Livv
Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 1, 2 juillet 2012, n° 11/01997

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

MINEUR

Défendeur :

BIANCONI

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Evelyne MERFELD

Conseillers :

Pascale METTEAU, Joëlle DOAT

Avocats :

Me Carlos DA COSTA, Me Bertrand MEIGNIE

AVESNES SUR HELPE, du 30 déc. 2010

30 décembre 2010

Le 12 mai 2006, M. François BIANCONI, écrivain, a conclu avec M. Hervé MINEUR, éditeur, un contrat pour l'impression et la publication de son roman Le rescapé de la Sémillante.

Par lettre recommandée en date du 1er février 2007, M. BIANCONI a résilié unilatéralement le contrat, en invoquant des griefs à l'égard de M. MINEUR.

Puis, par acte d'huissier en date du 16 janvier 2008, il l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'AVESNES SUR HELPE aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat d'édition à ses torts, lui ordonner de détruire les ouvrages restés en sa possession, sous astreinte et cesser définitivement la commercialisation des exemplaires de l'ouvrage, sous astreinte, ainsi que de le voir condamner à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral et la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement en date du 30 décembre 2010, le tribunal a :

- validé la résiliation du contrat d'édition liant M. François BIANCONI et M. Hervé MINEUR aux torts de l'éditeur

- condamné M. Hervé MINEUR à verser à M. François BIANCONI la somme de 3000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance

- ordonné à M. MINEUR de cesser définitivement de commercialiser le livre intitulé Le rescapé de la Sémillante , à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 25 euros par exemplaire vendu

- ordonné à celui-ci de détruire les ouvrages intitulés Le rescapé de la Sémillante restés en sa possession ou en dépôt, dans la huitaine de la signification du jugement, sous astreinte de 30 euros par jour de retard

- débouté M. BIANCONI de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive

- condamné M. Hervé MINEUR à verser à M. François BIANCONI la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance et celle de 800 euros au titre de l'instance sur incident

- débouté M. MINEUR de l'ensemble de ses demandes

- condamné celui-ci aux dépens.

M. Hervé MINEUR a interjeté appel de ce jugement, le 18 mars 2011.

Il demande à la Cour :

- d'infirmer la décision en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- de débouter M. François BIANCONI de l'ensemble de ses demandes

- de le condamner à lui payer la somme de 4280 euros à titre de dommages et intérêts

- de le condamner à payer à Maître Carlos DA COSTA, avocat, une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que M. BIANCONI pouvait résilier unilatéralement le contrat, à condition, d'une part qu'il s'agisse d'une rupture légitime et non d'une rupture abusive, d'autre part qu'il respecte un délai de préavis, que les premiers juges, en visant les dispositions de l'article 1184 du code civil, ne pouvaient considérer que la demande de M. BIANCONI constituait une demande de validation à posteriori de la résiliation unilatérale dont il avait pris l'initiative en-dehors de toute instance judiciaire.

Il soutient qu'il a parfaitement respecté ses obligations, tandis qu'au contraire, c'est M. BIANCONI qui a rompu abusivement le contrat d'édition.

Il explique que le formalisme du 'bon à tirer' a pour objet d'établir l'accord des parties sur la forme de l'ouvrage édité et n'est pas requis 'ad validitatem', que la seule absence de ce bon ne saurait justifier la résiliation du contrat d'édition, que M. BIANCONI lui avait annoncé qu'il partait en Corse du 31 mai au 23 septembre 2006 mais qu'il souhaitait que le livre soit disponible à la vente avant son retour, qu'il a donc confié l'ouvrage à son imprimeur le 23 mai 2006 et a remis à M. BIANCONI une épreuve finalisée du livre ainsi qu'un bon à tirer la veille de son départ en Corse, que M. BIANCONI a alors fait procéder à de nombreuses corrections, qu'il lui a envoyé une nouvelle épreuve par INTERNET et que M. BIANCONI l'a invité téléphoniquement à procéder au tirage complet de l'ouvrage et à lui envoyer en Corse une trentaine d'exemplaires du livre, que l'impression a été achevée le 21 juin 2006.

