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Décisions

CA Reims, ch. civ., 12 mai 2020, n° 19/02426

REIMS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Maussire, Mme Lefort

JEX Charleville Mézières, du 22 nov. 201…

22 novembre 2019

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 28 avril 2017, signifié le 12 mai 2017, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a notamment':

- condamné M. Kada B. et Mme Michelle R. épouse B. à payer à l'Eurl P. Laurent la somme de 116,29 euros HT pour solde de facture, outre la TVA et les intérêts capitalisés,

- condamné l'Eurl P. Laurent à payer à M. et Mme B. les sommes suivantes':

- 2.460 euros HT au titre des désordres atteignant la couverture, actualisée selon l'évolution de l'indice BT 01 entre le 3 novembre 2009 et la date du jugement, outre la TVA au taux en vigueur à la date de la décision et les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- 33.752 euros HT au titre des travaux de réfection de la charpente, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 22 octobre 2009 et la date du jugement, outre la TVA au taux en vigueur à la date de la décision et les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- 45.818 euros HT au titre des travaux rendus nécessaires par le démontage de la charpente, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre le 23 novembre 2009 et la date du jugement, outre la TVA au taux en vigueur à la date de la décision et les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- 4.399 euros HT au titre des travaux urgents de mise en sécurité, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- 21.800 euros au titre du préjudice de jouissance, déduction faite de la somme provisionnelle de 1.950 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- condamné la société Aréas Dommages à procéder, pour le compte de celle-ci, au paiement des sommes mises à la charge de l'Eurl P. au titre des travaux de réparation de la charpente, en ce compris les travaux rendus nécessaires par le démontage de la charpente et du préjudice de jouissance, soit les sommes suivantes’ : 33.752 euros, 45.818 euros et 21.800 euros,

- condamné in solidum l'Eurl P. Laurent et la société Aréas Dommages aux dépens comprenant le coût des expertises judiciaires réalisés par M. P., M. B. et M. B.,

- ordonné l'exécution provisoire.

La compagnie Aréas Dommages et l'Eurl P. Laurent ont fait appel de ce jugement auprès de la cour d'appel de Reims.

Suivant procès-verbal du 30 juin 2017, M. et Mme B. ont fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de la société Aréas Dommages auprès de la banque Rothschild, pour avoir paiement d'une somme totale de 129.857,76 euros en exécution de ce jugement du 28 avril 2017. La saisie s'est avérée fructueuse pour la totalité de la somme. La société Aréas Dommages a été déboutée de ses contestations par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 16 octobre 2017.

Par ordonnance du 21 juillet 2017, le premier président a notamment':

- débouté l'Eurl P. Laurent et la compagnie Aréas Dommages de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire,

- autorisé la compagnie Aréas Dommages à consigner auprès de la Carpa du barreau de Charleville-Mézières la somme de 114.742,05 euros qu'elle a été condamnée à payer par jugement du 28 avril 2017,

- débouté M. B. de sa demande de dommages-intérêts.

Les sommes ont été consignées par la société Aréas Dommages auprès de la Carpa le 26 août 2017.

Les époux B. ont formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. Par arrêt en date du 10 janvier 2019, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi irrecevable et a condamné les époux B. à payer une somme de 3.000 euros à chacune des défenderesses au pourvoi au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Suivant deux procès-verbaux du 27 mars 2018, M. et Mme B. ont fait pratiquer deux saisies-attributions sur les comptes de l'Eurl P. Laurent auprès de la Banque Populaire du Nord (à 16h13) et de la Banque Kolb (à 16h28), pour avoir paiement des sommes totales de 13.909,97 euros et de 14.173,01 euros, après déduction de la somme de 129.857,76 euros, en exécution du jugement du 28 avril 2017. La Banque Populaire du Nord a répondu que le compte était insaisissable. En revanche, la saisie effectuée entre les mains de la Banque Kolb s'est avérée fructueuse pour la totalité de la somme, soit 14.173,01 euros. Les saisies ont été dénoncées à l'Eurl P. Laurent selon actes d'huissier du 29 mars 2018.

Suivant procès-verbal du 28 mars 2018, M. et Mme B. ont fait pratiquer une nouvelle saisie-attribution sur les comptes de l'Eurl P. Laurent auprès de la Banque Kolb pour avoir paiement d'une somme totale de 9.740,11 euros en exécution du même jugement du 28 avril 2017. La saisie, qui s'est avérée infructueuse en raison de la saisie de la veille, a été dénoncée à la débitrice par acte d'huissier du 29 mars 2018.

