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Décisions

Cass. 1re civ., 11 juin 1991, n° 89-20.422

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Massip

Rapporteur :

M. Savatier

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Vier et Barthélemy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Grenoble, du 6 sept. 1989

6 septembre 1989

Attendu que, le 3 avril 1975, Joanny A... est décédé en laissant pour lui succéder ses trois enfants nés de son premier mariage, M. Michel A..., Mmes Monique Y... et Marie-Jeanne X..., ainsi que sa seconde épouse, Mme Z..., avec laquelle il s'était marié le 3 juillet 1970, sous le régime de la séparation de biens, et l'enfant né de cette union, René A... ; que les enfants du premier lit ont assigné Mme Z... et son fils en liquidation de la succession ; que le Tribunal, faisant droit à leur demande, a notamment condamné Mme Z... à rapporter à la succession les sommes d'argent représentant partie du prix d'une propriété qu'elle avait acquise par adjudication en 1972 et le prix d'une autre propriété qu'elle avait achetée, en 1974, pour 190 000 francs ; que les premiers juges ont estimé que Joanny A... avait payé de ses deniers ces propriétés et que ces versements constituent des libéralités déguisées ; que l'arrêt attaqué a décidé que ces ventes étaient des donations déguisées rapportables et que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation ; qu'il a aussi statué sur la valeur d'une donation dont avait bénéficié Mme X..., sur le salaire différé demandé par M. Michel A... et sur l'action en revendication de titres au porteur découverts dans un coffre loué par Mme Z..., formée par les enfants du premier lit ; qu'enfin la cour d'appel a refusé de déférer le serment décisoire à M. Michel A..., qui contestait avoir reçu de son père une somme d'argent, à titre de prêt ;

Sur le sixième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme Z... et M. René A... font grief à la cour d'appel d'avoir retenu la date du partage pour estimer la valeur des immeubles successoraux, alors, selon le moyen, d'une part, que l'arrêt est entaché d'une contradiction entre le dispositif et les motifs qui retiennent la date du rapport de l'expert tout en indexant les sommes proposées par celui-ci, et que, d'autre part, en retenant une somme revalorisée en fonction d'une indexation, les juges du second degré ont violé l'article 824 du Code civil ;

Mais attendu que, dans son dispositif, la cour d'appel s'est bornée à énoncer exactement la règle de l'évaluation au jour du partage ; que sa décision, dont les motifs relatifs aux modalités de cette évaluation n'ont pas autorité de chose jugée quant à la valeur des biens objets du partage à intervenir, n'encourt donc pas les critiques du moyen ;

Sur le deuxième moyen et le quatrième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

(sans intérêt) ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Vu les articles 2229 et 2279 du Code civil ;

Attendu que, pour dire que les titres au porteur placés dans un coffre bancaire loué par Mme Z... doivent être réintégrés dans la succession, la cour d'appel retient que le contenu du coffre ne peut avoir un caractère public, que la cohabitation des époux ne permettait pas une " individualisation absolue " de ce contenu et que Mme Z... ne peut établir qu'elle a été en mesure d'économiser une somme aussi importante, alors que les ressources de son mari rendaient possible l'acquisition des bons ;

Attendu cependant que la détention de titres au porteur, non susceptibles d'un usage commun, dans un coffre qu'elle avait loué sans se dissimuler n'est pas de nature à vicier la possession de Mme Z..., qui, défenderesse à l'action en revendication exercée au nom de la succession, n'avait pas à prouver l'origine de ces meubles, sa seule possession valant titre ;

Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et, enfin, sur le cinquième moyen :

Vu l'article 1358 du Code civil ;

Attendu que, pour refuser le serment décisoire que Mme Z... entendait déférer à M. Michel A... sur la réalité d'un prêt de 21 000 francs qui lui aurait été consenti par son père en mars 1975, la cour d'appel retient que, s'il est établi qu'il a reçu de l'argent de son père, il n'a pu être démontré qu'il s'agissait d'un prêt en l'absence d'écrit du fils établissant une reconnaissance de dette et que l'attitude adoptée par celui-ci, qui conteste avoir reçu un prêt, rend inutile le serment ;

Attendu cependant que déférer le serment aurait eu pour effet de trancher le litige portant sur la nature de prêt de la somme dont l'arrêt attaqué admet qu'elle a été remise, si bien que c'est précisément parce que celui à qui devait être déféré le serment contestait ce point que l'offre de serment décisoire devait être accueillie ; qu'en statuant par le seul motif dépourvu de pertinence qu'elle a retenu la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que les titres de l'emprunt d'Etat 1973 font partie de la succession, et en ce qu'il refusé de déférer le serment décisoire à M. Michel A..., l'arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.