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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 13 octobre 2022, n° 22/01364

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseillers :

Mme Deryckere, Mme Michon

Avocats :

Me Corvaisier, Me Souchon

JEX Chartes, du 25 févr. 2022, n° 21/007…

25 février 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI LEA est propriétaire d'un immeuble situé au [Adresse 8].

Selon acte sous seing privé, la SCI LEA a consenti à la société AM un bail commercial sur cet immeuble pour une durée de 9 années consécutives à compter du 1er avril 2018 pour se terminer le 31 mars 2027, moyennant le paiement d'un loyer annuel hors charges de 21.600 euros payable par trimestre et d'avance ainsi que d'une provision sur charges, en vue de l'exploitation d'un bar brasserie.

La SCI LEA avait été constituée par M [B] [G] et Mme [J] [W] en décembre 1992.

Suite à la cession de parts sociales intervenue le 31 juillet 2003, M [B] [G] détenait 99 parts de la SCI LEA, la part restante étant détenue par Mme [J] [W].

Par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 22 septembre 2015, M [B] [G] a été solidairement condamné avec M [F] [N] à payer à M [D] [U] les sommes de 62.259,16 euros (indexée sur l'indice BT 01 du 23 novembre 2011 au jour du paiement), 7.975,80 euros, 2.112,71 euros, 11.963,70 euros (indexée sur l'indice BT 01 à compter du 9 janvier 2008 jusqu'au paiement), outre 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

En exécution de cette décision, M [D] [U] a fait convertir le procès-verbal de saisie conservatoire de droits d'associés précédemment dressé, selon acte d'huissier du 1er février 2017, entre les mains de la SCI LEA, au préjudice de M [B] [G], pour recouvrement de la somme de 93.367,57 euros en principal, accessoires et frais. Cet acte a été dénoncé le 3 février 2017 et n'a pas fait l'objet de contestation.

Selon procès-verbal de vente aux enchères publiques en date du 1er mars 2019, M [D] [U] s'est porté acquéreur des 99 parts de M [B] [G] par adjudication pour le prix de 125.299,02 euros.

Selon procès-verbal en date du 1er avril 2019, l'assemblée générale extraordinaire de la SCI LEA a :

démis M [B] [G] de ses fonctions de gérant à compter du 1er avril 2019 nommé M [D] [U] en cette qualité en ses lieu et place à compter de la même date transféré le siège social de la SCI LEA au [Adresse 6] opéré la modification des statuts de ladite SCI résultant du changement d'associé et du transfert du siège social.

Aux termes d'une ordonnance de référé du 9 septembre 2019, la société AM a été condamnée solidairement avec M [B] [G] à payer à la SCI LEA la somme de 8.250 euros à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif pour la période d'avril 2018 à février 2019 inclus et la somme provisionnelle de 1.800 euros à valoir sur le montant du loyer du 1er mars 2019.

Suite à l'appel interjeté par M [B] [G] et la société AM à l'encontre de cette décision, l'affaire a été radiée par ordonnance du 26 mars 2020 rendue par la cour d'appel de Versailles.

Selon commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 14 janvier 2020, la SCI LEA a sollicité de la société AM le paiement d'un arriéré locatif d'un montant total en principal et frais de 31.407,25 euros.

Une procédure aux fins notamment de constat de l'acquisition de la clause résolutoire a été introduite par la SCI LEA à l'encontre de M [B] [G] et de la société AM, laquelle a abouti à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé, compte tenu de l'existence de contestations sérieuses par décision en date du 30 novembre 2020.

Par ordonnance de ce même jour, il a été également dit n'y avoir lieu à référé dans le cadre d'une instance engagée par Mme [L] [W], laquelle a été déboutée de ses demandes de nullités des convocations en vue de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI LEA du 1er avril 2019 ainsi que de la nullité du procès-verbal de cette assemblée générale. Les demandes de la SCI LEA et de M [D] [U] tendant à la révocation de M [B] [G] de ses fonctions de gérant de la SCI LEA et tendant à la nomination d'un mandataire ad'hoc ont été déclarées irrecevables, leurs demandes de condamnation provisionnelle ayant été rejetées.

Selon ordonnance du tribunal judiciaire de Chartres du 29 mars 2021, le juge des référés a désigné M [Z] [R] SELARL AJ Associés, en qualité d'administrateur provisoire de la SCI LEA.

Par ordonnance du 27 septembre 2021, le juge des référés a notamment constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail signé entre la SCI LEA et la société AM portant sur les locaux situés au [Adresse 7], à la date du 14 février 2020, ordonné l'expulsion de la société AM et de tous occupants de son chef, et condamné la société AM à une indemnité d'occupation.

Par acte d'huissier en date du 7 mai 2021, M [B] [G] a fait assigner M [D] [U] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chartres en nullité de la procédure d'adjudication des parts de la SCI LEA.

