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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 8 février 2013, n° 12/03119

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

PLOQUIN, PEURIOT

Défendeur :

CASTERA, JOLIS, ACR EDITION INTERNATIONALE (SARL), MAC ELPHEARN, PICKENS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, Monsieur Dominique COUJARD

Conseiller :

Madame Sylvie NEROT

Avocats :

SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN, Cabinet MASURE & CHAVAGNON, Me Morgane GREVELLEC, SELARL RECAMIER, Me Baudouin GOGNY GOUBERT

Paris, du 8 nov. 2011

8 novembre 2011

Le 18 septembre 1994, Madame Françoise Peuriot et Monsieur Philippe Ploquin, auteurs de nombreuses photographies sur le Maroc, ont conclu deux contrats d'édition avec la société ACR Edition Internationale (ci-après ACR) portant sur deux ouvrages : Maroc les cités impériales (édition ACR 1995 de Samuel Pickens vendu au prix de 75 euros) et Arabesques, arts décoratifs au Maroc (édition ACR 1996, textes de Jean-Marc Castera et d'Hélène Jolis vendu au prix de 104 euros), ce dernier ouvrage, ayant l'objet d'une édition en langue anglaise par la société ACR en 1999, sous le titre Arabesques decorative in Marocco, et ayant été vendu au même prix.

Les auteurs ont remis à la société ACR, entre 1994 et 1995, leurs diapositives originales.

Ils ont ensuite créé, en 1999, une maison d'édition dénommée Création Edition Diffusion dont l'activité est dédiée à la publication de photographies sur le Maroc et qui a édité un album, Maroc, terre de lumière.

Ayant vainement sollicité, entre mars 2001 et octobre 2003, la restitution de leurs 'uvres, ils ont assigné la société ACR et Monsieur Castera aux fins, notamment, de résiliation judiciaire de ces contrats d'édition aux torts exclusifs de la société ACR, de condamnation au paiement de droits d'auteur et de restitution de 873 diapositives, ceci par acte des 18 et 22 septembre 2008.

Par ailleurs, après saisine du juge de la mise en état afin d'obtenir, notamment, l'adresse de Monsieur Pickens et de Madame Jolis, ils les ont assignés en intervention forcée, tout comme Monsieur Elphearn, ceci selon assignation du 08 octobre 2009, et il a été procédé à la jonction des deux procédures successivement enrôlées.

La société ACR analysant la réclamation en une demande de nullité et opposant aux auteurs une fin de non recevoir tirée de la prescription, le tribunal de grande instance de Paris , statuant sur cette fin de non recevoir, l'a rejetée dans un premier jugement rendu le 12 octobre 2010 duquel il n'a pas été interjeté appel.

Par jugement contradictoire rendu le 08 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a, avec exécution provisoire et en substance, débouté les requérants de leur demande de résiliation des conventions du 18 septembre 1994, donné acte à la société ACR de la restitution de 840 diapositives originales en sa possession aux consorts Peuriot-Ploquin, condamné ces derniers à verser à la société ACR la somme indemnitaire de 4.000 euros pour les photographies exploitées en violation de la clause d'exclusivité, déclaré sans objet les demandes en paiement de Monsieur Castera et de Madame Jolis, dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande du conseil de Monsieur Castera fondée sur les articles 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, débouté les consorts Peuriot-Ploquin du surplus de leurs demandes en les condamnant à verser à la société ACR la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2012, Monsieur Philippe Ploquin et Madame Françoise Peuriot, appelants, demandent pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L 131-3, L 131-4, L 11-3, L 132-9 et L 132-9 du code de la propriété intellectuelle, 1350 à 1352, 1875 et suivants du code civil, 15 et suivants et 125 alinéa 2 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la société ACR de l'intégralité de ses prétentions, de constater l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 08 octobre 2010, de considérer que le jugement dont appel porte atteinte à cette autorité de la chose jugée en ce qu'il les déboute de leurs demandes de résiliation des contrats précités ainsi que de rappel de droits d'auteur pour la période s'étendant du 23 septembre 2003 au jour du jugement et :

- à titre principal,

de constater l'irrégularité et le défaut de reddition de comptes par la société ACR, de dire que la société ACR a engagé sa responsabilité en ne respectant pas son obligation de reddition de comptes et de rémunération proportionnelle et, en conséquence, de prononcer la résiliation des contrats d'édition du 18 septembre 1994 aux torts exclusifs de la société ACR en la condamnant à leur verser la somme indemnitaire de 15.000 euros du fait de cette résiliation,

- à titre subsidiaire,

de constater l'absence de terme de ces contrats d'édition et, en conséquence, d'en prononcer la résiliation dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt,