Il indique que le bon à tirer ne lui a jamais été retourné, mais que la preuve de l'accord de M. BIANCONI pour le tirage résulte de ce que ce qu'il lui a demandé de lui envoyer une trentaine d'exemplaires du livre et a également demandé qu'un exemplaire soit déposé auprès de l'association 'Paroles d'Hucbald', que l'accord de M. BIANCONI résulte également de l'attitude qu'il a, par la suite, adoptée.

Il fait valoir que la présentation des différents chapitres et des titres du livre est parfaitement conforme au manuscrit que lui a remis M. BIANCONI et ne révèle rien de 'catastrophique', que celui-ci ne l'a jamais invité à modifier la présentation du livre, ni à corriger les fautes d'orthographe, qu'ayant pris livraison de l'ouvrage sans émettre de réserves, il est réputé avoir accepté les défauts apparents et l'ouvrage lui-même, que, d'ailleurs, il a par la suite commandé un certain nombre de nouveaux exemplaires du livre.

Il affirme qu'il a respecté ses obligations de promotion et de diffusion à la mesure des moyens dont il disposait et que connaissait M. BIANCONI, que l'opération de déstockage du livre sur le site eBay est postérieure à la lettre de résiliation du contrat, qu'elle a duré moins d'un mois et n'a certainement pas porté préjudice à l'auteur, qu'il n'a pu remettre de certificat à M. BIANCONI puisque le stock d'ouvrages n'est toujours pas liquidé.

M. MINEUR observe qu'en réalité, M. BIANCONI n'a pas supporté de ne pas participer à une séance de dédicaces organisée le 8 décembre 2006 par la FNAC de VALENCIENNES.

Il constate en dernier lieu que M. BIANCONI ne démontre pas une inexécution de sa part d'une telle gravité qu'elle justifierait la rupture du contrat sans préavis.

Il déclare que la rupture abusive du contrat d'édition lui a causé un préjudice.

A titre subsidiaire, il considère que M. BIANCONI n'a subi aucun préjudice puisqu'il a souscrit un nouveau contrat d'édition le 16 mai 2007 avec la société EDITEUR INDEPENDANT, pour le même roman qui, contrairement à ce que prétend celui-ci, a bien été commercialisé.

Il précise que la perte de chance relève de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, que son éventuelle responsabilité ne peut être que de nature contractuelle ce qui exclut toute réparation sur le fondement de la perte de chance, tandis que les premiers juges ont relevé que M. BIANCONI n'avait pas subi de préjudice moral, ni patrimonial.

M. François BIANCONI demande à la Cour :

- de débouter M. Hervé MINEUR de toutes ses demandes

- de confirmer le jugement en ce qu'il a validé la résiliation du contrat d'édition aux torts de l'éditeur, condamné M. MINEUR à réparer les préjudices subis par lui du fait de la résiliation du contrat et ordonné à celui-ci de cesser définitivement de commercialiser l'ouvrage et de détruire les exemplaires restés en sa possession, sous astreinte

- de confirmer également le jugement en ses dispositions relatives aux indemnités procédurales

- de le recevoir en son appel incident

- de réformer le jugement du chef du quantum du préjudice subi et, statuant à nouveau,

- de condamner M. Hervé MINEUR à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tant moral que commercial

- de le condamner à lui payer une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

ajoutant au jugement,

- de condamner M. MINEUR à lui payer une indemnité procédurale de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient qu'il n'a jamais reçu de M. MINEUR d'épreuve finalisée, que, par conséquent, il n'a signé, ni d'ailleurs reçu aucun bon à tirer, que cela n'a nullement empêché l'éditeur de faire imprimer le roman sans que lui-même ne puisse effectuer de correction, ni donner son accord sur la présentation du livre, qu'il se trouvait en Corse lorsqu'il a reçu une vingtaine d'exemplaires de son roman et qu'il a ainsi été placé devant le fait accompli et n'a pu que constater que la présentation du roman n'était pas conforme à ce qu'il souhaitait et que l'ouvrage était impropre à la vente.

