est tenue d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision concernée (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, point 132 et jurisprudence citée).

206 En l’espèce, il y a lieu de constater que, certes, la Commission n’a ni mentionné ni commenté les propos en cause dans la décision attaquée. Toutefois, étant donné que l’examen effectué par la Commission de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur repose sur une appréciation concrète, chiffrée et vérifiable de la conformité de ladite mesure avec les exigences prévues dans l’encadrement temporaire, force est de constater que les propos tenus par un dirigeant du bénéficiaire concerné ne revêtent pas une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée. Dès lors, l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission ne va pas jusqu’à exiger d’elle de fournir une motivation expresse quant aux propos tenus par tel ou tel cadre dirigeant dudit bénéficiaire.

207 Partant, il convient de rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation.

208 Deuxièmement, quant au fond, il y a lieu de constater que lesdits propos ne sont pas susceptibles, en eux-mêmes, d’invalider la conclusion de la Commission selon laquelle le montant de l’aide était limité au minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire. En effet, ladite conclusion est fondée sur l’analyse économique de certains paramètres financiers, alors que lesdits propos, lesquels pourraient par ailleurs poursuivre divers objectifs, ne contiennent que des affirmations d’ordre général.

209 En deuxième lieu, il en va de même en ce qui concerne certains propos tenus par l’actionnaire principal de DLH.

210 En troisième lieu, quant à la déclaration du directeur général de DLH du 21 janvier 2021, il suffit de rappeler, outre ce qui précède, que la légalité de la décision attaquée ne saurait, en tout état de cause, être remise en cause sur la base de circonstances survenues postérieurement à l’adoption de celle-ci (voir arrêt du 9 février 2022, Sped-Pro/Commission, T 791/19, EU:T:2022:67, point 82 et jurisprudence citée).

211 Partant, les griefs des requérantes concernant les déclarations de DLH doivent être rejetés comme non-fondés.

d) Sur l’existence d’un avantage indirect supplémentaire accordé au groupe Lufthansa

212 Condor fait valoir que la mesure en cause aurait permis à DLH d’avoir un accès préférentiel aux marchés financiers et de réduire ses frais financiers. Or, la Commission aurait omis d’apprécier les avantages indirects de la mesure en cause, dont l’existence serait démontrée par le fait que, après l’autorisation de l’aide, DLH aurait émis des obligations d’une valeur totale de 3,2 milliards d’euros à des taux d’intérêt très bas, compris entre 2 % et 3,75 %.

213 La Commission rétorque que la mesure en cause visait précisément à permettre à DLH de se financer de manière indépendante sur les marchés de capitaux afin de surmonter les effets de la pandémie de COVID-19.

214 À cet égard, il convient de rappeler que le contrôle de la légalité d’une décision s’exerce exclusivement au regard des éléments de fait et de droit existant à la date de l’adoption de la décision attaquée (voir jurisprudence citée au point 210 ci-dessus). Or, en l’espèce, Condor s’appuie sur des événements survenus postérieurement à la décision attaquée, lesquels sont dès lors dépourvus de pertinence pour l’examen de la légalité de la décision attaquée.

215 Pour le reste, le Tribunal relève, à l’instar de la Commission, que la mesure en cause visait précisément à permettre à DLH à se financer sur les marchés financiers. Cet avantage est donc inhérent à la mesure en cause. Il ne s’agit pas d’un avantage indirect ou supplémentaire, contrairement à ce que soutient Condor.

216 Partant, il convient de rejeter ce grief comme non-fondé.

217 Dès lors, eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments soulevés par les requérantes concernant le montant de l’aide.

5. Sur la rémunération et la sortie de l’État

218 Dans le cadre de la quatrième branche de son premier moyen, Ryanair fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu les conditions prévues dans l’encadrement temporaire en ce qui concerne la rémunération et la sortie de l’État. Cette branche est composée de quatre griefs qui sont examinés ci-après.

a) Sur le taux d’intérêt des participations tacites

219 Ryanair soutient, en substance, que la Commission a méconnu l’encadrement temporaire en acceptant un taux d’intérêt fixe pour la rémunération des participations tacites, alors que le paragraphe 66 dudit encadrement exigerait des taux variables basés sur le taux interbancaire offert (Interbank Offered Rate, IBOR) à un an, auxquels s’ajouterait une prime de risque fixe croissante au fil des ans.

220 La Commission, soutenue par la République française et DLH, conteste l’argumentation de Ryanair.

221 L’encadrement temporaire prévoit des règles spécifiques concernant la rémunération des instruments de fonds propres (paragraphes 60 à 64) et des instruments hybrides (paragraphes 65 à 70). En l’espèce, comme il est rappelé au point 5 ci-dessus, la mesure en cause consiste, d’une part, en un instrument de fonds propres (300 millions d’euros) et, d’autre part, en deux instruments hybrides, à savoir les participations tacites I et II. Dans le cadre du présent grief, Ryanair remet en cause uniquement la rémunération des participations tacites I et II.

222 Aux termes du paragraphe 66 de l’encadrement temporaire, la rémunération minimale des instruments hybrides, jusqu’à leur conversion en instruments de type « fonds propres », est au moins égale au taux de base (IBOR à un an ou équivalent publié par la Commission), auquel s’ajoute une prime, telle qu’indiquée dans un tableau figurant audit paragraphe et dont la valeur augmente au fil des années.

223 Ainsi, comme l’admet d’ailleurs la Commission, le paragraphe 66 de l’encadrement temporaire prévoit, en effet, l’application de taux variables pour la rémunération des instruments hybrides.

224 En l’espèce, il ressort des paragraphes 46 et 56 de la décision attaquée que la rémunération des participations tacites I et II, laquelle est la même dans les deux cas, se présente comme suit : 4 % en 2020 et en 2021 ; 5 % en 2022 ; 6 % en 2023 ; 7 % en 2024 ; 8 % en 2025 et 2026, et 9,5 % en 2027 et les années suivantes. Il en découle, comme les parties l’admettent, que la rémunération des participations tacites I et II est prévue selon un taux fixe.

225 Au paragraphe 147 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, afin de comparer la rémunération de la participation tacite I et II, exprimée en taux fixes, à la rémunération minimale prévue dans l’encadrement temporaire, exprimée en taux variables, elle a converti les taux fixes en des taux variables en tenant compte des taux d’échange (taux de swap) implicites du marché à la date de la demande écrite d’injection de capital, c’est-à-dire le 27 mars 2020. Les données relatives à cette conversion figurent dans le tableau no 4 de la décision attaquée, comme suit :

Rémunération PS I           1e année             2e année             3e année             4e année             5e année             6e année                7e année             8e année

Taux variables (IBOR à 1 an +)     [confidentiel](1)

[confidentiel]    [confidentiel]     [confidentiel]    [confidentiel]     [confidentiel]    [confidentiel]    [confidentiel]

Différence avec les marges minimum de l’ET       [confidentiel]     [confidentiel]    [confidentiel]    [confidentiel]                [confidentiel]     [confidentiel]    [confidentiel]    [confidentiel]

226 Au paragraphe 148 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la rémunération de la participation tacite I était « au moins, en moyenne, […] au-dessus du minimum requis en vertu de l’encadrement temporaire ». La Commission est parvenue à la même conclusion concernant la participation tacite II (paragraphe 154 de la décision attaquée).

227 À cet égard, il convient de relever que, conformément au paragraphe 59 de l’encadrement temporaire, à titre d’une solution différente des méthodes de rémunération exposées dans ledit encadrement, d’autres méthodes de rémunération pourraient être utilisées, à condition qu’elles produisent globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et qu’elles aient une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

228 La Commission pouvait donc, conformément au paragraphe 59 de l’encadrement temporaire, accepter des taux fixes pour la rémunération des instruments hybrides en cause, en tant que solution autre que les taux variables prévus dans l’encadrement temporaire, pourvu que les conditions susmentionnées soient remplies.

229 Il convient donc d’examiner si la méthode de rémunération des participations I et II prévue par la décision attaquée produit globalement un résultat similaire à celui visé par l’encadrement temporaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et si elle a une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

230 Cette question implique des évaluations économiques complexes, de sorte que le contrôle qu’exerce le juge de l’Union est restreint (voir jurisprudence citée au point 74 ci-dessus).

231 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument de Ryanair selon lequel, aux fins de la conversion des taux fixes en taux variables, la Commission se serait erronément fondée sur les contrats d’échange de taux d’intérêt (swap de taux). En effet, Ryanair ne conteste pas que DLH pouvait convertir un taux fixe en taux variable en ayant recours précisément à de tels contrats d’échange de taux d’intérêt et que, plus généralement, de telles conversions sont fréquemment utilisées sur les marchés. Dès lors, ladite méthode de conversion était un moyen plausible pour vérifier si la rémunération des participations tacites I et II, selon les taux fixes, aurait eu une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

232 Deuxièmement, il ressort du tableau no 4 de la décision attaquée, reproduit au point 225 ci-dessus, que la rémunération ainsi convertie est supérieure pour les sept premières années à celle prévue dans l’encadrement temporaire, à l’exception de celle afférente à la huitième année. C’est sur ce fondement que la Commission a conclu que « la moyenne » de la rémunération ainsi convertie était supérieure à celle prévue dans l’encadrement temporaire. Contrairement à l’argument de Ryanair, la référence à la « moyenne » desdits taux est justifiée, car elle démontre que l’incidence des taux variables en cause est « globalement similaire », voire supérieure à la rémunération prévue dans ledit encadrement, au sens du paragraphe 59 de celui-ci.

233 Troisièmement, Ryanair fait valoir que les taux fixes sont plus favorables au bénéficiaire, dans la mesure où le risque d’une augmentation significative des taux variables, selon le taux IBOR à un an, tel que prévu dans l’encadrement temporaire, serait supporté par la République fédérale d’Allemagne et non par le bénéficiaire. Certes, les variations dans les taux de l’IBOR seraient normalement supportées par le bénéficiaire concerné, si les taux variables prévus au paragraphes 66 de l’encadrement temporaire devaient être appliqués tels quels. Toutefois, comme le fait observer la Commission à juste titre, lesdits taux pourraient fluctuer tant à la hausse qu’à la baisse, de sorte qu’il était impossible de prévoir, lors de l’adoption de la décision attaquée, si, postérieurement à celle-ci, l’application de taux fixes aurait été plus intéressante pour le bénéficiaire.

234 Quatrièmement, il n’est pas contesté que les taux fixes en cause augmentent au fil des ans, de sorte que les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital du bénéficiaire sont assurés, ainsi que l’exige le paragraphe 59 de l’encadrement temporaire.

235 Partant, il convient de rejeter le présent grief comme non fondé.

b) Sur la rémunération de la participation tacite I

236 Ryanair fait valoir, en substance, que, compte tenu du risque élevé associé à la participation tacite I et du fait de son échéance potentiellement illimitée, la Commission aurait dû exiger une rémunération plus élevée pour cette participation que celle de la participation tacite II.

237 La Commission conteste cette argumentation.

238 Au paragraphe 149 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la participation tacite I était traitée comme des fonds propres en vertu des règles internationales d’informations financières (International financial reporting standards, IFRS) et qu’elle avait beaucoup de caractéristiques des instruments de fonds propres, ce qui la rendait plus risquée pour les investisseurs, en raison du fait que cet instrument hybride était très proche des fonds propres en termes d’ancienneté, qu’il n’était pas convertible en actions, que le paiement de ses coupons se faisait à la discrétion de DLH et qu’il avait une échéance potentiellement illimitée La Commission en a conclu que la rémunération élevée de cette participation, laquelle dépassait les seuils prévus au paragraphe 66 de l’encadrement temporaire, prenait en considération le risque élevé supporté par l’État.

239 Il en ressort que, certes, comme Ryanair le fait valoir, les risques associés à la participation tacite I sont plus élevés que ceux associés à la participation tacite II.

240 Toutefois, il n’en demeure pas moins que la rémunération de la participation tacite I, telle que convertie en taux variables, est globalement supérieure à celle prévue au paragraphe 66 de l’encadrement temporaire (voir points 224 à 235 ci-dessus) et est donc conforme audit paragraphe ainsi qu’au paragraphe 59 du même encadrement. Le seul fait que cette rémunération soit la même que celle prévue pour la participation tacite II ne la rend pas contraire aux exigences de l’encadrement temporaire.

241 Dès lors, il convient de rejeter le présent grief comme non fondé.

c) Sur l’absence d’un mécanisme de hausse de la rémunération

242 Ryanair fait valoir que la Commission a méconnu les paragraphes 61 et 68 de l’encadrement temporaire, en ne prévoyant pas un mécanisme de hausse de la rémunération en ce qui concerne la participation au capital et la participation tacite II après son éventuelle conversion en fonds propres. Les motifs avancés dans la décision attaquée ne sauraient justifier cette dérogation aux exigences de l’encadrement temporaire. Partant, la rémunération de l’État acceptée par la Commission, laquelle n’est assortie d’aucun mécanisme de hausse de rémunération ou similaire, ne donnerait pas lieu à un « résultat similaire » en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État, au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

243 La Commission, soutenue par la République française, conteste les arguments de Ryanair en reprenant, en substance, les motifs de la décision attaquée.

244 Le présent grief porte sur l’absence d’un mécanisme de hausse de la rémunération, d’une part, dans la participation au capital et, d’autre part, après l’éventuelle conversion de la participation tacite II en fonds propres.

245 En premier lieu, en ce qui concerne la rémunération des instruments de fonds propres, tels que la participation au capital, le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire énonce que « toute mesure de recapitalisation inclut un mécanisme de hausse de la rémunération (step up), qui augmente la rémunération de l’État afin d’inciter le bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État ». Cette hausse de la rémunération peut prendre la forme d’actions supplémentaires octroyées à l’État ou d’autres mécanismes et doit correspondre à une augmentation minimale de 10 % de la rémunération de l’État quatre ans après l’injection du capital, si l’État n’a pas vendu au moins 40 % de sa participation résultant de cette injection. Si, six ans après l’injection du capital, l’État n’a pas vendu la totalité de sa participation résultant de ladite injection, le mécanisme de hausse de la rémunération est à nouveau activé.

246 Le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire prévoit que la Commission peut accepter d’autres mécanismes, à condition qu’ils produisent globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et qu’ils aient une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

247 En l’espèce, il est constant que la rémunération de la participation au capital ne prévoit pas de mécanisme de hausse de la rémunération au sens du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire.

248 Dans la décision attaquée, la Commission a néanmoins considéré, au paragraphe 142, que la « structure globale » de la mesure en cause constituait un mécanisme « alternatif » de hausse de la rémunération. À cet égard, la Commission a souligné, au paragraphe 140 de la décision attaquée, le caractère interconnecté des trois composantes de la mesure en cause, qui justifiait, selon elle, la prise en compte de leurs effets incitatifs combinés sur la sortie de l’Etat du capital. À cette fin, la Commission a fait référence, aux paragraphes 139 et 141 de la décision attaquée, à plusieurs facteurs, à savoir la forte décote avec laquelle la République fédérale d’Allemagne avait acquis les actions de DLH ; le fait que la présence de l’État dans la participation de DLH aurait été indésirable pour le bénéficiaire ; le fait que les participations tacites I et II étaient assorties de taux d’intérêts croissants et que la probabilité de conversion en fonds propres d’une partie de la participation tacite II aurait augmenté au fil du temps, ce qui aurait causé la dilution des participations existantes en faveur de l’État, et les engagements comportementaux, notamment l’interdiction de payer des dividendes, lesquels seraient restés en vigueur jusqu’à ce que l’aide fût intégralement remboursée. Sur la base de ces éléments, la Commission a conclu que la « structure globale » de la mesure en cause incluait des effets incitatifs suffisamment forts sur la sortie de l’État du capital du bénéficiaire.

249 Il convient donc d’examiner si la Commission pouvait conclure, sur la base des éléments susmentionnés, que la participation au capital incluait un mécanisme « alternatif » à celui de la hausse de la rémunération, au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire. À cette fin, il y a lieu de vérifier si lesdits éléments produisent globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et s’ils ont une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État, comme l’exige le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

250 À cet égard, il importe de souligner que l’encadrement temporaire, dans sa version applicable ratione temporis, ne prévoit pas de dérogation à l’obligation d’imposer soit un mécanisme de hausse de la rémunération, soit un autre mécanisme répondant au même objectif.

251 Or, force est de constater que, en l’espèce, la participation au capital n’est assortie d’aucun mécanisme de hausse de la rémunération.

