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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 22 janvier 2021, n° 19/11095

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

D.

Défendeur :

Palette (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brigitte CHOKRON

Conseillers :

Mme Laurence LEHMANN, Mme Agnès MARCADE

Avocats :

Me Laure D., SELARL CABINET SEVELLEC D., SELARL ZADIG AVOCATS

TGI de Paris, du 17 mai 2019, RG n°18/06…

17 mai 2019

Vu le jugement contradictoire rendu le 17 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu l'appel interjeté le 27 mai 2019 par Mme Céline D. ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 août 2019 par Mme D., appelante ;

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 octobre 2019 par la société Palette, intimée ;

Vu l'ordonnance de clôture du 25 juin 2020 ;

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Mme Céline D. se présente comme auteur d'ouvrages ayant pour thème l'art moderne et contemporain.

La société Palette, maison d'édition spécialisée dans les écrits artistiques, est son principal éditeur.

Mme Céline D. expose être l'auteur, la contributrice ou la traductrice de 14 livres d'art et essais publiés aux éditions Palette à savoir :

« Jean D., le grand bazar de l'art », paru en août 2008 suivant contrat d'édition du 10 avril 2008, objet d'un avenant aux fins de réimpression le 31 janvier 2012,

« Fernand L. », paru en janvier 2009 suivant contrat d'édition du 25 août 2008,

« Art contemporain », co-écrit avec Christian D., paru en novembre 2009, suivant contrat d'édition du 19 janvier 2009,

« L'art brut, l'art sans le savoir », paru en août 2009 suivant contrat d'édition du 19 janvier 2009,

« L'art brut, un fantasme de peintre », paru en avril 2010, suivant contrat d'édition du 25 janvier 2010,

« Hyperréalisme », paru en août 2010 suivant contrat d'édition du 16 mars 2010,

« Design », paru en mai 2011, suivant contrat d'édition du 18 août 2010,

« Boîte de l'art », ouvrage co-écrit avec Caroline L., objet d'un contrat du 5 janvier 2011,

« Les Procès de l'art », co-écrit avec Marie-Hélène V., paru en décembre 2013 suivant contrat d'édition du 9 août 2011,

« L'École de l'art », ouvrage de Teal Triggs traduit de l'anglais en exécution d'un contrat du 10 février 2015,

« Lumière ! », paru en octobre 2015 suivant contrat d'édition du 3 avril 2015,

« 50 artistes incontournables », co-écrit avec Valérie M., et paru en novembre 2015 suivant contrat d'édition du 7 juillet 2015,

« Vous êtes ici. Petit Atlas de l'art contemporain », paru en mai 2017, suivant contrat d'édition du 7 juillet 2015.

Mme Céline D. et la société Palette ont par ailleurs conclu un contrat d'édition daté du 2 février 2016 en vue de la publication d'un ouvrage intitulé « Tattoo ».

En fin d'année 2015, la société Palette s'est trouvée en état de cessation de paiements. Au mois de mars 2016, la société Rue des Ecoles, spécialisée dans l'édition de produits pédagogiques sur tous supports, est entrée à son capital en même temps qu'il était procédé à un remplacement de son gérant. Le départ de celui-ci et l'évolution de la direction éditoriale de la société ont suscité des inquiétudes exprimées dans une lettre ouverte datée du 2 janvier 2017, émanant de différents contributeurs des produits édités.

Reprochant à la société Palette des manquements contractuels, Mme Céline D. a par acte en date du 4 juin 2018, fait assigner cette société devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir constater les manquements allégués, solliciter la résiliation de huit des contrats précités et obtenir la réparation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 17 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que la société Palette n'a manqué à aucune de ses obligations fixées dans les contrats d'édition des 10 avril 2008, 25 août 2008, 19 janvier 2009, 25 janvier 2010, 16 mars 2010, 18 août 2010, 5 janvier 2011, 9 août 2011, 10 février 2015, 3 avril 2015, 7 juillet 2015, et 2 février 2016 ;

- débouté par conséquent Mme Céline D. de sa demande de résiliation judiciaire des contrats précités ;