Il relève les défauts de mise en page, les fautes d'orthographe et les erreurs, ainsi que le fait que les remerciements aient été placés en fin de roman et non au début, considérant que le roman tel qu'imprimé est parfaitement invendable et que sa mise sur le marché pourrait nuire à sa réputation.

Il ajoute que le manuscrit qu'il a remis à M. MINEUR ne contenait que le récit et n'avait aucune valeur de mise en page, sauf à respecter la chronologie des paragraphes, que la mise en page se fait à partir d'épreuves soumises par l'éditeur, c'est à dire des prototypes du livre, et non à partir du manuscrit.

Il explique que, lorsqu'il s'est plaint auprès de M. MINEUR de la présentation de l'ouvrage et des nombreuses fautes d'orthographe, celui-ci a répondu que 300 exemplaires avaient déjà été imprimés, qu'il était trop tard pour y remédier et qu'il y avait des fautes d'orthographe dans tous les livres.

Il déclare que la commercialisation du livre par M. MINEUR ne signifiait pas que lui-même acceptait sa mise en page, qu'il a du reste indiqué par courrier à l'éditeur que ces défauts portaient atteinte à son droit moral en tant qu'auteur.

M. BIANCONI affirme que M. MINEUR, qui lui avait assuré qu'il serait référencé auprès de grandes enseignes, telles la FNAC et le FURET DU NORD et qu'il serait présent lors d'une séance de dédicace organisée à la FNAC de VALENCIENNES n'a pas respecté ses engagements, que le référencement de son roman sur quatre sites INTERNET de second ordre ne suffit pas à faire une promotion sérieuse.

Il indique que M. MINEUR n'a pas hésité à brader son roman sur le site Ebay en le cédant à un prix dérisoire de 8 ou 10 euros, ce qui est de nature à porter atteinte à sa notoriété, que le certificat prévu au contrat ne lui a jamais été remis et qu'il n'a pas été informé de la liquidation du stock.

Il fait valoir qu'il subit un préjudice commercial et financier important à la suite du refus de résiliation amiable de M. MINEUR, puisque, s'il a pu trouver une nouvelle maison d'édition qui accepte de publier son roman, il ne peut donner suite à cette proposition car il est tenu par le contrat d'édition exclusif conclu avec M. MINEUR, que le roman ne peut être commercialisé par le nouvel éditeur, tant que le contrat litigieux n'a pas été résilié judiciairement à défaut d'accord, qu'en raison de l'attitude de M. MINEUR, le nouvel éditeur n'a commercialisé à ce jour aucun exemplaire du roman, que lorsque ce nouvel éditeur a été informé de l'existence de l'action en justice, il a interrompu toutes ses démarches et que la publication n'a pas eu lieu, ce qui a entraîné des frais pour cette société.

Il estime que le tribunal a sous-évalué son préjudice.

En réponse à la demande en dommages et intérêts formée par M. MINEUR, il explique que, s'il est vrai que son nouvel éditeur a procédé au référencement du livre conformément aux obligations du contrat d'édition qu'il avait souscrit avec lui, la procédure d'annulation de la commercialisation est en cours, auprès de la FNAC, notamment, et que les relevés de vente laissent apparaître une seule vente en 2008, que cet arrêt de la commercialisation lui fait subir un préjudice financier et le met en difficulté vis à vis de son nouvel éditeur qui a dû supporter des frais de publication inutiles.

Il précise qu'il pouvait légitimement faire usage de l'exception d'inexécution et refuser d'exécuter son obligation de réserver l'exclusivité des droits de son roman Le rescapé de la Sémillante, dans la mesure où M. MINEUR n'avait respecté aucune de ses obligations contractuelles.