252 En outre, il convient de relever, à l’instar de Ryanair, qu’aucun des motifs avancés dans la décision attaquée ne démontre que la participation au capital était assortie d’un mécanisme « alternatif » à celui de la hausse de la rémunération.

253 En effet, premièrement, la Commission fait référence dans la décision attaquée au fait que le prix des actions souscrites par la République fédérale d’Allemagne, à savoir 2,56 euros par action, était significativement au-dessous du prix moyen des actions de DLH au cours des quinze jours précédant la demande d’injection de fonds propres, à savoir 9,12 euros par action, soit une décote de 71,9 %, et que, dès lors, cette décote offrait à l’État une rémunération suffisante « lors de l’entrée » au capital du bénéficiaire. Cette rémunération serait ainsi supérieure à celle qui aurait résulté de l’application d’un mécanisme de hausse de la rémunération, dans l’hypothèse où la République fédérale d’Allemagne n’aurait pas bénéficié de ladite décote.

254 Toutefois, force est de constater que le prix des actions souscrites par l’État lors de l’entrée de celui-ci au capital du bénéficiaire concerné n’a pas un rapport suffisamment étroit avec l’objet et l’objectif du mécanisme de hausse de la rémunération ou d’un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

255 En effet, d’une part, le prix des actions souscrites par l’État lors de l’entrée de celui-ci au capital du bénéficiaire concerné est réglementé par le paragraphe 60 de l’encadrement temporaire, selon lequel une injection de fonds propres par l’État, ou une intervention équivalente, est effectuée à un prix qui n’excède pas le prix moyen des actions du bénéficiaire concerné au cours des quinze jours précédant la demande d’injection de fonds propres. Le prix d’achat susmentionné démontre donc que celui-ci est conforme au paragraphe 60 de l’encadrement temporaire. En revanche, le fait que la participation au capital soit conforme audit paragraphe ne signifie pas qu’elle pouvait déroger à l’obligation de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération comme l’exige le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire ou un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 dudit encadrement. Il s’agit, en réalité, de deux exigences distinctes prévues dans ledit encadrement, ayant des objets différents. En effet, la nécessité de prévoir un tel mécanisme n’est aucunement subordonnée au prix initial d’achat des actions.

256 D’autre part, l’objectif poursuivi par le mécanisme de hausse de la rémunération est différent de celui sous-tendant la règle en matière du prix initial d’achat des actions. En effet, l’objectif de ce mécanisme est de rendre plus onéreuse la participation de l’État au fil du temps, en augmentant sa part dans le capital de l’entreprise, et cela sans injection supplémentaire de capital de la part de l’État. Ce mécanisme vise donc à inciter ex post le bénéficiaire concerné à racheter ladite participation le plus vite possible, ce mécanisme n’étant en effet activé, le cas échéant, qu’après, respectivement, la quatrième, puis la sixième année après l’injection du capital. En revanche, le prix d’achat des actions a pour objectif, en substance, de garantir que le prix auquel l’État acquiert des actions n’excède pas leur prix de marché. Ce prix a donc un impact sur la situation du bénéficiaire concerné ex ante, c’est-à-dire lors de l’entrée de l’État dans le capital dudit bénéficiaire, et il n’a pas nécessairement pour vocation d’augmenter, au fil du temps, l’incitation de ce bénéficiaire à racheter ladite participation, dès lors que le prix des actions peut fluctuer tant à la hausse qu’à la baisse.

257 Partant, le niveau du prix des actions lors de l’entrée de l’État dans le capital du bénéficiaire concerné ne produit pas globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital, comme le prévoit le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

258 Deuxièmement, le fait, mis en exergue par la Commission dans la décision attaquée, que la participation de l’État au capital de DLH serait « indésirable », est dépourvu de pertinence, car une telle affirmation est subjective et dénuée de valeur juridique.

259 S’agissant de l’affirmation figurant au paragraphe 141 de la décision attaquée, selon laquelle DLH pourrait demander à l’État de vendre l’ensemble de ses actions à condition, d’une part, qu’elle ait remboursé les participations tacites I et II, y compris les intérêts, et, d’autre part, que le prix des actions lors de leur vente soit égal à la valeur la plus élevée entre le prix de marché de celles-ci et 2,56 euros par action, augmenté de 12 % par an, calculé pour la période entre l’acquisition et la vente, il échet de faire observer ce qui suit. D’une part, concernant le fait que DLH ne pourrait demander à l’État de vendre l’ensemble de ses actions qu’après avoir remboursé notamment la participation tacite II, y compris les intérêts, force est de constater que cette hypothèse concerne nécessairement l’éventuel remboursement de ladite participation avant sa conversion en fonds propres. Or, la nécessité de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme alternatif, en ce qui concerne les instruments hybrides, trouve à s’appliquer après leur conversion en fonds propres, ainsi qu’il ressort du paragraphe 68 de l’encadrement temporaire. Partant, l’hypothèse susmentionnée ne concerne pas la situation dans laquelle se trouverait DLH après l’éventuelle conversion en fonds propres de la participation tacite II, lorsque l’inclusion d’un tel mécanisme doit, en principe, être prévue, ainsi qu’il ressort des points 264 à 266 ci-après. D’autre part, concernant le prix des actions lors de leur revente par l’État, il suffit de constater que ce prix est régi par le paragraphe 63 de l’encadrement temporaire, lequel énonce une exigence distincte qui s’ajoute, mais ne remplace pas celle relative à l’inclusion d’un mécanisme de hausse de la rémunération ou analogue.

260 Troisièmement, la Commission avance également le fait que le taux d’intérêt rémunérant les participations tacites I et II augmente dans le temps. Toutefois, il s’agit, ici encore, d’une exigence distincte prévue par l’encadrement temporaire en ce qui concerne les instruments hybrides jusqu’à leur conversion en instrument de type « fonds propres », à savoir celle figurant au paragraphe 66 de cet encadrement, qui prévoit, en effet, des taux d’intérêt qui augmentent au fil du temps. Cette exigence a donc un champ d’application entièrement distinct de celui de l’exigence, résultant des paragraphes 61 et 62 dudit encadrement, de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un autre mécanisme analogue.

261 De même, le fait, avancé dans la décision attaquée, que la probabilité d’une conversion d’une partie de la participation tacite II en fonds propres augmenterait au fil du temps n’est pas non plus susceptible de lever l’obligation d’inclure un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire. Au contraire, conformément au paragraphe 68 de l’encadrement temporaire, c’est précisément après une telle conversion qu’un tel mécanisme « doit être prévu » en ce qui concerne les instruments hybrides, tel que la participation tacite II. En d’autres termes, ladite conversion déclenche l’obligation de prévoir un tel mécanisme. Elle ne saurait donc en aucun cas servir pour justifier l’absence de ce dernier.

262 Quatrièmement, le fait que DLH fera l’objet des engagements comportementaux prévus au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire, telles que notamment l’interdiction de dividendes, ne remplace pas non plus l’obligation de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire, car il s’agit, ici encore, d’exigences distinctes qui s’ajoutent, mais ne se substituent pas à celle prévue aux paragraphes 61 et 62 de cet encadrement.

263 Partant, il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que la « structure globale » de la mesure en cause, et notamment les effets combinés de ses trois composantes interconnectées, produisait globalement des effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital du bénéficiaire comparables aux effets incitatifs générés par un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme similaire, au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

264 En second lieu, en ce qui concerne la participation tacite II, laquelle constitue un instrument hybride, il est tout aussi constant que celle-ci n’est assortie d’aucun mécanisme de hausse de la rémunération non plus. Or, aux termes du paragraphe 68 de l’encadrement temporaire, après la conversion en fonds propres de l’instrument hybride concerné, un mécanisme de hausse de la rémunération « doit être prévu » pour accroître la rémunération de l’État, afin d’inciter les bénéficiaires concernés à racheter la participation souscrite par l’État. Si les fonds propres résultant de l’intervention de l’État dans le contexte de la pandémie COVID-19 sont toujours détenus par l’État deux ans après la conversion en fonds propres, ledit État reçoit une part du bénéficiaire concerné, en plus de la participation restante résultant de la conversion par l’État des instruments hybrides définis dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Cette part de propriété supplémentaire est fixée à minimum 10 % de la participation restante résultant de la conversion par l’État des mêmes instruments hybrides. La Commission peut accepter d’autres mécanismes de hausse de la rémunération, à condition qu’ils aient le même effet incitatif et une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

265 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré, aux paragraphes 159 à 161, en substance, que la participation tacite II était assortie d’un mécanisme alternatif de hausse de la rémunération, en avançant certains des motifs qu’elle avait retenus à l’égard de la participation au capital. Partant, pour les raisons exposées aux points 252 à 257 ci-dessus, ces motifs ne suffisent pas pour justifier l’absence d’un mécanisme de hausse de la rémunération ou un autre mécanisme répondant aux conditions prévues au paragraphe 68 de l’encadrement temporaire.

266 Enfin, quant au paragraphe 70 de l’encadrement temporaire, mentionné sommairement par la Commission au paragraphe 160 de la décision attaquée, il convient de relever que, aux termes de ce paragraphe, « étant donné que la nature des instruments hybrides est très variable, la Commission ne fournit pas d’orientations pour tous les types d’instruments ». Or, dans la décision attaquée, la Commission n’a aucunement expliqué quelles seraient les caractéristiques spécifiques de la nature de la participation tacite II qui la distingueraient des autres types d’instruments hybrides, de sorte que ledit paragraphe aurait revêtu une pertinence dans le cas d’espèce. Quoi qu’il en soit, selon les termes dudit paragraphe, « les instruments hybrides suivent en tout état de cause les principes [mentionnés aux paragraphes précédents de cet encadrement] ». Partant, ce paragraphe n’affranchit pas la Commission de l’obligation de vérifier que l’instrument hybride en cause suit les principes énoncés dans ce point de l’encadrement temporaire, parmi lesquels figure celui afférent à la nécessité de garantir que l’instrument hybride concerné soit assorti d’un mécanisme susceptible de produire des effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital du bénéficiaire concerné similaires à ceux inhérents au mécanisme de hausse de la rémunération.

267 Ainsi, Ryanair a raison de soutenir que l’ensemble des justifications avancées par la Commission dans la décision attaquée se rapportent, en réalité, à d’autres exigences distinctes prévues par l’encadrement temporaire qui ne remplacent pas, mais s’ajoutent à celle consistant à prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme similaire pour toute mesure de recapitalisation au moyen d’instruments de fonds propres ou d’instruments hybrides après leur conversion en capital.

268 Il résulte de tout ce qui précède que la participation au capital et la participation tacite II, lors de sa conversion en fonds propres, ne sont assorties d’aucun mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme similaire, contrairement aux exigences de l’encadrement temporaire.

269 Certes, le Tribunal a eu l’occasion de juger que, en raison des caractéristiques très particulières de la mesure de recapitalisation litigieuse, laquelle consistait en une participation au pro rata de l’État et des actionnaires privés, la Commission pouvait approuver ladite mesure, bien qu’elle dérogeât aux paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire, dans la mesure où un mécanisme de hausse de la rémunération aurait en réalité obligé l’État à réduire sa part dans le capital du bénéficiaire à un niveau inférieur à celui existant avant la mise en œuvre de la mesure litigieuse [arrêt du 22 juin 2022, Ryanair/Commission (Finnair II ; Covid 19), T 657/20, sous pourvoi, EU:T:2022:390, points 75 et 76]. Or, la mesure en cause dans la présente affaire ne consiste pas en une participation au pro rata de l’État et des actionnaires privés. En outre, la Commission ne fait état d’aucune circonstance exceptionnelle ou autre particularité susceptible de justifier une dérogation à l’exigence de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme similaire, mais prétend avoir approuvé un mécanisme alternatif dont serait assortie la mesure en cause, ce qu’elle n’a pourtant pas démontré à suffisance de droit, ainsi qu’il ressort des points 255 à 266 ci-dessus. Ainsi, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité, l’application d’un tel mécanisme dans le cas d’espèce aurait pour conséquence d’inciter le bénéficiaire à racheter la participation de l’État, en réduisant sa part dans son capital au niveau existant avant la mise en œuvre de la mesure en cause.

270 Partant, la Commission a méconnu les paragraphes 61, 62, 68 et 70 de l’encadrement temporaire en ce qu’elle a omis d’exiger l’inclusion d’un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme similaire dans la rémunération de la participation au capital et de la participation tacite II, lors de la conversion de cette dernière en fonds propres.

271 Partant, le présent grief est fondé et doit être accueilli.

d) Sur le prix des actions lors de la conversion de la participation tacite II

272 Ryanair reproche à la Commission d’avoir accepté un prix des actions, lors de la conversion de la participation tacite II en fonds propres, qui méconnait le paragraphe 67 de l’encadrement temporaire. Les motifs invoqués dans la décision attaquée pour justifier cette dérogation ne seraient pas suffisants. En particulier, la possibilité pour la Commission de « reporter » sa décision à cet égard ne serait pas prévue par l’encadrement temporaire.

273 La Commission conteste l’argumentation de Ryanair sur le fondement des motifs figurant dans la décision attaquée.

274 Aux termes du paragraphe 67 de l’encadrement temporaire, la conversion d’instruments hybrides en fonds propres s’effectue à un niveau au moins 5 % sous le cours théorique hors droits de souscription (Theoretical Ex-Rights Price, TERP) au moment de la conversion.

275 Au paragraphe 158 de la décision attaquée, la Commission a relevé qu’une partie de la participation tacite II, à savoir la participation tacite II-A, pouvait être convertie en actions à un prix fixe de 2,56 euros par action, tandis qu’une autre partie de cette participation, à savoir la participation tacite II-B, pouvait l’être au prix du marché des actions au moment de la conversion, moins 10 % ou 5,25 %, en fonction de l’événement déclencheur. La Commission a expliqué à cet égard qu’il était possible de « s’attendre à ce que tous ces prix soient conformes à l’exigence établie au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire », tout en admettant qu’« il pourrait y avoir un prix au-dessous duquel l’exigence du paragraphe 67 de l’encadrement temporaire ne serait pas remplie », mais que, dans ce cas, la République fédérale d’Allemagne se serait engagée à solliciter son autorisation avant d’exercer son droit à conversion.

276 À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que le prix des actions lors de la conversion de la participation tacite II en fonds propres, approuvé dans la décision attaquée, n’est pas déterminé sur la base du TERP, c’est-à-dire le prix de marché que les actions auraient théoriquement à la suite d’une nouvelle émission de droits, comme l’exige pourtant le paragraphe 67 de l’encadrement temporaire.

277 En effet, d’une part, en ce qui concerne la participation tacite II-A, ce prix, fixé à 2,56 euros par action, n’a aucun rapport avec la méthode requise au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire.

278 D’autre part, s’agissant de la participation tacite II-B, le prix est fondé sur le prix du marché au moment de la conversion, moins 10 % ou 5,25 % selon l’événement déclencheur. Or, le TERP ne coïncide pas avec le prix réel du marché des actions au moment de la conversion. Dans la décision attaquée, la Commission n’explique pourtant pas l’articulation, selon elle, entre l’exigence d’un prix « au moins 5 % sous le TERP », prévue au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire, et le prix du marché au moment de la conversion, moins 10 % ou 5,25 % respectivement, prévue pour la participation tacite II-B.

279 Il en découle que la Commission n’a ni expliqué les raisons pour lesquelles il était justifié de fixer ou de calculer les prix des actions lors de la conversion de la participation tacite II en fonds propres sans suivre la méthode requise au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire, ni avancé une quelconque circonstance exceptionnelle susceptible de justifier le non-respect de ladite méthode.

280 Deuxièmement, au paragraphe 158 de la décision attaquée, la Commission a admis que le prix qu’elle avait accepté pourrait ne pas être conforme au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire. Pourtant, elle a conclu que la mesure en cause était conforme audit paragraphe, au motif que la République fédérale d’Allemagne se serait engagée à solliciter son autorisation dans l’hypothèse où le prix conforme aux exigences dudit paragraphe serait au-dessous de celui prévu dans la mesure en cause.

281 Se pose donc la question de savoir si la Commission pouvait déroger à la règle prévue au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire, sous le prétexte que l’État membre concerné solliciterait son autorisation avant d’exercer son droit à conversion.

282 Or, ni dans la décision attaquée ni dans ses écritures devant le Tribunal, la Commission n’a cité un quelconque passage de l’encadrement temporaire, une autre règle de droit ou une circonstance exceptionnelle qui lui aurait permis de déroger au point 67 de l’encadrement temporaire.