- débouté Mme Céline D. de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

- condamné Mme Céline D. à restituer à la société Palette la somme de l'à-valoir d'un montant de 1.006,39 euros qu'elle a perçue le 27 juillet 2016 en application du contrat d'édition du 2 février 2016 auquel elle a pris l'initiative de mettre fin ;

- condamné Mme Céline D. à payer à la société Palette une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme Céline D. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme D. a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions demande à la cour, au fondement des articles L.132-1, L. 132-17-2, I, L.121-1 et L.132-11 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- prononcer la résiliation des contrats d'édition suivants, aux torts exclusifs de la société Palette :

- le contrat d'édition du 10 avril 2008 relatif à l'ouvrage 'Jean D., le grand bazar de l'art', et son avenant aux fins de réimpression du 31 janvier 2012,

- le contrat d'édition du 25 août 2008 relatif à l'ouvrage 'F.L.',

- le contrat d'édition du 19 janvier 2009 relatif à l'ouvrage 'L'art brut, l'art sans le savoir',

- le contrat d'édition du 25 janvier 2010 relatif à l'ouvrage 'L'art brut, un fantasme de peintre',

- le contrat d'édition du 16 mars 2010 relatif à l'ouvrage 'Hyperréalisme',

- le contrat d'édition du 18 août 2010 relatif à l'ouvrage 'Design',

- le contrat d'édition du 3 avril 2015 relatif à l'ouvrage 'Lumière !',

- le contrat d'édition du 7 juillet 2015 relatif à l'ouvrage 'Vous êtes ici. Petit Atlas de l'art contemporain',

- le contrat d'édition du 2 février 2016 relatif à l'ouvrage intitulé provisoirement 'Tattoo', - condamner la société Palette à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice par elle subi du fait de la violation de ses prérogatives d'ordre patrimonial,

- condamner la société Palette à lui payer la somme de 5.000 euros pour résistance abusive,

- condamner la société Palette à lui payer la somme de 5.000 euros au titre du préjudice par elle subi du fait de l'atteinte portée à son droit moral,

- condamner la société Palette à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction conformément à l'article 699 du même code.

Par ses dernières conclusions, la société Palette demande à la cour, au visa des articles L.132-13 et L.132-17-3 du code de la propriété intellectuelle, des anciens articles 1134, 1184, 1289 et 1315 du code civil, applicables en l'espèce, de l'article 9 du code de procédure civile, de :

- rejeter l'ensemble des demandes présentées par Mme Céline D. ou à tout le moins réduire les demandes indemnitaires à de plus juste proportions ;

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme Céline D. à lui rembourser l'à-valoir d'un montant de 1.006,39 euros qu'elle a perçu le 27 juillet 2016 en application du contrat d'édition du 2 février 2016 auquel elle a mis fin ;

En tout état de cause :

- condamner Mme Céline D. à lui verser la somme supplémentaire de 6.000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction conformément à l'article 699 du même code.

Sur la demande de résiliation des contrats

Mme D. reproche à la société Palette plusieurs manquements à ses obligations contractuelles qui justifieraient la résiliation des contrats et critique la décision entreprise en qu'elle n'a retenu aucun d'entre eux.

L'appelante fait tout d'abord valoir le manquement de la société éditrice à son obligation de reddition de comptes prévue à l'article 16 de chacun contrats dont la résiliation est sollicitée.

Cet article 16 intitulé 'comptes' prévoit notamment que : 'l'ensemble de la rémunération due à l'auteur en vertu de l'article 14 du présent contrat ainsi que les sommes dues au titre de l'article 4 du présent contrat feront l'objet d'un arrêté de comptes annuels au 31 décembre de chaque année. Au cours des trois mois qui suivent la date de l'arrêté des comptes, l'éditeur remettra à l'auteur, en même temps que les relevés de comptes, un état mentionnant le nombre d'exemplaires en stock. Cet état mentionnera également le nombre d'exemplaires vendus par l'éditeur, celui des exemplaires inutilisables et retirés du circuit commercial et des exemplaires détruits, détériorés ou disparus tel qu'il est envisagé à l'article 11 du présent contrat. Le solde sera payé à l'auteur à partir du 1er avril suivant'.

