CA Lyon, 6e ch., 6 mai 2021, n° 20/05166
LYON
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Zeus Sécurité (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Allais, Mme Delaby
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par jugement du 15 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Lyon a notamment condamné la société Zeus Sécurité à verser à monsieur Jean-Jacques G. les sommes suivantes :
- 272 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 1.367 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 136,70 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 346 euros au titre du droit individuel à la formation,
avec intérêts légaux à compter du 23 janvier 2012,
- 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat,
- 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
avec intérêts légaux à compter du jugement.
Par ordonnance de référé du 15 février 2016, le premier président de la cour d'appel de Lyon a
débouté la société Zeus Sécurité de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Par arrêt du 13 décembre 2017, la cour d'appel de Lyon a notamment confirmé le jugement susvisé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. G. était sans cause réelle et sérieuse, infirmé sur d'autres points et statuant à nouveau, a condamné la société Zeus Sécurité à payer à M. G. les sommes suivantes :
- 1.500 euros au titre de l'indemnité de requalification,
- 2.734 euros au titre de l'indemnité de préavis outre celle de 273,40 euros au titre des congés payés afférents,
- 547 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 1.300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier de justice en date du 17 avril 2019, dénoncé le 24 avril 2019, M. G. a fait procéder à la saisie attribution des comptes bancaires détenus par la société Zeus Sécurité auprès de HSBC, pour une somme en principal, intérêts et frais de 5.570,71 euros.
Par acte d'huissier de justice en date du 23 mai 2019, la SARL Zeus Sécurité a fait assigner M. G. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon.
En principal, elle a demandé au juge de l'exécution de cantonner la saisie-attribution à hauteur de 3.232,98 euros, ordonner la mainlevée de la saisie pour le surplus et rejeter la demande de M. G. au titre de frais afférents à cet acte de saisie évalués par l'huissier de justice à la somme de 1.449,28 euros ou, à titre subsidiaire réduire les frais réclamés aux seuls actes utiles dûment justifiés et au tarif prévu par les textes.
M. G. a excipé de l'irrecevabilité de la contestation de la saisie-attribution. A titre subsidiaire, il a conclu au rejet des demandes en soutenant que la société Zeus Sécurité restait redevable au jour de la saisie-attribution de la somme de 5 570,71 euros.
Après plusieurs renvois à la demande de parties et au regard de la crise sanitaire, l'affaire a été plaidée à l'audience du 16 juin 2020.
Par jugement du 8 septembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré la SARL Zeus Sécurité irrecevable en sa contestation de la saisie-attribution à laquelle a fait procéder à son encontre M. G. par acte d'huissier du 17 avril 2019, dénoncé le 24 avril 2019, sur les comptes bancaires qu'elle détient auprès de HSBC, pour une somme en principal, intérêts et frais de 5 570,71 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- condamné la SARL Zeus Sécurité à verser à M. G. la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Zeus Sécurité aux entiers dépens de l'instance,
- rappelé que cette décision est exécutoire de droit par provision.
La sarl Zeus Sécurité a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 25 septembre 2020.
En ses conclusions du 15 octobre 2020, la Sarl Zeus Sécurité demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles R.211-11 et R.211-12 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, 503 du code de procédure civile et 1347 et 1347-1 du code civil :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- prononcer l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevable sa contestation, l'a déboutée de sa contestation au fond et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles.
statuer à nouveau,
- rejeter la saisie attribution, pratiquée par la SCP M., huissiers de justice, par procès-verbal du 17 avril 2019, entre les mains de la HSBC agence de Caluire et Cuire, en ce qu'elle porte sur la somme de 5.570,71 euros,
- donner acte à l'appelante en ce qu'elle reconnaît le montant de la créance de M. G. pour le montant de 2.873,71 euros, principal intérêt et frais inclus,
- ordonner le cantonnement de la créance de M. G. à la somme non contestée de 2.873,71 euros,
- ordonner la mainlevée de la saisie pour le surplus de la somme saisie,
à titre principal, rejeter la demande de M. G. au titre de frais afférents à cet acte de saisie évalués par l'huissier à la somme de 1.449,28 euros,
à titre subsidiaire, réduire les frais réclamés aux seuls actes utiles dûment justifiés et au tarif prévu par les textes,
- condamner M. G. à la contribution aux frais engagés par l'appelante dans la limite de 1.500 euros.