283 Le simple fait que la République fédérale d’Allemagne se soit engagée à solliciter l’autorisation de la Commission dans l’hypothèse où le prix en cause ne serait pas conforme aux exigences du paragraphe 67 de l’encadrement temporaire n’est pas susceptible de justifier une telle dérogation. En effet, il ne saurait être permis à la Commission de déroger aux règles prévues dans l’encadrement temporaire sous prétexte que l’État membre concerné s’engage à solliciter ex post l’autorisation de celle-ci. À cet égard, il convient de rappeler que les aides accordées par les Etats membres font l’objet d’un régime d’autorisation préalable au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Ainsi, une mesure d’aide doit être déclarée compatible avec le marché intérieur ex ante, avant qu’elle ne puisse être mise en œuvre. La Commission ne saurait donc reporter sa décision quant à la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur, si elle constate, comme en l’espèce, qu’un aspect de celle-ci est susceptible d’enfreindre les règles applicables en la matière.

284 Or, en l’espèce, l’engagement pris par l’Etat membre concerné n’était pas de nature à garantir que la règle énoncée au paragraphe 67 de l’encadrement temporaire serait respectée. En effet, la République fédérale d’Allemagne ne s’est pas engagée, sur le fond, à rendre, le moment venu, le prix des actions de la partcipation tacite II, lors de sa conversion en fonds propres, conforme aux exigences dudit paragraphe, par exemple en s’engageant à ajuster ce prix jusqu’au niveau prévu audit paragraphe, mais seulement, sur le plan procédural, à solliciter l’autorisation de la Commission avant d’exercer son droit à conversion.

285 Ainsi, en réalité, la Commission n’a fait que reporter sa décision à cet égard, comme elle l’admet d’ailleurs dans ses écritures, tout en sachant que le prix des actions lors de la conversion de la participation tacite II en fonds propres pourrait bel et bien s’avérer incompatible avec le paragraphe 67 de l’encadrement temporaire.

286 Or, il importe de rappeler à cet égard que la Commission ne saurait, en principe, se départir des règles de l’encadrement temporaire qu’elle s’est elle-même imposées, sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus).

287 Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission a méconnu le paragraphe 67 de l’encadrement temporaire.

288 Le présent grief est donc fondé et doit être accueilli.

6. Sur la gouvernance et les préventions des distorsions de concurrence indues

a) Sur l’interdiction d’une expansion commerciale agressive financée par l’aide

289 Les requérantes font valoir, en substance, que la décision attaquée ne prévoit pas de garde-fous contre une expansion commerciale agressive du bénéficiaire concerné, en violation du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire. Condor renvoie, notamment, à une publication en ligne datée du 19 mars 2019, intitulée « Lufthansa eyes Condor and its market niche » (Lufthansa vise Condor et sa niche de marché), laquelle témoignerait du risque d’une telle expansion commerciale agressive. En outre, selon Ryanair, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation à cet égard.

290 La Commission conteste cette argumentation en reprenant, en substance, les motifs de la décision attaquée.

291 Aux termes du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire, afin de prévenir toute distorsion de concurrence indue, les bénéficiaires concernés ne doivent pas s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par des aides d’État ou rendue possible par une prise de risques excessive. De manière générale, plus la participation de l’État membre est faible et la rémunération élevée, moins grande est la nécessité de prévoir des garde-fous.

292 Au paragraphe 163 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le plan d’entreprise de DLH envisageait un retour prudent et graduel à son volume d’activité standard et que le groupe Lufthansa respecterait les conditions prévues au point 3.11.6 dudit encadrement, en concluant, sur cette base, que les exigences prévues au paragraphe 71 de l’encadrement temporaire étaient respectées.

293 Bien que succincte, la motivation de la décision attaquée à cet égard expose de manière suffisante les considérations de fait et de droit revêtant une importance essentielle dans l’économie de celle-ci, au sens de la jurisprudence citée au point 205 ci-dessus, de sorte que le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté.

294 Quant au fond, il suffit de constater que la Commission a examiné le plan d’entreprise de DLH, lequel envisageait un retour prudent et graduel à son volume d’activité « standard ». Dans la mesure où ledit plan est fondé sur les perspectives de développement des activités programmées ou escomptées du bénéficiaire, la Commission pouvait à bon droit fonder son analyse du risque d’une expansion commerciale agressive financée par l’aide sur l’examen dudit plan. Le fait que cette analyse ait démontré que le bénéficiaire concerné n’envisageait qu’un retour prudent et progressif au niveau de ses activités d’avant l’éclatement de la pandémie de COVID-19 tend à démontrer que celui-ci n’avait pas planifié de s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par l’aide en cause, comme a pu le considérer à bon escient la Commission.

295 En outre, il y a lieu de rappeler que, aux termes du paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, tant qu’au moins 75 % des mesures de recapitalisation n’ont pas été remboursées, le bénéficiaire de l’aide en cause ne peut pas acquérir une participation supérieure à 10 % dans les concurrents ou d’autres acteurs ayant la même ligne d’activité, ce qui inclut les activités en amont et en aval. Il n’est pas contesté que cette exigence pèse sur le bénéficiaire et qu’elle a également pour objectif de prévenir que celui-ci s’adonne à une expansion commerciale agressive financée par l’aide. Cette obligation est ainsi de nature à répondre à la crainte exprimée par Condor que le bénéficiaire puisse l’acquérir grâce à l’aide, ce dont témognerait la publication mentionnée au point 289 ci-dessus.

296 Partant, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission a enfreint le paragraphe 71 de l’encadrement temporaire. Leurs griefs doivent donc être écartés comme non-fondés.

b) Sur l’existence d’un PMS du bénéficiaire sur les marchés en cause et les engagements structurels

297 Par la cinquième branche de son premier moyen, Ryanair fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire. Ryanair soulève, pour l’essentiel, trois groupes de griefs relatifs à la définition des marchés pertinents, à l’existence d’un PMS du bénéficiaire concerné sur ces marchés et au caractère efficace et suffisant des engagements structurels imposés à ce dernier.

298 Par la première branche de son premier moyen ainsi que la première branche de son deuxième moyen, Condor soutient également que la Commission a enfreint le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, en soulevant, en substance, les mêmes trois groupes de griefs mentionnés au point 297 ci-dessus.

299 Il convient d’examiner ces trois groupes de griefs consécutivement.

1) Sur la définition des marchés pertinents

i) Sur la méthode de définition des marchés pertinents

300 Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait erronément omis d’examiner les effets de la mesure en cause sur les différents marchés de services de transport aérien de passagers définis par paires de villes entre un point d’origine et un point de destination (ci-après les « marchés O & D »). Ce faisant, la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle constante en matière de contrôle de concentrations dans le secteur de l’aviation consistant à définir les marchés en fonction de l’approche O & D.

301 Condor ajoute que la Commission aurait également omis de prendre en compte le marché de la fourniture de trafic d’apport.

302 La Commission, soutenue par la République française et DLH, soutient que l’identification des marchés pertinents selon l’approche « aéroport par aéroport » n’est pas erronée, en reprenant, en substance, les motifs avancés à cet égard dans la décision attaquée.

303 Conformément au paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, si le bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation prise dans le contexte de la pandémie de COVID-19 d’un montant supérieur à 250 millions d’euros est une entreprise ayant un PMS sur au moins un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités, les États membres doivent proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés. Lorsqu’ils proposent de telles mesures, les États membres peuvent notamment offrir des engagements structurels ou comportementaux, tels que prévus dans la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication sur les mesures correctives »).

304 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les marchés sur lesquels le bénéficiaire concerné exerçait ses activités étaient les marchés de fourniture de services de transport aérien des passagers au départ et à destination des aéroports desservis par ledit bénéficiaire. Elle a ainsi identifié les marchés en cause selon l’approche « aéroport par aéroport ». Conformément à cette approche, chaque aéroport est défini comme un marché distinct, sans faire de distinction entre les différentes lignes O & D à destination ou en provenance de cet aéroport. Selon la Commission, cette approche était justifiée par le fait que la mesure en cause visait à préserver la capacité globale du bénéficiaire concerné à fournir des services de transport aérien, notamment en assurant la préservation de ses actifs et de ses droits d’exploitation à moyen et à long terme. En effet, ces actifs et droits ne seraient pas affectés, en principe, à une liaison particulière. Cela serait particulièrement vrai en ce qui concerne les créneaux horaires dans un aéroport coordonné, qui pourraient avoir une grande valeur et être utilisés sur n’importe quelle route au départ et à destination de cet aéroport.

305 La Commission en a conclu que la mesure en cause soutenait les activités du groupe Lufthansa et pouvait donc potentiellement affecter la concurrence sur toutes les liaisons au départ et à l’arrivée d’un aéroport dans lequel ce groupe détenait des créneaux horaires, indépendamment de la position concurrentielle spécifique du groupe sur chacune de ces liaisons. Il ne serait donc pas approprié, selon la Commission, d’analyser l’impact de la mesure en cause sur chacune de ces liaisons séparément. En lieu et place de cette démarche, il convient de définir les marchés pertinents comme étant les aéroports où le bénéficiaire concerné fournissait des services de transport aérien de passagers.

306 Les parties s’opposent ainsi sur la question de savoir si, aux fins de l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, les marchés de fourniture de services de transport aérien de passagers doivent être identifiés selon l’approche « aéroport par aéroport », comme l’a retenu la Commission dans la décision attaquée, ou selon l’approche O & D, comme le soutiennent les requérantes.

307 Cette question implique des évaluations économiques complexes, de sorte que le contrôle qu’exerce le juge de l’Union est restreint (voir jurisprudence citée au point 74 ci-dessus).

308 À cet égard, premièrement, il convient de relever que le point 72 de l’encadrement temporaire ne précise pas la méthode selon laquelle les marchés pertinents doivent être définis.

309 Deuxièmement, ainsi que l’indique la note en bas de page no 1 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), le centre de l’évaluation dans les cas d’aides d’État est le bénéficiaire de l’aide en cause et l’industrie ou le secteur concernés plutôt que l’identification des contraintes compétitives que connaît ledit bénéficiaire.

310 Troisièmement, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’examen des mesures d’aide susceptibles d’être autorisées conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, la Commission doit veiller à ce que celles-ci soient destinées notamment à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. En particulier, l’encadrement temporaire s’inscrit dans le cadre de l’effort global déployé par les États membres pour contrer les effets de la flambée de COVID-19 sur leur économie et vise à préciser les possibilités offertes aux États membres par les règles de l’Union pour garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises (paragraphe 11 de l’encadrement temporaire). En ce qui concerne plus particulièrement les mesures de recapitalisation, l’encadrement temporaire vise à faire en sorte que la perturbation de l’économie causée par la pandémie ne provoque pas une sortie du marché évitable pour les entreprises qui étaient viables avant la flambée de COVID-19. Dans le même temps, la Commission doit s’assurer que les recapitalisations ne dépassent pas le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire et qu’elles se limitent à rétablir la structure de capital qui était celle du bénéficiaire avant la flambée de COVID-19.

311 Ce type de mesures d’aide vise donc à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, en soutenant, en particulier, la viabilité des entreprises touchées par la pandémie de COVID-19 afin de rétablir leur structure de capital au niveau qui était le leur avant celle-ci. Ces mesures d’aide visent ainsi la situation financière globale du bénéficiaire et, plus généralement, celle du secteur économique concerné.

312 Quatrièmement, en ce qui concerne concrètement la mesure en cause, il convient de relever que celle-ci vise à garantir, en substance, que les sociétés du groupe Lufthansa disposent de suffisamment de liquidités et que les perturbations causées par la pandémie de COVID-19 ne compromettent pas leur viabilité (paragraphe 18 de la décision attaquée). Les effets de cette aide s’étendent donc à la situation financière globale dudit groupe. En effet, la mesure en cause vise à restaurer la structure de capital qui était celle du bénéficiaire avant la flambée de COVID-19 et non pas à soutenir la présence du bénéficiaire sur telle ou telle ligne aérienne.

313 Partant, c’est à juste titre que la Commission a relevé dans la décision attaquée que la mesure en cause visait à préserver les actifs du bénéficiaire et ses droits d’exploitation à moyen et à long terme et, dès lors, sa capacité globale à fournir des services de transport aérien et que, par conséquent, il n’était pas approprié d’examiner l’impact de la mesure en cause sur chaque marché O & D pris isolément.

314 Cinquièmement, les arguments des requérantes visant à remettre en cause l’approche « aéroport par aéroport » suivie par la Commission dans la décision attaquée sont fondés, en substance, sur une analogie avec la méthode de définition des marchés suivie en matière de contrôle des concentrations, selon laquelle les marchés pertinents sont définis selon l’approche O & D.

315 Cette analogie ne tient toutefois pas suffisamment compte des spécificités de l’encadrement temporaire et de la mesure en cause.

316 En effet, la mesure en cause dans la présente affaire n’a pas pour effet de renforcer la position du bénéficiaire concerné sur certains marchés O & D et non sur d’autres. Plus particulièrement, une mesure de recapitalisation produit des effets sur la situation globale du bénéficiaire concerné, dans la mesure où les capitaux apportés à celui-ci ne sont pas affectés à des liaisons particulières et n’ont donc pas de lien direct avec certains marchés O & D plutôt qu’avec d’autres.

317 Partant, il n’existe aucune contradiction découlant du fait que la Commission aurait suivi des approches différentes pour définir les marchés, d’une part, dans la décision attaquée et, d’autre part, dans sa pratique décisionnelle en matière de contrôle des concentrations (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 148).

318 Pour les mêmes raisons, l’argument des requérantes, fondé sur la même analogie avec la pratique décisionnelle en matière de contrôle des concentrations, selon lequel les marchés en cause devraient être définis à la fois selon l’approche O & D et l’approche « aéroport par aéroport » ne saurait prospérer.

319 Au demeurant, il y a lieu de relever que, même dans le domaine des concentrations, il est arrivé que la Commission définisse les marchés pertinents sur le fondement de la seule approche « aéroport par aéroport » lorsque la concentration consistait en un rachat d’actifs, et notamment de créneaux horaires, d’une compagnie aérienne ayant cessé toute activité et s’étant ainsi retirée de tous les marchés O & D. Cette approche a été admise par le Tribunal au motif, notamment, que les créneaux horaires faisant l’objet de la concentration pouvaient être utilisés sur l’ensemble des liaisons O & D au départ ou à destination des aéroports concernés (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze “LOT”/Commission, T 240/18, EU:T:2021:723, point 57, et du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze “LOT”/Commission, T 296/18, EU:T:2021:724, point 80). Or, une mesure de recapitalisation telle que la mesure en cause a un effet similaire à une concentration portant essentiellement sur des créneaux horaires, en ce sens que, à l’instar de ces créneaux horaires, les capitaux apportés à DLH ne sont pas affectés à des liaisons particulières et peuvent être utilisées aux fins d’assurer n’importe quelle liaison O & D au départ d’un aéroport.

320 Sixièmement, étant donné que l’identification d’un marché de trafic d’apport distinct, que réclame Condor, requiert l’application de l’approche O & D, comme l’ont admis les parties lors de l’audience, il y a lieu de rejeter, pour les mêmes motifs, l’argument de cette dernière par lequel elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte dudit marché du trafic d’apport. En effet, la mesure en cause n’a pas pour objet de soutenir les activités du bénéficiaire concerné sur certaines liaisons O & D pour lequelles il fournit un trafic d’apport à Condor, à l’exclusion d’autres.

321 Enfin, l’argument que tirent les requérantes du libellé du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, lequel mentionne les entreprises ayant un PMS sur « au moins un des marchés en cause », est dénué de pertinence. En effet, cette précision ne vise, à l’évidence, pas à imposer à la Commission une méthode donnée de définition des marchés, mais à préciser qu’il suffit que le bénéficiaire ait un PMS sur un seul des marchés sur lesquels il opère pour que les exigences prévues audit paragraphe trouvent à s’appliquer. Ainsi, s’il devait être conclu que le bénéficiaire détenait un PMS dans un seul aéroport, cela suffirait pour que les exigences prévues au paragraphe 72 de l’encadrement temporaire trouvent à s’appliquer en ce qui concerne cet aéroport.