En outre, l'article L. 132-13, alinéa premier, du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'éditeur est tenu de rendre compte.

Mme D. reproche à la société éditrice des retards significatifs et anormaux de transmission des comptes en 2015, 2016 et 2017 qui ne lui ont été communiqués qu'à raison de ses réclamations réitérées.

Il ressort des dispositions du contrat que la société Palette avait obligation d'arrêter les comptes le 31 décembre de chaque année et d'en rendre compte à l'auteur le 31 mars suivant.

Selon les éléments fournis au débat, il ressort que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 mai 2017 reçue par Mme D. le 12 mai suivant (pièce 3 intimée) la société éditrice répondait à une lettre recommandée avec accusé de réception de l'auteur du 17 janvier 2017 réclamant les redditions de comptes pour l'exercice 2015, en lui transmettant lesdites redditions de compte (compte de l'auteur et reddition par ouvrage) qu'elle précise avoir sorties des archives, s'étonnant que l'auteur ne les ai pas reçues, ces éléments étant accompagnés de la copie d'un chèque de 1.012,71 euros daté du 31 octobre 2016, la société éditrice justifiant par ailleurs que ce chèque a été débité le 16 novembre 2016 par Mme D..

Les redditions de compte 2016 n'ont pas été adressées le 31 mars 2017 ainsi qu'il ressort de la correspondance de la société des gens de lettres adressée à la société Palette le 27 novembre 2017. Elles ont été transmises par la société éditrice le 25 septembre 2018 au cours de la présente instance (pièce 3bis de l'intimée). Cette communication n'est pas accompagnée d'un relevé de droits d'auteur au titre de l'année 2016, la société Palette expliquant dans ses écritures qu'une compensation a été opérée entre les droits dûs et l'à-valoir de 1.006,39 euros perçu par l'auteur concernant l'ouvrage intitulé 'Tattoo' dont elle n'a jamais remis le manuscrit.

Pour ce qui concerne l'exercice 2017, les redditions ont été adressées à l'auteur non le 31 mars mais le 3 août 2017 par la société éditrice accompagnées d'un chèque de 207,74 euros en paiement des droits d'auteur. Celles-ci comportaient un 'récapitulatif des comptes' sous forme de listing mentionnant par ouvrage, pour 9 d'entre eux, le nombre de vente en direct, en librairie et la provision pour retours reportée sur 2018.

Il ressort de ce qui précède que la société Palette a de manière répétée pour les exercices 2015, 2016 et 2017 communiqué avec retard les redditions de compte à l'auteur, ces retards étant de plusieurs mois voire de plus d'une année, ce malgré les demandes de Mme D. relayées par la Société des gens de lettres. En outre, les droits d'auteur, lorsqu'ils ne sont pas réglés avec retard, ne sont pas payés par la société éditrice ainsi que celle-ci le reconnaît pour l'exercice 2016, faisant état d'une compensation entre les droits d'auteur avec un à-valoir versé pour un ouvrage 'Tattoo' dont le manuscrit n'a pas été remis, sans pour autant en justifier par un compte d'auteur mentionnant cette compensation permettant une information transparente de l'auteur, étant relevé que la société éditrice réclame également le remboursement de cet à-valoir, ce qui lui a été accordé par le tribunal. Enfin, les redditions de comptes pour l'année 2017 sont incomplètes, ne mentionnant pas le nombre d'exemplaires fabriqués, ni l'état des stocks , ni encore les exemplaires hors droits ou détruits.

Le changement de logiciel de la société éditrice ou la désorganisation due au changement de direction de cette société sont inopérants à justifier ces manquements à ses obligations légales et contractuelles pendant plus de trois années.

Enfin, ce défaut de reddition de comptes n'a pas permis à Mme D. de s'apercevoir de l'arrêt en 2016 de la commercialisation de deux ouvrages intitulés 'D., le grand bazar de l'art' et 'L'art brut, l'art sans le savoir', ce en contravention avec l'obligation d'exploitation permanente et suivie de la société éditrice prévue à l'article L. 137-1-2 du code de la propriété intellectuelle et obtenir la résiliation des deux contrats de plein droit après mise en demeure, ce quand bien même l'article 9 desdits contrats prévoit que les réimpressions seront éditées par l'éditeur seul, en fonction des possibilités commerciales.

