CA Amiens, 1re ch. civ., 18 mai 2021, n° 20/03701
AMIENS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Delbano
Conseillers :
M. Adrian, Mme Segond
EXPOSE DU LITIGE
Suite à un litige relatif à des travaux accomplis par la société M. William (la société) au profit de Mme G., le tribunal de grande instance de Soissons a, par un jugement du 18 mai 2017 confirmé par un arrêt du 5 mars 2019, signifié le 3 avril 2019 :
- condamné la société à payer à Mme G. certaines sommes en réparation de ses préjudices, représentant un total de 56 072,05 euros,
- condamné Mme G. à payer à la société la somme de 10 263,95 euros au titre des travaux réalisés demeurés impayés.
Contestant des saisies-attribution réciproquement pratiquées les 8 octobre 2019 et 2 janvier 2020, la société, par acte du 8 novembre 2019, et Mme G., par acte du 3 février 2020, ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Soissons.
Par jugement du 12 juin 2020, le juge de l'exécution a, après jonction des deux instances :
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution opérée le 8 octobre 2019 sur le compte bancaire de la société,
- débouté Mme G. de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution opérée le 2 janvier 2020 sur son compte bancaire,
- débouté Mme G. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par déclaration du 20 juillet 2020, Mme G. a régulièrement fait appel, limité au rejet de sa demande de mainlevée de la saisie et de réparation pour procédure abusive.
L'affaire a été fixée à l'audience des débats du 9 mars 2021, date à laquelle l'instruction a été clôturée.
Vu les dernières conclusions :
- du 5 mars 2021 pour Mme G.,
- du 21 septembre 2020 pour la société ;
MOTIFS
En application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît de manière exclusive des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.
Le juge de l'exécution est compétent pour vérifier les sommes dues ou payées en vertu du titre invoqué à l'appui de la mesure d'exécution forcée contestée devant lui. S'il ne peut pas modifier le dispositif de la décision servant de fondement aux poursuites, il peut constater l'extinction de la dette par compensation dès lors que cette décision ne s'est pas prononcée sur ce point.
L'arrêt du 5 mars 2019 ne s'est pas prononcé sur la compensation entre la dette de Mme G. et celle de la société, ce débat n'ayant pas été porté devant les juges.
C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande au motif de son incompétence pour trancher la contestation tenant à l'existence d'une compensation.
En application de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
L'article 1347-1 du même code ajoute que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.
Les dettes de Mme G. et de la société sont réciproques en ce qu'elles sont la conséquence du contrat d'entreprise conclu entre elles.
Elles sont fongibles, certaines, liquides et exigibles en ce qu'elles ont été constatées par un arrêt passé en force de chose jugée qui en a fixé le montant pour chacune.
La dette de la société est de 56 072,05 euros au total. Celle de Mme G. est de 10263,95 euros.
La compensation doit être ordonnée entre ces dettes, ce qui a pour effet d'éteindre celle de Mme G..
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 2 janvier 2020 sur le compte bancaire de Mme G. à la demande de la société. La mainlevée de cette saisie sera ordonnée.
Sur la demande en réparation pour procédure abusive, en application de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
Si l'inutilité de la saisie est avérée compte tenu de l'extinction de la dette de Mme G., l'abus de la société n'est pas démontré, la mesure portant sur une dette constatée par un titre. Il sera rappelé qu'avant la saisie contestée, Mme G. a elle-même pratiqué une saisie-attribution sur le compte de la société, mesure dont la mainlevée a été ordonnée par le premier juge en raison d'un accord des parties sur l'échelonnement de la dette. Les pressions exercées par les parties sont donc réciproques, la mesure pratiquée par la société étant une réplique à celle pratiquée par Mme G..
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme G..
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Confirme, dans la limite des chefs critiqués par la déclaration d'appel, le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Raphaëlle G. de mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 2 janvier 2020 sur son compte bancaire à la requête de la société M. William,
- Statuant du chef infirmé et y ajoutant :
- Ordonne la compensation entre la dette de la société M. William d'un montant de 56 072,05 euros et celle de Raphaëlle G. d'un montant de 10 263,95 euros,
- Constate l'extinction de la dette de Raphaëlle G., celle de la société M. William étant ramenée à un montant de 45 808,10 euros,
- Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution réalisée le 2 janvier 2020 sur le compte bancaire de Raphaëlle G. à la requête de la société M. William,
- Condamne la société M. William aux dépens d'appel,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société M. William à payer à Raphaëlle G. la somme de 2 000 euros.