Le jugement contradictoire du juge de l'exécution de Chartres en date du 22 février 2022 a :

Débouté M [B] [G] de l'ensemble de ses demandes

Condamné M [B] [G] à payer à M [D] [U] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Condamné M [B] [G] à payer à M [D] [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné M [B] [G] aux entiers dépens

Rappelé que le présent jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

M [B] [G] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 8 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions du 21 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M [B] [G], appelant, demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chartres en date du 25 février 2022 RG n°21/00701 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Prononcer la nullité de l'adjudication des parts sociales de la SCI LEA pour défaut de paiement du prix de vente

Condamner M [D] [U] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

l'adjudication est nulle compte tenu de l'absence de paiement comptant du prix de l'adjudication contrairement au cahier des charges, puisque ce paiement n'a pu être effectué par compensation, sa présente action est justifiée compte tenu des circonstances de l'adjudication litigieuse du fait notamment de la désignation d'un nouveau dirigeant, l'expulsion du locataire, la vente à un prix dérisoire, le refus de remboursement des comptes courants d'associés.

Dans ses dernières conclusions 15 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M [D] [U], intimé, demande à la cour de :

Juger M [B] [G] mal fondé en son appel ;

Juger M [D] [U] bien fondé en ses demandes reconventionnelles ;

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chartres le 25 février 2022, à la seule exception du montant alloué au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

En conséquence :

Débouter M [B] [G] de l'ensemble de ses demandes, prétentions, moyens, fins et conclusions ;

Et, statuant de nouveau :

Condamner M [B] [G] à verser à M [D] [U] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Y ajoutant,

Condamner M [B] [G] à verser à M [D] [U] la somme de 5 000 € à titre d'indemnité relative aux frais irrépétibles d'appel ;

Condamner M [B] [G] aux entiers dépens de l'appel.

Il fait valoir que :

l'adjudication litigieuse a porté non pas sur les immeubles de la SCI mais ses parts sociales,

l'adjudication contestée ne souffre d'aucune irrégularité,

le prix de vente peut être payé par compensation,

le jugement contesté doit être confirmé également en ce qu'il condamne l'appelant au paiement de dommages et intérêts mais infirmé quant au quantum devant être évalué à la somme non pas de 1.500 euros mais de 5.000 euros pour procédure abusive.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 6 septembre 2022, fixée à l'audience du 14 septembre 2022 et mise en délibéré au 13 octobre 2022 .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation de l'adjudication des parts sociales de la SCI LEA

Aux termes des dispositions de l'article R251-1 du code de procédure civile d'exécution, le produit de la vente est remis à celui-ci jusqu'à concurrence du montant de sa créance, en principal, intérêts et frais, dans un délai d'un mois au plus tard à compter de la vente forcée ou en cas de vente amiable, à compter du jour où le prix est payé. Dans le même délai, le solde est remis au débiteur.

Il convient de constater, que M [D] [U] a été déclaré adjudicataire selon procès-verbal de vente aux enchères publiques en date du 1er mars 2019 des 99 parts détenues par M [B] [G] dans la SCI LEA pour le prix de 100. 000 euros outre la somme de 25.299,02 euros, frais d'exécution et honoraires compris.

Ce dernier est ainsi devenu débiteur envers [B] [G] de l'obligation de lui payer le prix d'adjudication, ainsi que celui les charges et accessoires

Il résulte de l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles du 22 septembre 2015, que M [B] [G] a été condamné, solidairement avec M [F] [N] à payer à M [D] [U] les sommes de 62.259,16 euros (indexée sur l'indice BT 01à compter du 9 janvier 2008 jusqu'au paiement), outre 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens. Cet arrêt a été signifié à M [B] [G] par acte d'huissier du 27 janvier 2016, décision n'a pas été formé de pourvoi en cassation.

En exécution de cette décision, M [D] [U] a fait convertir le procès-verbal de saisie conservatoire de droits d'associés, selon acte d'huissier du 1er février 2017, dénoncé le même jour à M [B] [G]. Cet acte n'a fait l'objet d'aucune contestation.

Un nantissement judiciaire des parts détenues par M [B] [G] au sein de la SCI LEA a été inscrit au profit de M [D] [U] le 6 juin 2018.

Il y a par conséquent lieu de constater, qu'à la date de l’adjudication, M [B] [G] était débiteur de l'obligation de payer à M [D] [U] du montant des condamnations de l'arrêt susvisé.

Aux termes des dispositions de l'article 1347 du code civil, applicables aux faits de l'espèce, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.

Elle s'opère sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

Il convient de relever, qu'à la date de l'adjudication, il existe des obligations réciproques entre M [B] [G] et M [D] [U]. Le caractère fongible, certain, liquide et exigible de chacune de ces obligations à la date de l'adjudication n'est contesté par aucune des parties au présent litige.

Au soutien de la nullité de l'adjudication, l'appelant conteste le paiement du prix n'ayant pu avoir eu lieu par compensation, comme prétendu par l'adjudicataire.