322 Partant, il y a lieu de conclure que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, définir les marchés en cause aux fins de l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire selon l’approche « aéroport par aéroport ».

ii) Sur l’application de l’approche « aéroport par aéroport »

323 À titre subsidiaire, Ryanair fait valoir que, à supposer que l’approche « aéroport par aéroport » soit correcte, la Commission a appliqué cette dernière de façon erronée. Elle avance plusieurs griefs à cet égard, que la Commission conteste sur la base des motifs exposés dans la décision attaquée.

324 Avant d’examiner ces griefs, il convient de relever que, aux paragraphes 172 et 173 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, aux fins de l’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, étaient « pertinents » uniquement les aéroports coordonnés dans lesquels le groupe Lufthansa avait une base. En application de ces critères, la Commission a identifié quinze aéroports dans lesquels le groupe Lufthansa avait une base pendant les saisons d’été 2019 et d’hiver 2019/2020 de l’IATA, dont neuf étaient coordonnés, à savoir les aéroports de Berlin, Bruxelles, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Munich, Palma de Majorque, Stuttgart et Vienne. Par la suite, au point 3.3.6.3 de la décision attaquée, la Commission a examiné si ledit groupe détenait un PMS dans ces neuf aéroports uniquement.

–  Sur l’exclusion des aéroports dans lesquels le groupe Lufthansa n’avait pas de base

325 Ryanair reproche à la Commission d’avoir limité son examen aux seuls aéroports où le groupe Lufthansa avait une base. Or, un transporteur aérien pourrait exercer ses activités à partir et à destination d’aéroports dans lesquels il ne disposerait pas de base. En outre, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation à cet égard.

326 La Commission conteste ces arguments.

327 En premier lieu, quant au grief tiré d’un défaut de motivation, il convient de constater que, au paragraphe 237 de la décision attaquée, in fine, la Commission a affirmé que l’exigence d’établir une base était nécessaire pour permettre une concurrence effective, en garantissant de la sorte l’effectivité de la mesure en cause. Au paragraphe 240 de la décision attaquée, la Commission a précisé que cette exigence venait au soutien de l’entrée ou de l’expansion d’un concurrent viable et menaçait le groupe Lufthansa d’une concurrence sur la plupart des lignes à destination ou au départ de l’aéroport concerné. Si ces paragraphes de la décision attaquée ne portent certes pas sur l’identification des aéroports pertinents, mais sur l’exigence, pour un repreneur, d’établir une base dans les aéroports de Francfort et de Munich en tant que condition pour acquérir les créneaux horaires faisant l’objet des engagements structurels, ils exposent néanmoins de façon claire et univoque les considérations essentielles ayant amené la Commission à retenir la pertinence du critère relatif à la détention d’une base dans un aéroport donné afin d’identifier les aéroports dans lesquels le groupe Lufthansa était susceptible d’avoir un PMS.

328 En second lieu, quant au fond, il convient de relever que le fait qu’un transporteur aérien dispose d’une base dans un aéroport donné tend à démontrer que celui-ci est implanté dans cet aéroport de façon durable, ce qui lui permet d’exercer une pression concurrentielle plus soutenue sur ses concurrents opérant dans le même aéroport.

329 En effet, selon la jurisprudence, le fait de disposer d’une base confère certains avantages, tels que la souplesse permettant la permutation des liaisons, le redéploiement des appareils, la minimisation des frais de perturbation, l’échange des équipages, le service à la clientèle ou la notoriété de la marque concernée (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 269).

330 En outre, l’établissement d’une base dans un aéroport donné implique généralement qu’une partie du personnel du transporteur aérien en cause est rattachée à cette base. En outre, comme le fait valoir la Commission, les avions stationnés dans cette base peuvent être déployés sur n’importe laquelle des lignes O & D au départ de cette base. Il s’ensuit qu’un transporteur aérien disposant d’une base dans un aéroport donné est plus à même de s’investir dans une présence commerciale stable et durable qu’un transporteur qui opère dans cet aéroport sans y posséder de base.

331 Or, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que Ryanair n’a pas démontré à suffisance de droit que le groupe Lufthansa était susceptible d’avoir un PMS dans les aéroports dans lesquels il n’avait pas de base. La Commission pouvait donc à bon escient exclure ces aéroports de son analyse.

332 Partant, le présent grief doit être rejeté comme non-fondé.

–  Sur les aéroports situés en dehors de l’Union

333 Ryanair fait valoir que la Commission aurait exclu à tort de son analyse les aéroports suisses de Zurich et de Genève ou un « certain nombre d’aéroports turcs, par exemple Izmir ou Antalya », dans lesquels le groupe Lufthansa aurait des bases.

334 La Commission, soutenue par la République française, rétorque, en substance, que les règles relatives aux aides d’État ne s’appliquent que sur le territoire de l’Union.

335 L’article 13 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (JO 2002, L 114, p. 73) énonce des règles relatives aux aides d’État qui ont été élaborées sur le modèle des articles 107 à 109 TFUE. Selon l’article 14 de cet accord, la Commission et les autorités suisses procèdent à l’examen permanent de tous les régimes d’aides existant respectivement dans les États membres et en Suisse. Cet accord n’octroie donc pas à la Commission la compétence pour examiner les aides d’État concernant la Suisse et encore moins pour imposer des mesures structurelles devant s’appliquer sur le territoire de ce pays. Il n’existe pas non plus d’accord en ce sens pour la Turquie.

336 Les arguments avancés par Ryanair sur ce point ne convainquent pas. En effet, le simple fait que les aéroports suisses et turcs susmentionnés seraient reliés à des aéroports situés à l’intérieur de l’Union est dénué de pertinence. Cet argument est fondé sur une logique propre à l’approche O & D et non sur l’approche « aéroport par aéroport ». Ainsi, si, certes, la méthode inhérente à l’approche O & D permet à la Commission, dans le cadre du contrôle des concentrations, d’examiner les effets d’une concentration sur les marchés O & D dans lesquels l’une des deux villes se situe dans l’Union et l’autre en dehors, l’approche « aéroport par aéroport » ne saurait, en revanche, avoir pour conséquence d’élargir la compétence territoriale de la Commission pour examiner si le bénéficiaire détient un PMS dans des aéroports situés dans des pays tiers et de lui imposer, le cas échéant, des mesures structurelles dans lesdits aéroports.

337 De même, Ryanair ne saurait pas non plus se fonder sur la jurisprudence selon laquelle la Commission a une compétence territoriale pour appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux pratiques adoptées en dehors de l’Union s’il est établi que celles-ci ont produit des effets qualifiés ou ont été mises en œuvre dans l’Union. Selon cette jurisprudence, les effets substantiels, prévisibles et immédiats que de telles pratiques sont susceptibles de produire au sein de l’Espace économique européen (EEE) permettent de justifier la compétence de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 18 et 44 à 49).

338 Cette jurisprudence, qui vise les pratiques prohibées par les articles 101 et 102 TFUE adoptées en dehors de l’Union, mais produisant des effets qualifiés sur le territoire de celle-ci, n’est pas transposable dans le domaine des aides d’État. En effet, les effets qu’une aide d’État octroyée par un État membre peut, le cas échéant, produire sur la concurrence dans des pays en dehors du territoire de l’Union ne font pas l’objet des règles de l’Union en matière d’aides d’État. Ainsi, la Commission n’est pas compétente pour examiner si le groupe Lufthansa dispose d’un PMS dans un aéroport situé dans un pays tiers et pour imposer, le cas échéant, audit groupe de céder une partie des créneaux qu’il détient dans un tel aéroport.

339 Partant, le présent grief doit être rejeté comme non-fondé.

– Sur l’exclusion des aéroports non-coordonnés

340 Ryanair reproche à la Commission, ce que celle-ci conteste, d’avoir omis d’évaluer la position du groupe Lufthansa dans des aéroports non-coordonnés, dans lesquels il existerait des barrières à l’entrée autres que l’indisponibilité de créneaux. Ryanair fait référence à cinq aéroports dans lesquels le groupe Lufthansa aurait une base et qui seraient considérés comme étant de « niveau 2 » en ce qui concerne leur potentiel de congestion, selon l’IATA.

341 En premier lieu, il convient de rappeler que la Commission a expliqué, au paragraphe 181 de la décision attaquée, qu’elle avait utilisé la qualification d’« aéroport coordonné » au titre du règlement (CEE) no 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO 1993, L 14, p. 1), comme une première approximation afin de déterminer un niveau de congestion élevé d’un aéroport. Selon la Commission, une telle qualification signifie que, dans ces aéroports, la demande d’infrastructures aéroportuaires, en particulier pour les créneaux horaires applicables, dépasse de manière significative la capacité de l’aéroport et que l’extension des infrastructures aéroportuaires pour répondre à la demande n’est pas possible à court terme.

342 Ryanair ne conteste pas que, dans les aéroports non coordonnés, il existe des disponibilités de créneaux suffisantes pour permettre l’entrée ou l’expansion d’un concurrent. Dans ces aéroports, l’offre de créneaux disponibles dépasse, en règle générale, la demande.

343 Dans ces circonstances, Ryanair ne démontre pas, preuves à l’appui, que le groupe Lufthansa détiendrait un PMS dans un aéroport non-coordonné concret.

344 En second lieu, Ryanair se borne à soutenir que les aéroports de « niveau 2 », selon la classification de l’IATA, dans lesquels le groupe Lufthansa possède une base, auraient dû également être pris en considération par la Commission.

345 Il ressort du dossier que la catégorie d’aéroports de « niveau 2 », selon la classification de l’IATA, correspond à celle d’« aéroport à facilitation d’horaires » au sens de l’article 2, sous i), du règlement no 95/93, dans sa version en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée. Selon cette disposition, un « aéroport à facilitation d’horaires » est défini comme « un aéroport susceptible d’être saturé à certaines périodes de la journée, de la semaine ou de l’année, ce problème de saturation pouvant être résolu par une coopération volontaire entre transporteurs aériens, et dans lequel un facilitateur d’horaires a été désigné pour faciliter les activités des transporteurs aériens exploitant ou ayant l’intention d’exploiter des services dans cet aéroport ».

346 Il en découle que, dans les aéroports de « niveau 2 », il existe généralement des capacités suffisantes de créneaux disponibles, sauf pendant « certaines périodes de la journée, de la semaine ou de l’année ». Toutefois, ces problèmes ponctuels peuvent, en règle générale, être résolus par une coopération volontaire entre transporteurs aériens, de sorte que l’émergence de toute barrière éventuelle à l’entrée ou à l’expansion résultant de la non-disponibilité de créneaux pendant certaines périodes ponctuelles puisse, en principe, être évitée.

347 En tout état de cause, l’argument de Ryanair reste général, en ce qu’il ne démontre pas, preuves à l’appui, que le groupe Lufthansa avait un PMS dans un aéroport à facilitation horaire donné.

348 Partant, le présent grief doit être écarté comme non-fondé.

–  Sur la qualification de l’aéroport de Hanovre d’aéroport coordonné

349 Ryanair fait valoir que la Commission aurait omis de qualifier l’aéroport de Hanovre (Allemagne) d’aéroport coordonné et, par conséquent, d’évaluer si le groupe Lufthansa disposait d’un PMS dans cet aéroport pendant les saisons d’été 2019 et d’hiver 2019/2020 de l’IATA.

350 Il est désormais constant que la Commission a commis une erreur de fait dans la décision attaquée en considérant que l’aéroport de Hanovre n’était pas coordonné et en n’examinant pas si le groupe Lufthansa possédait un PMS dans cet aéroport. En effet, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure du 15 novembre 2021, qui portait notamment sur cette question, la Commission a, le 14 décembre 2021, adopté la décision rectificative (voir point 8 ci-dessus), dans laquelle elle a reconnu avoir commis une erreur, l’aéroport de Hanovre étant, en effet, un aéroport coordonné. Dans cette décision, elle a examiné si le groupe Lufthansa détenait un PMS dans cet aéroport et a conclu que tel n’était pas le cas.

351 Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, Ryanair fait valoir, en substance, que la décision rectificative ne saurait remédier ex post à l’erreur contenue dans la décision attaquée concernant la classification de l’aéroport de Hanovre en tant qu’aéroport coordonné et que, en outre, l’appréciation effectuée par la Commission dans cette décision de l’existence d’un PMS du bénéficiaire concerné dans cet aéroport serait erronée.

352 Condor, quant à elle, ne conteste pas que la Commission pouvait corriger la décision attaquée en cours d’instance, mais soutient qu’elle n’est pas parvenue, sur le fond, à corriger les erreurs dont serait entachée la décision attaquée, telle que modifiée par la décision rectificative.

353 Conformément à l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau. Le règlement de procédure reconnaît donc la possibilité pour une institution, organe ou organisme de l’Union de modifier l’acte attaqué en cours d’instance.

354 De même, selon la jurisprudence, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours (arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, point 23).

355 Dès lors, et sans préjudice de la décision sur les dépens, il convient de rejeter l’argument de Ryanair selon lequel la Commission ne serait pas autorisée à modifier la décision attaquée en cours d’instance et de constater, par voie de conséquence, que l’erreur initialement commise dans la décision attaquée, en ce que la Commission n’a pas qualifié l’aéroport de Hanovre d’aéroport coordonné, a été corrigée par le biais de la décision rectificative.

356 En ce qui concerne les arguments de Ryanair et de Condor concernant l’appréciation, effectuée par la Commission dans la décision rectificative, de l’existence d’un PMS du bénéficiaire dans cet aéroport, ceux-ci seront examinés ci-après.

357 Partant, il y a lieu de rejeter le grief de Ryanair comme non-fondé.

iii) Conclusion sur l’identification des marchés pertinents

358 Il résulte des points 300 à 357 ci-dessus que l’ensemble des arguments des requérantes concernant la définition des marchés pertinents doivent être rejetés comme non-fondés.

2) Sur l’existence d’un PMS du bénéficiaire concerné dans les aéroports pertinents

359 Dans le cadre de la cinquième branche de son premier moyen, Ryanair fait valoir, premièrement, en substance, que l’appréciation de l’existence d’un PMS est par nature prospective et elle reproche à la Commission d’avoir fondé son appréciation de la puissance du groupe Lufthansa sur un seul facteur, à savoir la disponibilité de créneaux horaires, sans indiquer pourquoi d’autres facteurs n’étaient pas pertinents.

360 Deuxièmement, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le bénéficiaire concerné ne disposait pas de PMS dans les aéroports de Düsseldorf et de Vienne. En outre, elle aurait appliqué l’approche « aéroport par aéroport » de manière incohérente en tirant des conclusions opposées concernant l’existence d’un PMS du groupe Lufthansa dans les aéroports où les résultats de l’analyse de la Commission elle-même seraient pourtant similaires. En particulier, Ryanair estime que, sur la base des mêmes critères ayant permis à la Commission de conclure que le groupe Lufthansa disposait d’un PMS dans les aéroports de Francfort et de Munich, celle-ci aurait dû parvenir à la même conclusion en ce qui concerne les aéroports de Düsseldorf et de Vienne. En effet, les données concernant la part des créneaux détenue par ledit groupe dans l’ensemble de ces aéroports, les niveaux de congestion et la part la plus élevée des créneaux détenue par ledit groupe dans trois tranches horaires ne seraient pas matériellement différents. Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, Ryanair ajoute que l’appréciation effectuée par la Commission dans la décision rectificative, selon laquelle le groupe Lufthansa ne disposerait pas d’un PMS dans l’aéroport de Hanovre, est également erronée.

361 Condor, dans le cadre de la première branche de son premier moyen, soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation du PMS du groupe Lufthansa dans les aéroports concernés et qu’elle a mené une analyse insuffisante et incomplète à cet égard, en ce qu’elle n’a examiné que des critères relatifs à la capacité aéroportuaire, tels que les créneaux horaires, lesquels ne constitueraient pourtant qu’une partie des facteurs devant être pris en considération. Elle n’aurait ainsi tenu compte que des marchés orientés vers la demande de capacités aéroportuaires. Or, la Commission aurait également dû tenir compte des paramètres concernant les parts de marché réelles sur les vols et donc des marchés orientés vers la demande de services de transport aérien de passagers. Ainsi, si la Commission avait pris en considération de tels paramètres, par exemple les parts de marché détenues par le groupe Lufthansa en termes de fréquences de vols et de sièges offerts dans les aéroports respectifs, elle aurait eu des doutes sérieux quant à la question de savoir si le groupe Lufthansa disposait d’un PMS non seulement dans les aéroports de Munich et de Francfort, mais également dans les aéroports de Düsseldorf, de Hambourg, de Stuttgart, de Vienne, de Bruxelles et de Hanovre. Dans le mémoire en adaptation, Condor soutient que les mêmes erreurs et insuffisances entâchent également la décision rectificative.

