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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1 et 9, 20 octobre 2022, n° 21/08378

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Riccobono Presse Investissement (SAS)

Défendeur :

MJA (Selafa)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thomassin

Conseillers :

Mme Pochic, Mme Tarin-Testot

Avocats :

Me Cherfils, Me Morel, Me Laydevant, Me Couraud

T. com d'Aix-en-Provence, du 17 mai 2021…

17 mai 2021

Faits, procédure et prétentions des parties

Ainsi qu'énoncé par l'ordonnance dont appel rendue le 17 mai 2021 par le président du tribunal de commerce d'Aix en Provence, la société Riccobono Presse Investissement, ci-après dénommée la RPI, spécialisée dans les solutions d'impression et d'édition a conclu le 1er décembre 2017, un contrat d'édition avec la SA Turf Editions, spécialisée dans la presse hippique, pour une durée de cinq ans.

Le 26 mai 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire des sociétés du groupe [Localité 5] Turf, dont la SA Turf Editions, désigné deux co-administrateurs judiciaires et, Me [T] [F] ainsi que la SELAFA MJA en qualité de mandataires judiciaires.

Les administrateurs judiciaires et la RPI ont convenu le 29 mai 2020 de poursuivre le contrat selon les modalités suivantes :

- paiement pour la semaine 21 de la somme de 141 428,56 euros TTC,

- factures à émettre pour les semaines suivantes d'un montant de 150 000 euros HT payables à J+2,

- versement d'un dépôt de garantie de 150 000 euros.

Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté le plan de cession de la SA Turf Editions au profit de la société NJJ Presse et prononcé sa liquidation judiciaire, Me [F] et la SELAFA MJA étant désignés en qualité de liquidateurs judiciaires.

Le 10 juillet 2020, la RPI a déclaré sa créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure.

Se prévalant d'une créance postérieure privilégiée, elle a saisi le président du tribunal de commerce d'Aix en Provence, lieu du siège social de la SA Turf Editions d'une requête en saisie conservatoire à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 10 août 2020 l'autorisant à faire pratiquer une saisie conservatoire des comptes ouverts au nom de la société Turf Editions dans les livres des banques Themis et Delubac & Cie ainsi que sur l'ensemble des sommes, objets quelconques, deniers, titres et valeurs détenus pour le compte de la dite société par maître [F] ou la SELAFA MJA es qualités de liquidateur de cette société, ce pour avoir garantie de sa créance postérieure au jugement d'ouverture, d'un montant de 357 988,50 euros en principal, intérêts et frais.

Les banques Themis et Delubac & Cie ont déclaré à l'huissier instrumentaire, pour la première, que le compte de la société Turf Editions était clos, pour la seconde, l'absence de compte.

La société RPI a fait procéder le 4 septembre 2020 à la saisie conservatoire entre les mains de la SELAFA MJA et Maître [F].

Parallèlement, par exploits du18 septembre 2020 elle a fait assigner au fond maître [F] et la SELAFA MJA en leur qualité de liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société Turf Editions devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence pour faire constater la réalité de sa créance et condamner ces derniers à paiement.

Le 18 février 2021, ces co-liquidateurs ont saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny d'une demande de mainlevée de la saisie conservatoire autorisée.

Le même jour, par assignation en référé ils ont saisi le président du tribunal de commerce d'Aix en Provence en rétractation de l'ordonnance sur requête aux fins de saisie conservatoire, en date du 10 août 2020.

Par ordonnance de référé du 17 mai 2021 le président du tribunal de commerce a :

' déclaré recevables les demandes de maître [F] et la SELAFA MJA en leur qualité de liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société Turf Editions ;

' rétracté en toutes ses dispositions l'ordonnance du 10 août 2020, autorisant la société RPI à

faire pratiquer une saisie conservatoire sur l'ensemble des comptes ouverts dans les livres de la banque Themis et de la banque Deluzac & Cie, pour un montant de 355 000 euros outre les intérêts, et sur l'ensemble des sommes, objets quelconques, deniers, titres et valeurs détenus par maître [F] et la SELAFA MJA ès-qualités, pour un montant de 355 000 euros outre les intérêts ;

' dit en conséquence nuls et nul effet tous les actes subséquents à l'ordonnance rétractée ;

' débouté la société RPI la société de toutes ses demandes ;

' dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

' condamné la société RPI aux dépens.

Le premier juge énonce en ses motifs, au visa des articles 496 et 497 du code de procédure civile qu'il est saisi en tant que le juge de la rétractation, qui doit être le même que celui qui a rendu l'ordonnance sur requête, et non pas le juge des référés stricto sensu, ainsi que l'assignation le désigne sans ambiguïté, l'objet étant une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de commerce d'Aix en Provence.

