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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 18 novembre 2021, n° 21/00565

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Cegid (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mme Allais, Mme Faivre

TJ de LYON, du 12 janv. 2021, n° 20/0838…

12 janvier 2021

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Par arrêt infirmatif du 1er septembre 2020, la chambre sociale de la cour d'appel de Besançon a :

- dit que la rupture conventionnelle signée le 3 mars 2016 et homologuée par la Direccte le 11 avril 2016 était nulle et de nul effet,

- condamné la société Meta4 France à payer à M. Christian R. les sommes suivantes :

185,35 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 18 ,54 euros au titre des congés payés afférents,

500 euros net à titre de dommages et intérêts au titre de l'annulation de l'avertissement,

36.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5.000 euros net à titre de dommages et intérêts,

2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.

- condamné la société Meta4 France aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Par acte d'huissier de justice en date du 2 novembre 2020, M. R. a fait délivrer à la société Cegid, venant aux droits de la société Meta4 France, un commandement avant saisie-vente de payer la somme totale de 45.017,44 euros en vertu de cet arrêt, étant précisé que celui-ci a été également signifié à la société Cegid par acte séparé du 2 novembre 2020.

Par acte d'huissier de justice du 10 novembre 2020, la société Cegid a fait assigner M. R. devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de contester ce commandement. EIle sollicitait en dernier lieu de voir constater l'effet de la compensation légale de droit entre les créances réciproques des parties, annuler la signification et le commandement qui lui ont été délivrés par actes du 2 novembre 2020, limiter à une somme moins importante les effets du commandement, condamner M. R. à lui payer des dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 janvier 2021, le juge de l'exécution a :

- constaté la compensation des créances réciproques entre les parties à hauteur de 43.179,28 euros nets,

- dit en conséquence que le commandement aux fins de saisie-vente pratiqué le 2 novembre 2020 par M. R. par le ministère de la SELARL C. R. M. à l'encontre de la société Cegid verrait ses effets limités aux sommes suivantes :

•            959,44 euros nets après compensation,

•            185,35 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 18 ,54 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. R. à payer à la société Cegid la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. R. aux dépens de I ‘instance,

- rappelé que la décision était exécutoire de droit par provision.

Par déclaration du 22 janvier 2021 , M. R. a interjeté appel de la décision dans la limite des dispositions constatant la compensation des créances réciproques des parties à hauteur de 43.179,28 euros nets et limitant les effets du commandement aux fins de saisie-vente aux sommes de 959,44 euros nets après compensation, 185,35 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 18 ,54 euros bruts au titre des congés payés afférents ainsi que des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'affaire, qui a été fixée d'office à l'audience du 10 juin 2021 par ordonnance du président de la chambre du 27 janvier 2021 en application des articles R.121-20 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution et 905 du code de procédure civile, a été renvoyée au 12 octobre 2021 en raison de difficultés d'organisation de la chambre, liées à l'indisponibilité d'un magistrat.

Dans ses conclusions notifiées le 23 février 2021, M. R. demande à la Cour, au visa des articles 1347 et 1347-1 du code civil, 480 et 500 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement dans les limites de son appel,

- débouter la société Cegid de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence,

- valider le commandement délivré le 2 novembre 2020,

- condamner la société Cegid à lui verser la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. R. fait valoir que :

- seule la chambre sociale de la cour d'appel de Besançon avait compétence pour ordonner la restitution des sommes qui lui ont été versées par la société Cegid dans le cadre de la rupture conventionnelle, étant observé que par ordonnance du 22 novembre 2019, le conseiller de la mise en état de cette chambre sociale a déclaré irrecevable les conclusions de la société Meta4 France, de telle sorte que la cour d'appel de Besançon n'a été saisie d'aucune demande de restitution des sommes considérées; aussi, c'est à tort que le premier juge a remis en cause l'autorité de la chose jugée de la décision de la cour d'appel de Besançon sur ce point,

- la société Cegid ne dispose d'aucun titre constatant la créance dont elle fait état à l'encontre de M. R., de telle sorte que celle-ci n'est pas exigible et ne peut faire l'objet d'aucune compensation avec sa créance.

Dans ses conclusions notifiées le 9 mars 2021, la société CEGID demande à la Cour, au visa des articles L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, 1289 et 1290 du code civil,

- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner M. R. à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- en tout état de cause,

- condamné M. R. à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Cegid fait valoir que :

- la nullité de la convention de rupture emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention,

- il appartient au juge de l'exécution du fait de l'annulation de la rupture conventionnelle signée le 3 mars 2016 de constater l'effet de la compensation légale de droit entre sa créance au titre de la somme qu'elle a versée à M. R. dans le cadre de la rupture conventionnelle (soit 43.179,28 euros nets) et sa dette à l'égard de M. R. au titre des sommes allouées par l'arrêt du 1er septembre 2020 (soit 44.138,72 euros).

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur les effets du commandement de payer :

Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à I ‘occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de I ‘ordre judiciaire.

Aussi, le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur l'exception de compensation invoquée par la société Cegid.

La nullité d'une convention de rupture d'un contrat de travail emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention. La rupture conventionnelle du 3 mars 2016 ayant été prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, la société Cegid est créancière des sommes versées à M. R. en exécution de cette convention, peu important que l'arrêt n'ait pas ordonné la restitution considérée.

Compte tenu de la date de la rupture conventionnelle, l'exception de compensation invoquée par la société Cegid est soumise aux dispositions des articles 1289 à 1299 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Il ressort des articles 1290 et 1291 du code civil que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ; la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.

Les parties sont d'accord pour reconnaître que la société Cegid a versé à M. R. la somme de 43.179,28 euros dans le cadre de la convention de rupture du contrat de travail annulée. La dette de restitution de cette somme, à la charge de M. R., est liquide et exigible depuis le prononcé de la nullité de la rupture conventionnelle. La dette de la société Cegid en vertu de l'arrêt du 1er septembre 2020, qui s'élève à la somme totale de 44.138,72 euros, étant également liquide et exigible, c'est à juste titre que le premier juge a constaté la compensation légale entre les créances réciproques des parties. Le jugement sera confirmé sur ce point et en ce qu'il a limité les effets du commandement aux sommes suivantes : 959,44 euros nets après compensation, 185,35 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 18 ,54 euros bruts au titre des congés payés afférents.

sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :

La société Cegid ne fait pas valoir d'autre moyen à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive que ceux déjà développés devant le premier juge auxquels celui-ci a répondu par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter en relevant notamment que l'intimée ne caractérise pas en l'espèce une faute à l'encontre de M. R. de nature à faire dégénérer en abus le droit de celui-ci d'agir en justice. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Cegid de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour résistance abusive.

M. R., qui n'obtient pas gain de cause dans le cadre de son recours, sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera condamné en outre à payer à la société Cegid la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée par le jugement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne M. R. aux dépens d'appel ;

Condamne M. R. à payer à la société Cegid la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette le surplus des demandes.