362 La Commission, soutenue par DLH et la République française, conteste les arguments des requérantes sur le fondement, en substance, des motifs exposés dans la décision attaquée.

363 Avant d’examiner les arguments des requérantes, le Tribunal considère qu’il est nécessaire de clarifier, à titre liminaire, la notion de PMS.

i) Sur la notion de PMS

364 La notion de PMS n’est pas définie dans l’encadrement temporaire, ni plus généralement dans le domaine des aides d’État.

365 Cette notion prend sa source dans l’article 63, paragraphe 2, de la directive (UE) 2018/1972, du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen (JO 2018, L 321, p. 36). Aux termes de cette disposition, une entreprise est considérée comme ayant un PMS lorsque, individuellement ou conjointement avec d’autres, elle se trouve dans une position équivalente à une position dominante, à savoir une position de puissance économique lui permettant de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante de ses concurrents, de ses clients et, en fin de compte, des consommateurs.

366 Selon le considérant 161 de la directive 2018/1972, la définition du PMS utilisée dans cette directive est « équivalente à la notion de position dominante telle qu’elle est définie dans la jurisprudence de la Cour de justice [de l’Union européenne] ».

367 Le Tribunal considère qu’il n’existe pas de raison objective pour interpréter la notion de PMS au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire différemment de celle résultant de la directive 2018/1972. Par ailleurs, les parties conviennent que cette notion doit être interprétée de manière uniforme.

368 Partant, la notion de PMS au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire doit être considérée comme étant, en substance, équivalente à celle de position dominante en droit de la concurrence.

369 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une position dominante est définie en droit de l’Union comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 65, et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 38).

370 En outre, il a été jugé qu’une part de marché supérieure ou égale à 50 % constituait une présomption d’existence d’une position dominante (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, point 60). En outre, dans son arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (27/76, EU:C:1978:22, points 107 à 113), la Cour a précisé que le fait qu’une entreprise possédait une part de marché de 40 à 45 %, ne permettait pas, en soi, de conclure qu’elle détenait une position dominante, mais qu’une telle conclusion pouvait dériver de cette circonstance, prise conjointement avec d’autres facteurs, tels que notamment la force et le nombre de concurrents. Dans cette affaire, la Cour a conclu à l’existence d’une position dominante en raison d’une part de marché de 40 à 45 %, conjuguée avec le fait que cette part de marché était plusieurs fois supérieure à celle de son concurrent le mieux placé, les autres ne venant que loin derrière.

371 Enfin, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient Ryanair, l’appréciation de l’existence d’un PMS n’est pas, par nature, prospective. En effet, cette appréciation doit être effectuée en fonction de la situation telle qu’elle se présente lors de la notification de la mesure en cause. Si le bénéficiaire ne jouit pas d’un PMS au moment de ladite notification, le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire ne trouve pas à s’appliquer. La Commission n’a donc pas à examiner si, à la suite de l’octroi de l’aide, le bénéficiaire pourrait acquérir un PMS.

372 C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes.

ii) Sur les critères d’évaluation du PMS

373 Au paragraphe 179 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle évaluerait si le groupe Lufthansa possédait un PMS dans les aéroports pertinents en examinant trois critères, à savoir, premièrement, la part des créneaux horaires détenus par ce groupe dans ces aéroports, deuxièmement, le niveau de congestion dans ces aéroports, et, troisièmement, la part des créneaux horaires détenus par les concurrents. Il ressort d’autres paragraphes de la décision attaquée que la Commission a également tenu compte du nombre d’avions basés dans certains des aéroports pertinents exploités par ledit groupe et par ses concurrents.

374 Au point 3.3.6.4 de la décision attaquée, la Commission a examiné, sur la base des critères susmentionnés, si le groupe Lufthansa possédait un PMS dans neuf aéroports coordonnés, à savoir ceux de Berlin Tegel, Bruxelles, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Munich, Palma de Majorque, Stuttgart et Vienne. Dans la décision rectificative, la Commission a examiné, sur la base des mêmes critères, si ce groupe détenait un PMS dans l’aéroport de Hanovre.

375 Ryanair et Condor soutiennent, en substance, que la Commission se serait focalisée à tort sur des critères relatifs à la capacité aéroportuaire, à l’exclusion d’autres facteurs tout aussi pertinents, tels que les parts de marché réelles du bénéficiaire et de ses concurrents (voir points 359 à 361 ci-dessus).

376 Premièrement, il convient de constater, à l’instar des requérantes, que les critères à partir desquels la Commission a évalué l’existence d’un PMS du groupe Lufthansa dans les aéroports pertinents concernaient principalement la capacité aéroportuaire. En effet, la « part de créneaux horaires » est définie, au paragraphe 180 de la décision attaquée, comme étant le « rapport entre le nombre de créneaux horaires détenus par un transporteur aérien (ou les transporteurs aériens faisant partie du même groupe) dans un aéroport et le nombre total de créneaux horaires disponibles dans cet aéroport (c’est-à-dire la capacité de cet aéroport) ». Le « niveau de congestion » correspond, quant à lui, à la proportion de créneaux horaires alloués à tous les transporteurs aériens dans l’aéroport concerné par rapport à la capacité globale de cet aéroport en termes de créneaux horaires. Ces critères se rapportent donc, en substance, à la capacité aéroportuaire et concernent l’accès du bénéficiaire et de ses concurrents à l’infrastructure aeroportuaire dans les aeroports concernés.

377 Or, au paragraphe 170 de la décision attaquée, la Commission a défini les marchés en cause comme les marchés des services de transport aérien de passagers. Il convient donc d’examiner si les critères mentionnés au point 373 ci-dessus constituent l’ensemble des facteurs pertinents dont la Commission devait tenir compte aux fins de l’examen de l’existence d’un PMS du bénéficiaire de l’aide sur les marchés des services de transport aérien des passagers.

378 A cet égard, il convient de relever que, si, certes, les critères mentionnés au point 373 ci-dessus sont pertinents aux fins d’apprécier l’existence d’un PMS, étant donné que l’accès aux créneaux horaires est une importante barrière à l’entrée pour la fourniture de services de transport aérien des passagers, ce que les requérantes ne contestent d’ailleurs pas, il n’en demeure pas moins que les facteurs concernant l’offre de services de transport aériens des passagers revêtent, eux aussi, une importance particulière en ce qu’ils fournissent des informations relatives aux parts du marché détenues par le bénéficiaire et ses concurrents sur le marché des services de transport aérien des passagers.

379 En effet, les parts des créneaux détenues par le bénéficiaire concerné et ses concurrents ne fournissent pas d’informations directes en ce qui concerne leurs parts du marché sur le marché des services de transport aérien de passagers. D’une part, il n’est pas contesté que, en raison des tailles différentes des avions exploités par les transporteurs aériens dans les créneaux qui leur sont assignés, le nombre de sièges offerts par eux peut varier considérablement au sein d’un créneau donné. D’autre part, il n’est pas non plus contesté que les transporteurs aériens peuvent exploiter un nombre différent de vols, en fonction de leur programmation ou de leur efficacité, pendant un créneau donné. Ainsi, les parts de créneaux n’informent donc pas directement sur l’offre de services de transport aérien de passagers, dans la mesure où elles n’incluent pas les paramètres suementionnés, lesquels pourraient, selon le cas, avoir une incidence significative sur l’offre de vols et de sièges sur les marchés des services pertinents.

380 Par ailleurs, il ressort du dossier dont dispose le Tribunal et notamment des données fournies par Condor, dont la matérialité n’est d’ailleurs pas contestée par la Commission, par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par DLH, que les parts du marché du bénéficiaire concerné, exprimées en termes de fréquences (nombre de vols) et de sièges offerts au départ et à destination des aéroports pertinents dépassent, parfois considérablement, les parts des créneaux qu’il détient, telles que répertoriées dans la décision attaquée.

381 Or, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas pris en considération les parts du marché du bénéficiaire concerné et de ses concurrents sur le marché de fourniture des services de transport aérien de passagers.

382 Pourtant, étant donné que, dans la décision attaquée, la Commission a défini les marchés en cause comme les marchés des services de transport aérien de passagers, elle ne pouvait pas ignorer les facteurs concernant directement la fourniture de ces services.

383 Deuxièmement, il convient de rappeler que, aux fins de l’appréciation de l’existence d’un PMS, notion proche, voire équivalente à celle d’une position dominante (voir point 368 ci-dessus), les parts de marché apportent une première indication utile sur la structure du marché et l’importance relative des entreprises qui y sont actives. Ainsi, si la part de marché est élevée et détenue longtemps, il est très probable que cet élément constituera un premier indice sérieux de l’existence d’une position dominante (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, points 39 à 41 ; du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C 62/86, EU:C:1991:286, points 59 et 60, et du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T 30/89, EU:T:1991:70, points 90 à 92).

384 De même, le juge de l’Union a souligné à maintes reprises que l’existence d’une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants, mais que parmi ces facteurs l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative (arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 39). Ainsi, le rapport entre les parts de marché détenues par l’entreprise en cause et par ses concurrents, en particulier ceux qui la suivent immédiatement, constitue un indice valable de l’existence d’une position dominante (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T 282/02, EU:T:2006:64, point 201 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T 219/99, EU:T:2003:343, points 210 et 211). De surcroît, dans certains cas, l’existence d’une position dominante peut même être présumée sur la base des seules parts de marché, si elles dépassent le seuil de 50 % (voir la jurisprudence citée au point 370 ci-dessus).

385 Ainsi, il appartenait à la Commission de prendre en considération tous les facteurs pertinents pour l’examen de l’existence d’un PMS, relatifs tant aux barrières à l’entrée et à l’expansion qu’aux parts de marché détenues par le bénéficiaire concerné et ses concurrents sur le marché des services de transport aérien des passagers.

386 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure, à l’instar des requérantes, que, en n’examinant que des facteurs relatifs, en substance, aux barrières à l’entrée et à l’expansion du côté de la capacité aéroportuaire, la Commission a omis de prendre en considération tous les facteurs pertinents en l’espèce pour apprécier le pouvoir du marché du bénéficiaire concerné dans les aéroports pertinents, commettant ainsi une erreur manifeste d’appréciation entachant la décision attaquée, telle que rectifiée par la décision rectificative.

387 Le présent grief est donc fondé et doit être accueilli.

iii) Sur la question de savoir si le groupe Lufthansa possédait un PMS dans les aéroports pertinents

388 Ryanair considère que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant, sur la base des critères qu’elle a examinés, que le groupe Lufthansa n’avait pas un PMS dans les aéroports de Düsseldorf et de Vienne. En outre, selon Ryanair, même à supposer que la position du groupe Lufthansa dans les aéroports de Francfort et de Munich fût plus forte que celle qui était la sienne dans les aéroports de Düsseldorf et de Vienne, il n’en demeurait pas moins tout de même que ledit groupe jouissait également d’un PMS dans ces derniers. Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, Ryanair ajoute que la Commission a erronément conclu, dans la décision rectificative, que le groupe Lufthansa ne disposait pas d’un PMS dans l’aéroport de Hanovre. Elle s’appuie à cet égard sur des données concernant la part des vols et des sièges exploités par le groupe Lufthansa et par ses concurrents à partir de cet aéroport.

389 En outre, Ryanair fait valoir, en substance, que la Commission a appliqué de manière incohérente le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire en ce qu’elle a conclu, sur la base de facteurs qui ne sont pas matériellement différents, que le groupe Lufthansa possédait un PMS dans les aéroports de Francfort et de Munich, mais non dans ceux de Düsseldorf et de Vienne.

390 En s’appuyant sur des données relatives aux parts du marché du groupe Lufthansa en termes de fréquences (vols effectués) et de sièges dans les aéroports de Düsseldorf, de Vienne, de Bruxelles, de Stuttgart et de Hambourg pendant les saisons d’été 2019 et d’hiver 2019/2020 de l’IATA, selon lesquelles ses parts de marché dépassaient souvent 50 %, Condor soutient que, si la Commission avait tenu compte de ces paramètres, elle aurait eu des doutes sérieux lors de l’évaluation du PMS du groupe Lufthansa dans ces aéroports. Dans le mémoire en adaptation, Condor ajoute que tel serait le cas également en ce qui concerne l’aéroport de Hanovre, en faisant référence au même type de données.

391 Dans la décision attaquée, la Commission a conclu, sur la base des seuls critères rappelés au point 373 ci-dessus, à savoir la part des créneaux horaires détenus par ce groupe dans ces aéroports, le niveau de congestion dans ces aéroports et, pour certains aéroports, la part des créneaux horaires détenus par les concurrents et le nombre d’avions exploités par ledit groupe et par ses concurrents, que le groupe Lufthansa jouissait d’un PMS dans les aéroports de Francfort et de Munich pendant les saisons d’été 2019 et d’hiver 2019/2020 de l’IATA, mais que tel n’était pas le cas en ce qui concerne les autres aéroports pertinents.

392 En premier lieu, s’agissant des données présentées par Condor, dont l’exactitude n’est pas contestée par la Commission, ni par la République fédérale d’Allemagne, ni par la République française, ni par DLH, il convient de constater qu’il en ressort que les parts de marché du groupe Lufthansa en termes de fréquences varient entre 50 % et 62 % dans les aéroports de Düsseldorf, de Vienne, de Bruxelles, de Stuttgart et de Hambourg pendant la saison d’été 2019 de l’IATA et entre 47 % et 57 % dans les mêmes aéroports pendant la saison d’hiver 2019/2020 de l’IATA. En termes de sièges, la part de marché dudit groupe varie entre 47 % et 57 % dans lesdits aéroports pendant la saison d’été 2019 de l’IATA et entre 44 % et 56 % pendant la saison d’hiver 2019/2020 de l’IATA. Ces chiffres seraient, respectivement, pour la saison d’été et pour la saison d’hiver, de 45 % et 46 % en ce qui concerne la part des fréquences effectuées par le groupe Lufthansa dans l’aéroport de Hanovre et de 45 % et 48 % en ce qui concerne sa part de sièges dans cet aéroport pendant les mêmes saisons.

393 Par ailleurs, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, Ryanair présente également des données du même type concernant l’aéroport de Hanovre, selon lesquelles la part du groupe Lufthansa en termes de fréquences et de sièges serait comprise entre 42 % et 46 % selon les saisons, tandis que celle de ses concurrents serait comprise entre 3 % et 13 %.

394 Pourtant, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, point 116 et jurisprudence citée) en évaluant, pour la première fois, l’impact des paramètres cités par les requérantes et leur articulation avec les critères déjà examinés par la Commission dans la décision attaquée aux fins de l’appréciation de l’existence d’un PMS du bénéficiaire concerné dans les aéroports susmentionnés.

395 En effet, il incomberait à la Commission, en cas d’annulation de la décision attaquée, de procéder à une appréciation globale tant des critères dont elle a tenu compte dans la décision attaquée, et rappelés au point 373 ci-dessus, que des critères pertinents relatifs aux parts du marché du bénéficiaire et de ses concurrents sur le marché de fourniture des services de transport aérien de passagers.

396 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de Ryanair selon lequel, sur la base des critères examinés par la Commission, celle-ci ne pouvait pas conclure que le groupe de Lufthansa ne possédait pas de PMS dans les aéroports de Düsseldorf et de Vienne, il convient de relever, d’une part, en ce qui concerne l’aéroport de Düsseldorf, que les facteurs pris en compte par la Commission, tels que répertoriés dans la décision attaquée, se présentent comme suit :

Aéroport/saison              Groupe LH part de créneaux       Groupe LH parts de créneaux les plus élevées Niveau de congestion         Niveaux de congestion les plus élevés     Nombre d’aéronefs         Nombres d’aéronefs concurrents

DUSS été 2019 [40-50] %            [55-65]%

[50-60]%

[50-60]%            [80-90]%             [90-100]%

[90-100]%

[90-100]%          40-50    Ryanair :7

TUIFly : 7

Condor : 5

easyJet : 2

DUSS hiver 2019/2020  [30-40]%            [50-60]%

[45-55]%

[35-45]%            [60-70] %            [90-100]%

[80-90]%

[70-80]%            40-50    Ryanair :7

TUIFly : 7

Condor : 5

easyJet : 2

 

397 Ces données démontrent que la part moyenne des créneaux détenue par le groupe Lufthansa dans l’aéroport de Düsseldorf pendant la saison d’été 2019 de l’IATA, à savoir [40-50]%, dépasse le seuil de 40 %, lequel, selon la jurisprudence sur la notion de position dominante, est un premier indice, parmi d’autres, devant être pris en compte (voir, par analogie, jurisprudence citée au point 370 ci-dessus). Cette part est encore plus élevée ([50-60]% à [55-65]%) pendant les heures de pointe.