Par conclusions du 5 novembre 2020, Jean-Jacques G. demande à la Cour de statuer comme suit :
à titre principal,
- confirmer le chef du jugement ayant déclaré irrecevable la contestation de la saisie-attribution du 17 avril 2019 qu'a fait pratiquer M. G. à l'encontre de la Sarl Zeus Sécurité entre les mains de la société HSBC France,
- confirmer le chef du jugement ayant alloué à M. G. la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance,
- confirmer le chef du jugement ayant condamné la société Zeus Sécurité aux dépens de l'instance,
y ajoutant,
- condamner la Sarl Zeus Sécurité à verser à M. G. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel,
- la condamner aux dépens,
à titre subsidiaire,
- constater qu'à la date de la saisie-attribution du 17 avril 2019, la société Zeus Sécurité restait redevable en principal, intérêts et frais à l'égard de M. G., en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 décembre 2017 et de l'ordonnance de référé du premier président de la cour d'appel de Lyon du 13 février 2016, de la somme de 5570,71 euros,
- débouter la Sarl Zeus Sécurité de ses demandes de mainlevée et de cantonnement de la créance en principal, intérêts et frais,
en tout état de cause,
- condamner la Sarl Zeus Sécurité à payer à M. G. une indemnité de procédure de 1.500 euros,
- rejeter les prétentions adverses,
- condamner la Sarl Zeus Sécurité aux dépens de l'instance.
Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la contestation
L'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution prévoit, à peine d'irrecevabilité, que les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.
Le juge de l'exécution a relevé que la société Zeus Sécurité produisait la lettre recommandée avec avis de réception du 23 mai 2019, soit la date de son acte introductif d'instance, adressée à l'huissier de justice instrumentaire, mais ne justifiait pas de son envoi faute de produire l'accusé de réception délivré par les services postaux.
Cependant, la justification de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception ne saurait être tributaire de la production de celui-ci, dès lors que les aléas du service postal ne permettent pas toujours à l'envoyeur de recevoir l'accusé de réception. La preuve de l'envoi se fait donc par la preuve du dépôt de la lettre, revêtue du cachet de la Poste.
En l'espèce, la société Zeus Sécurité verse aux débats la copie de la preuve de dépôt du courrier adressé par la SAS d'huissiers de justice Sinequae à la SCP d'huissiers de justice M., instrumentaire de la saisie-attribution, avec le cachet du bureau de poste de Lyon -Vaise daté du 23 mai 2019.
Et, en dernier lieu, la société Zeus Sécurité a produit la copie de l'accusé de réception signé le 27 mai 2019 par la SCP M..
M. G. soutient vainement que ces pièces sont insuffisantes car la lettre ne porte pas de numéro d'envoi, suggérant ainsi que les documents postaux se rapporteraient à un autre courrier.
On ne voit pas comment la lettre pourrait contenir le numéro du bordereau utilisé si celui-ci a été pris et rempli au bureau de poste alors que la lettre était déjà cachetée. Surtout, il n'est pas prétendu ni justifié que la SCP M. aurait été destinataire le même jour d'un autre courrier de la SAS Sinequae.
Par ailleurs, le fait que l'appelante produise des photocopies et non les originaux des pièces postales ne suffit pas à les écarter à défaut d'inscription de faux ou de tout élément de nature à faire suspecter l'inexactitude de la reproduction des originaux.
Dans ces conditions, la production des copies du courrier et de l'accusé de réception est suffisante pour démontrer l'envoi et, de surcroît, la réception de la lettre prévue par les dispositions précitées. Le jugement est infirmé en ce qu'il a déclaré la contestation irrecevable.
Sur la créance initiale et le calcul de l'huissier de justice
La créance initiale de M. G. envers son ancien employeur se détermine comme suit en principal :
- indemnité de préavis 2.734,00
- congés payés 273,40
- indemnité de licenciement 547,00
- indemnité de requalification 1.500,00
- dommages et intérêts 10.000,00
- article 700 du code de procédure civile (arrêt du 13 décembre 2017) 1.300,00
- article 700 du code de procédure civile (ordonnance du 15 février 2016) 1.000,00
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total : 17.354,40
dont créances salariales : 5.054,40
Le procès-verbal de l'huissier de justice du 17 avril 2019 porte sur les sommes suivantes :
créances salariales : 5.054,40
dommages et intérêts : 10.000,00
article 700 : 2.300,00
intérêts acquis au taux de 5,86 % 1.130,69
provision pour intérêts à échoir/ 1 mois : 78,76
frais de procédure : 322,97
émolument proportionnel : 17,46
frais de la présente procédure : 325,71
coût de l'acte : 131,72
acomptes déduits : - 13.791,00
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solde à payer : 5.570,71
Sur les intérêts légaux
La société Zeus Sécurité fait valoir que Me M. n'a pas donné le détail du calcul des intérêts. Or, ceux-ci ne peuvent être calculés sans tenir compte des règlements intervenus précédemment en exécution de la décision prud'homale.
