Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 18 mai 2021, n° 19/22610

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ELLEBORE (SAS)

Défendeur :

Galya O., B.-P.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Isabelle DOUILLET

Conseillers :

Mme Françoise BARUTEL, Mme Déborah BOHÉE

Avocats :

Me Pierre-Louis R., SELAS Antoine G. Avocats

TGI de Paris, du 17 oct. 2019

17 octobre 2019

Vu le jugement rendu le 17 octobre 2019 par le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris ,

Vu l'appel interjeté le 6 décembre 2019 par la SASU Ellebore,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2021 par la SASU Ellebore, appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 février 2021 par Mme Galya O., intimée,

Vu l'absence de constitution de Mme Nathalie Bouchon P., intimée et co-auteur de l''uvre prétendument contrefaite,

Vu la signification à Mme Nathalie Bouchon P. de la déclaration d'appel et des conclusions par procès-verbaux de remise à l'étude de l'huissier de justice délivrés respectivement le 4 février et le 26 mars 2020,

Vu l'ordonnance de clôture du 2 mars 2021 ,

SUR CE, LA COUR':

La SARL Ellebore, immatriculée le 18 novembre 1980, avait pour activité l'édition et la diffusion de livres notamment de développement personnel.

Par contrat du 21 avril 2005, Mme O. et Mme Bouchon-P. lui ont confié l'édition de leur ouvrage co-écrit': «'Massage ayurvédique ' Les clés du bien-être issues d'une tradition ancestrale'». L'ouvrage est paru en octobre 2005.

Mme O. indique avoir également réalisé un DVD la représentant dans ses activités de massage.

Par jugement en date du 7 mai 2015, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession partielle du fonds de commerce de la SARL Ellebore au profit de la société Dg Diffusion, qui a repris les contrats liant la SARL Ellebore aux auteurs.

Par jugement du 11 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Ellebore.

La SASU Ellebore, détenue à 100% par la société Dg Diffusion, s'est substituée à cette dernière pour l'exploitation des 'uvres déjà éditées.

Exposant avoir découvert que la SASU Ellebore avait notamment procédé courant 2015 à la publication d'un fascicule réduit intitulé 'Le massage ayurvédique A.' sous le nom de Mme O., vendu avec un DVD portant le même nom, et que les modifications qui y avaient été apportées n'avaient pas été autorisées, Mme O. a mis en demeure la SASU Ellebore.

C'est dans ce contexte que par acte du 5 juillet 2018, Mme O. a assigné la SASU Ellebore devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur et reddition des comptes, et mis dans la cause la co-auteure Mme Bouchon P..

Par jugement dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

Dit que l'édition par la SASU Ellebore de l'ouvrage «'Le massage Ayurvédique A.ISBN -10-230-0033-7 dépôt légal juillet 2015 est une contrefaçon de l'ouvrage «'Massage ayurvédique - les clés du bien-être issues d 'une tradition ancestrale'» ISBN 2-96989-591-2 dépôt légal 3ème trimestre 2005,

Dit que l'édition du DVD «'Le massage ayurvédique A. de Mme Galya O. par la SASU Ellebore constitue un acte de contrefaçon de droits d'auteur,

Fait défense à la SASU Ellebore de continuer ces agissements,

Ordonné à la SASU Ellebore de retirer de tous circuits de diffusion tous les exemplaires de l'ouvrage «'Le massage ayurvédique A.' ISBN -10-230-0033-7 dépôt légal juillet 2015 et de les pilonner à ses frais, ainsi que les ouvrages restant en stock, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le jour où le présent jugement sera passé en force de chose jugée, et pour une durée de six mois,

Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,

Condamné la SASU Ellebore à payer à Mme Galya O. la somme de 8.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des agissements de contrefaçon de droits d'auteur,

Dit que le jugement est opposable à Mme Nathalie Bouchon P.,

Condamné la SASU Ellebore à payer à Mme Galya O. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SASU Ellebore aux dépens ;

Ordonné l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne le pilonnage des ouvrages contrefaisants.

Sur la contrefaçon de l'ouvrage 'Massage ayurvédique ' les clés du bien-être issues d'une tradition ancestrale'

Sur la contrefaçon par le fasicule «'Le massage ayurvédique A.

La SASU Ellebore fait valoir qu'elle a décidé d'accompagner le DVD de Mme O. d'un fascicule explicatif compilant des extraits de l'ouvrage 'Massage ayurvédique ' les clés du bien-être issues d'une tradition ancestrale', et qu'elle détient les droits d'adaptation de cet ouvrage qui a été expressément autorisée par l'intimée.