Ceci étant posé, il appartient par conséquent à la Cour de dire si le paiement par l'adjudicataire également créancier poursuivant par le jeu de la compensation a pu avoir lieu comme retenu par le premier juge.

Il résulte de l'article R251-1 du code de procédure civile d'exécution que la compensation a nécessairement joué.

Il sera relevé que le cahier des charges dressé par Maître [E] le 30 octobre 2018 en vue de la vente des parts sociales de la SCI LEA, signifié à la SCI LEA, M [B] [G] et Mme [L] [W] par actes d'huissier des 28 et 29 novembre 2018, prévoit en son article 8 relatif au paiement du prix d'adjudication que :

'L'adjudicataire sera tenu de payer le montant de l'adjudication ainsi que celui du cahier des charges et accessoires, au comptant, dès son prononcé et au plus tard dans les 20 jours suivants la date de vente et sous peine de revente sur folle enchère.

Ce paiement aura lieu entre les mains de la Sarl Dublois et Fontaine, huissier de justice.'

Il convient de relever que le cahier des charges de la vente aux enchères en cause ne prévoit pas non plus expressément un paiement du prix par compensation.

Le paiement par compensation du prix par l'adjudicataire peut s'opposer à la distribution du prix en cas de pluralité de créanciers, or en l'espèce et lors de la rédaction du cahier des charges, il était connu par l'ensemble des parties qu'il n'existait qu'un seul créancier et donc l'inutilité, en l'absence d’autres créanciers auxquels le paiement par compensation aurait pu porter préjudice, de prévoir expressément le paiement du prix par compensation par le cahier des charges.

L'exigence de versement du prix entre les mains de l'huissier reviendrait à contraindre l'adjudicataire à verser le prix de vente pour le récupérer ensuite en totalité dans la procédure de distribution en sa qualité de seul créancier, alors que le paiement par compensation lui permet de s'affranchir de ce versement en tout ou en partie en fonction du montant dès sa créance.

Le défaut de versement du prix entre les mains de l'huissier de justice ne peut dès lors permettre de justifier d'un défaut de paiement régulier.

Le paiement du prix de l'adjudication comptant, seule condition du paiement prévue par le cahier des charges est respecté par le jeu de la compensation en opérant l'extinction immédiate des dettes réciproques.

La compensation, qui n'est interdite, ni par les dispositions légales applicables, ni par les dispositions du cahier des charges de la dite vente devra dès lors être retenue, sauf à obliger la Cour à ajouter des conditions aux modalités de paiement par adjudication prévues au cahier des charges, alors qu'elle n'a pas le pouvoir en appel de la présente décision de se prononcer sur les modalités de l'adjudication, le premier juge sera dès lors approuvé en ce qu'il a retenu le paiement du prix d'adjudication par compensation et a dès lors débouté M [B] [G] de sa demande d'annulation pour défaut de paiement du prix.

Le décompte de l'huissier versé aux débats par l'intimé en pièce 31, prenant en compte la somme de 100.000 euros au titre du prix de l'adjudication et chiffrant à la somme totale de 128.097,26 euros, y compris les frais et honoraires, montant total à la charge de l'adjudicataire, a à juste titre déduit la somme de 100.000 euros versée par compensation, outre les sommes de 2.764,71 et 25.334,03 versées par l'adjudicataire, laissant apparaître un solde de 1,48 euros en faveur de ce dernier, démontrant que le montant de l'adjudication ainsi que celui du cahier des charges et accessoires ont été payés intégralement par l'adjudicataire.

Le jugement contesté sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de l'adjudication pour défaut de paiement du prix.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts de M [D] [U] à l'encontre de M [B] [G] pour procédure abusive

M [D] [U] a formé un appel incident quant au quantum de la condamnation de M [B] [G] à son profit à titre de dommages et intérêts de 1.500 euros et sollicite à ce titre la somme de 5.000 euros, montant demander devant le premier juge.

Il sera relevé que, M [B] [G], sollicite dans le dispositif de ses conclusions d'appelant, qui seul saisi la cour, l'infirmation du jugement contesté en toutes ses dispositions et donc y compris en ce qu'il le condamne au paiement de la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts mais ne sollicite pas le rejet de la demande de condamnation en dommages et intérêts de la partie adverse à hauteur de 5.000 euros à titre d'appel incident.

Le premier juge a apprécié à sa juste valeur, le montant de la condamnation en paiement à la charge de M [B] [G] à hauteur de la somme de1.500 euros comme devant indemniser le préjudice consécutif à la saisine abusive du juge de l'exécution alors qu'il se savait débiteur de la partie adverse n'ayant pas réglé les condamnations à sa charge.

L'appel incident de M [D] [U] quant au quantum de la condamnation à des dommages et intérêts sera par conséquent rejeté et le jugement contesté confirmé en toutes ses dispositions.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de M [D] [U].

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions y compris en ce qu'il condamne M [B] [G] à payer à M [D] [U] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Y ajoutant,

Condamne M [B] [G] à payer à M [D] [U] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [B] [G] aux entiers dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.