398 En outre, le niveau moyen de congestion dans cet aéroport pendant la saison d’été 2019 de l’IATA est très élevé, à savoir [80-90]% passant à [90-100]% pendant les heures de pointe. Or, selon la décision attaquée, un niveau de congestion au-dessous de 60 % ne serait pas prima facie problématique (paragraphe 182 de la décision attaquée). À contrario, un niveau de congestion au-dessus de 60 %, comme en l’espèce, le serait.

399 De surcroît, la concurrence à laquelle fait face le groupe Lufthansa dans cet aéroport est très faible et fragmentée. En effet, selon l’unique donnée concernant les concurrents du groupe Lufthansa présent dans cet aéroport, ceux-ci ne disposent que de sept (Ryanair et TUIfly), cinq (Condor) et deux (easyJet) aéronefs déployés dans cet aéroport, tandis que le groupe Lufthansa en dispose de 40 à 50.

400 L’appréciation globale de ces critères démontre l’existence d’une part des créneaux très élevée, y compris pendant les heures de pointe, du groupe Lufthansa, un très haut niveau de congestion, caractérisé par une congestion presque complète pendant les heures de pointe et une position faible des concurrents dudit groupe.

401 Dès lors, sur la base de ces seuls critères, la Commission ne pouvait pas conclure à bon escient que le groupe Lufthansa ne disposait pas d’un PMS dans l’aéroport de Düsseldorf à tout le moins pendant la saison d’été 2019 de l’IATA.

402 Deuxièmement, comme le fait valoir Ryanair, les critères ayant amené la Commission à conclure que le groupe Lufthansa disposait d’un PMS dans les aéroports de Francfort et de Munich ne sont pas matériellement différents de ceux concernant l’aéroport de Düsseldorf, à tout le moins en ce qui concerne la saison d’été 2019 de l’IATA. En effet, les données concernant ce dernier aéroport figurant dans la décision attaquée et rappelées au point 396 ci-dessus sont, en substance, comparables, voire dépassent celles caractérisant la situation concurrentielle dans les aéroports de Francfort et de Munich pendant la saison d’hiver 2019/2020 de l’IATA, pour laquelle la Commission a conclu que le groupe Lufthansa possédait un PMS.

403 D’autre part, en ce qui concerne l’aéroport de Vienne, les facteurs pris en compte par la Commission se résument comme suit :

Aéroport/saison              Groupe LH part de créneaux       Groupe LH parts de créneaux les plus élevés Niveau de congestion         Niveaux de congestion les plus élevés     Nombre d’aéronefs         Nombres d’aéronefs concurrents

VIE été 2019      [35-45]%             [50-60]%

[50-60]%

[50-60]%            [70-80]%             [80-90]%

[80-90]%

[80-90]%            80-90    Ryanair : 8

Wizzair : 5

VIE Hiver 2019/2020     [25-35]%            [40-50]%

[40-50]%

[40-50]%            [50-60]%             [70-80]%

[60-70]%

[60-70]%            80-90    Ryanair : 8

Wizzair : 5

 

404 Ces données démontrent que la part moyenne des créneaux détenue par le groupe Lufthansa dans l’aéroport de Vienne pendant la saison d’été 2019 de l’IATA, à savoir [35-45]% [confidentiel]. En outre, cette part est encore plus élevée ([50-60]%) pendant les heures de pointe.

405 En outre, le niveau moyen de congestion dans cet aéroport pendant la saison d’été 2019 de l’IATA est très élevé, à savoir [70-80]% passant à [80-90]% pendant les heures de pointe. Or, selon la décision attaquée, un niveau de congestion au-dessous de 60 % ne serait pas prima facie problématique (paragraphe 182 de la décision attaquée). A contrario, un niveau de congestion au-dessus de 60 %, comme en l’espèce, le serait.

406 Par ailleurs, la concurrence à laquelle fait face le groupe Lufthansa dans l’aéroport de Vienne est très faible et fragmentée. En effet, selon l’unique donnée concernant les concurrents du groupe Lufthansa présents dans cet aéroport, ceux-ci ne disposent que de huit (Ryanair) et cinq (Wizzair) aéronefs déployés, tandis que le groupe Lufthansa en dispose de 80 à 90.

407 L’appréciation globale de ces critères démontre l’existence d’une part des créneaux élevée, y compris pendant les heures de pointe, du groupe Lufthansa, un très haut niveau de congestion, caractérisé par une congestion presque complète pendant les heures de pointe, et une position faible des concurrents dudit groupe.

408 Dès lors, sur la base de ces seuls critères, la Commission ne pouvait pas conclure à bon escient que le groupe Lufthansa ne disposait pas d’un PMS dans l’aéroport de Vienne, à tout le moins pendant la saison d’été 2019 de l’IATA.

409 En tout état de cause, comme le fait valoir Ryanair, les critères ayant amené la Commission à conclure que le groupe Lufthansa disposait d’un PMS dans les aéroports de Francfort et de Munich ne sont pas matériellement différents de ceux concernant l’aéroport de Vienne, à tout le moins en ce qui concerne la saison d’été 2019 de l’IATA. En effet, les données concernant ce dernier aéroport figurant dans la décision attaquée et rappelées au point 403 ci-dessus sont, en substance, comparables, voire dépassent celles caractérisant la situation concurrentielle dans les aéroports de Francfort et de Munich pendant la saison d’hiver 2019/2020 de l’IATA, pour laquelle la Commission a conclu que le groupe Lufthansa possédait un PMS.

iv) Conclusion sur l’existence d’un PMS du bénéficiaire dans les aéroports pertinents

410 Il résulte des points 373 à 386 ci-dessus que la Commission n’a pas pris en considération tous les facteurs pertinents pour apprécier si le bénéficiaire détenait un PMS dans les aéroports pertinents. Il incombe alors à cette dernière de procéder à une nouvelle appréciation globale de tous les critères pertinents (voir point 395 ci-dessus) afin d’évaluer si le groupe Lufthansa possédait un PMS dans les aéroports pertinents autres que ceux de Francfort et de Munich.

411 En outre, et en tout état de cause, la Commission ne pouvait pas, sur la seule base des critères qu’elle a retenus, conclure à bon escient que le groupe Lufthansa ne disposait pas d’un PMS dans les aéroports de Düsseldorf et de Vienne, à tout le moins pendant la saison d’été 2019 de l’IATA.

412 Partant, les griefs des requérantes sont fondés et doivent être accueillis.

3) Sur les engagements structurels

413 Dans la décision attaquée, la Commission a imposé au bénéficiaire concerné, sur le fondement du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, des engagements structurels consistant, en substance, en la cession de créneaux horaires dans les aéroports dans lesquels ledit bénéficiaire a été considéré comme jouissant d’un PMS, à savoir dans les aéroports de Francfort et de Munich pendant les saisons d’été 2019 et d’hiver 2019/2020 de l’IATA.

414 Ryanair, dans le cadre de la cinquième branche de son premier moyen, et Condor, dans le cadre de la première branche de son premier moyen ainsi que de la première branche de son deuxième moyen, contestent plusieurs aspects de ces engagements.

i) Considérations liminaires

415 Aux termes du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, si le bénéficiaire est une entreprise ayant un PMS sur au moins un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités, les États membres doivent proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés. Lorsqu’ils proposent de telles mesures, les États membres peuvent notamment offrir des engagements structurels ou comportementaux prévus dans la communication sur les mesures correctives.

416 Dans la mesure où le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire renvoie expressément, en ce qui concerne les engagements structurels ou comportementaux, à la communication sur les mesures correctives, il convient de relever que, conformément à celle-ci, les engagements proposés doivent résoudre entièrement les problèmes de concurrence, être complets et efficaces à tous points de vue et doivent, en outre, pouvoir être exécutés de façon effective et dans des délais rapides (voir paragraphe 9 de la communication sur les mesures correctives).

417 Les engagements structurels, et notamment les cessions, proposés par les parties ne remplissent ces critères que dans la mesure où la Commission est à même de conclure, avec le degré de certitude voulu, qu’ils pourront être mis en œuvre et que les nouvelles structures commerciales en résultant seront suffisamment viables et durables pour que l’entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective ne se concrétise pas (voir paragraphe 10 de la communication sur les mesures correctives).

418 La Commission doit, en outre, examiner tous les éléments pertinents relatifs à la mesure proposée proprement dite, comme, notamment, le type, l’ampleur et la portée de la mesure proposée, appréciés en fonction de la structure et des caractéristiques particulières du marché sur lequel les problèmes de concurrence se posent, y compris la position des parties et d’autres opérateurs sur le marché (voir paragraphe 12 de la communication sur les mesures correctives).

419 La cession n’aura l’effet recherché qu’une fois l’activité transférée à un acquéreur approprié grâce auquel celle-ci deviendra une force concurrentielle active sur le marché. La capacité d’une activité à attirer un acquéreur approprié constitue l’un des principaux éléments dont la Commission doit tenir compte pour apprécier le caractère adéquat des engagements proposés (paragraphe 47 de la communication sur les mesures correctives).

420 La jurisprudence a confirmé les critères susmentionnés, en soulignant que, pour pouvoir être acceptés par la Commission, les engagements des parties devaient être proportionnés au problème de concurrence identifié par la Commission dans sa décision et le résoudre intégralement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T 282/02, EU:T:2006:64, point 307), et doivent être complets et efficaces en tous points de vue (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 52).

421 Cela étant, il convient de tenir compte des spécificités du droit des aides d’État et, plus particulièrement, de l’encadrement temporaire, dans lequel s’inscrit l’exigence en cause. En effet, en matière de concentrations, après avoir conclu qu’une opération de concentration donnerait lieu à une entrave significative à la concurrence, la Commission peut accepter des engagements soumis par les parties afin de résoudre les problèmes de concurrence recensés par elle et de rendre la concentration compatible avec le marché intérieur. Or, les engagements imposés en vertu du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire ont un objectif différent. En effet, étant donné que les aides octroyées au titre de cet encadrement ont pour objectif, en substance, d’assurer la continuité opérationnelle des entreprises viables pendant la pandémie de COVID-19, les engagements au titre dudit paragraphe doivent être conçus de sorte qu’ils garantissent que, après l’octroi de l’aide, le bénéficiaire ne deviendra pas plus puissant sur le marché qu’il ne l’était avant la flambée de COVID-19 et que l’exercice d’une concurrence effective soit préservée sur les marchés concernés.

422 Quant au contrôle juridictionnel des engagements souscrits, il ressort de la jurisprudence que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer le caractère suffisant de tels engagements (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 295 et jurisprudence citée). Ainsi, compte tenu des appréciations économiques complexes que la Commission est amenée à effectuer dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont elle jouit pour évaluer les engagements proposés par les parties à une concentration, il appartient à la partie requérante, pour obtenir l’annulation d’une décision de la Commission approuvant une concentration, au motif que de tels engagements sont insuffisants, de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T 405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 187).

423 Toutefois, si le juge de l’Union reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas qu’il doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C 933/19 P, EU:C:2021:905, points 116 et 117 et jurisprudence citée, et du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 30 et jurisprudence citée ; voir, également, jurisprudence citée au point 77 ci-dessus).

424 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation des requérantes concernant divers aspects des engagements en cause. Leur argumentation peut être divisée en deux groupes de griefs, la première relative à la portée des engagements et la seconde à la procédure et aux modalités de cession de créneaux horaires.

ii) Sur la portée des engagements

–  Sur le fait que les engagements sont limités à la cession de créneaux horaires

425 Les requérantes font valoir que la Commission n’aurait pas suffisamment expliqué en quoi la cession de quelques créneaux horaires était la mesure la plus efficace pour prévenir les distorsions de concurrence indues et pourquoi d’autres mesures supplémentaires n’étaient pas nécessaires.

426 La Commission conteste les arguments des requérantes en reprenant les motifs de la décision attaquée.

427 Il ressort du paragraphe 221 de la décision attaquée que les engagements en cause comprennent, d’une part, la cession de 24 créneaux horaires par jour dans chacun des aéroports de Francfort et de Munich pendant les saisons d’été 2019 et d’hiver 2019/2020 de l’IATA ainsi que des « actifs supplémentaires », tels qu’exigés par le régulateur des créneaux afin de permettre le transfert de créneaux, et, d’autre part, la mise à disposition, à la demande de l’acheteur, par le groupe Lufthansa, premièrement, d’un accès à des infrastructures ou installations aéroportuaires dans les deux aéroports aux mêmes termes que ceux accordés à DLH, deuxièmement, de postes de stationnement de nuit et, troisièmement, du personnel pertinent.

428 L’argument de Ryanair selon lequel les engagements en cause sont limités au seul transfert de créneaux horaires manque donc en fait, comme le relève à juste titre la Commission.

429 Il est néanmoins vrai que l’essentiel de ces engagements réside dans le transfert de créneaux horaires, dans la mesure où les autres engagements paraissent accessoires, en ce qu’ils visent, en substance, à garantir la viabilité du transfert des créneaux. C’est dans ce contexte que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir expliqué de manière suffisante les raisons pour lesquelles d’autres mesures supplémentaires n’étaient pas nécessaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective dans ces aéroports.

430 Il ressort, à cet égard, des paragraphes 224 à 227 de la décision attaquée que l’absence d’accès aux créneaux horaires constitue une importante barrière à l’entrée ou à l’expansion dans les aéroports les plus congestionnés d’Europe et que, dès lors, les engagements consistant à céder de tels créneaux suppriment cette principale barrière à l’entrée et à l’expansion. Pour cette raison, de tels engagements sont, selon la Commission, la mesure la plus efficace pour prévenir les distorsions indues de concurrence. En outre, lesdits engagements seraient « attractifs » du point de vue d’un concurrent, car ils permettraient le développement d’une concurrence structurelle avec le groupe Lufthansa sur les marchés où elle détiendrait un PMS.

431 À la lumière de ce qui précède, l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation à cet égard doit être rejeté. En effet, la Commission a clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle avait considéré que la cession de créneaux horaires était de nature à préserver une concurrence effective sur les marchés en cause.

432 Quant au fond, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence et à l’instar de ce qu’indique la Commission, la principale barrière à l’entrée dans le secteur aérien consiste en l’insuffisance de créneaux horaires disponibles dans les grands aéroports. En conséquence, il importe de déterminer si la Commission a estimé à tort que, dans la présente affaire, la cession de créneaux horaires, telle que prévue par le paquet des engagements, pouvait constituer une mesure efficace à même de préserver une concurrence effective. Dans ce cadre, Ryanair se doit d’apporter la preuve que la cession de créneaux horaires, telle que prévue par les engagements en cause, était insuffisante aux fins de remédier aux problèmes concurrentiels soulevés (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T 177/04, EU:T:2006:187, point 166).

433 En l’espèce, les requérantes ne contestent pas que l’indisponibilité de créneaux constitue une barrière significative, voire la barrière principale, à l’entrée ou à l’expansion dans les aéroports congestionnés. Elles ne contestent pas non plus que l’émergence d’un concurrent solide et viable dans un tel aéroport implique qu’il dispose d’un portefeuille de créneaux lui permettant d’exercer une pression concurrentielle effective sur le transporteur dominant. Dans ces circonstances, il ne saurait être nié que le transfert de créneaux et des engagements accessoires est, en principe, une mesure efficace pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés en cause.

434 Partant, il convient de rejeter le présent grief comme non-fondé.

– Sur l’absence d’engagements concernant le trafic d’apport

435 Condor fait valoir que la Commission aurait dû imposer également des engagements en ce qui concerne le trafic d’apport sous la forme d’un accord tarifaire spécial, ainsi que la Commission l’aurait fait dans certaines affaires en matière de contrôle des concentrations. À cet égard, Condor explique que le groupe Lufthansa assurait une part importante du trafic d’apport pour les vols long-courrier opérés par elle ; que ledit groupe aurait la possibilité de l’évincer du marché des vols longs courrier, comme l’attesterait la résiliation de l’accord de trafic d’apport conclu avec Lufthansa ; que ce groupe serait incité à l’évincer et à détourner des clients vers ses propres vols, et que le verrouillage du marché par le groupe Lufthansa aurait des effets préjudiciables sur la concurrence, en ce que son éviction aurait pour résultat une position monopolistique du bénéficiaire concerné à la fois sur le marché national et sur les marché des vols long courrier vers des destinations de loisir.