Ces manquements graves et répétés de la société éditrice aux obligations essentielles des contrats d'édition, que sont la reddition de comptes et le règlement des droits d'auteur, justifient la résiliation judiciaire des contrats suivants aux torts de la société Palette :

- le contrat d'édition du 10 avril 2008 relatif à l'ouvrage Jean D., le grand bazar de l'art, et son avenant aux fins de réimpression du 31 janvier 2012,

- le contrat d'édition du 25 août 2008 relatif à l'ouvrage 'F.L.',

- le contrat d'édition du 19 janvier 2009 relatif à l'ouvrage 'L'art brut, l'art sans le savoir',

- le contrat d'édition du 25 janvier 2010 relatif à l'ouvrage 'L'art brut, un fantasme de peintre', - le contrat d'édition du 16 mars 2010 relatif à l'ouvrage 'Hyperréalisme',

- le contrat d'édition du 18 août 2010 relatif à l'ouvrage 'Design',

- le contrat d'édition du 3 avril 2015 relatif à l'ouvrage 'Lumière !',

- le contrat d'édition du 7 juillet 2015 relatif à l'ouvrage 'Vous êtes ici. Petit Atlas de l'art contemporain'.

Mme D. reproche aussi à la société éditrice une violation de son droit moral pour avoir de manière fautive révélé le pseudonyme de Louisa A. à l'occasion de la parution de l'ouvrage 'Vous êtes ici. Petit Atlas de l'art contemporain'.

Il n'est pas discuté que selon le contrat d'édition du 7 juillet 2015, l'ouvrage en cause devait paraître sous le nom de l'auteur 'Céline D.'. Ce n'est que par lettre recommandée du 17 janvier 2017 que Mme D. a demandé à son éditeur de publier l'ouvrage sous son pseudonyme 'Louisa A.' en raison, selon ce courrier, du choix de la société éditrice de ne publier que 20 images sur les 60 proposées par l'auteur. Par courriel du 15 février 2017, Mme Marion B. de la société Palette répondait notamment qu'elle pourra intervenir ponctuellement, notamment pour changer le nom ou corriger d'éventuelles erreurs.

L'ouvrage est paru le 17 mai 2017. Selon les copies d'écran non contestées jointes à un courriel de Mme D. du 10 mai 2017 fournies au débat par l'appelante (pièce 26), plusieurs sites distributeurs tels Amzon.fr ou Fnac.com présentent l'ouvrage comme étant l'oeuvre de Céline D. et non de Louisa A.. De même, selon le constat d'un agent assermenté de la société des gens de lettres en date du 30 janvier 2018, le catalogue 2017 de la société Palette accessible sur le site editionspalette.com sous l'onglet 'professionnels', l'ouvrage 'Vous êtes ici. Petit Atlas de l'art contemporain' mentionné comme 'à paraître en mars 2017" figure à la page 26 et est attribué à Céline D.. Il en va de même du catalogue papier 2017 fourni par l'intimée (pièce 5), le nom de l'auteur ayant été corrigé sur le catalogue papier 2017-2018 (pièce 6 intimée) où l'ouvrage apparaît sous le nom de 'Louisa A.'.

Il ressort de ce qui précède que Mme D. a souhaité peu avant la parution de l'ouvrage prévue en mars 2017 selon le catalogue de la société éditrice, modifier le nom de l'auteur sous lequel il devait être publié, préférant son pseudonyme. Elle ne peut donc reprocher à la société Palette la présentation de l'ouvrage sous son véritable nom par les diffuseurs en mai 2017 ou dans le catalogue 2017 de la société Palette, ces publications et diffusions étant préparées bien en amont. De même, Mme D. ne peut imputer sa décision de changement de nom de l'auteur à la seule société éditrice, le non respect des engagements de cette dernière dénoncé dans la correspondance du 17 janvier 2017 n'étant corroboré par aucune autre pièce, aucune clause du contrat ne prévoyant un ouvrage comportant 60 images. En outre, la société Palette établit avoir modifié le nom de l'auteur sur le catalogue 2017/2018 et avoir sollicité la correction des liens signalés par l'auteur dès qu'elle a eu connaissance de la difficulté (courriel du 19 mai 2017 pièce 26 appelante).