Par acte d'huissier en date du 23 avril 2018, l'Eul P. Laurent a fait assigner M. et Mme B. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières aux fins d'obtenir la nullité et la mainlevée des trois saisies-attributions, et subsidiairement un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt au fond de la cour d'appel de Reims.

Par jugement en date du 8 juin 2018, le juge de l'exécution a'ordonné le sursis à statuer dans le litige opposant l'Eurl P. Laurent et les époux B. dans l'attente de la décision définitive de la cour d'appel de Reims sur l'appel formé par l'Eurl P. Laurent contre le jugement rendu le 28 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières.

Les époux B. ont fait appel de ce jugement. Par arrêt du 13 novembre 2018, la cour d'appel de Reims les a déclarés irrecevables en leur appel.

Par arrêt du 11 décembre 2018, la cour d'appel de Reims a’ :

- confirmé le jugement rendu le 28 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de l'Eurl P. Laurent et condamné cette dernière à payer aux époux B. la somme de 2.460 euros HT au titre des désordres atteignant la couverture, actualisée selon l'évolution de l'indice BT 01 entre le 3 novembre 2009 et la date du jugement, outre la TVA au taux en vigueur à la date de la décision et les intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- infirmé le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau,

- condamné les époux B. à payer à l'Eurl P. Laurent la somme de 1.471,29 euros HT au titre du solde des travaux, augmentée de la TVA en vigueur à la date de l'arrêt avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2009, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- rejeté la demande d'actualisation du prix en fonction de l'indice BT01,

- dit qu'il n'y avait pas eu de réception des travaux,

- dit que l'Eurl P. Laurent devait payer aux époux B. la somme de 2.516 euros HT au titre des travaux de reprise de la charpente, outre la TVA au taux en vigueur à la date de l'arrêt et des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- condamné les époux B. à rembourser à l'Eurl P. Laurent la provision pour une somme de 1.950 euros allouée par ordonnance du juge de la mise en état du 9 décembre 2015 au titre de leur préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts dus sur une année entière,

- dit que la garantie de la société Aréas Dommages n'était pas mobilisable,

- rejeté les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Eurl P. Laurent aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût des expertises judiciaires, avec distraction au profit de l'avocat de la société Aréas Dommages.

Après réinscription de l'affaire au rôle, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a, par jugement du 30 août 2019’ :

- débouté M. et Mme B. de leur demande de sursis à statuer à raison d'une procédure pénale en cours,

- débouté l'Eurl P. Laurent de sa demande d'annulation de la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la Banque Populaire du Nord en l'absence de justification du caractère personnel du compte,

- avant dire droit, sur la demande de mainlevée des saisies-attributions pratiquées entre les mains de la Banque Kolb, ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent présenter leurs observations sur le caractère exigible des dépens avec lesquels l'Eurl P. demande la compensation,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 22 novembre 2019, le juge de l'exécution a’ :

- prononcé la mainlevée de la saisie-attribution du 27 mars 2018 à 16h28 pratiquée entre les mains de la Banque Kolb,

- prononcé la mainlevée de la saisie-attribution du 28 mars 2018 à 10h20 pratiquée entre les mains de la Banque Kolb,

- débouté M. et Mme B. de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamné M. et Mme B. au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi sur la première saisie-attribution, le juge de l'exécution a retenu que le jugement du 28 avril 2017, sur lequel était fondée la saisie, avait été partiellement infirmé par la cour d'appel'; que les condamnations de l'Eurl P. Laurent avaient été réduites de manière significative, passant de 103.450 euros HT à 4.976 euros HT outre la TVA, les intérêts et les dépens, soit un total actualisé de 6.821,10 euros hors dépens, tandis que les époux B. avaient eux-mêmes été condamnés au paiement d'une somme de 3.421 euros HT outre la TVA et les intérêts, soit un total de 4.146,27 euros, auquel s'ajoutait la condamnation de la Cour de cassation à hauteur de 3.000 euros'; qu'il convenait d'opérer une compensation, sur le fondement des articles 1347, 1347-1 et 1348-1 du code civil, entre les deux créances réciproques des parties, lesquelles apparaissaient certaines, fongibles et exigibles'; que l'existence d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel n'était pas de nature à remettre en cause les titres exécutoires'; que la créance des époux B. hors dépens étant inférieure à celle de l'Eurl P. Laurent, il convenait de prononcer la mainlevée de la saisie.

S'agissant de la saisie-attribution du 28 mars 2018 portant sur divers frais d'un montant total de 9.740,11 euros, il a jugé que les frais d'expertises amiable et de constat d'huissier n'étaient pas dus car la demande en paiement avait été rejetée par le tribunal et que les frais d'expertise judiciaire constituaient des dépens pour lesquels les époux P. ne produisaient pas de certificat de vérification ni ordonnance de taxe, de sorte que les époux B. n'apportaient pas la preuve que ces frais pouvaient faire l'objet d'une exécution forcée.

Par déclaration du 5 décembre 2019, M. et Mme B. ont fait appel de ce jugement, visant toutes les dispositions de la décision.

Par conclusions du 20 janvier 2020, ils demandent à la cour d'appel de':

- infirmer le jugement du 22 novembre 2019 en ce qu'il a prononcé la mainlevée de la saisie-attribution du 28 mars 2018 pratiquée entre les mains de la Banque Kolb,

Statuant à nouveau,

- valider ladite saisie-attribution à hauteur de 7.700,21 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Eurl P. Laurent au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils expliquent qu'ils ne critiquent pas la décision du premier juge s'agissant des frais d'expertises amiables et le constat d'huissier pour lesquels une décision définitive est intervenue, mais qu'en revanche ils produisent les ordonnances de taxe justifiant du caractère exécutoire des dépens. Ils concluent que la créance doit être validée à hauteur d'un total de 7.700,21 euros.

Par conclusions n°1 du 18 février 2020, l'Eurl P. Laurent demande à la cour de':

- constater que l'appel n'est relevé que pour le dispositif relatif à la saisie du 28 mars 2018,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement,

Sur l'appel incident,

- appliquer la compensation entre les parties pour les créances issues des différentes décisions judiciaires relatives au litige concernant la charpente et la couverture de la maison des époux B.,

- constater le paiement spontané par l'entreprise P. du solde des honoraires de M. P.,

- constater qu'au 17 février 2020, elle est débitrice de la somme de 2.462,76 euros envers les époux B.,

- ordonner le séquestre de ce montant auprès de la Carpa dans l'attente des décisions judiciaires à intervenir concernant la présente instance et l'instance pendante devant la Cour de cassation afin de pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 11 décembre 2018,

- condamner les époux B. au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur la compensation, elle fait valoir que le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer sur l'exception de compensation invoquée à l'appui d'une demande de mainlevée de saisie'; qu'il résulte des articles 1347, 1347-1, 1185, 1186, 1305 et 1305-2 du code civil et L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution que la compensation suppose des dettes exigibles mais pas nécessairement l'existence d'un titre exécutoire'; qu'en présence de dettes connexes et exigibles, le juge ne peut refuser la compensation en application de l'article 1348-1 du code civil'; que le juge de l'exécution a exactement relevé que les conditions de la compensation étaient réunies'; que la motivation du premier juge relative la saisie-attribution du 27 mars 2018 doit être appliquée à celle du 28 mars 2018. Elle explique que ses créances à l'égard de M. et Mme B. sont constatées par décisions judiciaires et remplissent les conditions de fongibilité, de certitude, de liquidité et d'exigibilité de l'article 1347-1 du code civil, qu'il s'agisse de la créance résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 11 décembre 2018 ou de celle résultant de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 10 janvier 2019, ces arrêts ayant tous les deux étés signifiés. Par ailleurs, elle se prévaut d'un décompte actualisé, précisant notamment que les honoraires de M. P. n'ont été payés par les époux B. qu'à hauteur de 700 euros correspondant à la consignation. Elle conteste le décompte dont se prévalent M. et Mme B. puisqu'après déduction des frais d'expertise amiable, le décompte des intérêts est forcément erroné, et que certains frais correspondent aux dépens de la présente instance et doivent être mis à la charge des époux B. en raison de la mainlevée. Elle conclut qu'elle n'est redevable que de la somme de 2.462,76 euros.