Après rappel des dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce il retient que la société Turf Editions s'est trouvée privée à compter du 30 juin 2020, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire, du droit et de la qualité pour agir ou défendre en justice, et ne pouvait, dès cette date, être considérée comme débiteur, ajoutant que la RPI avait d'ailleurs dans sa requête, dirigé la demande de mesure conservatoire à l'encontre de Maître [F] et la SELAFA MJA, (domiciliés à Bobigny) en leur qualité de liquidateurs de la société Turf Editions et qu'ainsi le juge compétent pour ordonner une telle mesure ne pouvait être que celui du ressort du siège social où sont domiciliés ces mandataires judiciaires, à savoir le président du tribunal de commerce de Bobigny .

La RIP a interjeté appel de cette décision, dans les quinze jours de sa signification, par déclaration du 4 juin 2021mentionnant l'ensemble des chefs du dispositif de l'ordonnance.

Par écritures notifiées le 9 décembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la RPI demande à la cour au visa des articles L 511-1 et suivants, R 511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de l'article L. 622-21 du code de commerce de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

A titre principal

- déclarer irrecevables les demandes de maître [F] et la SELAFA MJA ès-qualités, le juge des référés n'étant pas compétent pour connaître des demandes ;

A titre subsidiaire

- dire et juger que le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence était compétent pour autoriser la saisie conservatoire sollicitée par la société RPI ;

- dire et juger que la créance de RPI est fondée en son principe et que des circonstances évidentes en menacent le recouvrement, au regard de la liquidation judiciaire de la société Turf Editions

- dire et juger que c'est à bon droit que l'ordonnance du 10 août 2020 a autorisé la société RIP à pratiquer une saisie conservatoire sur l'ensemble des sommes, objets quelconques, deniers, titres et valeurs détenus par maître [F] et la SELAFA MJA prise en la personne de Me [D] ès qualités de liquidateurs judiciaires pour le compte de la société Turf Editions, pour avoir sûreté et conservation de sa créance d'un montant, à date et en principal, de 355 000 euros outre les intérêts d'un montant à date de 2 868,50 euros et les frais de recouvrement de 120 euros sur la Société Turf Editions ;

- débouter maître [F] et la SELAFA MJA prise en la personne de Me [D] ès qualités de leurs demandes ;

En tout état de cause

- les condamner ès-qualités au paiement de la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Au soutien de ses demandes elle fait valoir pour l'essentiel que :

- seul le juge des requêtes qui a rendu l'ordonnance autorisant la mesure conservatoire peut être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci, en sorte que la demande formée par maître [F] et la SELAFA MJA par « assignation en référé » devant le président du tribunal de commerce, saisi comme juge des référés, est irrecevable,

- subsidiairement en vertu de l'article R.511-2 du code des procédures civiles d'exécution le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu du domicile du débiteur, et le siège social de la société Turf Editions est situé à [Localité 3],

- si la liquidation judiciaire entraîne un dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, ce dessaisissement n'a pas pour effet d'annihiler l'existence du débiteur, dès lors que le prononcé de la liquidation judiciaire n'entraîne pas la dissolution de la personne morale débitrice, qui subsiste jusqu'au jugement prononçant la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif ou extinction du passif,

- d'autre part la compétence du tribunal qui a ouvert la procédure collective est limitée aux seules contestations nées de cette procédure et sur lesquelles cette dernière exerce une influence juridique. D'ailleurs dans le cadre de la procédure au fond qu'elle a introduite pour obtenir condamnation des liquidateurs à payer les factures, le tribunal de commerce d'Aix en Provence aux termes de son jugement du 2 novembre 2021 s'est reconnu compétent pour connaître des demandes nonobstant la liquidation judiciaire en cours,

- en matière de procédure collective, les biens du débiteur, même lorsqu'il n'est pas in bonis, peuvent faire l'objet de mesures conservatoires, tout comme les organes de la procédure, détenteurs des fonds de l'entreprise débitrice,

- les conditions tenant à l'existence d'une créance fondée en son principe et aux menaces pesant sur son recouvrement sont avérées.