SUR CE :

L'article L 132-1 du code de la propriété intellectuelle énonce que le

contrat d'édition est le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre, à charge pour ce dernier d'en assurer la publication et la diffusion.

Aux termes du contrat d'édition signé le 12 mai 2006, il est convenu entre les parties, M. François Julien BIANCONI, auteur, et M. Hervé MINEUR, éditeur, que l'auteur cède à l'éditeur pour lui et ses ayants droit, le droit d'imprimer, publier, reproduire sous toutes ses formes et de vendre, à ses frais, risques et périls, un ouvrage intitulé Le rescapé de la Sémillante, que l'auteur a écrit sous son nom pour l'édition en librairie. La présente cession est faite à titre exclusif.

L'article II relatif aux conditions de remise du 'tapuscrit' et des épreuves

pour correction stipule que:

(...)

Après mise en forme au format défini pour l'impression, relecture, correction, l'éditeur remettra à l'auteur une épreuve finalisée pour les dernières corrections et la signature du 'bon à tirer' définitif. Pour cela, l'éditeur fournira les dites épreuves pour le 10 juin 2006.

L'auteur s'engage à les retourner avec le 'bon à tirer' revêtues des annotations des éventuelles corrections dans un délai de quatre jours après réception. Si ce délai n'était pas respecté, l'éditeur se réserve le droit de recourir au correcteur de son choix, sans qu'aucune réclamation de l'auteur ne soit recevable.

En vertu de l'article III intitulé tirage, droits, le premier tirage de

l'ouvrage sera de 300 exemplaires vendu au prix public de 19 euros TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 janvier 2007, M. François BIANCONI a écrit à Airvey Editions, à l'attention de M. Hervé MINEUR, qu'il résiliait le contrat d'édition, au motif que plusieurs engagements importants n'avaient pas été respectés, à savoir :

- que, s'il avait bien reçu par internet une copie du 'tapuscrit', il ne s'agissait en aucun cas d'une épreuve finalisée et qu'il n'y avait jamais eu de bon à tirer définitif soumis à sa signature

- que la qualité des ouvrages imprimés est très médiocre, la couverture présentant un pelliculage de piètre facture entraînant un relèvement des angles de la couverture, en fonction de la température et de l'humidité des lieux

- que le papier est de mauvaise qualité, de couleur plus ou moins jaunâtre d'un ouvrage à l'autre

- que les paragraphes débutent en haut de page et offrent une mauvaise présentation

- que de nombreuses fautes d'orthographe subsistent, à commencer par une faute sur la quatrième page de couverture '... envoûtante terre des ses ancêtres'

- que dans certains cas (page 87), le texte occupe une page pour 2 lignes et deux 1/2 lignes ou 5 lignes (pages 177 et 222), ou une ligne et un mot (page 209), une ligne 3/4 (page 233)

- que le prix de vente public à l'article III est annoncé à 19 euros alors que le prix affiché sur le livre est de 20 euros

- que depuis la parution de l'ouvrage, aucune promotion sérieuse, encore moins permanente n'a été effectuée; que l'ouvrage n'est toujours pas référencé chez les grands libraires

Dans sa lettre de rupture, M. BIANCONI reproche également à M. MINEUR ses promesses de dédicace à la FNAC de VALENCIENNES et l'annulation de la séance au dernier moment pour 'convenance personnelle'.

M. MINEUR a contesté la résiliation du contrat par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 mai 2007 déclarant devoir décliner la proposition de rupture unilatérale du contrat, au motif que les raisons invoquées ne sont pas recevables, que M. BIANCONI a signé le contrat en toute connaissance de ses moyens de promotion et de diffusion des livres, qu'il savait parfaitement de quels moyens il disposait pour vendre les livres qu'il éditait (salons, bibliothèques et quelques libraires).