- de condamner la société ACR à leur verser la somme de 23.270,55 euros à titre de rappel de droits d'auteur assortie des intérêts légaux à compter de la date d'exigibilité ; de constater, en outre, le refus de restituer leurs 873 diapositives originales et de condamner la société ACR à leur verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de leur rétention abusive,

- d'ordonner à la société ACR de leur remettre ces diapositives originales sous astreinte,

- de condamner la société ACR à verser à chacun d'eux la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 13 novembre 2012, la société à responsabilité limitée ACR Edition Internationale demande à la cour, au visa des conventions du 18 septembre 1994, et des articles 1304 du code civil, L 132-13 et L 132-14 du code de la propriété intellectuelle :

- in limine litis,

de constater que les jugements du 12 octobre 2010 et du 08 novembre 2011 écartent l'application de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle et, au visa des articles 564 et 1304 du code civil, de déclarer irrecevable la demande de nullité des contrats d'édition formée par les consorts Peuriot-Ploquin, s'agissant d'une demande nouvelle et, au demeurant, parfaitement prescrite, et de considérer que l'action contractuelle des appelants ne peut être accueillie sur un fondement exclusivement délictuel,

- au fond,

¤ de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il à rejeté la demande de résiliation des contrats d'édition fondée sur l'absence de reddition de comptes, alors qu'elles les ascrupuleusement réalisées et présentées, sur un fondement uniquement délictuel,

¤ de débouter les appelants de leur demande de rappel de droits d'auteurs qui font double emploi avec leurs demandes de dommages-intérêts et qui, de surcroît, constituent une demande de révision de l'assiette de calcul de leurs droits,

¤ de confirmer la disposition du jugement lui donnant acte de sa volonté de restituer les 282 clichés de Cités impériales et les 558 clichés d'Arabesques mais de son impossibilité de le faire en dehors d'une juridiction appelée à constater de manière définitive l'inexistence des griefs qui lui sont opposés relatifs tant à la prétendue destruction de ces clichés qu'à leur nombre,

¤ de confirmer le jugement en sa disposition relative à la violation de la clause d'exclusivité mais de le réformer en son évaluation du quantum de la condamnation, portée à la somme de 20.500 euros (soit 500 euros pour chacune des 41 photographies dont l'exclusivité a été violée),

¤ de condamner enfin in solidum les appelants à lui verser la somme de 9.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 06 août 2012, Monsieur Jean-Marc Castera et Madame Hélène Jolis demandent à la cour, au visa de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle, de constater que l'éventuelle résiliation des contrats du 18 septembre 1994 est sans effet sur le contrat d'édition du 15 décembre 1992, que ce dernier qui les lie à la société ACR continuera de produire effet à leur égard ; de condamner la société ACR à leur verser la somme de 25.923,32 euros bruts à titre de rappel de droits d'auteur, assortie des intérêts aux taux légaux à compter de leur exigibilité ; de condamner, enfin, tout succombant à verser à leur conseil la somme de 3.000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur Kirk Mac Elphearn et Monsieur Samuel Pickens, régulièrement assignés, respectivement les 06 et 07 juin 2012, avec signification des conclusions des appelants, n'ont pas constitué avocat.

SUR CE,

Sur la procédure :

Considérant que par conclusions de procédure signifiées le 13 novembre 2012, la société ACR sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 25 octobre 2012 et demande que soient déclarées recevables ses conclusions en réponse signifiées le 13 novembre 2013 , exposant qu'elle n'a pu répondre que tardivement aux conclusions adverses, contenant des moyens et demandes nouvelles, signifiées juste avant la clôture avec production de deux nouvelles pièces; qu'elle sollicite, subsidiairement, le rejet des dernières conclusions des appelants et des pièces simultanément communiquées ;

Considérant, ceci rappelé, qu'alors que les appelants avaient signifié des conclusions peu de temps avant la date à laquelle l'instruction de l'affaire devait être clôturée et produit de nouvelles pièces la décision de prononcer la clôture de l'instruction, alors que la date des plaidoiries n'était fixée que quatre semaines après cette date de clôture, n'a pas permis à la société ACR de répliquer utilement aux dernières conclusions de ses adversaires, dans le respect du principe du contradictoire ;

Qu'il convient, par conséquent de considérer que ce motif grave justifie la révocation de cette ordonnance de clôture et que soient déclarées recevables les conclusions signifiées le 13 novembre 2012, les appelants et les autres parties intimées n'ayant, au demeurant, déposé aucunes conclusions de procédure pour s'y opposer ;

Sur les demandes de résiliation des contrats d'édition et de rappel de droits d'auteur :

Sur la rémunération proportionnelle :

Considérant que les appelants soutiennent qu'en les déboutant de ces demandes comme il l'a fait par jugement du 08 novembre 2011, le tribunal a violé les dispositions des articles 1350 et suivants du code civil en ce qu'il a porté atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement précédemment rendu le 12 octobre 2010 entre les mêmes parties statuant sur des demandes identiques fondées sur la même cause ;

Qu'ils font valoir que, dans son premier jugement et alors que la société ACR leur opposait une fin de non-recevoir tirée de la prescription, le tribunal a considéré, d'une part, que leur action en résiliation était recevable au motif que l'article 1304 alinéa 1er du code civil ne s'appliquait pas en l'espèce et retenu, d'autre part, qu'ils étaient recevables à agir en rappel de droits d'auteur pour la période postérieure au 22 septembre 2003, seul l'article 2277 en son ancienne rédaction pouvant leur être opposé ;

Que, dans ce premier jugement, le tribunal a donc considéré, selon eux, qu'ils étaient recevables à agir en résiliation des contrats d'édition litigieux et en rappel de droits d'auteur sur le fondement de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle et que, par son second jugement, le tribunal a, à tort, statué une seconde fois sur la prescription de leurs demandes sur le fondement de l'article 1304 du code civil, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au premier jugement ; qu'ils ajoutent que la société ACR ne peut persister à tirer argument du principe de non cumul de responsabilités contractuelle et délictuelle pour tenter de faire échec à leurs demandes ;

Considérant, ceci rappelé, que les parties s'accordent à admettre que dans son premier jugement, le tribunal n'a statué que sur des fins de non-recevoir soulevées par la société ACR, notamment tirées de la prescription ;

Que l'article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme ' tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tels le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée' ;

Que, statuant sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société ACR, le tribunal, rendant un premier jugement le 12 octobre 2010, a considéré qu'étant saisi d'une demande de résiliation de contrat - l'objet du litige étant, selon l'article 4 du même code, déterminé par les parties - ne pouvait être invoquée la prescription quinquennale de l'action en nullité ;

Qu'il n'a pu statuer que conformément aux dispositions de l'article 122 précité, c'est à dire 'sans examen au fond' ;

Qu'a d'ailleurs seule autorité de chose jugée son dispositif aux termes duquel il a constaté :

- la mise en cause de l'ensemble des co-auteurs des ouvrages litigieux,

- la limitation des demandes de rappels de droits d'auteur et de dommages-intérêts du 22 septembre 2003 au jour du prononcé du jugement (soit cinq années avant l'introduction de l'instance),

et en ce qu'il a débouté la société ACR de ses fins de non-recevoir ;

Que, statuant le 08 novembre 2011, le tribunal a tranché le fond du litige ; qu'il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne peut lui être reproché d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée ;

Qu'en effet, étant rappelé que la sanction prévue à l'article 1184 du code civil sur le fondement duquel peut être poursuivie la résiliation judiciaire d'un contrat trouve à s'appliquer 'pour le cas où l'une des parties ne satisfera pas à son engagement', il convient d'analyser la réclamation des consorts Peuriot-Ploquin non point comme un grief portant sur un manquement de la société ACR à ses engagements contractuels, dans le cadre de l'exécution du contrat, mais sur l'introduction, dans les contrats en cause, d'une clause de rémunération qui ne satisfait pas, en raison de son assiette, aux exigences de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle relatif à la rémunération proportionnelle des auteurs ;

Qu'ils ne peuvent, par conséquent et ainsi qu'en a pertinemment jugé le tribunal, se prévaloir de l'illicéité de cette clause en regard des dispositions de l'article L 134-1 du code de la propriété intellectuelle pour fonder leur demande en résiliation des contrats d'édition litigieux ;

Sur le rappel de rémunérations :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts Pleuriot Ploquin auraient éventuellement pu agir en nullité d'une telle clause durant le temps non couvert par prescription et former des demandes subséquentes tendant à voir déclarer, pour l'avenir, l'éditeur tenu de substituer à une assiette sur son propre chiffre d'affaires une assiette constituée par le prix public hors taxes de l'ouvrage, ou une réclamation portant sur un rappel de rémunérations consécutivement à cette substitution ;