Par dernières écritures notifiées par RPVA le 19 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de leurs moyens, maître [F] et la SELAFA MJA ès-qualités demandent à la cour au visa des articles 496 et 497 du code de procédure civile, L. 511-1 et R. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution, et L. 622-17, L. 622-21, L. 622-24, L. 622-26 L. 641-9, L. 641-3, L. 641-8, L. 662-1, R. 662-3, R. 814-9, du code de commerce, de :

- déclarer la société RPI tant irrecevable que mal fondée en son appel ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait que le président du tribunal de commerce d'Aix en Provence était compétent territorialement pour statuer sur la requête aux fins de saisie conservatoire présentée par la société RPI :

- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise aux motifs que la requête aux fins de saisie conservatoire et les demandes formées dans ce cadre sont irrecevables par application des dispositions d'ordre public des articles L. 622-26, L. 622-21 et L. 662-1 du Code de commerce et que les conditions fixées par l'article L. 511-1 du Code de procédure civile d'exécution n'étaient pas réunies.

En tout état de cause,

- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel ;

- déclarer en conséquence, nuls et de nul effet, tous les actes subséquents à l'ordonnance rétractée ;

- débouter la société RPI de l'intégralité de ses demandes ;

- la condamner au paiement de la somme de 15 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Claude Vaudano avocat, aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A cet effet elles soutiennent en substance que :

- la mention « en référé » dans l'acte de saisine du premier juge référence au référé rétractation instauré par les dispositions des articles 496 et 497 du code de procédure civile, les demandes de rétractation étant nécessairement placées à des audiences de référé, que les termes de l'assignation sont d'ailleurs sans ambiguïté sur ce point ;

- il ne peut être soutenu que le juge territorialement compétent pour ordonner une mesure conservatoire était celui du siège social de la société Turf Editions, les liquidateurs judiciaires, domiciliés dans le ressort du tribunal de commerce de Bobigny, étant seuls susceptible du fait du dessaisissement de la débitrice, d'exercer ses droits et actions dans le cadre d'une action de nature patrimoniale, l'absence de dissolution de la personne morale ne contrevenant aucunement à la règle d'ordre public du dessaisissement,

- la société Turf Editions ne pouvait être considérée comme le débiteur au sens notamment des dispositions de l'article R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- d'autre part l'ordonnance autorisant la mesure conservatoire a été rendue au mépris des dispositions de l'article L.662-1 du code de commerce qui dispose qu'aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit ne peut être faite sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations et alors que l'article L. 641-18 du même code imposent au liquidateur judiciaire d'avoir à verser l'intégralité des sommes perçues, sans délai, sur un compte de dépôt ouvert à la Caisse des dépôts et consignations et que selon l'article R. 814-39 du même code, les sommes disponibles déposées sur les comptes bancaires ouverts au nom du débiteur doivent être versées également à la Caisse des dépôts et consignations, au plus tard dans les 15 jours du prononcé du jugement arrêtant le plan de cession.

- par ailleurs la société RPI qui ne produit aucun élément sur la fourniture de ses prestations postérieurement au 22 juin 2020 ne peut se prévaloir d'une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture et n'a pas déclaré cette créance postérieure non-privilégiée en conséquence inopposable à la procédure,

- s'il devait considérer que cette créance postérieure non privilégiée n'était pas soumise à l'obligation de déclaration, les dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce qui prévoient l'arrêt des poursuites individuelles et l'arrêt des voies d'exécution sont applicables,

- enfin la société RPI ne justifie pas par les pièces qu'elle produit, d'une créance fondée en son principe pas plus que d'une menace dans son recouvrement, alors notamment que la société Turf Editions avait été placée en liquidation judiciaire avant le dépôt de la requête.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 24 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe à titre liminaire que les intimés qui demandent de déclarer la société RPI irrecevable en son appel n'invoquent aucun moyen au soutien de cette fin de non recevoir et qu'il ressort des pièces du dossier que l'appel a été interjeté dans les formes et délais requis.

Sur la recevabilité de la demande de rétractation :

Selon les dispositions de l'article L.511-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire est donnée par le juge de l'exécution. «Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale. »

L'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que « s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. »

En l'espèce le référé -rétractation, distinct du référé de droit commun, a bien été porté, non pas devant le juge des référés ordinaires du tribunal de commerce, mais devant le président de cette juridiction qui avait fait droit à la requête, régulièrement saisi en référé rétractation ainsi qu'il ressort expressément des termes de l'assignation délivrée par maître [F] et la SELAFA MJA.

C'est donc a bon droit que le premier juge a déclaré recevable la demande en rétractation.

Sur la compétence territoriale :

Selon l'article R.511-2 du code des procédures civiles d'exécution « Le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur. »

L'article R.511-3 prévoit que « Toute clause contraire aux articles L. 511-3 ou R. 511-2 est réputée non avenue. Le juge saisi doit relever d'office son incompétence. »

Le domicile d'une personne morale s'entend du lieu de son siège social et en l'espèce, il n'est pas discuté que le siège social de la SA Turf Editions est situé dans le ressort du tribunal de commerce d'Aix en Provence.

