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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re et 9e ch. réunies, 9 mai 2019, n° 18/16014

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

Mme Lefebvre, M. Tatoueix

JEX Nice, du 10 sept. 2018, n° 18/01753

10 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

En exécution d'un jugement du tribunal d'instance de Nice du 21 novembre 2017 condamnant in solidum M. L. et Mme LE C. à lui verser une somme de 3402,26 € avec intérêt à compter du 16 avril 2015, le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON a fait signifier à Mme Muriel LE C. divorcée L. un commandement aux fins de saisie vente le 7 février 2018 et a mis en œuvre à son encontre une procédure de saisie attribution suivant procès-verbal du 13 février 2018.

Par exploit en date du 5 avril 2018, Mme Muriel LE C. a fait assigner le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir constater le paiement par chèque de la somme de 931,50 €, de dire et juger sans objet le commandement du 7 février 2018 et la saisie attribution du 13 février 2018 et en prononcer l'annulation et à titre reconventionnel, ordonner la restitution de la somme de 1964,36 €.

Par jugement du 10 septembre 2018 dont appel du 8 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a débouté Mme LE C. de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le juge de l'exécution énonce en ses motifs :

- le divorce entre M. L. et Mme LE C. est sans aucune incidence sur l'exécution du jugement du 21 novembre 2017,

- Mme LE C. n'a précisé aucune imputation des sommes réglées entre les mains du syndic,

- l'huissier était fondé à réclamer à Mme LE C. le paiement intégral des sommes dues et cette dernière ne démontre nullement que le décompte est inexact.

Vu les dernières conclusions déposées le 7 janvier 2019 par Mme Muriel LE C., appelante, aux fins de voir :

- Réformer intégralement le jugement du 10 septembre 2018,

A titre principal,

- Constater le paiement par chèque de la somme de 931,50 € en exécution du jugement du 21 novembre 2017,

- Constater les versements trois fois de la somme de 1000 €,

Dire et juger sans objet le commandement du 7 février 2018 et la saisie attribution du 13 février 2018,

- Ordonner leur annulation,

- Ordonner la mainlevée de la saisie attribution régularisée sur son compte bancaire ouvert dans les livres de la Société Marseillaise de Crédit,

A titre reconventionnel,

- ordonner soit la restitution de la somme de 1964,36 € indûment prélevées outre intérêt à compter du jugement intervenir, soit la compensation en derniers ou quittance pour les charges de copropriété restant dues postérieurement au 18 septembre 2017,

- Statuer ce que de droits sur les dépens distraits comme en matière d'aide juridictionnelle.

Mme Muriel LE C. fait valoir :

- que conformément à l'article 1342-10 du Code civil, l'imputation des paiements devait être faite sur la dette la plus ancienne, de sorte que les trois versements de 1000 € outre la somme de 931,50 € devaient s'impliquer par priorité sur la condamnation du 21 novembre 2017 pour 3402,26 €,

- que contrairement à ce qu'a retenu le juge de l'exécution, le décompte du syndic est erroné en ce qu'il inclut des appels de charges jusqu'au 26 janvier 2018,

- qu'elle se trouve ainsi créancière à l'égard du syndicat des copropriétaires d'une somme de 1964,36 € venant s'ajouter au paiement des causes du jugement.

Vu les dernières conclusions déposées le 5 mars 2019 par le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON; intimé, aux fins de voir :

- Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 19 Février 2019,

- Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu en date du 10 septembre 2018 par le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de Nice.

- Dire et juger que le jugement rendu en date du 21 novembre 2017 par le Tribunal d'Instance de Nice a prononcé une condamnation in solidum de Monsieur L. et de Madame LE C.

- Dire et juger que le divorce entre Monsieur L. et Madame LE C. est sans incidence sur l'exécution du jugement rendu en date du 21 novembre 2017 par le Tribunal d'Instance de Nice

- Dire et juger que l'huissier instrumentaire était parfaitement justifié à solliciter le règlement total des sommes dues auprès de Madame LE C.

- Dire et juger que Madame LE C. n'a précisé aucune imputation des sommes réglées entre les mains du syndic

- Débouter Madame Muriel LE C. de sa demande d'annulation du commandement aux fins de saisie vente en date du 7 février 2018 ainsi que de la saisie attribution en date du 13 février 2018 en disant et jugeant les présents actes d'exécution fondés en l'absence a fortiori par cette dernière du paiement de l'intégralité des sommes dont elle était redevable envers le Syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON

- Dire et juger que sa demande de répétition de l'indu n'est donc pas fondée, ni justifiée

- Débouter Madame Muriel LE C. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Condamner en cause d'appel Madame Muriel LE C. à régler au syndicat des copropriétaires LE MONT FARBON la somme de 2.300 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la S.C.P. C. ' G. ' M. ' D.-G. qui en a fait l'avance sous sa due affirmation.

Le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON fait valoir :

- que Mme LE C. ayant signifié ses conclusions le 8 février 2019, il bénéficiait d'un délai d'un mois pour conclure mais une ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2019 , soit avant l'expiration de ce délai, de sorte qu'il est fondé à solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture,

- que les trois règlements de 1000 € effectués entre les mains du syndic entre le 21 novembre 2017 et le 16 janvier 2018 ne comportaient aucune précision sur l'imputation des sommes, de sorte que le syndic était fondé à penser qu'ils visaient à régler les arriérés des charges et non les causes du jugement qu'il savait exécutées par ses huissiers habituels, de sorte que le décompte est parfaitement exact,

- que Mme LE C. devait donc supporter le paiement des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2015 ainsi que les dépens comprenant les frais de recherches effectuées dans le cadre de l'exécution,

- que la demande répétition de l'indu devra donc être rejetée.