M. BIANCONI a ensuite fait assigner celui-ci par acte d'huissier en date du

16 janvier 2008 pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'édition, au motif que l'éditeur avait gravement manqué à ses obligations.

Le tribunal, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, a dit qu'en raison de la répétition des incidents évoqués, la perte de confiance et la mésentente qui en étaient résultées permettaient de valider la résiliation du contrat d'édition à laquelle M. François BIANCONI avait procédé le 1er février 2007, sachant que les manquements de l'éditeur étaient susceptibles de mettre en péril les intérêts de l'auteur et il a condamné M. MINEUR à payer à M. BIANCONI une indemnité de 3000 euros en réparation de son préjudice.

L'article 1134 du code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, qu'elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement; dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit; la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix, ou de

forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts; la résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Selon l'article L132-11 du code de la propriété intellectuelle, l'éditeur est tenu d'effectuer ou de faire effectuer la fabrication selon les conditions, dans la forme et suivant les modes d'expression prévus au contrat et il doit réaliser l'édition dans un délai fixé par les usages de la profession.

En vertu du contrat, le processus d'édition devait se faire en deux étapes :

- d'une part, la mise en forme au format défini pour l'impression, puis la relecture et la correction.

- d'autre part, la remise à l'auteur d'une épreuve finalisée pour les dernières corrections et la signature du 'bon à tirer définitif'.

M. MINEUR ne démontre pas qu'il a remis à l'auteur une épreuve finalisée du livre Le rescapé de la Sémillante, de nature à permettre à celui-ci d'opérer les corrections relatives à la mise en page, la présentation et l'impression, avant d'autoriser le tirage des ouvrages correspondant au nombre d'exemplaires prévus au contrat (300).

Mais il a adressé à M. François BIANCONI à son domicile corse une facture datée du 23 juin 2006, pour 50 exemplaires de l'ouvrage Le rescapé de la Sémillante, au prix de 18, 96 euros l'unité, mention étant faite que 32 exemplaires sont expédiés au domicile corse, un exemplaire remis à 'Paroles d'Hucbald' et 17 exemplaires à disposition et il a émis, le 13 novembre 2006, une autre facture au nom de M. François BIANCONI pour 29 exemplaires de l'ouvrage.

Il résulte ainsi des deux factures ci-dessus et de deux courriels en date des 24 et 25 juin 2006 dans lesquels M. BIANCONI écrit : oui, c'est un beau bouquin et la qualité globale est supérieure à celle de 'LAU', que l'auteur a alors accepté l'ouvrage tel qu'imprimé et en a acheté plusieurs exemplaires, bien qu'ayant exprimé certaines critiques dans les deux courriels susvisés en ces termes: tu diras à l'imprimeur d'imprimer avec un 'noir' plus profond, les remerciements sont trop discrets, Marine au lieu de Marie, la couverture n'est pas assez épaisse et après quelques manipulations rebique, le rappel du titre Le rescapé de la Sémillante préalablement à chapître 1 est inutile.

M. MINEUR produit une attestation de M. Thierry GHESQUIERES en date du 20 mars 2008 qui déclare qu'avant l'impression, cet ouvrage a fait l'objet de nombreuses corrections d'auteur demandées et validées par M. MINEUR, que trois cents exemplaires de cet ouvrage ont été imprimés et qu'après la livraison, il n'a pas fait l'objet de remarques particulières quant à la qualité de l'impression et de la mise en page.

Il met également en évidence une différence entre le texte du manuscrit en format A4 qui lui a été confié et l'exemplaire imprimé de l'ouvrage (page 19), ce qui permet de démontrer que M. BIANCONI a effectué une correction (sur le fond), postérieurement à la remise de son manuscrit.

