Livv
Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 27 janvier 2020, n° 19/00909

COLMAR

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Decottignies

JEX Strasbourg, du 30 janv. 2019

30 janvier 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les époux N. ont acquis en l'état futur d'achèvement de la société civile de construction vente Villa Marie-Thérèse un appartement de grand standing à Strasbourg.

Par acte signifié le 4 octobre 2017, ils ont assigné cette société , la société maître d'œuvre et divers autres constructeurs devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en faisant valoir l'existence de désordres et malfaçons de nature décennale.

Par requête du 2 Mai 2018, ils ont saisi le juge l'exécution de Strasbourg d'une demande dirigée contre Monsieur Jacques B. et M. Guy B. , associés de la société civile de construction vente Villa Marie-Thérèse, aux fins de se voir autoriser à procéder à l' inscription d'une hypothèque judiciaire conservatoire sur les biens immobiliers de Monsieur Jacques B. et ou de M. Guy B. sis à [...] et a pratiqué un certain nombre de saisis conservatoires, en garantie de la somme de 321'680,48 euros due par la société.

Par ordonnance du 9 mai 2018, le juge de l'exécution de Strasbourg a autorisé les époux N. à procéder à l'inscription d'une hypothèque judiciaire conservatoire sur les biens immobiliers des consorts B. ainsi qu'à la mise en oeuvre de différentes saisies conservatoires et nantissement judiciaire provisoire en garantie d'une somme fixée à la somme de 160'000 € pour chacun des débiteurs.

En exécution de cette ordonnance, les époux N. ont fait pratiquer une saisie conservatoire des créances détenues par la BNP Cannes pour le compte de Monsieur Jacques B..

Cette saisie conservatoire a été dénoncée au débiteur le 8 août 2018 et il en a demandé la mainlevée au juge de l'exécution de Strasbourg.

Par jugement du 30 janvier 2019, le juge de l'exécution de Strasbourg a :

Dit que le juge l'exécution de Strasbourg n'avait pas compétence pour autoriser la saisie conservatoire considérée,

Ordonné de ce chef la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 3 août 2018 sur les comptes bancaires de Monsieur Jacques B. ouvert auprès de la SA BNP Cannes pour 94'573,22 euros,

Condamné les consorts N. à payer à Monsieur Jacques B. la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné les consorts N. aux dépens,

Rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a rappelé les dispositions de l'article R511-2 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoient que le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur.

Les époux N. ont, le 18 février 2019, interjeté appel à l'encontre de cette décision qui leur avait été notifiée le 6 février 2019.

M. N. Francis est décédé et l'instance a été poursuivie par sa veuve Viviane N. et ses enfants Lorraine N. et Marie-Charlotte R..

Par dernières écritures notifiées le 15 novembre 2019, ils ont conclu à l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que le juge l'exécution n'avait pas compétence pour autoriser la saisie conservatoire considérée, en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 3 août 2018 et en ce qu'elle les a condamnés à payer à l'adversaire la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de juger l'assignation de Monsieur Jacques B. irrecevable et mal fondée, de confirmer l'ordonnance du 9 mai 2018 dans toutes ses dispositions, de débouter Monsieur Jacques B. de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens et à leur payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures notifiées le 16 août 2019, Monsieur Jacques B. a conclu à la confirmation de la décision entreprise et sollicité la condamnation de la partie adverse aux dépens et à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 9 mai 2019, l'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile et la clôture a été prononcée à l'audience des plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile.

À titre liminaire il convient de relever que si les consorts N. concluent à l'irrecevabilité de l’assignation, il ne propose aucune argumentation ou moyen au soutien de leur prétention, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer de ce chef.

*

En vertu de l'article R511-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le domicile du débiteur M. Jacques B., se situe à Cannes dans le sud de la France et non dans le ressort du tribunal de Strasbourg.

Les consorts N. ne peuvent se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation énoncant, d'après eux, que si le débiteur possède plusieurs immeubles situés dans des circonscriptions judiciaires différentes, tout juge de l'exécution dans le ressort duquel est situé l'un des immeubles du débiteur serait compétent pour autoriser la mesure même si certains des biens sur lesquels celle-ci va porter sont situés dans un autre ressort.

La saisie pratiquée n'est pas une saisie immobilière mais une saisie d'un compte bancaire.

Au surplus, l'arrêt cité, soit celui de la deuxième chambre civile du 9 novembre 2006, n°04-19138 énonce que la compétence attribuée au juge du domicile du débiteur par l'article 211 du décret du 31 juillet 1992 n'est pas exclusive de l'application de l'article 9 alinéa 2 du même décret, dont les dispositions d'ordre public donnent compétence au juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure lorsque le débiteur demeure à l'étranger.

Cette jurisprudence n'est donc pas transposable au cas d'espèce puisque le débiteur saisi n'est pas domicilié à l'étranger mais à Cannes, Alpes Maritimes, France.

Par ailleurs, l'invocation par les consorts N. de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile suivant lequel « s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux’ » est sans emport en la matière d'une part parce que la saisie litigieuse concerne un compte bancaire propre au seul Monsieur Jacques B. et en raison du fait que les règles de compétence en matière d'exécution sont d'ordre public.

Force est donc de constater que le juge de l'exécution a fait une exacte application de la règle de droit aux faits de l'espèce en retenant que le juge de l'exécution de Strasbourg n'avait pas compétence territoriale pour statuer sur les demandes d'autorisation formées par les époux N. aux fins de se voir autoriser à pratiquer diverses saisies conservatoires au préjudice de Monsieur Jacques B..

La décision doit donc être confirmée en ce qu'elle a dit que le juge l'exécution n'était pas compétent territorialement pour autoriser la saisie conservatoire contestée et en a ordonné la mainlevée.

Les dispositions du jugement déféré concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie perdante à hauteur de cour, les consorts N. seront condamnés aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie qu'il soit dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

DÉBOUTE les consorts N. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que l'équité justifie n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur B.,

CONDAMNE les consorts N. aux dépens.