Elle produit des bulletins de paie de mars 2016 et juillet 2018 faisant apparaître, les sommes revenant au salarié pour 13.803,86 euros et 1.873,71 euros, soit au total 15.677,57 euros.
Pour autant, elle ne justifie que du versement d'un chèque de 13.791,86 euros débité de son compte le 21 avril 2016, ce montant correspondant approximativement à la déduction de l'huissier de justice pour 13.791,00 euros.
La créance de M. G. au titre de l'ordonnance de référé du premier président du 15 février 2016 s'est éteinte par compensation avec le règlement du 21 avril 2016 et l'huissier de justice n'avait pas à décompter d'intérêts légaux à ce titre.
De même, une bonne partie des sommes revenant à M. G. en exécution de l'arrêt d'appel du 13 décembre 2017 a également été réglée par compensation avec le solde du règlement d'avril 2016 et seul le différentiel pouvait générer des intérêts légaux.
M. G., qui a la charge de la preuve de sa créance d'intérêts, ne fournit pas de décompte permettant de vérifier le calcul de ceux-ci et, notamment de s'assurer qu'ils n'ont pas été chiffrés sur la totalité des sommes courues depuis les décisions de justice sans prise en compte des règlements partiels intervenus. Le détail du calcul des intérêts figurant sur un procès-verbal de saisie-vente produit par la société Zeus Sécurité fait d'ailleurs apparaître que Me M. n'avait tenu aucun compte de ces règlements.
En conséquence, il y a lieu d'écarter de la saisie-attribution la créance d'intérêts légaux comme n'étant pas certaine, liquide et exigible.
Sur les frais
Les frais de procédure paraissent correspondre aux dépens des procédures suivies devant la juridiction prud'homale, le premier président et la cour d'appel. Pour autant, aucun décompte n'est versé aux débats et, en conséquence, il convient de les écarter aussi de la saisie-attribution.
Sur les 'frais de la présente procédure'
Contrairement à ce que soutient l'appelante, il est bien renvoyé dans le procès-verbal de saisie-attribution au détail des actes en attente. Le montant total de 325,71 euros, à caractère provisionnel, peut être revu à la baisse par déduction des coûts de certificat de non contestation et de signification en cas de non contestation.
Le taux proportionnel auquel peut prétendre l'huissier de justice ne peut être calculé que sur les sommes restant dues après compensation. En l'absence de justificatif du calcul du coût des actes, la Cour n'est pas mise en mesure de vérifier ce calcul et sa conformité au tarif des huissiers de justice.
En conséquence, ces frais sont également écartés de la saisie-attribution.
Sur le cantonnement de la saisie-attribution
En définitive, la saisie-attribution doit être cantonnée au montant de la créance en principal sous déduction du règlement justifié, soit : 17.354,40 - 13.791,86 = 3.562,54 euros.
Il appartient à M. G. de faire établir par l'huissier de justice un chiffrage détaillé des coûts de procédure et des intérêts légaux en conformité avec les observations faites, puis de recouvrer cette somme par un autre moyen.
Sur les demandes accessoires
Chaque partie échouant partiellement en ses prétentions conserve la charge des dépens et frais irrépétibles qu'elle a exposés, en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Réforme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 8 septembre 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon,
Statuant à nouveau,
Déclare la Sarl Zeus Sécurité recevable en sa contestation,
Cantonne à la somme de 3.562,54 euros la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la banque HSBC, agence de Caluire, par procès-verbal du 17 avril 2019 de Maître M., huissier de justice à Lyon,
En conséquence, donne mainlevée du surplus de la saisie,
Renvoie M. G. à faire établir par l'huissier de justice un décompte précis des dépens exposés dans les précédentes procédures, des frais de ses actes et du calcul des intérêts légaux,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Laisse à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés.