CA Toulouse, 2e ch., 7 décembre 1994, n° 1596/93
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Ariègeoise de Production d’Electricité (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Milhet
Conseillers :
M. Bensoussan, Mme Ignacio
Avoués :
SCP Nidecker-Prieu, SCP Malet
Avocats :
Me Azam, SCP Viala
Suivant acte sous seing privé du 19 juin 1985, les consorts GENNERO ont souscrit l'achat de cent obligations de la Société ARIEGEOISE DE PRODUCTION D’ELECTRICITE (dite SAFE) et ont versé la somme de 100.000 Francs, étant précisé que les obligations souscrites pouvaient, au terme de dix ans, soit être transformées en actions soit etre achetées par ladite société.
La Société SAFE a proposé de rembourser, de manière anticipée, en 1991 le capital investi outre les intérêts versés pour l’année 1990, ce qui a été refusé par les consorts GENNERO.
La Société SAFE a, alors, assigné ces derniers à l’effet de faire juger que la convention signée le 15 juin 1990 est nulle en tant qu’elle prévoit la conversion d’obligations en actions, que l'opération se réduit à un simple prêt et qu'elle est en droit de rembourser, sans délai, la somme prêtée.
Le Tribunal de Grande Instance de FOIX a, par jugement du 29 Décembre 1992, dit que les stipulations de la convention litigieuse étaient nulles en ce qu’elles prévoyaient l’émission d’obligations convertibles en actions, que la convention liant les parties prouve l’existence d'un prêt de 100.000 Francs au taux de 14 % remboursable au 1er Janvier 1985 sans faculté de paiement par anticipation et dit que la Société SAFE était jusqu'au 1er Janvier 1995 mal fondée à faire des offres réelles de paiement du capital restant.
Les consorts GENNERO ont régulièrement interjeté appel de cette décision en considérant que la convention du 15 Juin 1985 faisait la loi des parties et ne pouvait être arguée de nullité à l'initiative de la Société SAFE (et ce par application des articles 1844-15 et 1844-16 du Code Civil), et que compte tenu du terme de cette convention il ne leur appartient pas, en I’état, d’opter pour le remboursement de leur prêt ou la conversion en actions des obligations dont il sont titulaires et en concluant à l‘octroi de la somme de 8.000 Francs au titre des frais irrépétibles.
Les appelants (qui ont déclaré à l'audience ne pas maintenir l'exception d’incompétence qu’ils avaient soulevée devant les premiers juges) font valoir que la société intimée est irrecevable à se prévaloir de la nullité de la convention (dès lors que l’action en nullité se prescrit par trois ans et que ni la société, ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l’égard de tiers de bonne foi) et qu'il ne saurait être sérieusement dénié qu’un terme de 10 ans à compter de la souscription était convenu entre les parties.
La Société SAFE demande à la Cour, par appel incident, de dire qu'elle a offert à bon droit le remboursement, en novembre 1991 des sommes empruntées et de lui allouer la somme de 25.000 Francs à titre de dommages-intérêts outre celle de 5.000 Francs au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient que la convention, qui prévoit la convertibilité d’obligations, est nulle par application de l'article 198 de la Loi du 24 Juillet 1966, que les textes visés par les appelants ne sont pas, ici, applicable s’agissant de la nullité d’une convention de prêt indépendante des règles de constitution de la société, et que cette convention est ambiguë et permet le remboursement à toute époque.
SUR QUOI, LA COUR
Attendu, sur la nullité, que la Société SAFE est une société anonyme et que l'émission d’obligations convertibles est soumise à diverses conditions et formalités prévues par les articles 195 et suivants de la loi du 24 Juillet 1966 ;
Attendu, notamment, que seule l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires à compétence pour autoriser une telle émission sur rapport du conseil d’administration et sur rapport spécial du commissaire aux comptes relatif aux bases de conversion proposées et que le contrat d’émission doit indiquer les conditions et les bases de la conversion ;
Or, attendu qu'il n’est pas justifié, en I‘espèce, du respect de ces conditions et formalités ;
Que les décisions prises en violation des dispositions susvisées sont nulles conformément à l’article 198 de ladite loi et que s’agissant d’une nullité absolue (sanctionnant la méconnaissance de règles d’ordre public) celle-ci peut être invoquée par tout intéressé, et notamment la personne morale concernée ;
Que les premiers Juges ont, donc, décidé, à juste raison, que les stipulations de la convention litigieuse étaient nulles en ce qu’elles prévoyaient l'émission d'obligations convertibles en actions, étant relevé que les dispositions des articles 1844-15 et 1844-16 (invoquées par les appelants) et qui sont relatives à la sanction des règles de constitution des sociétés ne sont pas, ici, applicables ;
Attendu, sur la possibilité d’un remboursement anticipé, que la convention du 15 Juin 1985 liant les parties peut être analysée, compte tenu de la nullité susvisé, en un prêt de 100.000 Francs stipulé remboursable au bout de dix ans au taux fixé contractuellement ;
Qu’aucune clause ne prévoit la possibilité d'un remboursement anticipé et que les appelants sont fondés à opposer le terme prévu conventionnellement, soit dix ans ;
Que la décision déférée est donc, en voie de confirmation ;
Que I‘intimée, qui ne justifie d’aucun préjudice, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Que l’équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que les appelants, qui succombent, supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Reçoit, en la forme, l'appel jugé régulier ;
Confirme la décision déférée ;
Y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu a l’application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, non plus qu’à dommages-intérêts ;
Condamne les consorts GENNERO aux dépens d’appel.