Que faute de s'être prévalu de l'illicéité de la clause litigieuse dans le délai de cinq ans à compter de la date de la conclusion des contrats d'édition, soit le 18 septembre 1994, ils ne peuvent, en conséquence, prétendre à un rappel de rémunérations calculé sur une assiette qui ne peut plus être substituée à l'assiette convenue, ce rappel fût-il limité au délai de cinq ans applicable aux rémunérations périodiques prévu à l'article 2277 du code de procédure civile, en son ancienne rédaction ; que pour la même raison, leur grief portant sur la vente des ouvrages litigieux à l'étranger ne peut prospérer ;

Sur les redditions de compte :

Considérant que les appelants, faisant le détail de redditions de comptes tardives et incomplètes, ceci depuis 1995 et jusqu'en 2009, reprennent devant la cour leurs griefs initiaux, ajoutant que l'attitude 'désinvolte et dilettante' de la société ACR est la cause d'une rupture du lien de confiance indispensable à la poursuite de relations entre les parties ;

Mais considérant que le tribunal a, par motifs pertinents que la cour fait siens, justement relevé que divers manquements aux dispositions de l'article L 132-13 du code de la propriété intellectuelle pouvaient, certes, être imputés à faute à l'éditeur mais que ces défaillances auxquelles il a été remédié (comme en attestent les pièces 3 à 12 de la société ACR) constituaient des manquements mineurs qui ne justifiaient pas la résiliation des contrats d'édition en cause ;

Qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les consorts Peuriot-Ploquin de leur demande de résiliation des contrats d'édition conclus le 18 janvier 1994 avec la société ACR ;

Sur l'absence de terme du contrat :

Considérant que les appelants se prévalent subsidiairement du principe de la prohibition des engagements perpétuels pour soutenir que les contrats d'édition ont été conclus sans détermination de durée et qu'ils sont donc fondés à en poursuivre la résiliation judiciaire dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Considérant qu'il ne peut être opposé à cette demande qui tend aux mêmes fins que les précédentes une exception de nouveauté ;

Que l'article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle soumet, certes, le contrat d'édition à diverses conditions et, en particulier, à la nécessité que ' le domaine des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée' ;

Que l'examen des deux contrats d'édition conclus le 18 septembre 1994 révèle, toutefois, que chacun desdits contrats portait sur chacun des ouvrages publiées pour l'illustration desquels les photographies litigieuses ont été exploitées et précisait que 'le droit d'utilisation de toutes les photos qui seront reproduites dans l'ouvrage est réservé exclusivement à l'éditeur tant que le livre sera en exploitation chez l'éditeur. En aucun cas elles ne pourront être utilisées, durant cette période, pour la publication d'un nouvel ouvrage sur le même thème lui faisant directement concurrence' ;

Que ces stipulations mettant à mal le moyen des appelants, il convient de rejeter leur demande formée à titre subsidiaire ;

Sur la restitution des photographies :

Considérant que les appelants font encore grief à la société ACR de se refuser, abusivement et en dépit de leurs multiples demandes, à leur restituer les 874 photographies qu'ils lui ont remises, à titre de prêt à usage, en vue de l'impression des ouvrages précités ;

Qu'ils poursuivent l'infirmation du jugement en demandant qu'il soit fait injonction à l'éditeur de les restituer, ceci sous astreinte, et que ce dernier soit, de plus, condamné à leur verser la somme indemnitaire de 15.000 euros réparant le préjudice subi du fait de cette rétention abusive;

Mais considérant que, ce faisant, les appelants omettent d'évoquer les éléments acquis sur ce point, à la faveur de la procédure, de répliquer aux arguments de la société ARC intimée et de répondre aux motifs du jugement ;

Que, s'agissant du nombre de photographies réclamées (soit 873 dans le dispositif de leurs écritures ou 874 dans leurs motifs), il convient de considérer qu'en l'absence de bordereau de remise ou d'inventaire et du fait de photographies doublement employées dans les deux ouvrages ou d'extractions de détails d'un même ektachrome ou encore d'erreurs quant à la paternité de certaines, les appelants qui ne démontrent ni même ne tentent de démontrer que ces éléments d'appréciation sont erronés, ne sont pas fondés à solliciter la restitution de davantage de photographies que les 840 (282 + 558) dont le nombre a été arrêté par le tribunal ;

Que, s'agissant de l'abus qui aurait été commis par l'éditeur dans l'exercice du droit de les conserver, et ceci jusqu'à ce jour, le tribunal a donné acte à la société ACR de son offre de les restituer ;

Que si elle ne s'est pas exécutée, force est de relever qu'en raison de l'appel interjeté, cette dernière pouvait, sans abus, se croire autorisée à en différer la restitution jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur les griefs articulés à son encontre ;