436 Pourtant, il y a lieu de constater que le type d’engagements préconisé par Condor repose nécessairement sur l’identification concrète de certaines lignes O & D qui seraient affectées par le risque d’éviction soulevé par elle. Or, ainsi qu’il ressort des points 306 à 313 ci-dessus, les marchés en cause n’avaient pas à être définis selon l’approche O & D. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir exigé des engagements concernant certaines lignes O & D spécifiques.

437 Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief comme non-fondé.

– Sur le grief selon lequel les cessions de créneaux ne sont pas souvent respectées et sur l’obligation d’utiliser les créneaux cédés

438 Premièrement, Condor fait valoir que les engagements de cession de créneaux ne sont pas souvent respectés. Elle fait observer que, sur les quatorze décisions prises dans le secteur du transport aérien de passagers dans lesquelles la Commission a autorisé l’opération de concentration sous réserve d’un engagement de cession de créneaux horaires, la cession n’aurait été réalisée que dans trois affaires. Deuxièmement, elle critique l’obligation, pour le preneur, d’utiliser les créneaux acquis, au motif que celle-ci exclurait la plupart des petits transporteurs aériens.

439 Ces arguments doivent être rejetés. En effet, premièrement, comme le souligne à juste titre la Commission, les exemples cités par Condor concernent la cession de créneaux sur des marchés O & D spécifiques, tandis que la cession en cause n’est liée à aucune ligne O & D et peut donc être librement utilisée sur toute liaison, au choix de l’acquéreur, ce qui augmente son attractivité. Condor ne saurait donc valablement extrapoler une quelconque conclusion sur la base desdits exemples, compte tenu de leurs portées tout à fait différentes.

440 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue Condor, l’obligation, pour le preneur, d’utiliser les créneaux acquis est pleinement justifiée, en ce qu’elle vise à garantir que le volume total des services en cause ne soit pas réduit à la suite de la cession, comme la Commission l’a relevé au paragraphe 234 de la décision attaquée. Par ailleurs, un preneur qui n’utilise pas les créneaux acquis ne serait, à l’évidence, pas en mesure d’exercer une contrainte concurrentielle effective sur le bénéficiaire concerné, contrairement à ce qu’envisage le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire.

441 Partant, il convient de rejeter le présent grief comme non-fondé.

– Sur le nombre de créneaux horaires à céder

442 Premièrement, Ryanair fait valoir que la cession de 24 créneaux horaires par jour dans les aéroports de Francfort et de Munich est manifestement insuffisante pour préserver une concurrence effective dans ces aéroports, ce chiffre étant insignifiant par rapport au nombre de rotations générées dans lesdits aéroports et le nombre d’aéronefs du groupe Lufthansa basés dans ceux-ci. Deuxièmement, elle souligne que ces créneaux ne constituent que 5 % des créneaux détenus par le groupe Lufthansa dans ces aéroports. Troisièmement, elle soulève un défaut de motivation, la Commission n’ayant pas précisé les raisons pour lesquelles elle avait considéré qu’une cession de 24 créneaux serait suffisante.

443 De même, Condor fait valoir que la cession de seulement 24 créneaux horaires par jour dans les aéroports de Francfort et de Munich est insuffisante et très limitée, étant donné que ceux-ci ne représentent qu’entre 2,4 % et 3,2 % du nombre de fréquences exploitées par le groupe Lufthansa dans ces aéroports. Elle ajoute, dans le cadre de son troisième moyen, que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne le caractère suffisant de la cession de créneaux en cause.

444 À titre liminaire, il convient de rejeter certains des arguments de Ryanair, dans la mesure où ils reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée.

445 Premièrement, Ryanair a tort d’affirmer que la Commission aurait autorisé le groupe Lufthansa à choisir de céder moins de 24 créneaux. Il est vrai que, aux paragraphes 71 et 221 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que ledit groupe devait céder « jusqu’à » 24 créneaux par jour. Toutefois, au paragraphe 228 de celle-ci, la Commission se réfère à « 24 créneaux par jour », en omettant ainsi la locution « jusqu’à ».

446 En tout état de cause, et à l’instar de la Commission, la locution « jusqu’à » utilisée dans la décision attaquée doit être comprise comme signifiant qu’un acquéreur potentiel pourrait souhaiter acquérir un nombre inférieur à 24 créneaux et non pas que le groupe Lufthansa pourrait choisir de céder moins de 24 créneaux par jour. Dans le cas contraire, les engagements en cause seraient vidés de leur sens, en ce qu’ils permettraient au groupe Lufthansa de choisir librement le nombre de créneaux qu’il souhaite céder.

447 Deuxièmement, l’argument de Ryanair selon lequel les engagements en cause limiteraient l’attrait des créneaux pour les nouveaux entrants, lesquels auraient généralement besoin d’un certain nombre de créneaux de « départ tôt le matin et d’arrivée tard le soir », repose sur une lecture manifestement erronée de la décision attaquée. En effet, il ressort des paragraphes 71 et 221 de celle-ci que le groupe Lufthansa doit céder sur demande au moins six créneaux dans n’importe quelle tranche horaire, y compris donc pendant les heures de pointe, selon le choix opéré par le preneur. La seule limitation consiste à permettre audit groupe de refuser de céder plus de six créneaux dans trois périodes d’une heure de son choix. En d’autres termes, s’agissant uniquement de trois tranches horaires par jour, le groupe Lufthansa pourrait limiter la cession à six créneaux par tranche horaire.

448 La justification de cette limitation avancée dans la décision attaquée est, en outre, convaincante. En effet, en l’absence d’une telle limitation, le groupe Lufthansa aurait été obligé, le cas échéant, de céder l’ensemble de ses créneaux dans deux ou trois tranches horaires consécutives, ce qui aurait pu avoir pour conséquence d’ébranler son réseau en étoile. L’explication figurant dans la note en bas de page no 113, selon laquelle un réseau en étoile tel que celui du groupe Lufthansa consiste, pour un transporteur aérien, à concentrer ses arrivées et ses départs sur des tranches de deux à trois heures d’intervalle, ce qui induit un grand nombre d’arrivées, suivies d’un grand nombre de départs, non contestée par Ryanair, témoigne de ce risque.

449 Ainsi, ladite limitation repose sur une mise en balance justifiée entre, d’une part, les intérêts commerciaux légitimes du bénéficiaire concerné consistant à préserver son modèle en étoile et, d’autre part, l’attractivité du portefeuille de créneaux à céder. À ce dernier égard, cette limitation, loin de réserver certaines tranches horaires exclusivement audit bénéficiaire, permet au preneur d’acquérir des créneaux dans n’importe quelle tranche horaire, y compris donc celles qui revêtent une importance particulière pour le groupe Lufthansa.

450 Troisièmement, quant aux griefs des requérantes tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, en ce que la Commission n’aurait pas précisé les raisons pour lesquelles elle a considéré qu’une cession de 24 créneaux serait suffisante, il convient de relever que, au paragraphe 228 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le nombre de créneaux horaires était suffisant pour qu’un concurrent établît des opérations viables dans ces deux aéroports, par exemple en y basant quatre avions et en effectuant trois rotations par jour avec chacun de ces avions sur les lignes de son choix, étant donné que les créneaux a céder ne sont liés à aucune ligne O & D spécifique. Selon la Commission, la cession de 24 créaneaux permettra aux concurrents du bénéficiaire de réaliser des économies d’échelle et d’envergure et ainsi de concurrencer le groupe Lufthansa de façon plus efficace.

451 Bien que de manière succincte, la motivation de la décision attaquée sur ce point expose à suffisance de droit les considérations ayant amené la Commission à considérer que la cession de 24 créneaux était suffisante pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés en cause au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire. Partant, ces griefs doivent être rejetés.

452 Quant au fond, il suffit de relever que la cession de 24 créneaux permettrait l’entrée d’un nouveau concurrent de taille comparable à celle des concurrents déjà existants sur les marchés en cause ou le renforcement non-négligeable de la position des concurrents déjà existants. En effet, dans la mesure où ladite cession permettrait l’exploitation de quatre aéronefs, comme relevé par la Commission au paragraphe 228 de la décision attaquée, elle aurait pour effet de créer une contrainte concurrentielle comparable à celle exercée par les concurrents existants du bénéficiaire, dont la flotte dans les aéroports de Francfort et de Munich oscille entre trois et dix aéronefs, ainsi qu’il ressort des paragraphes 189 et 196 de la décision attaquée.

453 De même, le fait, avancé par Ryanair, à le supposer établi, que le nombre de créneaux à céder ne constituerait qu’approximativement 5 % des créneaux détenus par le groupe Lufthansa dans ces aéroports, ce qui signifie, en substance, que la cession desdits créneaux se traduirait par une part des créneaux entre 2 % et 3 % dans lesdits aéroports, démontre que cette part serait comparable à celle des concurrents du bénéficiaire concernés existant dans ces aéroports, laquelle oscille, selon les paragraphes 188 et 195 de la décision attaquée, entre 1 % et 4 %.

454 Or, les requérantes n’expliquent pas quel nombre de créneaux serait, selon elles, suffisant pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés en cause. Dans ces circonstances, il s’ensuit que, dans la mesure où le nombre de créneaux à céder correspond approximativement à la part de créneaux horaires comparable à celle de certains concurrents de la bénéficiaire existant dans ces aéroports, il n’y a pas lieu de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la cession desdits créenaux était suffisante pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés en cause.

455 Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter les présents griefs comme non-fondés.

– Sur l’exigence, pour les nouveaux entrants, d’établir une base d’au moins quatre avions dans les aéroports en cause

456 Selon les paragraphes 73 et 236 de la décision attaquée, pour pouvoir acquérir les créneaux horaires faisant l’objet des engagements en cause, un acheteur potentiel doit notamment avoir l’intention d’établir une base d’au moins quatre aéronefs, pour un nouvel entrant, ou d’étendre sa base pour un transporteur déjà basé à l’aéroport de Francfort ou à celui de Munich.

457 S’agissant de la procédure de cession des créneaux, la décision attaquée prévoit deux étapes. Lors de la première étape, seuls les « nouveaux arrivants », c’est-à-dire les transporteurs aériens ne disposant pas de base aux aéroports de Francfort et de Munich, sont éligibles, à condition, notamment, qu’ils s’engagent à y établir une base d’au moins quatre avions (points 71 et 72 de la décision attaquée). Ce n’est que si, après trois saisons de l’IATA, aucun nouvel arrivant n’a acquis les créneaux à céder que les transporteurs aériens disposant déjà d’une base dans lesdits aéroports deviennent éligibles.

458 Ryanair soutient, en substance, que la Commission n’a avancé, dans la décision attaquée, aucune raison susceptible de justifier l’exigence tenant à ce qu’un nouvel entrant établisse une base dans les aéroports en cause. Quant au fond, cette exigence constituerait un obstacle disproportionné à la mise en œuvre des engagements en cause, en ce qu’elle augmenterait les coûts d’entrée pour les concurrents, étant précisé qu’une compagnie aérienne pourrait opérer de manière efficace dans un aéroport sans y avoir de base. Cumulée avec l’exigence d’y baser au moins quatre avions, cette condition aurait pour conséquence d’exclure certaines compagnies aériennes capables d’exploiter les 24 créneaux horaires avec seulement deux avions.

459 Premièrement, ainsi qu’il découle du point 327 ci-dessus, les paragraphes 237 et 240 de la décision attaquée expliquent à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que l’exigence en cause était appropriée, de sorte qu’il y a lieu de rejeter l’argument tiré d’un défaut de motivation.

460 Deuxièmement, quant au fond, il convient de constater, ainsi qu’il découle de la décision attaquée, que l’exigence d’établissement d’une base d’au moins quatre avions dans un aéroport vise à garantir que le futur concurrent soit implanté dans cet aéroport de façon durable, ce qui lui permettra d’exercer une pression concurrentielle plus soutenue sur ses concurrents opérant dans le même aéroport (voir également point 328 ci-dessus).

461 En effet, ainsi qu’il ressort du paragraphe 240 de la décision attaquée, le fait de disposer d’une base signifie que les aéronefs stationnés dans cet aéroport peuvent être rapidement déployés sur n’importe quelle ligne aérienne, de sorte que la pression concurrentielle exercée sur le bénéficiaire concerné sera plus soutenue que celle exercée par un transporteur sans base, lequel n’a pas de rattachement à cet aéroport et ne dispose donc pas de cette flexibilité.

462 Par ailleurs, Ryanair ne conteste pas sérieusement l’affirmation de la Commission selon laquelle les études de marché qu’elle a réalisées dans ses précédentes décisions en matière de concentrations et d’ententes auraient démontré que le fait d’exploiter une base de dimension considérable dans un aéroport donné était susceptible d’exercer une pression concurrentielle importante sur le transporteur en cause.

463 Certes, comme le fait valoir Ryanair, l’exigence en cause implique des coûts d’entrée supplémentaires, tels que des coûts fixes (notamment de stationnement), ainsi que des coûts liés au personnel ainsi qu’à l’entretien et à la réparation des aéronefs, lesquels pourraient être évités ou diminués si le transporteur aérien décidait d’opérer dans ledit aéroport sans y posséder de base. Toutefois, c’est précisément en raison de cet engagement que le futur concurrent est censé s’inscrire dans la durée et dans la stabilité qui lui permettra d’exercer une pression concurrentielle plus solide sur le bénéficiaire.

464 En outre, Ryanair explique qu’un transporteur aérien pourrait être capable, selon son modèle économique, d’exploiter les 24 créneaux journaliers sur des destinations court courrier avec deux avions seulement. Selon Ryanair, pour les transporteurs fonctionnant selon ce modèle, l’exigence de baser au moins quatre avions dans les aéroports concernés pourrait ainsi leur imposer une utilisation sous-optimale de leurs ressources, augmenter leurs coûts et, par-là, rendre moins attractif le portefeuille des créneaux faisant l’objet de la cession.

465 Toutefois, il convient d’observer qu’il n’est pas démontré par Ryanair que ce modèle économique fondé sur la pratique des compagnies à bas coûts dans les petits aéroports régionaux soit faisable dans des grands aéroports comme ceux de Francfort et de Munich. En tout état de cause, et comme le souligne la Commission, l’exigence en cause s’applique sans distinction à tout acquéreur potentiel et ne saurait donc varier selon le modèle économique  particulier de tel ou tel transporteur. Or, Ryanair n’a pas démontré à suffisance de droit que ladite exigence imposerait une exploitation sous-optimale des ressources dans de grands aéroports, tels que ceux de Francfort et de Munich, et, par-là, réduirait l’attractivité de la cession de créneaux.

466 Partant, ce grief doit être rejeté comme non-fondé.

– Sur l’exclusion des concurrents déjà basés dans les aéroports de Francfort et de Munich

467 Comme il a déjà été rappelé au point 457 ci-dessus, la procédure de cession des créneaux est censée se dérouler en deux étapes (paragraphe 231 de la décision attaquée). Dans une première étape, les créneaux sont offerts « aux nouveaux arrivants » uniquement. Si, après trois saisons de l’IATA à la suite du rétablissement complet de la « règle du créneaux utilisé ou perdu », les créneaux ne sont pas cédés à un « nouvel arrivant », ils seront, dans une seconde étape, mis à la disposition des transporteurs possédant déjà une base dans ces deux aéroports.

468 Il s’ensuit que, pendant la première étape de la procédure, les concurrents du groupe Lufthansa qui disposent déjà d’une base dans les aéroports de Francfort et de Munich sont inéligibles pour acquérir le portefeuille de créneaux à céder.

469 Selon Ryanair, la préférence accordée aux nouveaux arrivants qui ne possèdent pas de base aux aéroports de Francfort et de Munich aura pour conséquence d’exclure les deuxième, troisième et quatrième groupes aériens en Allemagne, à savoir Ryanair, easyJet et Condor. Ainsi, cette préférence porterait atteinte à l’exigence, prévue par l’encadrement temporaire, de préserver une concurrence effective sur le marché. En effet, à la différence des concurrents déjà basés dans lesdits aéroports, les nouveaux entrants devraient prendre des risques et encourir des coûts supplémentaires pour établir une base dans ces aéroports. Ce faisant, cette exigence aurait pour conséquence de fragmenter davantage la structure concurrentielle dans ces deux aéroports, en excluant, pendant la première phase des engagements, les concurrents les plus importants du groupe Lufthansa.

