Cass. 2e civ., 2 février 2023, n° 20-10.129
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Vendryes
Avocat général :
Mme Trassoudaine-Verger
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 novembre 2019), se prévalant d'une créance à l'encontre de la société Dream Aircraft Limited, en exécution d'un contrat portant sur des travaux d'aménagement d'un aéronef, la société EH Aviation Advisors a saisi un juge de l'exécution d'une requête à fin de saisie conservatoire de cet aéronef, propriété de la société Yuntian 10 Leasing Company, stationné à l'aéroport de [4].
2. Par ordonnances du 29 août 2019 et du 30 septembre 2019 confirmées par l'arrêt attaqué, ce juge de l'exécution a rejeté cette requête.
3. Par arrêt du 3 mars 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi formé contre cet arrêt jusqu'au prononcé de la décision du Conseil d'Etat, saisi d'une question préjudicielle dans le pourvoi n° 21-17.459.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. La société EH Aviation Advisors fait grief à l'arrêt de confirmer les ordonnances des 29 août et 30 septembre 2019 du juge de l'exécution du tribunal d'instance de Mulhouse en ce qu'elles ont rejeté sa demande afin d'être autorisée à procéder à la saisie conservatoire d'un aéronef stationné dans l'enceinte de l'aéroport de [4], alors :
« 1°/ que les saisies d'aéronef sont régies par les seules dispositions légales du code des transports et les dispositions réglementaires du code de l'aviation civile à l'exclusion des dispositions du code des procédures civiles d'exécution ; qu'il résulte de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile que lorsque le propriétaire de l'aéronef n'est pas domicilié en France ou que l'aéronef est de nationalité étrangère, tout créancier a le droit de pratiquer une saisie-conservatoire avec l'autorisation du juge du tribunal judiciaire du lieu où l'appareil a atterri, aucune disposition du code de l'aviation civile n'exigeant que le bien saisi appartienne au débiteur dès lors qu'il se trouve entre les mains de ce dernier ; qu'en affirmant que les dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile « ne dérogent pas » à celles de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'elles prévoient que la saisie conservatoire ne peut porter que sur les biens du débiteur et non sur ceux d'un tiers, de sorte qu'une saisie conservatoire ne pouvait être exercée sur l'aéronef litigieux qui appartenait à un tiers et qui ne garantissait pas la dette du débiteur, la cour d'appel a violé l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile, ensemble l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que les dispositions du code de l'aviation civile relatives aux saisies d'aéronef ne posent aucune condition tenant à la propriété du bien ni aux modalités de transfert de cette propriété à un tiers ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, qu'il n'est pas démontré que le transfert des droits de propriété au profit de la société Yuntian 10 Leasing Company s'était opéré dans le cadre d'un crédit-bail financier souscrit avec cette dernière, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a dès lors privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile, ensemble de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
6. D'une part, sur question préjudicielle posée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation portant sur la légalité des dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile au regard des dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, du 3° de l'article L. 721-7 du code de commerce et des articles L. 511-2 et L. 511-3 du code des procédures civiles d'exécution, le Conseil d'Etat a, par décision du 14 octobre 2022, jugé que les dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile, dans leur version applicable au litige, ne doivent être déclarées illégales qu'en tant qu'elles désignent le juge d'instance du lieu où l'appareil a atterri comme juge compétent pour autoriser la saisie conservatoire des aéronefs de nationalité étrangère ou dont le propriétaire n'est pas domicilié en France.
7. D'autre part, il résulte des articles L. 241-1 et R. 241-1 du code des procédures civiles d'exécution que les dispositions particulières concernant les saisies d'aéronefs sont régies par le code des transports et par le code de l'aviation civile.
8. Les dispositions, générales, du code des procédures civiles d'exécution s'appliquent à défaut de disposition particulière dans les codes des transports et de l'aviation civile.
9. C'est en conséquence à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, en ce qu'il prévoit que la saisie conservatoire ne peut porter que sur les biens du débiteur, et non sur ceux d'un tiers, était applicable à la saisie sollicitée par la société EH Aviation Advisors, les dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile n'y dérogeant pas.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.