Sur la demande de séquestre fondée sur les articles 1961 et 1963 du code civil, elle explique que cette demande résulte de l'application de la compensation et du pourvoi en cassation en cours sur l'arrêt du 11 décembre 2018, puisque le compte entre les parties n'est pas définitif et il n'est pas exclu qu'une nouvelle créance naisse à son bénéfice. Elle invoque en outre l'opposition des époux B. à exécuter les décisions qui leur sont défavorables et la nécessité de préserver ses intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 février 2020. L'affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2020, prorogé au 12 mai 2020 en raison des mesures gouvernementales de confinement liées à l'épidémie de covid-19.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est constant que la décision de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 27 mars 2018 à 16h28, entre les mains de la Banque Kolb, n'est pas discutée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 28 mars 2018

1) Sur le montant de la créance de M. et Mme B.

L'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

Suivant procès-verbal du 28 mars 2018, M. et Mme B. ont fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de l'Eurl P. Laurent ouverts auprès de la Banque Kolb pour avoir paiement d'une somme totale de 9.740,11 euros en exécution du jugement du 28 avril 2017.

Il ressort du décompte de l'huissier sur ce procès-verbal que la somme de 9.740,11 euros correspond à':

- B. Day’ :720 euros

- Bureau Véritas’ :540 euros

- B. Esco’ :888 euros

- Expertise P.’ :700 euros

- Expertise B.’ :4.630,22 euros

- Constat d'huissier’ :984,40 euros

- intérêts échus’ :605,30 euros

- frais de procédure’ :112,44 euros

- coût du présent acte’ :228,94 euros

- provision sur frais de dénonciation’ :107,69 euros

- provision pour frais de signification de non-contestation’ :94,83 euros

- provision sur frais de certificat de non-contestation’ :51,48 euros

- provision sur frais de mainlevée’ :76,81 euros.

Il est constant que les frais d'expertises amiables (B. Day, Bureau Véritas, B. Esco) et de constat d'huissier doivent être déduits car M. et Mme B. ne disposent pas de titres exécutoires contre l'Eurl P. Laurent concernant ces frais qui ne sont pas inclus dans les dépens.

Par arrêt du 11 décembre 2018, la cour d'appel de Reims, statuant sur l'appel formé contre le jugement du 28 avril 2017, a condamné l'Eurl P. Laurent aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût des expertises judiciaires de M. P. et de M. B..

Les époux B. produisent l'ordonnance de taxe ayant fixé la rémunération de M. P. à 1.792,50 euros et ne demandent que 700 euros correspondant à la provision qu'ils avaient consignée (le solde ayant été réglé à l'expert par l'Eurl P.). Ils produisent en outre l'ordonnance de taxe, notifiée par l'expert, ayant fixé la rémunération de M. B. à la somme de 4.630,22 euros et qui, la provision versée par Mme B. étant insuffisante, a mis le solde à la charge de M. B.. Ces montants ne sont par ailleurs pas contestés par l'Eurl P. Laurent puisqu'ils figurent à son décompte actualisé au 17 février 2020.

En revanche, M. et Mme B. n'expliquent pas à quoi correspond la somme de 112,44 euros demandée au titre de frais de procédure. Ils ne produisent, concernant ces frais, ni l'acte correspondant, ni un certificat de vérification des dépens ni une ordonnance de taxe permettant d'établir que ces frais constituent bien des dépens, qui auraient été exposés par eux-mêmes et qui seraient dus par l'Eurl P. Laurent.

Or une partie ne peut poursuivre, par voie d'exécution forcée, le recouvrement des dépens avancés par elle qu'au vu d'un certificat de vérification des dépens ou d'une ordonnance de taxe exécutoire.

Les époux B. ne justifient donc d'aucun titre exécutoire pour la somme de 112,44 euros.

Ils justifient donc d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre de l'Eurl P. Laurent à hauteur de 700 euros et 4.630,22 euros, soit un total de 5.330,22 euros.

Par ailleurs, bien qu'ils admettent que les autres frais n'étaient pas dus, ils ne produisent aucun décompte actualisé des intérêts, alors que ceux-ci, calculés sur l'ensemble des frais, sont nécessairement erronés. C'est donc à tort qu'ils réclament toujours la somme de 605,30 euros au titre des intérêts.

Enfin, compte tenu de la contestation, les provisions sur frais ne sont pas dues.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la saisie-attribution du 28 mars 2020 est valable pour 5.330,22 euros, outre les intérêts à recalculer sur cette somme.