Mme D. échoue donc à démontrer une faute de la société Palette, l'atteinte au droit moral de l'auteur n'étant pas caractérisée et la demande de dommages et intérêts à ce titre sera rejetée.

Mme D. reproche enfin à la société éditrice, un manquement à l'obligation de bonne foi à l'occasion de l'exécution du contrat d'édition portant sur l'ouvrage 'Tattoo' conclu le 2 février 2016.

La société Palette reconnaît avoir réglé avec retard la première partie de l'à-valoir prévue à l'article 2 du contrat, celle-ci ayant été versée le 27 juillet 2016 et non le 4 mars 2016 comme contractuellement convenu. En revanche, contrairement à ce que soutient Mme D., selon le contrat, la date de parution de l'ouvrage est à la discrétion de l'éditeur dans la limite de 18 mois à compter de la remise du manuscrit (article 8 du contrat), et la date du 30 août 2016 mentionnée à l'article 6 n'est pas celle prévue pour la parution de l'ouvrage mais pour la remise du manuscrit par l'auteur à la société éditrice, cette remise du manuscrit n'étant pas dépendante du règlement de la première partie de l'à-valoir. Ce n'est que le 17 janvier 2017, soit près de six mois après le versement de l'à-valoir, que Mme D. a sollicité par lettre recommandée du 17 janvier 2017 un avenant au contrat pour fixer une nouvelle date de remise de manuscrit, la société Palette répondant dans son courrier recommandé du 10 mai 2017 'pour le dossier de l'ouvrage en cours, que Marion B. reprend (et non Steve), nous vous adressons un nouveau contrat si vous le souhaitez mais vous précisons que vous avez reçu un première avance de 1.100 euros'.

Par lettre recommandée du 26 mai 2017, Mme D. dénonçait les nombreux manquements reprochés à la société éditrice (défaut de redditions de compte, atteinte à son droit à la paternité) et concluait que le lien de confiance ayant été rompu, 'je vous demande donc de résilier amiablement le contrat du dernier ouvrage en cours ('Tattoo') et de me rendre mes droits. Je vous invite à revenir vers moi sous huitaine, faute de quoi je transmettrais le dossier à mon avocat'. La société Palette n'a pas répondu à ce courrier mais a, par lettre de son conseil du 28 novembre 2017 faisant suite à une correspondance de Mme D. dénonçant la conclusion d'un contrat d'édition avec un autre auteur par la société Palette pour un ouvrage sur le tatouage, indiqué confirmer que le contrat d'édition a bien été résilié par courrier recommandé du 26 mai 2017.

Il résulte de ce qui précède que le contrat du 2 février 2016 portant sur l'édition de l'ouvrage Tattoo n'a pas été exécuté de bonne foi par les deux parties, la société éditrice réglant avec retard la première partie de l'à-valoir et Mme D. s'abstenant de remettre le manuscrit à la suite du paiement de cet à-valoir, celle-ci ne pouvant tirer argument du défaut de réponse de la société éditrice à sa demande de modification du contrat s'agissant de la date de remise du manuscrit, demande qui a été formée près de 6 mois après le paiement de l'à-valoir.