Si en vertu de l'article L.641-9 du code de commerce, dont se prévalent les intimés, le jugement de liquidation judiciaire emporte, à compter de sa date, dessaisissement du débiteur de ses droits et actions qui sont exercés par le liquidateur, ce dessaisissement n'a pas pour effet , ainsi que le rappelle à juste titre l'appelante, d'annihiler l'existence du débiteur, ou d'opérer une assimilation du liquidateur au débiteur.

Il convient de rappeler que l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 a modifié les dispositions de l'article 1844-7-7° du code civil en prévoyant la dissolution de la société à compter de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif uniquement, et a supprimé dans l'article L.641-9 du code de commerce la disposition qui prévoyait que « le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l'entreprise ou du mandataire désigné ».

Le moyen tiré de ce qu'il appartient seul au liquidateur de traiter pour le compte de la société en liquidation judiciaire qu'il représente, les créances postérieures au jugement d'ouverture ,est sans incidence sur la qualité de débitrice des factures invoquées, la SA Turf Editions, résultant de la continuation pendant la période d'observation, du contrat d'impression liant les parties.

D'autre part, la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective, prévue par l'article R. 662-3du code de commerce, ne concerne que les contestations nées de cette procédure ou sur

lesquelles elle exerce une influence juridique, tel n'est pas le cas de la contestation d'une saisie conservatoire quand bien même la juridiction saisie de la contestation, est amenée pour la trancher, à faire application des règles de la procédure collective pour examiner les conditions de la représentation à l'instance de la société débitrice ou le caractère saisissable des sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations.

Dans ces conditions, c'est à tort que le président du tribunal de commerce d'Aix en Provence, saisi en rétractation de l'ordonnance sur requête, a dénié sa compétence territoriale pour ordonner la saisie conservatoire querellée.

Sur la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête :

La RPI, qui se prévaut d'une créance postérieure privilégiée, rappelle qu'elle bénéficie du droit d'être payée à échéance, et à défaut peut dans l'exercice de son droit de poursuite individuelle, obtenir un titre exécutoire et le faire exécuter indépendamment de l'ordre dans lequel s'exercent les privilèges, ne peut cependant être autorisée à saisir conservatoirement les comptes bancaires de la SA Turf et les sommes détenues pour le compte de celle-ci entre les mains du liquidateur.

En effet, ainsi que l'objectent à juste titre les intimés, le liquidateur, en vertu de l'article L.641-8 du code de commerce, a l'obligation, sous peine de sanction pécuniaire, de verser immédiatement à la Caisse des dépôts et consignations toutes les sommes qu'il perçoit dans l'exercice de sa mission, et selon l'article L.662-1 du même code aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit n'est recevable sur les sommes versées à cette Caisse.

Il s'ensuit l'insaisissabilité des sommes obligatoirement et immédiatement versées auprès de la Caisse par le liquidateur, qui échappent aux poursuites individuelles des créanciers postérieurs, et sont affectées au règlement des créanciers selon leur rang (Cass.com., 22 mai 2007, n° 05-21.936).

Ce principe d'insaisissabilité avait d'ailleurs était rappelé par la SELAFA MJA, qui a déclaré à l'huissier instrumentaire, en joignant un extrait de compte CDC :« nous vous informons, en notre qualité de co-liquidateur de la société Turf Editions, que nous détenons à la date de la signification du procès verbal de saisie conservatoire, une somme de 868 011,75 euros correspondant au solde du compte de la Caisse des dépôts et consignations. Nous ne détenons aucune autre créance à cette date du 4 septembre 2020. Nous vous rappelons que les sommes détenues dans le cadre du mandat relatif à la société Turf Editions et figurant dans les livres de Caisse des dépôts et consignations sont insaisissables conformément aux dispositions de l'article L.66- [ en réalité L.662-1] du code de commerce, y compris pour les créances postérieures (...). Compte tenu de ces dispositions d'ordre public nous vous remercions de bien vouloir donner mainlevée de la saisie conservatoire que vous nous avez signifiée. A défaut nous serons contraints de solliciter la mainlevée et/ou la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé cette saisie conservatoire ».

Il s'ensuit, par substitution de motifs, la confirmation de l'ordonnance entreprise.

La société RPI partie perdante supportera les dépens d'appel.

Aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SAS Riccobono Presse Investissement aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.