Il ressort certes de l'exemplaire de l'ouvrage Le rescapé de la Sémillante

produit aux débats que plusieurs défauts affectent la présentation, la mise en page et l'impression du livre : remerciements placés en fin d'ouvrage avec une erreur dans le prénom de l'une des personnes remerciées, titre du roman figurant au-dessus du premier

chapître, une faute d'orthographe ou d'impression sur la quatrième de couverture, des coupures malencontreuses de paragraphes et d'une correspondance, pages ne contenant qu'une ou deux lignes, mention sur la quatrième de couverture d'un prix de 20 euros au lieu de 19 euros.

M. BIANCONI verse aux débats une attestation émanant de M. Georges PHILIPPART qui déclare avoir trouvé de 'nombreuses fautes d'orthographe non corrigées, ex : quatrième page de couverture des ses ancêtres etc etc' et indique 'dans ton roman, chaque chapître commence en milieu de page, est-ce par économie de papier' Cet avis m'a été confirmé par mon club de lecture'.

En réalité, M. BIANCONI (comme son témoin) ne relève pas d'autre faute

d'orthographe que celle de la quatrième de couverture.

Il n'est pas justifié de ce que d'autres lecteurs auraient émis des critiques sur le livre édité par M. MINEUR.

Dès lors, il y a lieu de constater que, alors que l'article L 132-11 du code de la propriété intellectuelle ne fait pas de la signature par l'auteur d'un bon à tirer une condition de la publication, M. BIANCONI, jusqu'à sa lettre de résiliation en date du 31 janvier 2007, a accepté les 300 exemplaires du roman tels qu'ils avaient été publiés, puisqu'il n'a pas manifesté expressément son désaccord à ce sujet, qu'il n'a pas non plus retourné à son éditeur les livres qu'il avait achetés, ni demandé à celui-ci d'arrêter immédiatement la commercialisation du surplus du stock.

Les défauts ci-dessus décrits n'apparaissent par ailleurs pas suffisamment graves pour caractériser une faute qu'aurait commise M. BIANCONI dans l'exécution de ses obligations.

M. BIANCONI reproche également à M. MINEUR de ne pas avoir respecté ses obligations en ce qui concerne la promotion et la distribution de son livre, édictées par l'article V du contrat, à savoir l'éditeur s'engage à faire en permanence la promotion et la distribution de l'ouvrage tel qu'il le fait habituellement pour les autres ouvrages de son catalogue et notamment en contacts presse, présence sur salons et fêtes du livre, distribution directe et diffusion spécialisée, celui-ci n'ayant pas référencé son livre auprès de la FNAC ou du FURET DU NORD et ne lui ayant pas permis d'assurer une séance de dédicace à la FNAC de VALENCIENNES, comme il le lui avait proposé.

Or, M. MINEUR soutient que M. BIANCONI a participé aux salons du

livre d'AUMALE, de DOMART EN PONTHIEU, BRIVE LA GAILLARDE et LE TOUQUET, à des séances de présentation et de dédicace organisées par l'association 'Paroles d'Hucbald' à la médiathèque de SAINT AMAND DES EAUX et qu'il a été référencé sur des sites INTERNET de librairies en ligne (ELECTRE, PASSION DU LIVRE, AMAZON).

Ainsi, M. BIANCONI ne démontre pas en quoi M. MINEUR n'a pas rempli son obligation en ce qui concerne la promotion du livre, qui est une obligation de moyens, alors qu'il n'était pas précisé au contrat que le livre devait être référencé à la FNAC ou au FURET DU NORD.

Par ailleurs, M. BIANCONI n'étant pas le seul écrivain édité par M. MINEUR, il ne rapporte pas la preuve de ce qu'il ait été irrégulièrement évincé d'une séance de dédicace organisée par la FNAC de VALENCIENNES.

La faute qu'aurait commise M. MINEUR dans son obligation d'assurer la promotion et la diffusion du roman écrit par M. BIANCONI n'est pas établie non plus.