Qu'en particulier, elle pouvait craindre, comme elle le soutient, que ne lui soit reprochée une remise incomplète du fait de divergences dans leur décompte ou des négligences dans leur conservation dont elle ne pourrait plus prouver qu'elles ne lui sont pas imputables si elle venait à s'en dessaisir avant le prononcé d'une décision définitive ;

Que ce même contexte conflictuel ne permet pas de qualifier d'abusive l'absence de satisfaction aux mises en demeure antérieures à l'introduction de la procédure ;

Qu'il suit qu'il n'y pas lieu de faire droit à la demande d'astreinte ou à la demande indemnitaire et que le jugement doit être confirmé en ses dispositions sur ce point ;

Sur la violation de la clause d'exclusivité incriminée par l'éditeur :

Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli la demande reconventionnelle de l'éditeur fondée sur la violation de la clause d'exclusivité, les appelants se prévalent d'une exception d'inexécution en arguant de l'exploitation, par l'éditeur, de leurs oeuvres en dehors du périmètre de la cession sans leur autorisation ; qu'ils font état de photographies publiées dans un numéro du magazine Géo ;

Que, formant appel incident sur le quantum de la condamnation prononcée à son profit, l'éditeur rétorque qu'en méconnaissance de la clause d'exclusivité convenue, les appelants qui possédaient des copies des photographies litigieuses en ont non seulement utilisé 41 pour l'ouvrage Maroc, Terre de lumière qu'ils ont publié mais aussi autorisé la reproduction dans le magazine Géo sans d'ailleurs qu'il ne perçoive aucune somme de cette cession ;

Considérant, ceci exposé, que pas plus qu'en première instance, les consorts Peuriot-Ploquin ne contestent la publication de partie des photographies litigieuses dans leur propre ouvrage, de nature à concurrencer ceux qui avaient été édité antérieurement par la société ACR ;

Que, s'agissant de la publication de photographies dans le magazine Géo, il convient de considérer, d'abord, que la lettre du chef de service photos de ce magazine, datée du 02 février 2006 (pièce 25 des appelants), est directement adressée aux auteurs du fait de son insatisfaction sur la qualité des photographies préalablement sollicitées auprès de l'éditeur ; que les appelants ne peuvent donc prétendre que cette publication a eu lieu sans qu'il leur en soit référé préalablement et qu'ils subissent un préjudice résultant d'une cession non autorisée ; qu'il y a lieu de relever, en toute hypothèse, que l'éditeur se borne à déplorer le défaut de perception de 50 % des recettes et ne forme aucune demande indemnitaire ;

Que la violation de la clause d'exclusivité par les auteurs ayant justement étant sanctionnée par les premiers juges par une condamnation au paiement de la somme de 4.000 euros à ce titre, il n'y a pas lieu d'en augmenter le montant mais de confirmer le jugement à ce titre ;

Sur l'appel incident des consorts Castera et Jolis :

Considérant qu'appelés en intervention forcée en qualité de co-auteurs des textes de l'ouvrage Arabesques, art décoratif au Maroc, ils demandent à la cour de considérer que l'éventuelle résiliation des contrats d'édition du 18 septembre 1974 est sans effet sur leur propre contrat d'édition conclu avec la société ACR ;

Qu'ils ajoutent qu'ils s'en rapportent à l'appréciation de la cour sur le bien fondé de l'argumentation relative à la violation de l'obligation de rémunération proportionnelle des consorts Peuriot- Ploquin mais que si la cour vient à accueillir cette réclamation, ils demandent l'application à leur profit de l'assiette substituée et le versement d'une somme de 12.351,75 euros bruts au titre de leur manque à gagner pour la période s'étendant entre 2003 et 2010 ;

Mais considérant que la solution donnée au présent litige ne permet pas d'accueillir leur demande de sorte que le jugement qui les a déboutés de cette prétention mérite confirmation ;

Sur les autres demandes :

Considérant que l'équité conduit à condamner in solidum Madame Peuriot et Monsieur Ploquin à verser à la société ACR une somme complémentaire de 3.000 euros au titre de leurs frais non répétibles ; qu'elle ne commande pas de faire droit aux demandes des consorts Castera et Jolis au titre des dispositions sur l'aide juridictionnelle ;

Que, déboutés de ce dernier chef de prétentions, Madame Peuriot et Monsieur Ploquin qui succombent supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Prononce la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 25 octobre 2012 et déclare recevables les conclusions en réponse signifiées par la société ACR le 13 novembre 2012 ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 08 novembre 2011 et, y ajoutant ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne in solidum Madame Françoise Peuriot et Monsieur Philippe Ploquin à verser à la société à responsabilité limitée ACR Edition Internationale une somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur aide juridictionnelle et de l'article 699 du code de procédure civile.