Vu l'ordonnance de clôture du 19 février 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que par conclusions de procédure du 11 mars 2019, Mme LE C. sollicite le rejet de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et le rejet des conclusions de la société GTS IMMOBILIER représentant le syndicat de copropriétaires du MONT FABRON ;

Que suite à l'avis de fixation à bref délai du 31 Janvier 2019, Mme LE C. a signifié ses conclusions le 8 février 2019 , de sorte que le syndicat des copropriétaires disposait d'un délai pour conclure expirant le 8 mars 2019 ;

Que les conclusions du syndicat des copropriétaires déposées le 5 mars 2019 l'ayant bien été dans ce délai d'un mois, il doit être fait droit à la demande de rabat de l'ordonnance de clôture du 19 février 2019 ;

Attendu que le principal de 3402,26 € au paiement duquel a été condamné Mme LE C. par le jugement du 21 novembre 2017, correspond aux charges et frais échus du 31 décembre 2010 au 18 septembre 2017 et ce jugement fixe le cours des intérêts à compter du 16 avril 2015 ;

Que le principal tout comme les intérêts réclamés aux termes du commandement délivré le 7 février 2018 puis du procès-verbal de saisie attribution délivré le 13 février 2018 et dénoncé le 20 février 2018 sont conformes aux dispositions du jugement du 21 novembre 2017 ;

Que pour faire échec à la contestation de Mme LE C. qui se prévaut de trois versements de 1000 € des 21 novembre 2017, 26 décembre 2017 et 16 janvier 2018 en soutenant qu'ils devaient s'imputer sur la condamnation prononcée par jugement du 21 novembre 2017, le syndicat des copropriétaires fait valoir que ces trois règlements ne comportaient aucune précision sur l'imputation des sommes, de sorte que le syndic était fondé à penser qu'ils visaient à régler les arriérés des charges et non les causes du jugement ;

Mais attendu que conformément à l'article 1342-10 du Code civil, à défaut d'indication par le débiteur, le paiement s'impute sur la dette que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter et en cas d'égalité d'intérêt, sur la dette la plus ancienne, de sorte que les versements dont se prévaut Mme LE C. devaient être imputés sur l'arriéré de charges objet du jugement du 21 novembre 2017, s'agissant d'une dette pour laquelle le créancier était déjà titré et qui était en tout état de cause plus ancienne que les charges en cours ;

Qu'il s'ensuit que le commandement ne pouvait être délivré pour un principal excédent 402,26 € et pour des intérêts calculés uniquement sur cette seule somme ;

Que Mme LE C. se prévaut d'un règlement d'un montant de 931,50 € adressé à l'huissier le 14 février 2018 suite à ce commandement, montant dont il résulte du détail qu'indépendamment du principal réduit à bon droit à 402,26 €, les seules causes du commandement qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement par Mme LE C. correspondent à la somme de 371,08 € réclamée au titre de frais antérieurs et la somme de 51,48 € au titre de la requête FICOBA (L.) ainsi qu'à la somme de 89,68 € au titre des intérêts de retard ;

Qu'il n'est pas justifié du poste « frais antérieurs » et la condamnation solidaire de Mme LE C. et de M. L. au titre de l'arriéré de charges n'a pas pour effet de permettre le recouvrement à l'encontre de Mme LE C. de la requête FICOBA qui se rattache aux poursuites exercées contre M. L. personnellement, mais il n'est pas contestable que les intérêts ont courus sur un principal de 402,26 € entre le 16 avril 2015 et le 2 février 2018, soit une somme totale de 10,61 €, laquelle toutefois ne justifiait pas la mise en oeuvre d'une procédure de saisie attribution ;

Que la procédure de saisie attribution diligentée suivant procès-verbal délivré le 13 février doit être en conséquence déclarée nulle et de nul effet et mainlevée doit en être ordonnée ; que Mme LE C. sera en revanche déboutée de sa demande d'annulation du commandement du 7 février 2018 dont son règlement du 14 février 2018 atteste du bien fondé ;

Que l'annulation de la procédure de saisie attribution entraîne, par voie de conséquence, l'obligation pour le syndicat des copropriétaires de répéter les sommes perçues en exécution de cette mesure, soit une somme de 1953,75 € après déduction de la somme de 10,61 € correspondant au montant des intérêts de retard qui étaient bien dus par Mme LE C. ;

Et attendu que la compensation étant invoquée par Mme LE C. et s'agissant d'une compensation qui ne requiert pas l'accord du créancier, il y a lieu de dire que par application de l'article 1347 du code civil, cette somme viendra en compensation avec les charges de copropriété restant dues postérieurement au 18 septembre 2017 ;

Que le jugement dont appel doit donc être infirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture du 19 février 2019 ;

Déclare recevables les conclusions déposées le 5 mars 2019 par le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON ;

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Déclare nulle et nul effet la procédure de saisie attribution diligentée par le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON à l'encontre Mme Muriel LE C. suivant procès-verbal du 13 février 2018 ;

En ordonne la mainlevée ;

Déboute Mme Muriel LE C. de sa demande d'annulation du commandement aux fins de saisie vente délivré le 7 février 2018 ;

Ordonne la restitution à Mme Muriel LE C. par le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON de la somme de 1953,75 € indûment prélevée ;

Et vu l'article 1347 du code civil,

Dit que de cette somme viendra en compensation avec les charges de copropriété restant dues postérieurement au 18 septembre 2017 ;

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;

Condamne le syndicat des copropriétaires LE MONT FABRON aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.