En conséquence, il n'est pas démontré que les manquements invoqués par M. BIANCONI constituaient des fautes graves susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts, tandis que c'est seulement après cinq mois de commercialisation que ce dernier a entendu mettre fin au contrat, n'introduisant une action judiciaire qu'une année plus tard.

Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement qui a dit que la résiliation devait être validée aux torts de l'éditeur et qui a condamné ce dernier à indemniser M. BIANCONI du préjudice qu'il avait subi.

M. BIANCONI n'est pas fondé non plus à demander que M. MINEUR soit condamné à réparer son préjudice commercial résultant du refus de résiliation amiable du contrat d'édition, en faisant valoir que, s'il a souscrit un nouveau contrat avec un autre éditeur, la société EDITEUR INDEPENDANT, le 16 mai 2007, il ne pouvait donner suite à cette proposition car il était tenu par le contrat d'édition exclusif conclu avec M. MINEUR, que la maquette de roman a été préparée par le nouvel éditeur mais que le livre ne pouvait être commercialisé tant que le premier contrat n'avait pas été résilié judiciairement, à défaut d'accord.

M. MINEUR démontre en effet que le livre Le rescapé de la Sémillante figurait sur les sites de vente de la FNAC et ALAPAGE.COM en janvier et mai 2008 et il justifie en avoir acheté un exemplaire le 8 février 2008.

Les contestations de M. MINEUR n'ont donc pas empêché la publication de l'ouvrage par la société EDITEUR INDEPENDANT, ni sa commercialisation.

Il apparaît du reste, au vu de l'exemplaire produit aux débats, que l'ouvrage publié par la société EDITEUR INDEPENDANT comporte lui-même une faute d'orthographe dans le titre apposé sur la première page de couverture 'Le réscapé de la Sémillante.'

Par ailleurs, aucune clause du contrat ne prévoit les conditions dans lesquelles le stock en cours doit être liquidé, en cas de résiliation.

Il est seulement stipulé à l'article IV mévente, déstockage, destruction que,

si deux ans après la mise en vente d'un tirage, les ventes sont, en volume, inférieures à huit pour cent par an du tirage, l'éditeur pourra, après en avoir informé l'auteur, soit solder le stock, soit le mettre au pilon, que ces opérations exonèrent l'éditeur du paiement des droits d'auteur sur le stock concerné, mais lui imposent de fournir à l'auteur, dès la liquidation effectuée, un certificat précisant la date, le mode de liquidation et le nombre d'ouvrages liquidés, que l'auteur aura un droit de rachat du stock à liquider, à condition d'en faire expressément la demande (...)

M. BIANCONI ayant refusé de racheter le stock, à savoir environ 100 exemplaires de l'ouvrage selon la lettre de M. MINEUR en date du 28 septembre 2007, il ne peut reprocher à ce dernier d'avoir essayé de le commercialiser postérieurement à la résiliation qui lui avait été notifiée, ni d'avoir proposé le livre à la vente sur le site Ebay sous l'intitulé 'NEUF DECLASSE moins 60 %', au prix de 8 euros, ou sous l'intitulé 'aventures + sentiment' au prix de 10 euros.

D'ailleurs, par courrier en date du 1er octobre 2007, il avait répondu à M. MINEUR pour lui confirmer 'qu'il considérait que le contrat était rompu sans appel' et qu'il n'était 'plus habilité à se prévaloir de son ouvrage Le rescapé de la Sémillante, cependant sous réserve de l'écoulement par vos soins des 100 exemplaires en votre possession.'

Les demandes en dommages et intérêts formées par M. BIANCONI en réparation de son préjudice commercial et de son préjudice moral doivent être rejetées.

M. Hervé MINEUR admet en cause d'appel que M. François BIANCONI avait le droit de résilier unilatéralement le contrat d'édition, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, mais il soutient que cette rupture n'était pas légitime, puisqu'il avait lui-même respecté ses obligations, qu'en outre, M. BIANCONI aurait dû observer un délai de préavis, ce qui n'a pas été le cas, qu'en conséquence, la rupture est abusive.