2) Sur la demande de compensation

L'article L.213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire dispose que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En l'absence de décision ayant déjà statué sur la compensation judiciaire, le juge de l'exécution est compétent pour se prononcer sur l'exception de compensation présentée à l'appui d'une demande de mainlevée de saisie.

Si le juge de l'exécution peut prononcer la compensation entre des dettes réciproques, encore faut-il que les deux parties disposent l'une contre l'autre d'un titre exécutoire constatant leur créance liquide et exigible.

Il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 11 décembre 2018, de ce qui précède sur les dépens, de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 10 janvier 2019 et du décompte actualisé au 17 février 2020 produit par l'Eurl P. Laurent que'les époux B. doivent à l'Eurl P. Laurent les sommes de':

- 1.943,32 euros au titre du solde des travaux (incluant la TVA et les intérêts),

- 1.970,38 euros à titre de remboursement de la provision (incluant les intérêts),

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (Cour de cassation),

soit un total de 6.913,70 euros.

En revanche, l'Eurl P. Laurent liste également des dépens, auxquels M. et Mme B. ont été condamnés par différentes autres décisions de justice, mais ne produit aucun certificat de vérification des dépens ni ordonnance de taxe exécutoire. Elle ne justifie donc pas de titres exécutoires pour les montants sollicités.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu, pour statuer sur la demande de mainlevée de la saisie, de tenir compte des sommes dues par l'Eurl P. Laurent au titre des travaux de couverture et de charpente car l'appel des époux B. ne porte que sur la saisie-attribution du 28 mars 2018 qui ne concerne pas cette dette et ces derniers, n'ayant pas répondu à l'appel incident, ne sollicitent aucune compensation.

Ainsi, force est de constater que la somme due par M. et Mme B. est d'un montant supérieur aux dépens dus par l'Eurl P. Laurent et ayant fait l'objet de la saisie-attribution litigieuse, de sorte qu'après compensation, la saisie n'a plus d'objet.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 28 mars 2018.

Sur la demande de séquestre

L'Eurl P. Laurent demande à la cour d'ordonner le séquestre de la somme qu'elle estime devoir à M. et Mme B. au titre des travaux et des dépens, après compensation avec l'ensemble des sommes qu'elle estime dues par les époux B..

Une telle demande excède les pouvoirs du juge de l'exécution en ce qu'elle implique d'examiner la compensation entre des créances ne constituent pas l'objet de la saisie-attribution du 28 mars 2018 discutée devant la cour (à savoir les travaux de reprise mis à la charge de l'Eurl P. Laurent ayant fait l'objet d'une saisie-attribution le 27 mars 2018 dont la mainlevée ordonnée par le premier juge n'est pas discutée devant la cour) ou qui ne sont même pas constatées par un titre exécutoire (les dépens auxquels les époux B. ont été condamnés).

En outre et surtout, le juge de l'exécution ne peut ordonner le versement des sommes dues à un séquestre qu'en application de l'article R.211-2 du code des procédures civiles d'exécution, c'est-à-dire si la demande, portant sur les sommes saisies, est formulée dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie-attribution. Or en l'espèce, il est constant qu'aucune demande de séquestre n'avait été formulée initialement, ni à l'amiable, ni par requête au juge de l'exécution, ni même dans l'assignation. De plus, cette mise sous séquestre n'a pas vocation à accompagner une mainlevée de la saisie. L'Eurl P. Laurent admet d'ailleurs que l'article R.211-2 n'est pas applicable en l'espèce et fonde sa demande sur les articles 1961 et 1963 du code civil.

Toutefois, en dehors de ce cadre réglementaire précis, la mise sous séquestre des sommes dues reviendrait à suspendre l'exécution de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ce qui est contraire à l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de séquestre, fondée sur les articles 1961 et 1963 du code civil, qui excède les pouvoirs du juge de l'exécution.

Sur les demandes accessoires

Les époux B. demeurant les parties perdantes, il convient de confirmer leurs condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de les condamner aux entiers dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel. La demande de l'Eurl P. Laurent au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à séquestre judiciaire,

DEBOUTE l'Eurl P. Laurent de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Kada B. et Mme Michelle R. épouse B. aux entiers dépens de la procédure d'appel.