Si la lettre du 26 mai 2017 précitée ne peut être interprétée comme une lettre de résiliation unilatérale du contrat par Mme D., celle-ci sollicitant une 'résiliation amiable' de cette convention soit avec l'accord de l'éditeur, la société Palette s'étant abstenue de répondre à cette demande pendant plus de 6 mois, il n'en demeure pas moins qu'il apparaît des échanges entre les parties que celles-ci n'entendaient pas poursuivre l'exécution du contrat en cause. Mme D. ne peut alors utilement reprocher à la société Palette d'avoir confié la rédaction d'un ouvrage sur le tatouage à un autre auteur, aucun élément ne venant corroborer les affirmations de l'appelante selon lesquelles l'ouvrage à paraître sous le nom d'un autre auteur reprendrait son 'approche inédite du tatouage' et l'empêcherait de publier chez un autre éditeur son ouvrage, celle-ci ne justifiant d'aucune des maquettes ou argumentaires qu'elle dit avoir transmis à son éditeur autrement que par la lettre du 29 septembre 2017 qu'elle a elle-même rédigée pour dénoncer la conclusion d'un contrat d'édition avec un autre auteur.

Le défaut de bonne foi de part et d'autre dans l'exécution du contrat d'édition du 2 février 2016 relatif à l'ouvrage intitulé'Tattoo' justifie une résiliation de ce contrat aux torts partagés des parties.

Au vu des manquements répétés sur plusieurs exercices de la société Palette à son obligation de redditions de comptes, au défaut de règlement des droits d'auteur pour l'année 2016 à hauteur de 400,25 euros, il sera alloué à Mme D., au vu des éléments dont dispose la cour, la somme de 6.000 euros en réparation de son entier préjudice lié aux manquements contractuels de la société éditrice.

En revanche, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sollicitée par Mme D. ne sera pas accueillie, aucune faute distincte du manquement contractuel au titre de la reddition de comptes de la société éditrice et déjà indemnisée n'étant établie.

La décision entreprise est en conséquence infirmée en ce qu'elle a débouté Mme D. de ses demande de résiliation des contrats et de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait de la violation de ses prérogatives d'ordre patrimonial.

Sur la demande de restitution de l'à-valoir de la société Palette

Le contrat du 2 février 2016 portant sur l'édition de l'ouvrage 'Tattoo' prévoit certes à son article 6 que l'à-valoir s'analyse comme un minimum garanti à l'auteur et que de ce fait il reste définitivement acquis, mais précise également 'sauf défaillance de l'auteur à remettre son manuscrit définitif dans les formes et délais stipulés à l'article 6". Or, il n'est pas discuté que le manuscrit n'a jamais été remis par l'auteur à la société éditrice.

En conséquence, il convient de condamner l'appelante à restituer à la société éditrice l'à-valoir de 1.006,39 euros versé le 27 juillet 2016. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont infirmées.

Partie perdante, la société Palette est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme D., en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 6.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Céline D. à restituer à la société Palette la somme de l'à-valoir d'un montant de 1.006,39 euros qu'elle a perçue en application du contrat d'édition du 2 février 2016,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Prononce la résiliation des contrats d'édition suivants conclus entre Mme Céline D. et la société Palette aux torts de la société Palette :

- le contrat d'édition du 10 avril 2008 relatif à l'ouvrage Jean D., le grand bazar de l'art, et son avenant aux fins de réimpression du 31 janvier 2012,

- le contrat d'édition du 25 août 2008 relatif à l'ouvrage 'F.L.',

- le contrat d'édition du 19 janvier 2009 relatif à l'ouvrage 'L'art brut, l'art sans le savoir',

- le contrat d'édition du 25 janvier 2010 relatif à l'ouvrage 'L'art brut, un fantasme de peintre',

- le contrat d'édition du 16 mars 2010 relatif à l'ouvrage 'Hyperréalisme',

- le contrat d'édition du 18 août 2010 relatif à l'ouvrage 'Design',

- le contrat d'édition du 3 avril 2015 relatif à l'ouvrage 'Lumière !',

- le contrat d'édition du 7 juillet 2015 relatif à l'ouvrage 'Vous êtes ici. Petit Atlas de l'art contemporain',

Prononce la résiliation du contrat d'édition du 2 février 2016 relatif à l'ouvrage intitulé 'Tattoo' aux torts partagés des parties,

Condamne la société Palette à payer à Mme Céline D. la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu du non respect de ses obligations contractuelles,

Déboute Mme Céline D. de ses autres demandes indemnitaires,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Palette à payer à Mme Céline D. la somme de 6.000 euros,

Condamne la société Palette aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.