Le contrat d'édition signé le 19 mai 2006 entre M. BIANCONI et M. MINEUR est un contrat à durée indéterminée, à exécution échelonnée.

La partie qui met fin à un contrat de durée indéterminée n'a pas à justifier d'un quelconque motif, mais le juge peut, à partir de l'examen de circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus le droit de rompre.

Il y a abus lorsque la mauvaise foi de l'auteur de la rupture est établie, notamment lorsque que la rupture repose sur un motif illégitime.

Dans ces conditions, il n'appartient pas au juge d'apprécier le caractère juste ou non des griefs allégués, mais de s'assurer qu'ils reposent sur des faits réels.

Au vu des imperfections décrites ci-dessus concernant la présentation et la mise en pages du roman, M. BIANCONI avait le droit, sans commettre d'abus, de ne pas souhaiter que l'éditeur procède à de nouveaux tirages de son roman.

En invoquant l'insuffisance de moyens mis en oeuvre pour la promotion et la diffusion de son livre et le fait qu'il n'ait pas été retenu pour la séance de dédicace à la FNAC de VALENCIENNES, comme il l'a fait valoir à M. MINEUR dans un courriel en date du 8 décembre 2006, M. BIANCONI n'a pas non plus abusé de son droit de résiliation, alors qu'à cette date, seuls 27 exemplaires de l'ouvrage avaient été vendus.

Enfin, dans la mesure où le contrat ne prévoyait aucun préavis de résiliation, que M. BIANCONI n'a pas exigé que M. MINEUR cesse immédiatement de commercialiser le livre, qu'il n'a pas réclamé la restitution des exemplaires non vendus et qu'il autorisé M. MINEUR à écouler les 100 exemplaires encore en sa possession, le caractère abusif de la rupture du contrat lié au non-respect d'un délai de préavis n'est pas démontré non plus.

En conséquence, il convient de constater qu'en résiliant le contrat, M. BIANCONI n'a pas entendu poursuivre un but autre que celui de mettre fin à des relations contractuelles qu'il jugeait insatisfaisantes et qu'il n'a pas commis de faute, de sorte qu'il y a lieu de débouter M. MINEUR de sa demande tendant à voir juger que la résiliation était abusive et de sa demande en dommages et intérêts consécutive, fondée sur les dispositions de l'article 1149 du code civil.

Il y a lieu, le contrat étant résilié, de confirmer le jugement qui a ordonné à M. MINEUR de cesser définitivement de commercialiser le livre intitulés Le rescapé de la Sémillante et de détruire les ouvrages éventuellement encore en sa possession, sans toutefois qu'il soit nécessaire de confirmer l'astreinte.

Chacune de parties obtenant partiellement gain de cause en ses prétentions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. Hervé MINEUR aux dépens et au paiement des frais irrépétibles.

Il sera confirmé en ce qu'il a débouté M. BIANCONI de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive.

M. BIANCONI doit être débouté de ses demandes fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

M. MINEUR doit quant à lui être débouté de sa demande fondée sur l'article 37 de la loi du10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a ordonné à M. Hervé MINEUR de

cesser définitivement de commercialiser le livre Le rescapé de la Sémillante et de détruire les ouvrages restés en sa possession ou en dépôt et en ce qu'il a débouté M. BIANCONI de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive

STATUANT à nouveau,

DEBOUTE M. François BIANCONI de sa demande de résiliation du contrat aux torts de M. Hervé MINEUR et de sa demande de dommages et intérêts

Y AJOUTANT

DEBOUTE M. Hervé MINEUR de sa demande tendant à voir dire que la résiliation du contrat par M. François BIANCONI est abusive

LE DEBOUTE de sa demande en dommages et intérêts

DIT n'y avoir lieu à astreinte en ce qui concerne la destruction des ouvrages.

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel et sur celle de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.