Mme O. soutient que la SASU Ellebore a réédité l'ouvrage en modifiant le format, le titre, les titres de chapitre, la mise en page, son iconographie et le texte, et ce sans son autorisation.

La cour rappelle que l'article L. 132-11 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'éditeur ne peut sans autorisation écrite de l'auteur, apporter à l'oeuvre aucune modification.

En l'espèce, il résulte de la comparaison entre l'ouvrage revendiqué 'Massage ayurvédique ' les clés du bien-être issues d'une tradition ancestrale', et le fasiculeincriminé 'Le massage ayurvédique A.' à laquelle s'est livrée la cour, que l'oeuvrepremière a été profondément modifiée, à savoir': le changement du titre, de la photographie de couverture et du texte de présentation de Mme O. ; le plan réduit à 5 thèmes très simplifiés au lieu de 7 chapitres détaillés, le texte complètement remanié à partir d'une compilation des textes de l'ouvrage revendiqué.

Or, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, aucune autorisation n'est démontrée concernant la parution du fascicule incriminé et des modifications apportées à l'oeuvre première, de sorte que n'ayant pas été autorisé, il constitue une contrefaçon de l'ouvrage revendiqué. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la contrefaçon par le Dvd «'Le massage ayurvédique A.

La SASU Ellebore fait valoir qu'elle produit en cause d'appel le contrat dénommé 'contrat d'auteur de vidéogramme', conclu le 2 janvier 2006 avec Mme O., relatif au DVD intitulé «'Massage ayurvédique - A. qui est sorti pour la première fois en 2007. Elle prétend que le vidéogramme incriminé est identique à celui qui est exploité depuis 2007 conformément au contrat du 2 janvier 2006.

Mme O. soutient que le contrat d'auteur de vidéogramme versé aux débats ne fait aucune référence à l'adaptation de son oeuvre écrite originale, de sorte qu'il ne saurait être un contrat de cession du droit d'adaptation audiovisuelle de cette 'uvre, et que rien ne permet de relier juridiquement ce vidéogramme à l''uvre co-écrite par elle et Mme Bouchon P..

La cour observe que la SASU Ellebore ne verse pas au débat le DVD initialement édité en 2007, de sorte qu'il n'est pas prouvé que le DVD incriminé est le même, étant au surplus observé que le titre diffère, celui du contrat étant intitulé 'Le Massage ayurvédique', alors que le DVD litigieux mentionne 'Le Massage ayurvédique A.'. En outre, la cour rappelle que l'article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'les cessions portant sur les droits d'adaptation audiovisuelle doivent faire l'objet d'un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l'édition proprement dite de l''uvre imprimée', et qu'en l'espèce, le droit d'adaptation qui figure à l'article 5 du contrat d'auteur de vidéogramme du 2 janvier 2006, concerne le droit d'adapter le texte du DVD, et non celui d'adapter l'oeuvre imprimée originaire.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que l'édition du DVD 'Le Massage ayurvédique A.' constitue une contrefaçon des droits d'auteur de Mme O..

Sur les mesures réparatrices

La SASU Ellebore prétend que les modifications apportées à l'ouvrage initial ne sauraient être considérées comme étant de nature à altérer ledit ouvrage, et que l'intimée ne démontre pas le préjudice qu'elle prétend avoir subi, de sorte que le jugement entrepris doit être infirmé.

Mme O. demande la confirmation du jugement déféré.

C'est par de justes motifs que la cour approuve que le tribunal, après avoir constaté qu'il résultait des pièces comptables la vente de 1 490 exemplaires du fasicule et du DVD illicites au prix de 17 euros, a accordé à Mme O. la somme de 4 000 euros en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux, ainsi que la même somme au titre de son préjudice moral compte tenu de la dénaturation de l'oeuvre originaire, et a ordonné à la SASU Ellebore, sous astreinte, de retirer tous les exemplaires de l'ouvrage 'Le Massage ayurvédique A.', et de les pilonner à ses frais ainsi que les ouvrages restant en stock. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé de ces chefs.

Il y a lieu de dire, enfin, que le présent arrêt est opposable à Mme Nathalie Bouchon P. laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été régulièrement signifiées.

Sur le caractère abusif de l'appel

Mme O. prétend que l'appel est abusif et demande à la cour de condamner la société Ellebore au paiement de la somme de 1.000 euros de ce chef.

Mme O. sera cependant déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d'une faute de la part de la société Ellebore, qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.

PAR CES MOTIFS ,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Dit que le présent arrêt est opposable à Mme Nathalie Bouchon P. ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société Ellebore aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et, vu l'article 700 dudit code, la condamne à payer à ce titre à Mme Galya O. une somme de 5.000 euros.