Cass. 3e civ., 24 mars 2015, n° 14-13.512
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 10 octobre 2013), que la société Duho immobilier (société Duho) a confié à la société Jean-Luc X... (société X...) une mission de maîtrise d'oeuvre ; que les travaux ont été acceptés avec réserves ; que se plaignant d'un retard de livraison et de désordres, la société Duho a assigné la société X... en indemnisation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Duho fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en remboursement des honoraires versés et en paiement d'indemnités de retard et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses dernières conclusions d'appel, la société Duho reprochait notamment à la société X... de n'avoir pas établi de calendrier ni de décompte de pénalités de retard, ainsi que le cahier des charges du marché en faisait pourtant l'obligation, l'empêchant ainsi de recouvrer ces pénalités auprès des entreprises ayant travaillé sur le chantier ; qu'en laissant ce moyen sans réponse, la cour d'appel a entaché leur décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que dès lors que les délais convenus entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre pour la réalisation d'un chantier ont été dépassés, il appartient au maître d'oeuvre, tenu par ces délais, d'établir que la cause du retard ne lui est pas imputable ; qu'à défaut, le maître d'oeuvre répond du retard pris par le chantier dont il assurait la direction ; qu'en affirmant en l'espèce que la société Duho, maître de l'ouvrage, supportait la charge d'établir que les retards pris par le chantier étaient effectivement imputables à la société X..., maître d'oeuvre, les juges du fond ont inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
3°/ que le maître d'oeuvre est tenu d'une obligation de résultat d'achever les travaux à la date arrêtée d'un commun accord avec le maître de l'ouvrage ; qu'il ne peut s'exonérer de cette responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère de force majeure ou d'une faute du maître de l'ouvrage ; qu'en retenant en l'espèce que les circonstances invoquées par la société X... pour justifier son retard suffisaient à l'exonérer de toute responsabilité sans constater qu'elles constituaient un cas de force majeure ou qu'elles traduisaient une faute de la société Duho, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
4°/ que font naître un doute légitime sur leur impartialité les juges qui lient leur motivation au rappel des moyens de l'une des parties sans qu'il soit possible de distinguer ce qui appartient en propre à cette partie et ce qui relève des motifs de la décision ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'action en remboursement des honoraires et en versement de dommages-intérêts, les juges du fond ont entièrement mêlé leurs motifs au rappel des objections formulées par la société X... ; qu'en procédant de la sorte, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, que, dès lors que la cour d'appel a motivé sa décision, il importe peu que ses motifs soient, sur certains points, la reproduction littérale des conclusions de la société Duho ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société Duho ne contestait pas les circonstances invoquées par la société X... qui expliquait que les services administratifs avaient bloqué le chantier en raison de fouilles archéologiques, que le terrain avait dû ensuite être remblayé pendant une période d'intempéries, et que la société Duho avait imposé des travaux supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas constaté la stipulation contractuelle de pénalités de retard dans le contrat conclu entre la société Duho et la société X..., et qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir sans inverser la charge de la preuve, que la preuve de retards d'exécution imputables à la société X... n'était pas établie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Duho à verser à la société X... la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient une multiplication des procédures judiciaires infondées introduites à l'égard de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever l'existence de faits susceptibles de caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Duho à verser à la société X... la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 10 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande de dommages-intérêts de la société X...