470 Condor ajoute que ladite exigence a pour effet d’exclure Ryanair et easyJet de la première étape de la procédure, du fait que ces concurrents du bénéficiaire sont déjà basés dans les aéroports de Francfort et de Munich, respectivement. En outre, la Commission aurait dû analyser si l’exclusion des transporteurs aériens déjà basés dans les aéroports concernés était nécessaire. Selon Condor, cette exclusion réduirait considérablement la probabilité que la cession se réalise. À tout le moins, la Commission aurait dû consulter les acteurs du marché afin de s’assurer qu’un repreneur potentiel, non basé dans ces aéroports, aurait été susceptible d’être intéressé par lesdits créneaux.

471 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission doit examiner tous les éléments pertinents relatifs à l’engagement proposé, appréciés en fonction de la structure et des caractéristiques particulières du marché en cause, y compris la position des parties et d’autres opérateurs sur le marché (voir point 418 ci-dessus).

472 Or, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a omis d’examiner le caractère adéquat de l’exclusion des concurrents déjà basés dans les aéroports de Francfort et de Munich de la première étape de la procédure, et ce en fonction de la structure et des caractéristiques particulières du marché en cause, y compris de la position des parties et d’autres opérateurs sur le marché. En effet, dans la décision attaquée, la Commission n’avance aucune raison susceptible de démontrer que cette exclusion était de nature à préserver l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés en cause, au sens du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, et nécessaire pour ce faire.

473 Or, premièrement, en l’espèce, un tel examen était d’autant plus nécessaire que la structure du marché dans les aéroports de Francfort et de Munich est caractérisée, selon la décision attaquée elle-même, par le poids plusieurs fois plus important du groupe Lufthansa par rapport à celui de ses concurrents les plus proches. En effet, ainsi qu’il ressort des paragraphes 188, 189, 195 et 196 de la décision attaquée, la part de créneaux détenue par ces derniers est marginale (entre 1 % et 4 %) et le nombre d’aéronefs basés dans ces aéroports est tout aussi minimal par rapport à ceux du groupe Lufthansa.

474 Deuxièmement, dans ces circonstances, et comme le soutient Ryanair, la préférence donnée aux nouveaux arrivants aurait pour effet l’entrée d’un nouveau concurrent dont la position serait comparable à celle des concurrents déjà basés dans ces aéroports, en raison de la taille du portefeuille de créneaux horaires et du nombre d’avions qu’il devra baser dans ces aéroports, à savoir quatre, étant précisé que le nombre d’avions des concurrents déjà basés dans ces aéroports est compris entre deux et dix. Or, la Commission n’a pas analysé si l’exclusion des concurrents déjà basés dans les aéroports de Francfort et de Munich aurait pour conséquence de fragmenter davantage la concurrence dans ces aéroports au lieu de la renforcer.

475 Troisièmement, comme le font valoir Ryanair et Condor, le fait d’exclure de la première étape de la procédure les concurrents possédant une base dans ces aéroports rend de facto inéligibles, pendant cette première étape, les concurrents les plus proches du groupe Lufthansa. En effet, selon la décision attaquée, les concurrents possédant une base étaient les concurrents les plus proches du groupe Lufthansa dans les aéroports de Francfort et de Munich.

476 Quatrièmement, et comme l’explique Ryanair, l’entrée d’un transporteur aérien ne disposant pas de base dans ces aéroports impliquerait un certain investissement et donc un coût d’entrée que les concurrents disposant déjà d’une base dans ces aéroports n’encourraient pas nécessairement ou dans une moindre mesure. De ce fait, ces derniers pourraient être mieux placés pour acquérir le portefeuille de créneaux en cause et pour accroître la pression concurrentielle qu’ils exercent déjà sur le groupe Lufthansa.

477 Cinquièmement, contrairement à ce que soutient la Commission, le fait que les transporteurs aériens ayant déjà une base dans les aéroports concernés puissent devenir éligibles lors de la seconde étape de la procédure ne remet pas en cause ce qui précède. En effet, ils ne deviennent éligibles que si la première étape de celle-ci a été infructueuse. Leur éligibilité dépend donc de l’échec de la première étape et demeure donc incertaine.

478 Dans ces circonstances, il appartenait à la Commission d’examiner si la préférence donnée aux nouveaux arrivants et l’exclusion des concurrents déjà existants pendant la première étape de la procédure était appropriée et nécessaire pour préserver l’exercice d’une concurrence effective, compte tenu de la structure et des caractéristiques particulières des marchés en cause. Or, la décision attaquée ne contient aucune analyse à cet égard.

479 Il s’ensuit que, en excluant les concurrents possédant déjà une base dans les aéroports de Francfort et de Munich de la première étape de la procédure de cession de créneaux en cause, la Commission n’a pas examiné tous les éléments pertinents relatifs à l’engagement proposé, appréciés en fonction de la structure et des caractéristiques particulières des marchés en cause, y compris la position du bénéficiaire et de ses concurrents sur ces marchés, et a donc commis une erreur manifeste d’appréciation.

480 Partant, le présent grief est fondé et doit être accueilli.

iii) Sur la procédure et les modalités de cession des créneaux horaires

– Sur le moment de la cession des créneaux horaires

481 Ryanair soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation « contre-productive », en ce qu’elle prévoit que les créneaux horaires ne seraient proposés à la cession qu’après la fin de la levée totale ou partielle de la règle du « créneau utilisé ou perdu ». Elle soutient que ladite cession aurait dû être imposée immédiatement.

482 Le paragraphe 232 de la décision attaquée précise que l’engagement de céder des créneaux en cause s’appliquera pendant six saisons de l’IATA consécutives et complètes après la dernière saison pour laquelle la « règle du créneau utilisé ou perdu » ne s’applique pas entièrement. Le paragraphe 234 de la décision attaquée indique, en outre, que la période pendant laquelle des créneaux horaires seront disponibles pour être cédés s’étendra au moins jusqu’à la reprise prévue du niveau du trafic aérien de 2019 après la fin de la pandémie de COVID-19, ce qui permettra aux concurrents de bénéficier pleinement de la cession en cause.

483 Compte tenu de ce qui précède, il paraît, comme le fait valoir la Commission, que l’argument de Ryanair repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, c’est la fin et non pas le début de la période de la cession qui est déterminée par rapport à la dernière saison pour laquelle la « règle du créneau utilisé ou perdu » ne s’applique pas entièrement. S’il est certes vrai que la décision attaquée ne précise pas explicitement le début de cette cession, il n’en demeure pas moins qu’elle ne prévoit pas non plus un quelconque report dans le temps de ladite cession. C’est sur cette base que la Commission a affirmé devant le Tribunal, sans être contredite, que les créneaux horaires en cause ont été proposés à la cession à partir du mois de septembre 2020, soit quelques mois après l’adoption de la décision attaquée.

484 Dès lors, il y a lieu d’écarter le présent grief comme non-fondé.

– Sur le défaut de procédure

485 Au paragraphe 239 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, en cas d’offres égales, elle favoriserait l’offre la mieux notée par DLH. Cette dernière peut, pour cela, utiliser des critères de son choix, à condition que ceux-ci soient transparents, tels que l’existence d’un soutien étatique en faveur des potentiels repreneurs, le respect des normes de travail ou le prix de l’offre.

486 Ryanair fait valoir que la règle selon laquelle, en cas d’offres égales, la Commission donnera la préférence à l’offre la mieux classée par DLH est constitutive d’un conflit d’intérêts, car elle permettrait à DLH de choisir son propre concurrent.

487 Il convient de rappeler que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union, garanti par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, constitue un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T 48/17, EU:T:2019:780, point 41). L’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens que l’arbitre du système en cause chargé de l’affaire ne doit pas manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’arbitre doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T 48/17, EU:T:2019:780, points 42 et 43). Le vice de partialité constitue donc un vice de procédure, dont le conflit d’intérêts n’est qu’une variante (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, Spadafora/Commission, T 130/19, non publié, EU:T:2021:74, points 82 et 99).

488 En l’espèce, il convient de relever que, selon la décision attaquée, si, certes, en cas d’offres égales, la Commission donnera la préférence à celle qui est la mieux classée par DLH, il n’en reste pas moins qu’une telle hypothèse est exceptionnelle. Ensuite, le choix de DLH est encadré par des critères qui doivent être transparents, tels que ceux mentionnés au point 485 ci-dessus. L’exigence de transparence garantit ainsi que les critères retenus par DLH ne seraient pas arbitraires et seraient annoncés à l’avance. Par ailleurs, si, certes, les critères susmentionnés ont été cités dans la décision attaquée à titre d’exemples, il en découle tout de même que les critères applicables doivent revêtir un caractère objectif. Enfin, et surtout, il ressort du paragraphe 236, deuxième tiret, de la décision attaquée que, pour être éligible, le repreneur doit être « indépendant du » groupe Lufthansa et « sans lien avec » lui. Dans ces conditions, le risque de conflit d’intérêt dénoncé par Ryanair n’est pas démontré.

489 Partant, il convient de rejeter le présent grief comme non-fondé.

– Sur l’absence de procédure de vente

490 Ryanair fait valoir que la décision attaquée ne décrit pas la procédure de vente des créneaux et qu’il n’y a donc aucune garantie que ladite vente serait effectuée en temps utile, au prix du marché et dans le respect des autres conditions de la décision attaquée.

491 Aux paragraphes 74 et 75 de la décision attaquée, la Commission a pourtant expliqué les étapes de la procédure de cession, ainsi que les critères d’éligibilité et d’évaluation que la Commission appliquerait. Ces points précisent également que le prix proposé pour l’ensemble des actifs ne fait pas partie des critères d’évaluation appliqués par la Commission.

492 Partant, il y a lieu de constater que l’argument de Ryanair procède d’une lecture partielle de la décision attaquée. En outre, elle ne critique aucun élément spécifique de la procédure de cession.

493 Dans ces circonstances, le présent grief doit être rejeté comme non-fondé.

– Sur la rémunération de la cession des créneaux horaires

494 D’une part, Condor fait valoir que la Commission a manqué à son obligation de motivation en ce qu’elle n’a pas justifié en quoi l’exigence de rémunérer la cession des créneaux en cause plutôt que d’exiger leur transfert à titre gratuit, comme le prévoirait l’article 8 ter du règlement no 95/93, rendrait les engagements suffisamment attrayants pour un éventuel repreneur. D’autre part, selon Condor, les engagements en cause sont contraires au principe de non compensation qui s’applique aux cessions de créneaux horaires en matière d’ententes ou de concentrations, conformément à l’article 8 ter du règlement no 95/93. Ce principe s’appliquerait, par analogie, également en matière d’aide d’État.

495 La Commission conteste cette argumentation en se référant aux motifs de la décision attaquée selon lesquels il n’existe pas de prix minimal pour la cession en cause. Elle ajoute que le prix n’est pas un critère pris en considération par elle, mais uniquement par DLH dans l’hypothèse, peu probable, d’offres égales.

496 Au paragraphe 74 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les acquéreurs potentiels devaient proposer un prix pour les créneaux et les actifs cédés, que le prix serait pris en compte en cas d’offres égales et que la cession ne ferait l’objet d’aucun prix minimal.

497 Il en découle, comme l’admet d’ailleurs la Commission, que, si, certes, il n’existe pas de prix minimal, il n’en demeure pas moins tout de même que les repreneurs doivent payer un prix pour acquérir les créneaux et actifs en cause. Interrogée à cet égard dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure, la Commission a précisé que le prix devait couvrir tant les créneaux à céder que les actifs qui y étaient rattachés et que le prix était dû à DLH. Il est, dès lors, constant que la cession des créneaux en cause doit être rémunérée.

498 Or, rien dans la décision attaquée n’indique les raisons pour lesquelles, dans un cas comme celui de l’espèce, la Commission a considéré qu’il était approprié d’exiger que la cession des créneaux en cause fût rémunérée, alors même qu’une telle exigence était susceptible de réduire l’attrait desdits créneaux et, partant, l’efficacité des engagements y afférents.

499 De même, rien dans la décision attaquée n’indique que la Commission ait vérifié si l’exigence de rémunération en cause était compatible avec les exigences prévues dans le règlement no 95/93. Une telle vérification était d’autant plus nécessaire en l’espèce que les engagements en cause consistaient, pour l’essentiel, en un transfert de créneaux horaires, requis par une autorité publique dans le cadre de l’exercice de ses prérogatives, et que ledit règlement contient des règles spécifiques à cet égard.

500 Il convient d’ajouter que, dans ces circonstances, l’exigence selon laquelle la cession des créneaux devait s’effectuer contre une rémunération et non pas à titre gratuit, revêtait une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée (voir jurisprudence citée au point 205 ci-dessus), de sorte que la Commission était tenue d’exposer les raisons pour lesquelles elle a considéré que cette exigence était conforme aux règles applicables en la matière.

501 Or, en l’absence de toute indication dans la décision attaquée quant aux raisons ayant amené la Commission à considérer que la cession des créneaux horaires en cause devait être rémunérée et non pas effectuée à titre gratuit et que cette exigence n’aurait pas pour conséquence de réduire l’attrait desdits créneaux et, partant, l’efficacité des engagements y afférents, il convient de constater que la Commission a manqué à son obligation de motivation.

502 Partant, le présent grief est fondé en ce que la Commission a manqué à son obligation de motivation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments de Condor relatifs à la rémunération des cessions de créneaux horaires.

iv) Conclusion sur les griefs concernant les engagements en cause

503 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a entaché d’illégalité la décision attaquée en ce qui concerne les aspects suivants des engagements en cause :

– l’exclusion des concurrents déjà basés dans les aéroports de Francfort et de Munich de la première étape de la procédure de cession de créneaux horaires (points 467 à 480 ci-dessus), et

– l’exigence que la cession des créneaux horaires soit rémunérée (points 494 à 502 ci-dessus).

7. Conclusion sur les moyens tirés d’une application erronée de l’encadrement temporaire

504 Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée est entachée de plusieurs erreurs ou irrégularités relatives :

– à l’éligibilité du bénéficiaire concerné à l’aide en cause au titre du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire (première branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et deuxième branche du premier moyen dans l’affaire T 87/21) (points 112 à 138 ci-dessus) ;

– à l’absence d’un mécanisme de hausse de la rémunération ou d’un mécanisme similaire au titre des points 61, 62, 68 et 70 de l’encadrement temporaire (quatrième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21) (points 242 à 271 ci-dessus) ;

– au prix des actions lors de la conversion de la participation tacite II, au titre du paragraphe 67 de l’encadrement temporaire (quatrième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21) (points 272 à 288 à ci-dessus) ;

– à l’existence d’un PMS dans les aéroports pertinents autres que Francfort et Munich et, en tout cas, dans les aéroports de Düsseldorf et de Vienne, pendant la saison d’été 2019 de l’IATA (cinquième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et première branche du premier moyen dans l’affaire T 87/21) (points 373 à 412 ci-dessus) ;

– aux aspects des engagements mentionnés au point 503 ci-dessus (cinquième branche du premier moyen dans l’affaire T 34/21 et première branche du premier moyen dans l’affaire T 87/21) (points 467 à 480 et 494 à 502 ci-dessus).

505 Chacune de ces erreurs est, à elle seule, de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée, telle que rectifiée par la décision rectificative.

506 Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, telle que rectifiée par la décision rectificative, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et griefs invoqués par les requérantes.

IV. Sur les dépens

507 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de Ryanair dans l’affaire T 34/21 et de Condor dans l’affaire T 87/21, conformément aux conclusions de ces dernières.

508 Conformément à l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la République fédérale d’Allemagne, la République française et DLH supporteront leurs propres dépens dans l’affaire T 34/21. De même, la République fédérale d’Allemagne et DLH supporteront leurs propres dépens dans l’affaire T 87/21.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

Déclare et arrête :

1) La décision C(2020) 4372 final de la Commission, du 25 juin 2020, relative à l’aide d’État SA 57153 – Allemagne – COVID-19 – Aide en faveur de Lufthansa, telle que rectifiée par la décision C(2021) 9606 final de la Commission, du 14 décembre 2021, est annulée.

2) La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux de Ryanair DAC dans l’affaire T 34/21 et de Condor Flugdienst GmbH dans l’affaire T 87/21.

3) La République fédérale d’Allemagne, la République française et Deutsche Lufthansa AG supporteront leurs propres dépensdans l’affaire T 34/21.

4) La République fédérale d’Allemagne et Deutsche Lufthansa supporteront leurs propres dépensdans l’affaire T 87/21.